LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ;
Attendu que, sauf lorsque soit les lois, règlements ou usages en vigueur dans l'Etat où l'acte est produit, soit une entente entre deux ou plusieurs Etats contractants l'écartent, la simplifient ou dispensent l'acte de légalisation, les actes publics qui ont été établis sur le territoire d'un Etat contractant et qui doivent être produits sur le territoire d'un autre Etat contractant, doivent être revêtus de l'apostille, délivrée par l'autorité compétente de l'Etat d'où émane le document ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un certificat de nationalité française a été délivré à Mme F... I..., née le [...] à Cape Town (Afrique du Sud), sur le fondement de l'article 18 du code civil, en sa qualité de fille de M. J... I..., de nationalité française ; qu'estimant que ce certificat avait été délivré de manière erronée, l'acte de naissance produit ne pouvant être tenu pour probant en l'absence d'apostille, le ministère public a saisi le tribunal de grande instance d'une demande tendant à faire constater l'extranéité de Mme I... ;
Attendu que, pour rejeter la demande et dire Mme I... française, l'arrêt relève, d'abord, que l'article 47 du code civil ne soumet pas la validité d'un acte de l'état civil étranger à sa légalisation ; qu'il énonce, ensuite, que l'acte de naissance produit à l'appui de la demande de certificat de nationalité a fait l'objet d'une authentification dont le ministère public ne démontre pas, même si ses modalités et son auteur sont inconnus, qu'elle serait sans valeur ; qu'il retient, enfin, que la filiation de l'intéressée avec un père français, est corroborée par des éléments concordants, extérieurs à l'acte de naissance ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que cet acte, établi par l'autorité sud-africaine, n'était pas revêtu de l'apostille, de sorte qu'il ne pouvait produire effet en France, la cour d'appel a violé les dispositions de la Convention susvisée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate que la formalité de l'article 1043 du code de procédure civile a été observée, l'arrêt rendu le 12 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme I... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Douai.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris qui avait débouté le ministère public de ses demandes et dit que l'intéressée était française,
Aux motifs que "Aux termes de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause; toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.
La charge de la preuve incombe donc en l'espèce au ministère public. (. ..)
L'article 47 ne conditionne pas la validité d'un acte à sa légalisation.
Il est toutefois admis que les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France doivent, au préalable, selon la coutume internationale et sauf convention contraire, être légalisés pour y produire effet.
La Convention de La Haye du 5 octobre 1961, entrée en vigueur le 24 janvier 1965 en France et à laquelle l'Afrique du Sud a adhéré, a remplacé la procédure de légalisation des actes d'état civil émanant des Etats parties à la Convention par la formalité de l'apostille.
Lesdits actes peuvent donc être produits devant les autorités de chacun de ces Etats sans être légalisés dès lors qu'ils sont revêtus de l'apostille.
Il est exact que la copie de l'acte de naissance d'F... I... produite par celle-ci n'est pas revêtue de l'apostille.
Cependant, la légalisation (ou apposition de l'apostille) est une formalité destinée à attester de l'authenticité de l'acte présenté et relève des autorités de l'Etat dans lequel a été établi l'acte.
Or il ressort du certificat de nationalité contesté que celui-ci a été délivré au vu d'un certain nombre de pièces parmi lesquelles:
-l'acte de naissance étranger de l'intéressée,
-l'authentification de l'acte de naissance de l'intéressée.
Certes les modalités et l'auteur de cette authentification ne sont pas précisées et le ministère public expose que la levée d'acte demandée par un greffier en chef dépend du bon vouloir des autorités locales et que, si celles-ci sont complaisantes ou si si un acte a été frauduleusement ajouté à un registre non clôturé, l'authentification est sans valeur.
Mais le ministère public ne fait pas état de circonstances particulières qui pourraient laisser penser que l'on se trouve dans l'un de ces cas de figure.
Il mentionne lui-même que les copies de son acte de naissance produites par Mme F... I... pour la demande de délivrance d'un certificat de nationalité française et en première instance sont identiques.
Alors que selon l'article 311-14 du code civil, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance, il ne produit aucune pièce démontrant que la seule désignation, dans l'acte de naissance d 'F... I..., de J... I... comme étant son père soit insuffisante pour établir sa filiation au regard de la loi sud-africaine qui était la loi de sa mère.
Il ne démontre pas davantage, pour reprendre les termes de l'article 47 du code civil, que cet acte n'a pas été rédigé dans les formes usitées dans ce pays ni ne fait état d'autres actes ou pièces détenus, de données extérieures ou d'éléments tirés de l'acte lui-même établissant, après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Loin d'être contredits par des données extérieures, ces faits, à savoir la filiation attribuée à F... I..., sont confortés:
-par le mariage, célébré le 7 janvier 1993 à Cape Town, de J... I... et de Y... L..., mentionnés comme étant les parents de l'intéressée dans son acte de naissance,
-par la possession d'état d'enfant de J... I... dont peut se prévaloir F... I..., parfaitement caractérisée par les premiers juges par une motivation, à laquelle la cour renvoie, reposant sur de très nombreux éléments, même si, faute d'avoir été constatée avant la majorité de l'intéressée par un certificat de notoriété, elle ne peut, à elle seule, influer sur sa nationalité (article 20-1 du code civil).
On ne peut, à cet égard, discuter la pertinence de l'observation de l'intimée selon laquelle, en l'absence de toute contestation de sa nationalité pendant sa minorité, elle-même ou ses parents n'avaient pas de raison de faire alors établir sa possession d'état (...).
Ces considérations permettent de tenir pour établie la filiation de Mme F... I... à l'égard de J... I... (...).
Le ministère public, qui ne conteste pas seulement la délivrance d'un certificat de nationalité à Mme F... I... mais demande à la cour de juger que celle-ci n'est pas française, n'apporte pas la preuve de ce que Mme F... I..., précisément, n'est pas française ".
Alors que les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France doivent au préalable, sauf convention contraire, impérativement être légalisés ou apostillés pour y produire effet; que l'apostille ne saurait remplacée par une "authentification" de l'acte; qu'en estimant que "l'authentification" de l'acte de naissance de Mme I... visée dans le certificat de nationalité française qui lui a délivré pouvait remplacer l'apostille, la cour d'appel a violé ensemble la coutume internationale et la Convention de la Haye du 5 octobre 1961.