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06/06/2019 | FRANCE | N°18-12699

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 06 juin 2019, 18-12699


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyens réunis, ci-après annexés :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 novembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (3ème Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-25.089), que M. et Mme N..., propriétaires d'un terrain bâti, ont assigné les consorts D..., propriétaires d'une parcelle voisine, en reconnaissance d'une servitude de passage, en invoquant le bénéfice de la prescription acquisitive et, subsidiairement, un état d'enclave ;

Attendu

que M. et Mme N... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes fo...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyens réunis, ci-après annexés :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 novembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (3ème Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-25.089), que M. et Mme N..., propriétaires d'un terrain bâti, ont assigné les consorts D..., propriétaires d'une parcelle voisine, en reconnaissance d'une servitude de passage, en invoquant le bénéfice de la prescription acquisitive et, subsidiairement, un état d'enclave ;

Attendu que M. et Mme N... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes fondées sur l'état d'enclave ;

Mais attendu que répondant, sans modifier l'objet du litige, à un moyen dont elle était saisie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'user de la faculté, prévue à l'article 332, alinéa 1er, du code de procédure civile, d'inviter les parties à mettre en cause les personnes dont la présence lui paraissait nécessaire à la solution du litige, a souverainement retenu qu'il n'était pas démontré que le passage sur la propriété des consorts D... était le plus court, après avoir constaté que d'autres parcelles, dont les propriétaires n'avaient pas été mis en cause, permettaient d'accéder à la voie publique, de sorte qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme N... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme N... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. et Mme N....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de désenclavement du fonds N... cadastré section [...] selon le tracé de l'assiette de la servitude constituée par le chemin goudronné traversant les parcelles appartenant aux consorts D... (cadastrés [...] , [...], [...], [...] et [...]), à défaut pour les demandeurs d'avoir appelé à la procédure les propriétaires de l'ensemble des fonds riverains, et de les avoir condamnés à paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que, sur l'état d'enclave de la propriété de M. et Mme N..., ces derniers demandent à la cour de constater l'enclavement de leur propriété laquelle n'a pas de voie d'accès par véhicule automobile, et de déterminer l'assiette de la servitude de passage par le chemin goudronné [...] traversant les fonds de l'indivision D..., jusqu'à leur propriété ; qu'en application de l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ; que le droit pour le propriétaire d'une parcelle enclavée, de réclamer un passage sur les fonds de ses voisins, est fonction de l'utilisation normale du fonds quelle qu'en soit la destination ; qu'ainsi en est-il d'une maison d'habitation exigeant son accès par un véhicule automobile, compte tenu des conditions actuelles de la vie et de la nécessité de permettre un secours rapide en cas d'incendie ; qu'en l'espèce, il est constant que, depuis l'installation par les D... d'un portail électrique sur le Chemin [...], la propriété des époux N... n'est accessible qu'à pied « par un escalier de 99 marches en très mauvais état, extrêmement pentu, sinueux, avec un dénivelé important », selon les constatations de l'huissier de justice dans son procès-verbal en date du 14 mars 2011 ; que l'approche de la maison en véhicule par les escaliers qui la desservent étant impossible, privant ainsi les époux N... d'un usage normal de leurs fonds destiné à l'habitation, c'est à bon droit que le tribunal a constaté l'état d'enclave de la parcelle cadastrée section [...], propriété des appelants ; que les époux N... revendiquent, comme passage pour désenclaver leur fonds, le chemin goudronné [...], traversant la propriété D... ; qu'ils se prévalent d'un rapport établi par un géomètre expert M. F..., qui a confirmé que la solution de l'assiette de passage par le chemin existant, à savoir le chemin [...], occasionnerait le moins de dommage à la propriété traversée et remplirait les conditions de l'article 683 du code civil ; qu'ils produisent également un extrait du plan cadastral ainsi qu'une image satellite des propriétés datant de 2013 ; que les consorts D... contestent une telle analyse et font valoir que le désenclavement ne peut se faire sur leur fonds uniquement parce qu'il s'agirait du chemin le plus « pratique » pour les époux N... sans que les autres propriétés susceptibles d'être concernées soient appelées dans une expertise destinée à identifier le passage à emprunter ; que l'article 683 du code civil rappelle que le passage doit être régulièrement pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique ; que néanmoins, il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé ; qu'à l'examen du plan cadastral, il apparaît que le passage revendiqué par les époux N... n'est pas le seul permettant un accès à la voie publique, et que deux autres parcelles, en l'occurrence la parcelle nº[...], propriété de la SARL Berri Artois et la parcelle nº[...], propriété Z..., voisins des époux N..., ont également un accès à la voie publique ; que les éléments communiqués par les appelants ne permettent pas d'établir que le chemin répond aux exigences posées par l'article 683 du code civil et notamment qu'il s'agit du passage le plus court ; que les constatations effectuées par M. F... sont par ailleurs insuffisantes dans la mesure où elles ont été établies uniquement à partir du fonds N... puisque le géomètre n'a pu pénétrer sur les autres parcelles et à partir des déclarations de ces derniers, sans recueillir la position des autres voisins susceptibles d'être concernés ; que de même, aucune solution à partir de la propriété Z... n'a été recherchée ; qu'enfin, l'analyse de la situation par M. F... est particulièrement succincte (une page), de même que ses conclusions restent très imprécises « notre expérience en la matière laisse à penser que le coût engendré pour les travaux précités serait très important ... » ; que dès lors que M. et Mme N..., demandeurs au désenclavement, n'établissent pas que le passage qu'ils réclament répond aux prescriptions de l'article 683 du code civil et que les autres parcelles susceptibles de supporter ce passage n'ont pas été attraites en la cause, la demande de fixation de l'assiette de passage le chemin goudronné [...] traversant les fonds de l'indivision D... est irrecevable ; qu'il en est de même pour la demande tendant à l'instauration d'une mesure d'expertise qui ne peut être ordonnée au seul contradictoire des N... ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé uniquement en ce qu'il a débouté les époux N... de leur demande de fixation de l'assiette de la servitude de passage et d'expertise, au lieu de déclarer de telles demandes irrecevables ;

Alors 1°) que, le juge, qui relève d'office une fin de non-recevoir, doit préalablement provoquer les explications des parties ; qu'en relevant d'office qu'en l'absence de mise en cause de l'ensemble des propriétaires riverains, la demande de désenclavement des époux N... était irrecevable, quand les consorts D... concluaient au rejet de cette demande, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ; que le juge est tenu de déterminer l'assiette de la servitude de passage en faveur d'un fonds enclavé ; qu'en supposant que le passage le plus aisé et le moins dommageable puisse se faire par d'autres fonds que celui appartenant aux propriétaires du fonds qui ont été assignés, il appartient à ces derniers de mettre en cause le propriétaire du fonds dont ils estiment qu'il doit supporter l'assiette du droit de passage de préférence au leur, et non spécifiquement aux propriétaire du fonds enclavé de mettre en cause tous les propriétaires de tous les fonds voisins ; qu'en s'étant déterminée ainsi, après avoir constaté l'état d'enclave du fonds des demandeurs en désenclavement, la cour d'appel a violé les articles 682 et 683 du code civil par refus d'application ;

Alors 3°) que, en tout état de cause, le juge, qui constate un état d'enclave, ne peut, sous prétexte de l'absence de mise en cause de l'ensemble des propriétaires concernés par la fixation du droit de passage, refuser de statuer sur une demande de désenclavement et la déclarer irrecevable ; que, tenu de statuer, il doit rouvrir les débats, en invitant le demandeur à procéder aux mises en cause qu'il estime nécessaires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé l'état d'enclave de la propriété des époux N... ; qu'en les déclarant irrecevables en leur demande de désenclavement, faute d'avoir mis en cause les propriétaires estimés concernés par la fixation du droit de passage, la cour d'appel, qui, tenue de déterminer l'assiette de la servitude de passage, devait rouvrir les débats et inviter les époux N... à mettre en cause les propriétaires intéressés, a violé l'article 4 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande d'expertise judiciaire formulée par les époux N... à titre subsidiaire ;

Aux motifs que, il en est de même pour la demande tendant à l'instauration d'une mesure d'expertise qui ne peut être ordonnée au seul contradictoire des N... ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé uniquement en ce qu'il a débouté les époux N... de leur demande de fixation de l'assiette de la servitude de passage et d'expertise, au lieu de déclarer de telles demandes irrecevables ;

Alors 1°) que, le juge, qui relève d'office une fin de non-recevoir, doit préalablement provoquer les explications des parties ; qu'en relevant d'office qu'en l'absence de mise en cause de l'ensemble des propriétaires riverains, la demande d'expertise judiciaire présentée par les époux N... était irrecevable, quand les consorts D... concluaient au rejet de cette demande, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que, les termes du litige sont déterminés par les écritures respectives des parties ; qu'en déclarant les époux N... irrecevables en leur demande d'expertise judiciaire, quand les consorts D... concluaient à son rejet, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que, le juge, qui constate un état d'enclave, ne peut, sous prétexte de ce que la demande d'expertise judiciaire présentée par le demandeur en désenclavement ne met pas en cause l'ensemble des propriétaires concernés par la fixation du droit de passage, refuser de diligenter cette mesure et la déclarer irrecevable ; que, tenu de statuer, il doit rouvrir les débats, en invitant le demandeur à procéder aux mises en cause estimées nécessaires, et ordonner une expertise au contradictoire de l'ensemble des parties concernées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé l'état d'enclave de la propriété des époux N... ; qu'en les déclarant irrecevables en leur demande d'expertise judiciaire, faute d'avoir mis en cause les propriétaires estimés concernés par la fixation du droit de passage, la cour d'appel, qui, tenue de déterminer l'assiette de la servitude de passage, devait rouvrir les débats, inviter les époux N... à attraire les propriétaires intéressés et diligenter une expertise au contradictoire de l'ensemble des parties intéressées, a violé l'article 4 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-12699
Date de la décision : 06/06/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 07 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 06 jui. 2019, pourvoi n°18-12699


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12699
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