La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2019 | FRANCE | N°18-16262

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 23 mai 2019, 18-16262


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. et Mme C..., se plaignant de nuisances sonores provenant d'un restaurant exploité par la société Aguiar's, ont assigné M. O... pour voir cesser ces troubles ; que la société Aguiar's, intervenue volontairement à cette procédure, a appelé en garantie la société SwissLife assurances de biens (l'assureur) auprès de laquelle elle était assurée au titre d'un contrat multirisques professionnels ; qu'au cours de cette instance en garantie, qui n'

a pas été jointe à l'instance principale, la société Aguiar's a demandé...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. et Mme C..., se plaignant de nuisances sonores provenant d'un restaurant exploité par la société Aguiar's, ont assigné M. O... pour voir cesser ces troubles ; que la société Aguiar's, intervenue volontairement à cette procédure, a appelé en garantie la société SwissLife assurances de biens (l'assureur) auprès de laquelle elle était assurée au titre d'un contrat multirisques professionnels ; qu'au cours de cette instance en garantie, qui n'a pas été jointe à l'instance principale, la société Aguiar's a demandé la condamnation de l'assureur à l'indemniser des dommages qu'elle prétendait avoir subis du fait de dégradations causées par M. C..., lequel avait été condamné par un tribunal de police pour avoir volontairement dégradé trois fenêtres du restaurant ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du code civil ;

Attendu que pour condamner l'assureur à payer à la société Aguiar's la seule somme de 654,53 euros au titre des dégradations pour lesquelles il retient que la garantie « attentats, actes de vandalisme » est applicable, l'arrêt énonce qu'il n'est justifié que de frais de bâchage de la toiture à hauteur de cette somme après avoir relevé que les pièces de la procédure pénale versées aux débats, les auditions et les photographies établissent que la véranda a souffert d'impacts de cailloux dont certains sont encore présents sur sa toiture ;

Qu'en statuant ainsi, en refusant d'évaluer autrement que sur la base de frais conservatoires de bâchage, le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que pour se prononcer comme il le fait, l'arrêt écarte la force probante du rapport établi non contradictoirement par M. J... à la demande de la société Aguiar's en retenant que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'avait également été versé aux débats un rapport du cabinet Elex, mandaté par l'assureur, qui comportait une évaluation du remplacement de plaques de la véranda du restaurant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société SwissLife assurances de biens à payer à la société Aguiar's la somme de 654,53 euros au titre des dommages résultant des dégradations causées au restaurant Le Pressoir et rejette la demande d'expertise, l'arrêt rendu le 1er février 2018, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouveaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société SwissLife assurances de biens aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Aguiar's la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Aguiar's.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté des débats les conclusions signifiées par la société Aguiar's le 30 novembre 2017 et d'AVOIR dit que la Cour statuera sur les conclusions signifiées les 1er septembre et 28 octobre 2016 ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; que la cour observe que le calendrier de la procédure a été communiqué aux parties le 20 décembre 2016, fixant la clôture au 23 novembre 2017 ; qu'entre ces deux dates, le magistrat de la mise en état n'a été saisi d'aucune demande tendant au report de la clôture ; qu'il y a lieu de constater qu'il ne s'est pas révélé de cause grave postérieurement à l'ordonnance de clôture et la demande de révocation sera en conséquence rejetée ; que la cour écartera donc des débats les conclusions signifiées le jour même de la clôture et postérieurement ainsi que les pièces versées aux débats par la société Aguiar's numérotées 68 à 74 et la cour statuera sur les conclusions signifiées les 1er septembre et 28 octobre 2016 ;

ALORS QUE le juge ne peut écarter les conclusions de dernière heure sans caractériser les circonstances particulières qui auraient pu empêcher l'adversaire de répondre auxdites conclusions ; qu'en l'espèce, il résultait des conclusions signifiées le 30 novembre 2017, qui se bornaient à développer et préciser des moyens articulés par les conclusions du 27 octobre 2016, que la société Aguiar's n'avait formulé aucune nouvelle demande ni soulevé de nouveau moyen ; qu'ainsi, ces conclusions n'appelaient aucune réponse de la société Swisslife ; qu'en les déclarant pourtant irrecevables, la cour d'appel a violé les articles 15 et 783 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Swiss Life à payer à la société Aguiar's seulement la somme de 654,53 euros au titre des dommages résultant des dégradations dont le restaurant Le Pressoir a été l'objet et d'AVOIR rejeté la demande d'expertise ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE (Sur la demande d'indemnisation des préjudices résultant des dégradations du restaurant) le tribunal a jugé que si M. O... avait mentionné dans la correspondance adressée à son assureur le 3 février 2011 que ce sinistre était déclaré au titre de la garantie « bris de glace/toiture terrasse », cette référence erronée ne permettait pas à l'assureur de se soustraire à son obligation au titre d'une autre garantie prévue par la police d'assurance et que dès lors que l'assuré invoque au soutien de sa demande en justice, la garantie « attentats, actes de vandalisme », il appartient au juge de statuer sur l'application de cette garantie ; que les premiers juges ont ensuite considéré que même si le jugement du tribunal de police d'Antony du 23 mars 2012 ne faisait pas état de poursuites dirigées contre M. C... pour des faits de dégradations de la véranda, il ressortait du dossier pénal que des impacts de pierres étaient visibles sur la véranda, ce qui suffisait à conclure que les dégradations de cette véranda avaient volontairement été causées par une personne autre que l'assuré et que la garantie avait vocation à s'appliquer ; que le tribunal a limité l'indemnisation due par l'assureur à la somme de 654,53 euros correspondant aux frais de bâchage, relevant que la société Aguiar's et M. O... n'établissaient pas que les dégradations avaient entraîné des dommages aux agencements et une perte d'exploitation, le rapport établi de manière non contradictoire par M. J... le 23 novembre 2013 étant insuffisant en l'absence d'autres pièces ; que la société Aguiar's affirme que le montant total des dommages s'élève à la somme de 76.161,15 euros dont celle de 42 962 euros au titre de la perte d'exploitation durant la réalisation des travaux et qu'elle est fondée à se prévaloir de l'estimation faite par l'expert qu'elle a mandaté du fait de la carence de son assureur ; que la société Swiss Life affirme pour sa part que c'est seulement lorsqu'un acte de vandalisme survient à la suite d'un sinistre incendie, tempête ou dégât des eaux que la garantie K « 'attentat - actes de vandalisme » a vocation à s'appliquer et qu'en tout état de cause la société Aguiar's ne rapporte pas la preuve que la véranda du restaurant a été volontairement dégradée ou détériorée ; que s'agissant des préjudices allégués, l'assureur observe que le rapport de M. J... n'a pas été établi contradictoirement, qu'il est très succinct et confus, qu'il fait état de désordres sans lien avec d'éventuels impacts sur une baie vitrée, notamment des travaux d'embellissements ; que la société Swiss Life s'oppose par ailleurs à ce qu'une mesure d'instruction soit ordonnée ; qu'il est de principe que la mention erronée sur une déclaration de sinistre d'une garantie ne couvrant pas le risque déclaré n'a pas pour effet de soustraire l'assureur à son obligation au titre d'une autre garantie de ce même contrat ; que l'article 2.11 des conditions générales de la police définit l'acte de vandalisme garanti comme « toute dégradation, détérioration ou destruction volontaire causées aux biens assurés par une ou des personnes autres que l'assuré » ; que les pièces de la procédure pénale versées aux débats, les auditions et les photographies établissent que la véranda a souffert d'impact de cailloux dont certains sont encore présents sur la toiture de la véranda ; que nonobstant le fait que M. C... n'a pas été jugé par le tribunal de police d'Antony le 23 mars 2012 pour des faits de dégradations de la véranda mais de seulement trois fenêtres du restaurant, c'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que ces éléments étaient suffisants pour retenir que ces dégradations ont été volontairement causées par une personne autre que l'assurée, de telle sorte que la garantie « attentats, actes de vandalisme » trouvait à s'appliquer ; que l'article 2.11 poursuit ainsi : « la garantie des dommages énumérés ci-contre s'applique : * aux biens et préjudices accessoires assurés énumérés au risque A, Incendie, explosions et risques annexes du tableau des montants de garantie, * au risque M, Perte d'exploitation, lorsqu'il est souscrit, * au risque N, valeur vénale du fonds, lorsqu'il est souscrit » ; qu'il est manifeste que contrairement à ce qui est soutenu par l'assureur, la référence au risque A a pour but de renvoyer à la liste des biens et préjudices couverts et non de limiter la garantie au préjudice accessoire à un incendie ; que la société Aguiar's verse aux débats un rapport établi à sa demande par M. J..., se présentant comme un « expert d'assuré », qui, aux termes d'une analyse très succincte et fort peu motivée, évalue les dommages à la somme totale de 76 161,15 euros comprenant : - mesures conservatoires (bâchage en toiture) : 900 euros, - immobilier (miroiterie et assimilé) : 2.814,34 euros, - agencements - embellissements et mobilier : 29.484,81 euros, - perte d'exploitation : 42.962 euros (correspondant à des travaux d'une durée d'un mois) ; qu'ainsi que le fait observer la société Swiss Life, ce rapport a été établi non contradictoirement et il est de principe que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; que ce rapport inclut par ailleurs des travaux d'embellissements manifestement étrangers au fait dommageable pour lequel l'assureur doit sa garantie et évalue les travaux à une durée d'un mois, ce qui établit que manifestement ceux-ci vont bien au-delà de la reprise des seuls désordres imputables au fait garanti ; que par application de l'article 146 du code de procédure civile, le juge ne peut en aucun cas ordonner une mesure d'instruction en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ; qu'il sera d'ailleurs observé que les dégradations évoquées par la société Aguiar's datent de février 2009 et qu'une expertise ordonnée en 2018 ne présenterait que fort peu d'intérêt ; que cette demande sera donc rejetée ; que le jugement sera en conséquence approuvé d'avoir jugé que la société Aguiar's ne justifiait que de frais de bâchage de la toiture à hauteur de 654,53 euros et a condamné l'assureur à payer cette somme au titre des dégradations du restaurant avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société Aguiar's et M. O... justifient de frais de bâchage de la toiture à hauteur de 654,53 € mais ne justifient pas de la somme de 2814,34 € qu'ils sollicitent au titre des dommages causés à l'immobilier (remplacement des plaques endommagées de la véranda), le rapport de M. J... étant là encore insuffisant (jugement p. 5) ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut refuser d'évaluer un préjudice dont l'existence n'est pas contestée, sous prétexte que les éléments produits par les parties ne lui permettent pas de procéder à cette évaluation ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la véranda du restaurant avait été volontairement dégradée et que ces faits étaient couverts par la garantie de la société Swisslife, la cour d'appel a limité l'indemnisation de la société Aguiar's au coût du bâchage de la toiture, soit 654,53 €, excluant ainsi toute indemnisation au titre du remplacement de la véranda et de la perte d'exploitation durant le temps des travaux, motif pris de ce qu'elle ne pouvait « se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut se fonder sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une partie que si elle n'est pas corroborée par un autre élément de preuve ; qu'en l'espèce, la société Aguiar's avait régulièrement versé aux débats (pièce n° 16) le rapport du cabinet Elex mandaté par la compagnie Swisslife qui avait évalué le coût de remplacement des plaques de la véranda à 3397,50 € ; qu'en présence d'expertises émanant respectivement de chacune des parties, la cour d'appel ne pouvait donc refuser de prendre en considération le rapport J... ; qu'en statuant pourtant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge doit analyser l'ensemble des éléments de preuve soumis à son examen ; qu'en s'abstenant d'examiner le rapport d'expertise du cabinet Elex - établi à la demande de l'assureur - qui avait conclu que la garantie bris de glace était acquise et que les dommages causés à la véranda devaient être indemnisés à hauteur de 3397,50 €, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-16262
Date de la décision : 23/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 01 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 23 mai. 2019, pourvoi n°18-16262


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16262
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award