La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2019 | FRANCE | N°18-11369

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 mai 2019, 18-11369


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. U... S... du désistement de son pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 février 2016), que M. Z... S... est usufruitier et M. C... S... nu-propriétaire de parcelles cadastrées [...] et [...], jouxtant, à l'est, le fonds cadastré [...] et [...], propriété de M. U... S..., et, à l'ouest, le fonds cadastré [...] , propriété de M. K... S... ; que, se plaignant du non-respect d'un protocole et de constructions réalisées par leurs voisins, MM. K... et U...

S... ont assigné MM. C... et Z... S..., qui ont formé des demandes reconventio...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. U... S... du désistement de son pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 février 2016), que M. Z... S... est usufruitier et M. C... S... nu-propriétaire de parcelles cadastrées [...] et [...], jouxtant, à l'est, le fonds cadastré [...] et [...], propriété de M. U... S..., et, à l'ouest, le fonds cadastré [...] , propriété de M. K... S... ; que, se plaignant du non-respect d'un protocole et de constructions réalisées par leurs voisins, MM. K... et U... S... ont assigné MM. C... et Z... S..., qui ont formé des demandes reconventionnelles ;

Sur les deux premiers moyens du pourvoi incident, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 678 du code civil ;

Attendu que, pour condamner M. K... S... à obturer, par un aménagement fixe et occulte, les deux fenêtres de sa maison ayant créé des vues sur le fonds [...] et [...], l'arrêt retient que la photographie qu'il produit met en évidence la présence de ces fenêtres et qu'il ne conteste pas qu'elles ouvrent directement sur le fonds voisin ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les fenêtres étaient situées à moins de dix-neuf décimètres de l'héritage voisin, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi incident :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt condamne MM. C... et Z... S... à installer un brise-vue à une distance de 1,90 mètre de la limite séparative le long de la terrasse qu'ils ont édifiée, jouxtant la parcelle [...] ;

Qu'en statuant ainsi, alors que MM. K... et U... S... avaient demandé l'installation d'un brise-vue en limite séparative des fonds contigus, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. K... S... à obturer, par un aménagement fixe et occulte, les deux fenêtres de sa maison ayant créé des vues sur le fonds [...] et [...], et en ce qu'il condamne MM. C... et Z... S... à installer un brise-vue à une distance de 1,90 mètre de la limite séparant leur fonds de la parcelle [...] , l'arrêt rendu le 4 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. K... S...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné le propriétaire d'un fonds (M. K... S..., l'exposant) à obturer, par un aménagement fixe et occulte, les deux fenêtres ayant créé des vues sur le fonds [...] nos [...] et [...] appartenant à des voisins (MM. C... et Z... S...) ;

AUX MOTIFS QUE, sur la demande tendant à condamner K... S... à obturer les vues créées sur le fonds [...] nos [...] et [...], C... et Z... S... formaient cette prétention sur la base d'une photographie constituant la pièce adverse 33 mettant en évidence la présence de deux fenêtres en indiquant qu'elles ouvraient directement sur leur fonds, ce qui n'était pas contesté par la partie adverse ;

ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes clairs et précis des conclusions qui le saisissent ; que, pour condamner l'exposant à obturer deux de ses fenêtres, l'arrêt attaqué a affirmé qu'il ne contestait pas la circonstance qu'elles ouvraient directement sur le fonds voisin ; qu'il faisait pourtant valoir (v. ses conclusions notifiées le 5 décembre 2014, p. 18, alinéas 4 et 5) que la prétention adverse ne pouvait pas aboutir puisque les fenêtres ne donnaient pas sur le fonds voisin, quand il n'était en outre pas même affirmé, ni a fortiori établi, qu'elles auraient été situées à moins de 1,90 mètre de ce fonds ; qu'il sollicitait en conséquences la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré que les fenêtres situées sur son fonds ne créaient pas de vues irrégulières sur le fonds voisin (ibid., p. 20, alinéa 9) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposant en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en outre, on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et l'héritage de son voisin ; que l'exposant faisait valoir qu'une simple photographie montrant des fenêtres n'était pas de nature à établir que les ouvertures donnant prétendument sur le fonds voisin étaient situées à moins d'1,90 mètre dudit héritage ; qu'en le condamnant néanmoins à obturer ses fenêtres pour la seule raison qu'il n'aurait pas contesté qu'elles ouvraient directement sur le fonds voisin, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ces fenêtres étaient situées à moins d'1,90 mètre de l'héritage voisin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 678 du code civil. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour MM. C... et Z... S...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a, revenant sur le jugement entrepris, condamné Monsieur C... S... à payer deux indemnités de 5.000 euros à Monsieur K... S... ;

AUX MOTIFS QUE « C... S..., en s'engageant à céder une partie du bien dont il n'était que nu-propriétaire, ce qui était impossible à réaliser, en contrepartie du désistement d'K... S... de la procédure en annulation du permis de construire délivré le 10 septembre 2010, a commis un fait fautif dont il doit réparer le préjudice en découlant ; qu'K... S... invoque des préjudices matériel et moral pour avoir perdu une chance d'obtenir gain de cause devant la juridiction administrative et avoir du diligenter la présente instance ; que la perte de chance d'obtenir l'annulation du permis de construire devant la juridiction administrative est caractérisée alors que la suspension des travaux avait été ordonnée par ordonnance du 13 janvier 2011 motivée sur quatre points dont il n'est pas établi qu'ils étaient régularisables par le récépissé de dépôt d'une demande de modification du permis de construire et la demande de pièces supplémentaires du maire en date du 23 septembre 2013 ; que la nécessité de diligenter la présente instance découle de l'inefficacité de l'engagement de cession et dès lors du déséquilibre du protocole d'accord ; que l'indemnisation des préjudices ainsi caractérisés sera fixée à 5 000 € et 5 000 € et C... S... sera condamné à payer ces sommes à K... S... » (arrêt, p. 7, § 7 à 11) ;

ALORS QUE, premièrement, il appartient à celui qui contracte, pour acquérir un droit, de s'assurer du droit de son partenaire, soit en consultant les services de la publicité foncière, soit en se faisant représenter le titre de propriété du cocontractant ; qu'en l'espèce, les juges du fond constatent eux-mêmes qu'« il appartenait à K... et U... S... de faire preuve de prudence alors qu'ils étaient en litige avec C... S... et de vérifier au service chargé de la publicité foncière quels étaient les véritables propriétaires des parcelles [...] et [...] », pour ajouter « en l'absence d'une telle démarche, il ne peut être con sidéré que leur croyance en les apparences étaient légitime » (p. 7, § 2 et 3) ; que ces circonstances excluaient toute faute de la part de Monsieur C... S... ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en présence d'une faute de la victime, le juge doit procéder à un partage de responsabilité ; qu'il doit opérer un tel partage si même la victime se prévaut d'une perte de chance ; qu'à supposer qu'une faute soit imputable à Monsieur C... S..., pour avoir contracté quand il n'était qu'usufruitier, de toute façon, les juges du fond ont mis en évidence l'existence d'une faute, à la charge de Messieurs K... et U... S..., dès lors qu'ils ont fait preuve d'imprudence pour n'avoir pas consulté les services fonciers ou obtenu la présentation du titre ; que dans ces conditions, les juges du fond devaient procéder à un partage de responsabilité puis appliquer la quote-part de responsabilité à l'éventuelle perte de chance invoquée par Monsieur K... S... ; qu'en refusant de procéder de la sorte, pour mettre l'intégralité du préjudice découlant de la perte de chance à la charge de Monsieur C... S..., les juges du fond ont violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ALORS QUE, troisièmement, la partie qui invoque un préjudice doit en établir l'existence ; qu'invoquant une perte de chance d'obtenir une décision favorable du juge administratif statuant sur le fond, Monsieur K... S... avait la charge de prouver la perte de chance ; qu'en énonçant qu'une « suspension des travaux avait été ordonnée par une ordonnance de référé du 13 janvier 2011, motivée sur quatre points dont il n'est pas établi qu'ils étaient régularisables », les juges du fond ont libéré Monsieur K... S... de la charge de la preuve, fait peser la charge de la preuve sur Monsieur C... S... et violé ainsi l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

ET ALORS QUE, quatrièmement, avant de retenir l'existence d'une perte de chance, les juges du fond, sans pouvoir se contenter d'évoquer la teneur d'une ordonnance de référé ayant suspendu le permis de construire, se devaient d'analyser les moyens invoqués devant la juridiction administrative de fond et déterminer si ces moyens était suffisamment sérieux pour que Monsieur K... S... puisse espérer une annulation ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a, revenant sur le jugement entrepris, condamné Monsieur C... S... à payer deux indemnités de 5.000 euros à Monsieur K... S... ;

AUX MOTIFS QUE « C... S..., en s'engageant à céder une partie du bien dont il n'était que nu-propriétaire, ce qui était impossible à réaliser, en contrepartie du désistement d'K... S... de la procédure en annulation du permis de construire délivré le 10 septembre 2010, a commis un fait fautif dont il doit réparer le préjudice en découlant ; qu'K... S... invoque des préjudices matériel et moral pour avoir perdu une chance d'obtenir gain de cause devant la juridiction administrative et avoir du diligenter la présente instance ; que la perte de chance d'obtenir l'annulation du permis de construire devant la juridiction administrative est caractérisée alors que la suspension des travaux avait été ordonnée par ordonnance du 13 janvier 2011 motivée sur quatre points dont il n'est pas établi qu'ils étaient régularisables par le récépissé de dépôt d'une demande de modification du permis de construire et la demande de pièces supplémentaires du maire en date du 23 septembre 2013 ; que la nécessité de diligenter la présente instance découle de l'inefficacité de l'engagement de cession et dès lors du déséquilibre du protocole d'accord ; que l'indemnisation des préjudices ainsi caractérisés sera fixée à 5 000 € et 5 000 € et C... S... sera condamné à payer ces sommes à K... S... » (arrêt, p. 7, § 7 à 11) ;

ALORS QUE, premièrement, sauf circonstances particulières, le fait d'avoir résisté à une demande et d'avoir contraint l'adversaire à engager une procédure, ne peut dégénérer en abus ; qu'en l'espèce, la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur K... S..., s'agissant de la situation où il se trouvait d'engager une procédure à raison de la résistance de Monsieur C... S..., a été rejetée en première instance ; que faute de circonstances particulières, les juges du second degré ne pouvaient considérer que la résistance de Monsieur C... S... révélait un abus et qu'en décidant le contraire, ils ont violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, la nécessité pour Monsieur K... S... d'engager une procédure a été liée, selon les juges du fond eux-mêmes, à l'inefficacité de l'engagement de Monsieur C... S..., faute d'accord de Monsieur Z... S..., étranger à la convention ; qu'avant de retenir l'existence d'un préjudice, les juges du fond auraient dû rechercher si, sollicité par Messieurs K... et U... S..., Monsieur Z... S..., nu-propriétaire, aurait donné son consentement ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a condamné Messieurs C... et Z... S... à installer une brise vue à une distance de 1,90 m de la limite séparative le long de la terrasse qu'ils ont édifiée jouxtant la parcelle [...] et ce sous astreinte ;

AUX MOTIFS QUE « K... et U... S... se plaignent de la création de vues irrégulières sur le fonds [...], propriété de U... S... résultant de l'édification d'une terrasse après exhaussement du terrain naturel au visa de l'article 678 du Code civil suivant lequel : « On ne peut avoir des vues droits ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de construction » ; qu'en l'espèce, K... et U... S... contestent l'aménagement du sol en terrasse au sud-est de la parcelle jouxtant la parcelle [...], qui par sa surélévation aurait créé des vues irrégulières ; que la surélévation du terrain établie par les photographies et le constat d'huissier du 29 novembre 2013 évoquant 60 centimètres, mais surtout l'aménagement en terrasse qui permet dorénavant d'utiliser un simple lieu de passage jouxtant le fonds voisin en lieu de vie a aggravé la vue qui préexistait sur ledit fonds ; qu'il convient dès lors d'y remédier en condamnant C... et Z... S... à installer un brise-vue à une distance d'1,90 mètre de la limite séparative le long de la terrasse qu'ils ont édifiée, et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de la décision, pendant trois mois » (arrêt, p. 10, § 4-7) ;

ALORS QUE, premièrement, dans leurs conclusions d'appel du 5 décembre 2014 (p. 20), Messieurs U... et K... S... demandaient que Messieurs C... et Z... S... soient condamnés, soit à la construction d'un mur à une distance de 1,90 m de la ligne séparative des fonds, soit à l'installation d'un brise-vue en limite séparative des fonds ; qu'ayant prescrit l'aménagement d'un brise-vue non pas en ligne séparative des fonds, mais à une distance de 1,90 m, les juges du second degré ont statué ultra petita ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, dès lors s'agissant du brise-vue, les conclusions de Messieurs U... et K... S... se bornaient à en demander « l'installation en limite séparative » (p. 20, antépénult. al.), les juges du fond, en considérant qu'ils étaient saisis d'une demande d'aménagement de brise-vue à une distance d'1,90 m de la limite séparative des fonds, ont dénaturé les conclusions de Messieurs K... et U... S....


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-11369
Date de la décision : 09/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 04 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 mai. 2019, pourvoi n°18-11369


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11369
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award