LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 février 2017), que M. et Mme W... ont confié la construction d'une maison individuelle à trois sociétés, dont la société Combust grand sud constructions (CGS) ; que la société Equipement énergie renouvelable et urbain (E2R2) a été chargée de l'installation d'un ballon d'eau chaude, d'un dispositif de chauffage et d'une ventilation mécanique ; que la société E2R2 a assigné M. et Mme W... en paiement du prix de ses prestations ; que M. et Mme W... ont formé une demande reconventionnelle en indemnisation d'un préjudice financier ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme W... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes ;
Mais attendu qu'ayant retenu que M. et Mme W... n'établissaient ni avoir perdu le crédit d'impôt lié à l'obtention du label BBC ni avoir dû effectuer le remboursement de l'avantage s'attachant à l'octroi d'un prêt à taux zéro, la cour d'appel, devant laquelle M. et Mme W... n'avaient pas formé de demande aux fins d'indemnisation d'un préjudice né de l'exécution de travaux de mise en conformité, a pu, abstraction faite d'un motif surabondant, rejeter la demande d'indemnisation du préjudice financier ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner M. et Mme W... à payer à la société E2R2 la somme de 10 943,88 euros, l'arrêt retient que celle-ci est intervenue aux lieu et place de la société Flash elec, figurant en qualité de prestataire de services dans le marché initial de travaux, qu'aucun élément ne permet de dire que la société E2R2 est intervenue en qualité de sous-traitante de la société CGS et qu'elle a contracté directement avec M. et Mme W..., débiteurs principaux du montant des travaux réalisés ;
Qu'en statuant ainsi, en relevant d'office le moyen tiré de l'existence d'un contrat conclu entre la société E2R2 et M. et Mme W..., sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne conjointement et solidairement M. et Mme W... à payer à la société E2R2 la somme de 10 943,88 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2012, l'arrêt rendu le 23 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;
Condamne la société Equipement énergie renouvelable et urbain aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Equipement énergie renouvelable et urbain et la condamne à payer à M. et Mme W... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. et Mme W....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné conjointement et solidairement les époux W... à payer à l'EURL E2R2 la somme de 10 943,88 ¿ TTC avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2012, date de réception de la mise en demeure, d'AVOIR, confirmant le jugement sur ce point, débouté M. et Mme W... de leurs demandes et d'AVOIR condamné in solidum les époux W... aux dépens et à payer à l'EURL E2R2 la somme de 2000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de paiement de l'EURL E2R2 : L'EURL E2R2 soutient être intervenue sur le chantier en qualité de sous-traitante de la société Flash elec pour les lots chauffage, thermodynamique et VMC, ce que contestent les époux W.... Le 10 février 2010, un marché de travaux a été signé entre ces derniers et les entreprises CGS constructions, Flash elec et CLPM 34. Ces deux dernières sociétés ont établi des devis acceptés par les époux W... et annexés au marché. L'EURL E2R2 qui a réalisé une étude thermique a proposé le 31 janvier 2011 un devis d'un montant de 10 943,88 ¿ pour la réalisation des lots : ballon d'eau chaude, chauffage et VMC initialement attribués à la société Flash elec. Ce devis a été accepté par M. W..., mais avec le tampon de la société CSG construction. M. W... bénéficiait au sein de cette société, depuis le 5 juillet 2010, d'un contrat à durée indéterminée en qualité de responsable administratif. Cependant, dans un courrier du 17 août 2012, il indique qu'avant d'être salarié il était client de la société pour faire réaliser sa maison d'habitation et que par ailleurs, n'étant pas le responsable de ladite société, toutes les décisions étaient prises par son gérant, M. Y.... M. W... a donc apposé abusivement le tampon de sa société, mais c'est bien à titre personnel qu'il a accepté le devis établi par l'EURL E2R2 de même qu'il avait accepté le devis initial de la société Flash elec, entreprise mentionnée dans le marché de travaux en qualité de prestataire de services. Il en résulte que l'EURL E2R2 est intervenue aux lieu et place de la société Flash elec, figurant en qualité de prestataire de services dans le marché initial de travaux. Aucun élément ne permet de dire que l'EURL E2R2 est intervenue en qualité de sous-traitante de la société CGS constructions. Elle a contracté directement avec les époux W..., débiteurs principaux du montant des travaux réalisés. Les époux W... soutiennent ne plus être débiteurs d'un montant quelconque de travaux de construction puisqu'ils ont intégralement payé les travaux à la société CSG construction, soit la somme de 115 053,36 ¿, et produisent des relevés de compte ainsi que la photocopie de chèques libellés au bénéfice de cette société. Cependant le rapprochement entre la photocopie des chèques et les relevés bancaires permet de justifier le versement de la somme de 107 198,81 ¿ entre les mains de la société CGS constructions. Les autres débits de chèques figurant sur les relevés bancaires ne permettent pas à la cour d'en constater les bénéficiaires. Ainsi la totalité du marché n'a pas été intégralement honorée puisque sur la somme TTC de 116 459,40 ¿ seule la somme de 107 198,81 ¿ a été réglée, soit une différence de 9260,59 ¿. Selon les époux W..., cette différence se justifie par l'absence de terminaison des travaux, mais ils n'en justifient pas. La somme réclamée par l'EURL E2R2 est certes un peu supérieure au solde restant dû au titre du marché initial, mais M. W... a accepté le devis établi un an après ce marché en fonction de l'évolution du coût des fournitures et de la main-d'oeuvre. L'appelante n'avait donc pas l'obligation de déclarer sa créance entre les mains du liquidateur de la société CGS constructions puisqu'elle était contractuellement et directement liée au maître d'ouvrage. Il convient donc de condamner les époux W... à payer à l'EURL E2R2 la somme de 10 943,88 ¿ au titre de la facture impayée du 10 avril 2011 » ;
1) ALORS QUE le juge est tenu par les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société E2R2 faisait valoir qu'elle était intervenue en qualité de sous-traitante dans l'opération de construction où M. et Mme W... étaient les maîtres de l'ouvrage ou subsidiairement que M. W... était le gérant de fait de la société CGS constructions avec laquelle elle avait contractée ; que les époux W... faisaient valoir quant à eux qu'ils n'avaient aucun lien de droit avec la société E2R2 qui était un simple prestataire de service de la société CGS constructions ; qu'aucune des parties ne faisait donc valoir qu'un contrat aurait été conclu directement entre M. ou Mme W... et la société E2R2 ; qu'en retenant cependant que la société E2R2 avait contracté avec les époux W..., la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office un moyen tiré de l'existence d'un contrat conclu entre les époux W... et la société E2R2, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3) ALORS en tout état de cause QU'en déduisant l'existence d'un contrat conclu entre la société E2R2 d'une part et M. et Mme W... d'autre part, de ce que M. W... avait accepté le devis de la société E2R2 en utilisant abusivement le tampon de la société CSG construction, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la volonté de Mme W... de contracter avec la société E2R2, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
4) ALORS QU'en déduisant l'existence d'un contrat conclu entre la société E2R2 d'une part et M. et Mme W... d'autre part, de ce que M. W... avait accepté le devis de la société E2R2 en utilisant abusivement le tampon de la société CSG construction, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à caractériser la volonté de M. W... de s'engager contractuellement à titre personnel avec la société E2R2, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
5) ALORS QU'en déduisant que M. W... aurait utilisé abusivement le tampon de la société CGS constructions en l'apposant sur le devis de la société E2R2, après avoir seulement relevé que M. W... avait affirmé dans un courrier que toutes les décisions étaient prises par le gérant de la société CGS constructions, sans constater et encore moins caractérisé que M. W..., salarié de la société CGS constructions, n'avait pas reçu mandat de son employeur pour accepter le devis de la société E2R2 au nom de la société CGS constructions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmant le jugement sur ce point, débouté M. et Mme W... de leurs demandes et d'AVOIR condamné in solidum les époux W... aux dépens et à payer à l'EURL E2R2 la somme de 2000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande reconventionnelle des époux W... : Les époux W... soutiennent avoir subi un préjudice financier dans la mesure où l'EURL E2R2 n'a pas convenablement réalisé sa prestation puisque le label BBC (bâtiment basse consommation) leur a été refusé alors qu'il constituait le but de l'intervention de l'entreprise. Le devis établi par la société Flash elec qui devait intervenir dans un premier temps mentionne l'installation du chauffage en "BBC". L'EURL E2R2 a réalisé une étude thermique BBC. Même si le devis du 31 janvier 2011 omet de mentionner cet objectif, l'EURL E2R2 ne peut contester qu'il a été établi et accepté par M. W... au regard de son étude BBC. Or la société Promotelec Services Label, le 4 juillet 2011, dans le cadre du processus d'attribution du label performance, après un rapport de visite de fin de travaux, a relevé des anomalies majeures sur le système de chauffage et le système thermodynamique réversible. Cette société déclare être dans l'attente de la déclaration de mise en conformité après la réalisation des travaux nécessaires. L'EURL E2R2 a donc commis une faute contractuelle en ne réalisant pas les travaux conformément à son étude thermique qui prévoyait l'installation d'une pompe à chaleur de marque Hitachi alors qu'il a été installé un matériel de marque Fujitsu, ce qui est relevé par la société Promotelec. Or les maîtres d'ouvrage avaient obtenu un prêt à taux zéro auprès de la Banque populaire du Sud pour l'édification d'un bâtiment basse consommation et la banque, par courrier du 20 mai 2011, leur a demandé la transmission du certificat d'attribution du label BBC sous peine de devoir rembourser l'avantage attribué. Mais les époux W... ne justifient pas avoir dû effectivement effectuer ce remboursement et avoir perdu leur crédit d'impôt ce qui tend à démontrer que depuis l'année 2011 ils ont procédé aux travaux de mise en conformité afin d'obtenir le label BBC. Ils ne justifient pas non plus du coût de ces travaux et donc du montant de leur préjudice financier. En conséquence leur demande de dommages-intérêts doit être rejetée et le jugement doit être confirmé sur ce point. La demande de dommages et intérêts de l'EURL E2R2 doit être également rejetée dans la mesure où elle ne justifie pas d'un préjudice moral entraîné par l'attitude qualifiée de déloyale des époux W... » ;
1) ALORS QUE le juge est tenu par les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce les époux W... faisant valoir qu'ils n'avaient pas obtenu le label BBC du fait des carences de la société E2R2 et ne faisaient pas valoir qu'ils avaient finalement obtenu ce label au prix de travaux supplémentaires ; que la société E2R2 ne faisait pas davantage valoir que les époux W... avaient pu in fine obtenir le label BBC ; qu'en retenant au contraire que des éléments tendaient à démontrer que les époux W... avaient procédé aux travaux de mise en conformité afin d'obtenir le label BBC et que faute de justifier du coût de ces travaux, ils ne justifiaient pas du montant de leur préjudice financier, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant d'office que le préjudice des époux W... devait s'entendre de la réalisation de travaux supplémentaires pour obtenir le label BBC, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3) ALORS en tout état de cause QUE les juges du fond ne peuvent pas refuser l'indemnisation d'un préjudice dont ils constatent l'existence ; qu'en l'espèce, il ressort de la décision attaquée que les époux W... ont subi un préjudice du fait de la société E2R2 qui non seulement n'a pas posé la chaudière contractuellement prévue, mais au surplus les a contraint à faire réaliser des travaux de mise en conformité afin d'obtenir le label BBC ; qu'en refusant cependant d'indemniser ce préjudice au prétexte que les époux W... ne justifiant pas du montant de ces travaux, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa version applicable au litige.