La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2019 | FRANCE | N°18-14250

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 avril 2019, 18-14250


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme K... F... et M. F... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2017 ;

Sur le moyen unique du pourvoi, qui n'est pas sans objet :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 janvier 2018), que, par acte notarié du 22 mai 2013, M. F... a conclu un mandat de protection future et désigné son épouse, Mme K... F..., en qualité de mandataire ; que, celui-ci ne pouvant plus pourvoir seul à ses intérêts, le mandat a été mis à

exécution le 19 octobre 2015 ; que Mme D... F..., fille de M. F..., née d'une premiè...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme K... F... et M. F... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2017 ;

Sur le moyen unique du pourvoi, qui n'est pas sans objet :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 janvier 2018), que, par acte notarié du 22 mai 2013, M. F... a conclu un mandat de protection future et désigné son épouse, Mme K... F..., en qualité de mandataire ; que, celui-ci ne pouvant plus pourvoir seul à ses intérêts, le mandat a été mis à exécution le 19 octobre 2015 ; que Mme D... F..., fille de M. F..., née d'une première union, a, par requête du 3 novembre 2015, saisi le juge des tutelles aux fins d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire ;

Attendu que M. F... et Mme K... F... font grief à l'arrêt de constater que le mandat de protection future ne garantit plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. F... et de le placer sous curatelle renforcée pour une durée de 24 mois en désignant l'UDAF en qualité de curateur aux biens alors, selon le moyen :

1°/ que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que la cour d'appel, qui a constaté dans son dispositif que le mandat de protection future conclu entre M. F... et Mme K... F... le 22 mai 2013 et activé le 19 octobre 2015 ne garantissait plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. F..., tout en relevant que Mme K... F... « assurait à son conjoint les soins nécessaires et protégeait sa personne et son cadre de vie », et désignant cette dernière en qualité de curatrice à la personne de M. F..., a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 12 de la convention relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) et de l'article 428 du code civil que les mesures relatives à l'exercice de la capacité juridique doivent respecter les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée, et qu'un mandat de protection future ne peut être écarté qu'en présence d'une atteinte effective et prouvée aux intérêts de cette personne ; que la cour d'appel, pour constater que le mandat de protection future conclu entre M. F... et Mme K... F... le 22 mai 2013 et activé le 19 octobre 2015, ne garantissait plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. F..., placer ce dernier sous le régime de la curatelle renforcée et désigner l'UDAF de la Gironde en qualité de curatrice aux biens, a retenu qu'il était impossible de dire que les intérêts patrimoniaux de M. F... avaient été préservés ; qu'en statuant ainsi, en se fondant sur une absence de preuve de protection suffisante des intérêts patrimoniaux de M. F..., la cour d'appel qui a renversé la charge de la preuve a violé les dispositions précitées ;

3°/ qu'une mesure de protection judiciaire ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par le mandat de protection future conclu par l'intéressé ; que la cour d'appel, pour constater que le mandat de protection future conclu entre M. F... et Mme K... F... le 22 mai 2013 et activé le 19 octobre 2015 ne garantissait plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. F..., placer ce dernier sous le régime de la curatelle renforcée et désigner l'UDAF de la Gironde en qualité de curatrice aux biens, s'est fondée sur le retard de transmission au notaire de l'inventaire des biens de M. F..., son caractère lacunaire et son manque de précision, les variations sur certains comptes, le manque de précision du compte de gestion, par rapport aux sommes gérées, et un redressement fiscal concernant pour partie des années inclus dans l'administration par Mme K... F... ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant l'existence de biens et placements pour un total de plus de 5 700 000 euros et sans indiquer en quoi les intérêts patrimoniaux de M. F..., né en [...], étaient compromis par l'exécution du mandat de protection future, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 428 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 483, 4°, du code civil que la révocation du mandat de protection future peut être prononcée par le juge des tutelles lorsque son exécution est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant ; qu'aux termes de l'article 485, alinéa 1, du même code, le juge qui met fin au mandat peut ouvrir une mesure de protection juridique ;

Et attendu que l'arrêt relève que l'inventaire des biens de M. F... effectué par la mandataire a été établi avec retard et qu'il est lacunaire, en l'absence de précisions quant aux engagements financiers souscrits ; qu'il énonce que celle-ci a manqué à son obligation de bonne gestion en omettant de procéder à la déclaration de l'impôt de solidarité sur la fortune de 2015 et 2016, ce qui a donné lieu à un redressement fiscal ; qu'il ajoute que la situation de l'un de ses biens immobiliers est inconnue et que les placements, les revenus financiers, les mouvements des divers comptes et les dépenses ne sont pas clairement exposés ni accompagnés de pièces justificatives ; qu'il constate encore que des sommes conséquentes ont été utilisées ou débitées des comptes sans qu'il ne soit justifié de leur utilisation ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a souverainement déduit que les intérêts patrimoniaux de M. F... n'étaient pas suffisamment préservés par le mandat de protection future auquel il devait dès lors être mis fin au profit d'une curatelle renforcée, Mme K... F... étant désignée en qualité de curatrice à la personne, au regard des soins apportés à son conjoint ; qu'elle a ainsi, sans se contredire ni inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme K... F..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, et M. F... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme K... F..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, et M. F....

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué du 25 janvier 2018 :

D'AVOIR constaté que le mandat de protection future conclu entre M. B... F... et Mme K... N... épouse F... le 22 mai 2013 et activé le 19 octobre 2015 ne garantissait plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. B... F..., D'AVOIR placé M. B... F... sous le régime de la curatelle renforcée pour une durée de 24 mois, et D'AVOIR désigné l'UDAF de la Gironde en qualité de curatrice aux biens pour l'assister et le contrôler dans la gestion de ses biens.

AUX MOTIFS QUE « l'article 483 alinéa 4 du code civil prévoit que le mandat de protection future peut être révoqué par le juge des tutelles à la demande de tout intéressé, lorsque les conditions prévues par l'article 425 ne sont pas réunies, lorsque les règles du droit commun de la représentation ou celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux apparaissent insuffisantes pour qu'il soit pourvu aux intérêts de la personne par son conjoint avec qui la communauté de vie n'a pas cessé ou lorsque l'exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant. L'article 485 dispose que le juge qui met fin au mandat peut ouvrir une mesure de protection juridique dans les conditions et selon les modalités prévues aux sections 1 à 4 du chapitre ; qu'il convient de rappeler que les époux F... sont mariés sus le régime de la séparation de biens ; que le juge de première instance et la Cour ne sont pas saisis spécifiquement d'une demande de révocation du mandat de protection future mais, dans la mesure où le placement de Monsieur B... F... sous curatelle renforcée ou sous tutelle est demandé et où le juge des tutelles a considéré que l'exécution du mandat pourvoyait suffisamment aux intérêts de Monsieur B... F..., ce que l'appelante conteste, il convient d'examiner de nouveau cette question ; qu'en effet, le mandat de protection future ayant une nature contractuelle, il doit être vérifié si le mandataire a respecté les obligations qui lui ont été imposées dans le mandat et si les intérêts personnels et patrimoniaux du mandant ont été respectés ; que l'acte notarié du 22 mai 2013 prévoit, en ce qui concerne la protection de la personne du mandant, que dans la mesure où son état personnel le lui permet, le mandant prendra seul les décisions relatives à sa personne. Monsieur B... F... a été rencontré à son domicile de Pessac, [...] , qui lui appartient en propre et où il vit avec son épouse. Il est prévu qu'il quitte cette maison pour s'installer à Pessac, [...], dans une maison dont la rénovation est en cours. A l'occasion de son transport sur les lieux le 12 septembre 2017, le conseiller rédacteur a constaté que Monsieur B... F... n'a pas manifesté d'émotion particulière à l'idée de changer de maison et qu'il écoutait sans protester son épouse indiquer que la maison de Pessac, [...], avait été vendue car était trop coûteuse en entretien. Entendu sur ses rapports avec sa fille D..., et en répondant oui à des questions précises, Monsieur B... F... a pu dire qu'il était fâché avec elle mais qu'elle était gentille et qu'il voulait la voir. Madame D... F... ne justifiant pas avoir été empêchée par sa belle-mère de rencontrer son père, il convient de constater que Monsieur B... F... dispose dans la gestion de sa vie personnelle et familiale de la liberté qui est prévue dans le mandat et que ses volontés sont respectées ; qu'il doit être noté que Monsieur B... F... n'a pas, durant l'entretien, fait comprendre qu'il ne souhaitait plus que son épouse continue à s'occuper de lui, bien au contraire, il a semblé s'en remettre totalement à elle ; que s'agissant de la protection du patrimoine de Monsieur B... F..., le mandat de protection future du 22 mai 2013 prévoit en page 6 diverses obligations à la charge du mandataire ; qu'il est prévu que le mandataire devra faire procéder à l'inventaire du patrimoine du mandant et en assurer l'actualisation au cours du mandat afin de maintenir à jour l'état du patrimoine. Il devra chaque année dresser un compte annuel de gestion des biens du mandant pour la période allant du 1" janvier au décembre , comprenant l'état des recettes en capital et revenus, les sommes restant à recouvrer ou à acquitter, les dépenses engagées et non acquittées. Ce compte annuel de gestion devra être transmis au notaire au plus tard le 30 avril de chaque année, accompagné en annexe de "toutes pièces justificatives utiles" ainsi que l'inventaire des biens et son actualisation ; que s'agissant de l'inventaire des biens de Monsieur B... F... , Madame K... N... épouse F... a fourni à la Cour la copie d'un acte rédigé par Maître W..., notaire à Sauveterre de Guyenne, le 24 avril 2017, et qui déclare détenir les pièces versées par la mandataire soit l'inventaire patrimonial de Monsieur B... F... établi à la date des 1" octobre 2015, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016, ainsi qu'un état des recettes et dépenses de l'intéressé établi poste par poste à la date des 1" octobre 2015, 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 sur la BNP d'une part et sur AXA d'autre part ; que cet inventaire n'a pas été dressé et adressé au notaire dans les trois mois qui ont suivi l'activation du mandat, le 19 octobre 2015 mais presque un an et demie après, le courrier qui l'accompagne étant daté du 24 avril 2017. Les biens immobiliers appartenant à Monsieur B... F... ne sont pas estimés. Pour les deux maisons de Pessac, il est possible de se reporter aux valeurs indiquées dans l'attestation concernant la promesse de vente de la maison de Pessac, [...] pour 1.700.000 euros ou l'acte d'achat du 16 février 2016 de celle de Pessac, [...] , pour 450.000 euros. Il est fait état d'un troisième bien situé à Neuilly, détenu en indivision, pour lequel ne sont indiqués ni l'adresse, ni la valeur, ni le statut, loué ou libre ; qu'en ce qui concerne les fonds appartenant à Monsieur B... F... les contrats ne sont pas fournis. Ils figurent dans un listing individualisés par leur numéro de compte. Ils sont souscrits auprès d'AXA et sont intitulés Compte titre espèces, valorisation portefeuille, livret banque, Epargne, contrats AMADEO et PME 2015 et 2016 (à compter du 31 octobre 2015). Le total des sommes placées s'élève à 3.623.384 euros, sachant que Monsieur B... F... a prêté à son épouse 150.000 euros sous forme de deux prêts de 50.000 et de 100.000 euros, actes versés aux débats et datés des 2 avril et 10 août 2015, soit avant l'activation du mandat. Il est indiqué dans ces actes que la somme due n'est pas productive d'intérêts et sera remboursée au plus tard dans les six mois du décès du prêteur ; que les autres biens mobiliers de Monsieur B... F..., comme les véhicules et les meubles meublants, ne sont pas inventoriés, qu'il convient donc de constater que l'inventaire des biens de Monsieur B... F... dressés par sa mandataire est lacunaire et manque de précisions quant aux engagements financiers souscrits.

En ce qui concerne les comptes de gestion, étant rappelé que le mandat de protection future fait obligation au mandataire d'assurer l'actualisation de l'inventaire au cours du mandat afin de maintenir à jour l'état du patrimoine, et en fonction des documents versés aux débat après l'arrêt avant dire droit , la Cour relève les variations suivantes:

-contrat Amadeo Excellence Vie [...] - valeur annoncée le 1" octobre 2015: 741.029 euros, au 31 octobre 2016: 767. 483 euros et au 1" décembre 2017: 723.668 euros,

-contrat Amadeo Excellence Vie [...] - valeur annoncée le 1" octobre 2015 :741.029 euros, au 31 octobre 2016 :768.327 euros et au 1" décembre 2017: 724516 euros,

-un nouveau contrat Amadeo Excellence Capi [...] , non mentionné dans l'état des placements au 31 décembre 2016, apparaît comme ayant un solde positif de 292535 euros au 1" décembre 2017,

- contrat AGIPI Epargne [...] 1.674.648 euros au 1" octobre 2015, 1.740.543 euros au 31 décembre 2016. Ce contrat qui est le mieux doté, n'est pas actualisé au jour de l'audience.

Deux contrats ont vu leurs dépôts diminuer:

-un livret AXA banque [...] : 430.063 euros le 1" octobre 2015, 306.987 euros le 31 décembre 2015 et 237.487 euros le 31 décembre 2016, soit une baisse de -69500 euros,

-un contrat AGIPI [...] dénommé Cumul avances enregistre une nette augmentation de son solde négatif, passant de -150839 euros à -954477 euros au 31 décembre 2016.

Que Madame K... N... épouse F... donne des explications sommaires aux mouvements intervenus. Elle indique dans son écrit au notaire du 24 avril 2017 que la variation du compte d'avance de trésorerie qu'elle chiffre pour un an, du 31 décembre 2015 au 31 décembre 2016, à moins 802627 euros, a servi à l'achat de la nouvelle maison de Pessac, 484000 euros et aux travaux qui y sont faits, pour 300000 euros ; qu'il peut être déduit de documents produits que cette somme de 300.000 euros, qui n'apparaît pas pour la période considérée à l'actif du compte bancaire BNP commun, ni sur le compte propre BNP de Monsieur B... F..., correspond au virement du même montant fait en septembre 2016 par le compte AGIPI Epargne retraite de l'intéressé sur son compte AXA livret banque . Ce compte AXA livret banque a sur la même période crédité un compte AXA [...], ouvert au nom de Monsieur B... F..., pour un montant de 357.000 euros. Or ce compte [...], qui avait un solde de 26368 euros au 31 décembre 2015, n'avait malgré ce virement qu'un solde positif au 31 décembre 2016 de 41187 euros. Aucun état mois par mois du fonctionnement de ce compte n'étant versé aux débats, la Cour s'interroge sur le devenir des 357.000 euros versés sur ce compte en 2016 et dont seuls 41187 euros apparaissent en fin d'année ; que de plus, le mail envoyé par Monsieur J... Y... le 12 décembre 2017 indique qu'un premier règlement de la vente de l'immeuble de Pessac, [...] , a été fait en juin 2017 à hauteur de 850.000 euros ; que d'après cette personne cette somme a servi à hauteur de 300.000 euros en remboursement d'avances sur le contrat assurance vie de Monsieur B... F..., avance ayant servi à financer les travaux de la future résidence de Pessac et 250.000 euros sur le livret AXA Banque pour le règlement de travaux engagés sur la future résidence principale des époux F.... Outre le fait que ces deux sommes ne comblent pas l'avance totale qui était de 802627 euros, aucun justificatif (devis d'architecte, de maître d'oeuvre) n'est produit de la réalité et du coût effectif des travaux ; que Monsieur B... F... possède un compte à la BNP dont les mouvements traduisent des dépenses se rattachant plus à son entretien direct: alimentation et frais courants, paiement des impôts, de la pension à l'ex épouse, charges, entretien, abonnements, frais de santé et salaire de l'assistance médicale ou femme de ménage (Madame L...). Ce compte est alimenté par les versements des caisses de retraite de Monsieur B... F..., l'héritage de son frère décédé, un virement irrégulier du compte commun et un virement du compte livret AXA [...]. Les flux de ce compte (119900 euros en 2016) semblent conformes au train de vie du mandant ; que les époux F... possèdent aussi un compte commun qui enregistre à son actif le versement du loyer de l'appartement de Neuilly dont le bail n'est pas fourni, la retraite et la prévoyance AGIPI et des revenus DE ALSTOM MANAGEMENT (4400 euros par an). 47.647 euros ont transité par ce compte en 2016 dont 22744 euros affectés au poste "prise en charge accompagnement Madame F..." dont on ignore le contenu exact, aucune facture n'étant jointe ; qu'est versée au dossier une attestation d'un cabinet d'avocats du 20 janvier 2017 qui indique que Monsieur B... F... a fait l'objet d'un redressement fiscal de 78.165 euros au titre du paiement de l'ISF de 2013 à 2016 inclus. Le mandat ayant été activé en octobre 2015, une partie des années visées par le redressement fiscal est inclue dans l'administration faite par Madame K... N... épouse F..., mandataire, ce qui indique que celle-ci, pour la déclaration de l'ISF de 2015 (faite en 2016) et de 2016 (faite en 2017) a manqué à son obligation de bonne gestion ; que dans son compte rendu de gestion du 24 avril 2017, Madame K... N... épouse F... écrit que les revenus du foyer sont inférieurs à ses dépenses et indique qu'il est nécessaire de ponctionner les différents placements financiers, sans toutefois mentionner à quelle hauteur et quels placements sont concernés. Elle ne justifie pas auprès du notaire des travaux et ne fait pas état du redressement fiscal. Par rapport aux sommes gérées, son compte rendu de trois pages est sommaire ; que la Cour constate que tant la situation de l'appartement de Neuilly, les placements, les revenus financiers, les mouvements de compte et les dépenses de Monsieur B... F... ne sont pas clairement exposés ni accompagnés de pièces justificatives. Dans ces conditions il est impossible de dire que les intérêts patrimoniaux de Monsieur B... F... ont été préservés et que Madame K... N... épouse F... a convenablement rempli les obligations mises à sa charge en page 6 du mandat de protection future ; que dès lors, le jugement du juge de première instance, qui a refusé de placer ce dernier sous le régime de la tutelle ou de la curatelle en estimant que les intérêts du majeur étaient suffisamment protégés par le mandat de protection future, sera réformé et un régime de protection sera ouvert au bénéfice de Monsieur B... F... ; qu'il apparaît en effet que l'intéressé est dans l'impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts, en raison de l'altération, médicalement constatée, de ses facultés mentales et de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté. Comme il a été vu le certificat médical circonstancié du 7 septembre 2015 relève ces altérations tout en notant que Monsieur B... F... est en capacité de participer à la prise de décisions le concernant. Il sera donc en application des articles 425, 428 et 440 du code Civil, placé sous le régime de protection de la curatelle renforcée pour une durée de 24 mois ; qu'il a été vu que Madame K... N... épouse F... assurait à son conjoint les soins nécessaires et protégeait sa personne et son cadre de vie. Son époux qui l'avait désignée comme mandataire dans le mandat de protection future lui manifeste une confiance certaine et pour ce motif, elle sera désignée en qualité de curatrice à la personne de Monsieur B... F... ; que la curatelle renforcée aux biens sera confiée à l'UDAF de la Gironde, conformément à la demande de Madame D... F... et dans l'intérêt de Monsieur B... F... » ;

1° ALORS QUE tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que la cour d'appel, qui a constaté dans son dispositif que le mandat de protection future conclu entre M. B... F... et Mme K... N... épouse F... le 22 mai 2013 et activé le 19 octobre 2015 ne garantissait plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. B... F..., tout en relevant que Mme K... N... épouse F... l'exposante « assurait à son conjoint les soins nécessaires et protégeait sa personne et son cadre de vie », et désignant cette dernière en qualité de curatrice à la personne de M. B... F..., a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2° ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article 12 de la convention relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) et de l'article 428 du code civil que les mesures relatives à l'exercice de la capacité juridique doivent respecter les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée, et qu'un mandat de protection future ne peut être écarté qu'en présence d'une atteinte effective et prouvée aux intérêts de cette personne ; que la cour d'appel, pour constater que le mandat de protection future conclu entre M. B... F... et Mme K... N... épouse F... le 22 mai 2013 et activé le 19 octobre 2015, ne garantissait plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. B... F..., placer ce dernier sous le régime de la curatelle renforcée et désigner l'UDAF de la Gironde en qualité de curatrice aux biens, a retenu qu'il était impossible de dire que les intérêts patrimoniaux de M. B... F... avaient été préservés ; qu'en statuant ainsi, en se fondant sur une absence de preuve de protection suffisante des intérêts patrimoniaux de M. B... F..., la cour d'appel qui a renversé la charge de la preuve a violé les dispositions précitées ;

3° ALORS QU'une mesure de protection judiciaire ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par le mandat de protection future conclu par l'intéressé ; que la cour d'appel, pour constater que le mandat de protection future conclu entre M. B... F... et Mme K... N... épouse F... le 22 mai 2013 et activé le 19 octobre 2015 ne garantissait plus les intérêts personnels et patrimoniaux de M. B... F..., placer ce dernier sous le régime de la curatelle renforcée et désigner l'UDAF de la Gironde en qualité de curatrice aux biens, s'est fondée sur le retard de transmission au notaire de l'inventaire des biens de M. B... F..., son caractère lacunaire et son manque de précision, les variations sur certains comptes, le manque de précision du compte de gestion, par rapport aux sommes gérées, et un redressement fiscal concernant pour partie des années inclus dans l'administration par Mme K... N... ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant l'existence de biens et placements pour un total de plus de 5 700 000 euros et sans indiquer en quoi les intérêts patrimoniaux de M. B... F..., né en [...], étaient compromis par l'exécution du mandat de protection future, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 428 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-14250
Date de la décision : 17/04/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

MAJEUR PROTEGE - Mandat de protection future - Mandat mis à exécution - Fin - Révocation par le juge des tutelles - Ouverture d'une mesure de protection juridique - Possibilité - Condition

MAJEUR PROTEGE - Mandat de protection future - Révocation - Cas - Atteinte aux intérêts du mandant - Appréciation souveraine POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Majeur protégé - Mandat de protection future - Révocation - Cas - Atteinte aux intérêts du mandant

Il résulte des articles 483, 4°, et 485, alinéa 1, du code civil que la révocation du mandat de protection future peut être prononcée lorsque son exécution est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant, le juge des tutelles pouvant alors décider de l'ouverture d'une mesure de protection juridique. Justifie légalement sa décision une cour d'appel qui, estimant souverainement que les intérêts patrimoniaux du mandant ne sont pas suffisamment préservés par le mandat de protection future, décide de le révoquer et ouvre une mesure de protection


Références :

articles 428, 483, 4°, et 485, alinéa 1, du code civil

article 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 25 janvier 2018

Sur l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'atteinte portée aux intérêts du mandant par l'exécution du mandat de protection future, à rapprocher : 1re Civ., 4 janvier 2017, pourvoi n° 15-28669, Bull. 2017, I, n° 5 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 avr. 2019, pourvoi n°18-14250, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14250
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award