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17/04/2019 | FRANCE | N°18-11766

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 avril 2019, 18-11766


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article L. 622-24 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-3 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Saint-Jean Immobilier, syndic de copropriété, a souscrit un contrat de garantie financière auprès de la société Les Souscripteurs du Lloyd's (le Lloyd's) ; que ce contrat a été résilié le 8 février 2010 ; que, l

e 7 juin 2010, la société Saint-Jean Immobilier a été mise en liquidation judiciaire,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article L. 622-24 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-3 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Saint-Jean Immobilier, syndic de copropriété, a souscrit un contrat de garantie financière auprès de la société Les Souscripteurs du Lloyd's (le Lloyd's) ; que ce contrat a été résilié le 8 février 2010 ; que, le 7 juin 2010, la société Saint-Jean Immobilier a été mise en liquidation judiciaire, M. K... étant désigné liquidateur ; que par une ordonnance du 27 mars 2012, le juge-commissaire a admis au passif la créance du Syndicat des copropriétaires de la résidence [...] (le syndicat) à concurrence de la somme de 64 230 euros à titre chirographaire ; que le Lloyd's a formé une réclamation contre l'état des créances, laquelle a été rejetée par une ordonnance du juge-commissaire du 21 juillet 2015 dont le Lloyd's a fait appel ;

Attendu que pour infirmer l'ordonnance qui a admis la créance du syndicat, l'arrêt retient que dans la mesure où les fonds versés doivent être déposés sur un compte dédié, obéissent à une comptabilité autonome de celle du syndic, restent la propriété du syndicat et ne peuvent être utilisés que pour son compte, celui-ci n'a pas de créance à faire valoir contre le syndic et n'a pas de créance à déclarer ;

Qu'en statuant ainsi, alors que lorsque un syndic est en procédure collective, le syndicat de copropriétaires, auquel les sommes ou valeurs reçues à son nom ou pour son compte par le syndic n'ont pas été restituées, peut déclarer sa créance de restitution au passif du syndic et en demander l'admission, sans préjudice de la mise en oeuvre de la garantie financière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme l'ordonnance du juge-commissaire du 27 mars 2012 ayant admis la créance du syndicat des copropriétaires de la résidence [...] au passif de la société Saint-Jean Immobilier, l'arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Lloyd's France, en sa qualité de mandataire général en France de la société Les souscripteurs du Lloyd's de Londres, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires résidence [...], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires résidence [...]

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur la réclamation du garant financier (les souscripteurs du Lloyd's de Londres) d'un syndic de copropriété (la société Saint-Jean Immobilier) en liquidation judiciaire contre l'ordonnance ayant admis au passif, au titre de sommes non représentées, la créance de son mandant (le syndicat des copropriétaires de la résidence [...], l'exposant) d'avoir réformé cette ordonnance ;

AUX MOTIFS QUE le Lloyd's faisait valoir que les copropriétaires avaient réglé leurs charges entre les mains du syndic de copropriété actuellement en procédure collective et demeuraient propriétaires, en qualité de mandants, de la trésorerie dénommée "fonds mandants", qui avait fait l'objet de la déclaration de créance ; qu'il ne s'agissait pas d'un passif du syndic qui ne faisait que détenir ces sommes, qu'il était quant à lui garant financier de ces fonds en application de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 et de son décret d'application du 20 juillet 1972 ; qu'en effet, l'article 39 de ce décret disposait que « la garantie financière couvrait toute créance ayant pour origine un versement ou une remise effectués à l'occasion d'une opération mentionnée à l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 » et, dans l'hypothèse de la résiliation du contrat de garantie financière, l'article 70 du décret disposait que « les retraits du compte ouvert (¿) (étaient) opérés, avec l'accord du garant, sous la signature du titulaire du compte (...) » ; que, dans cette mesure, et alors que le garant était tenu de la garantie des créances nées antérieurement à la date de la résiliation, le Lloyd's avait un intérêt pour former une réclamation, d'autant qu'il existait un litige faisant l'objet d'une procédure devant le tribunal de grande instance de Toulon, portant sur la garantie s'appliquant aux mêmes fonds mandants, et que dans une telle situation existait un risque de contrariété de décisions judiciaires portant sur le même objet ; que l'article 39 susvisé disposait par ailleurs que « la(dite) garantie financière produi(sait) effet sur les seules justifications que la créance (était) certaine, liquide et exigible et que la personne garantie (était) défaillante (...) (que) si le garant contestait l'existence des conditions d'ouverture du droit au paiement ou le montant de la créance, le créancier p(ouvait) assigner directement le garant devant la juridiction compétente » ;
qu'au visa de ce texte, le Lloyd's soutenait qu'il appartenait au mandant de faire la démonstration du caractère certain, liquide et exigible de sa créance ; que, s'abstenant de toute démonstration de ce chef dans le cadre de l'instance ouverte devant le tribunal de grande instance de Toulon, l'intéressé lui avait opposé l'ordonnance du juge-commissaire ayant admis sa créance au passif du syndic, s'exonérant ainsi de toute preuve de son droit ; qu'en tout état de cause, dans la mesure où les fonds versés restaient la propriété du syndicat et ne pouvaient être utilisés que pour son compte, celui-ci n'avait pas de créance à faire valoir contre le syndic relativement à ces fonds et n'avait donc pas de créance à déclarer ; qu'en effet, les fonds mandants devaient être déposés sur un compte dédié obéissant à une comptabilité autonome de celle du syndic ; qu'au demeurant, la Cour de cassation avait déjà jugé le 15 février 2011 que « le mandant d'une agence immobilière en liquidation judiciaire n'a(vait) pas à déclarer sa créance de restitution résultant des dispositions de la loi du 2 janvier 1970 au passif de la procédure, celle-ci échappant par sa nature aux dispositions de la procédure collective obligeant les créanciers dont la créance (était) née antérieurement au jugement d'ouverture à déclarer leurs créances au liquidateur » (arrêt attaqué, p. 4, § 3 et 4, et p. 5, 1er à 3ème alinéas) ;

ALORS QUE le mandant d'une personne physique ou morale se livrant à des opérations de gestion immobilière et soumise à une procédure collective peut déclarer sa créance de restitution des versements effectués pour son compte entre les mains de son mandataire et en demander l'admission ; qu'en l'espèce, en affirmant que le syndicat des copropriétaires n'avait pas de créance à faire valoir, et donc à déclarer au passif de la liquidation judiciaire de son ancien mandataire au titre de la restitution des fonds versés pour son compte entre les mains de ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 1erde la loi du 2 janvier 1970 ainsi que les articles L. 624-1 et suivants du code de commerce ;

ALORS QUE, en outre, la faculté du mandant de déclarer sa créance de restitution s'exerce sans préjudice et indépendamment de la mise en oeuvre de la garantie financière profitant au mandataire ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a rappelé l'argumentation du garant financier selon laquelle le mandant n'aurait pas démontré le bien-fondé de son action tendant à mettre en oeuvre son engagement de garantie des sommes encaissées par le mandataire ; que si elle a intégré ce rappel dans sa motivation, statuant de la sorte par des motifs inopérants au regard de la réclamation dont elle était saisie, laquelle visait la déclaration par le mandant de sa créance de restitution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 ainsi que les articles L. 624-1 et suivants du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-11766
Date de la décision : 17/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Jugement - Déclaration des créances - Domaine d'application - Passif du syndic - Créance de restitution du syndicat des copropriétaires - Syndicat des copropriétaires - Garantie financière

COPROPRIETE - Syndic - Action en justice - Syndic en liquidation judiciaire - Créance de restitution du syndicat des copropriétaires - Déclaration

Lorsqu'un syndic est en procédure collective, le syndicat de copropriétaires, auquel les sommes ou valeurs reçues à son nom ou pour son compte par le syndic n'ont pas été restituées, peut déclarer sa créance de restitution au passif du syndic et en demander l'admission, sans préjudice de la mise en oeuvre de la garantie financière


Références :

article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970

articles L. 622-24 et L. 641-3 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14 septembre 2017

A rapprocher : Com., 18 janvier 2017, pourvoi n° 15-16531, Bull. 2017, IV, n° 10 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 avr. 2019, pourvoi n°18-11766, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11766
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