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09/04/2019 | FRANCE | N°18-80921

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 avril 2019, 18-80921


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Mme C... G...,
- La société Astrazeneca,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 17 janvier 2018, qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, a condamné la première à 3 000 euros d'amende, la seconde à 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 février 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-

1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Str...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Mme C... G...,
- La société Astrazeneca,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 17 janvier 2018, qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, a condamné la première à 3 000 euros d'amende, la seconde à 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 février 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller Ricard, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général QUINTARD ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3 du code pénal, L 2141-6, L 2324-2, L 2263-1 du code du travail, 2 de l'avenant du 11 juin 2010 à l'accord d'établissement sur l'exercice du droit syndical du 25 octobre 2000 conclu entre la société Astrazeneca et les organisations syndicales de l'entreprise, 1134 ancien et 1103 nouveau du code civil, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la société Astrazeneca et Mme G... coupables d'entrave à l'exercice du droit syndical « en tentant d'empêcher à 2 reprises la diffusion de tracts syndicaux rédigés par M. H... »,

"aux motifs que le délit d'entrave réprimé par l'article L2141-6 du code du travail réprime le fait de porter atteinte à l'exercice du droit syndical sans distinguer que celui-ci soit exercé par le délégué syndical, la section syndicale de l'entreprise ou un membre de celle-ci ou encore le représentant du syndicat au comité d'entreprise ; que la faculté de distribuer des publications et des tracts syndicaux s'inscrit dans le code du Travail parmi les textes relatifs à la section syndicale ; que cette prérogative est donc réservée à cette seule section et peut être exercée par l'un quelconque de ses membres, à cette condition que la diffusion s'effectue dans le cadre qui lui a été assigné préalablement ; qu'il résulte de l'accord d'entreprise signé le 25 octobre 2000 et de son avenant signé le 11 juin 2010, que celui-ci était conclu entre la société Astrazeneca et les organisations syndicales de l'entreprise ; que s'il prévoyait les modalités de diffusion par la messagerie interne de l'entreprise des tracts et publications syndicaux, il ne spécifiait aucunement que ceux-ci devaient lui être transmis par les seuls délégués syndicaux mais bien par les organisations syndicales sans plus de précision ; qu'il est toutefois soutenu par la défense que seul le délégué syndical, qui serait le seul porte-parole d'une organisation syndicale, était à même de communiquer valablement des tracts ou publications à l'entreprise afin que celle-ci les diffuse ; que M. H... n'étant que représentant syndical au comité d'entreprise, aucune obligation n'aurait, de la sorte, pesé sur la société Astrazeneca ; que toutefois, d'une manière générale, et comme en matière de collecte des cotisations, la distribution de tracts-papier peut être faite dans une entreprise, par un membre quelconque de la section syndicale sans qu'il soit nécessairement délégué syndical en titre ; que la désignation d'un délégué syndical par son organisation ne signifie pas que celui-ci doive être l'interlocuteur unique de l'employeur au travers des manifestations diverses de l'action syndicale ; qu'il n'apparaît pas, au demeurant, qu'en sollicitant, conformément à l'article 2 de l'avenant à l'accord d'entreprise précité, la diffusion d'un tract et d'un courrier par la voie de la messagerie interne de la société et selon les modalités précises déterminées par ce texte, M. H... ait outrepassé, de ce seul fait, son rôle de représentant syndical au comité d'entreprise, alors même qu'il n'entendait pas, de la sorte, agir en tant que mandataire des salariés de l'entreprise mais en tant que mandataire de l'organisation syndicale à laquelle il appartenait et qu'il ne faisait, de cette façon, qu'exercer ses attributions inséparables de son appartenance syndicale ; qu'il convient de relever qu'à aucun moment, la société, par le biais de ses dirigeants ou de son DRH, n'indiquait à celui-ci ou à son organisation syndicale ; qu'elle prenait pourtant la peine de contacter en la personne de son président ; que sa démarche était, pour cette raison, irrecevable et qu'elle devait être effectuée par le délégué syndical dûment désigné et dont elle connaissait l'existence ; qu'en cherchant bien au contraire à négocier avec lui, la société Astrazeneca reconnaissait ainsi implicitement la légitimité de son statut et de sa demande ; qu'en refusant, contrairement à l'accord d'entreprise du 25 octobre 2000 modifié par avenant du 11 juin 2010, de diffuser le tract du 16 mai 2012 présenté par M. H... conformément à sa demande dans les 48 heures prévues, en lui enjoignant de retirer un bandeau figurant sur ce tract et de ne pas joindre à celui-ci son courrier syndical aux dirigeants du groupe, en le convoquant auprès de sa hiérarchie afin d'en discuter, en retardant à nouveau la diffusion du second tract du 20 juin 2012, en lui faisant part du fait que la société se réservait la possibilité d'engager une action judiciaire contre lui, en contactant le président de son organisation syndicale afin qu'il intervienne auprès de lui, l'ensemble de ces agissements caractérise le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical poursuivi » ;

"1°) alors qu'il n'entre pas dans les attributions d'un représentant syndical au sein du comité d'entreprise, dont le mandat est limité à la seule représentation du syndicat au sein dudit comité, et dont le rôle ne se confond pas avec celui du délégué syndical, de représenter son organisation syndicale dans l'entreprise et auprès de l'employeur ; que selon l'article 2.1 de l'avenant du 11 juin 2010 à l'accord sur l'exercice du droit syndical en date du 25 octobre 2000 relatif à la diffusion par la messagerie professionnelle, « les organisations syndicales présentes dans l'entreprise auront la possibilité de diffuser par la messagerie professionnelle de l'entreprise des tracts dans les conditions et limites suivantes : -Chaque syndicat présent dans l'entreprise pourra envoyer 6 tracts par année civile par voie électronique ; -Le syndicat devra adresser par mail en pièce jointe scannée son tract ; que le mail est à adresser au Responsable des Relations Sociales en mettant en copie le Directeur des Ressources Humaines ; qu'a la réception du tract et au plus tard dans les 48 heures, la Direction des ressources humaines se chargera de l'envoi à l'ensemble des salariés du tract via une boîte mail dédiée intitulée « communication syndicale » ; que le non-respect des modalités ci-avant fixées pour la diffusion électronique des tracts conduira à une impossibilité immédiate de toute diffusion de tract électronique » ; qu'au sein de l'entreprise et dans les rapports avec la direction, « l'organisation syndicale » ou « le syndicat » est représenté par le délégué syndical ou par le représentant du syndicat personne morale ; qu'il en résulte qu'en sollicitant la diffusion d'un tract conformément à l'article 2 de l'avenant à l'accord d'entreprise, M. H... a bien outrepassé, de ce seul fait, son rôle de représentant syndical au comité d'entreprise et qu'aucun délit d'entrave ne saurait être constitué à son égard ; que la cassation interviendra sans renvoi ;

"2°) alors que la communication syndicale et la représentation de l'organisation syndicale dans l'entreprise et auprès de l'employeur relèvent des prérogatives du délégué syndical ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que M. H... a pris en charge la communication syndicale diffusée par la messagerie professionnelle de l'entreprise, décidé du contenu et des dates de diffusion des tracts, et négocié cette diffusion avec la direction au nom du syndicat qu'il entendait représenter, toutes attributions relevant des prérogatives du seul délégué syndical, mandat dont il était dépourvu ; que la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il résultait que M. H... ayant outrepassé son mandat de représentant syndical au comité d'entreprise, aucun délit d'entrave ne saurait être constitué pour avoir tenté d'empêché la diffusion des tracts litigieux et leur annexe ; que la cassation interviendra sans renvoi ;

"3°) alors qu' aux termes de l'article L. 2263-1 du code du travail, lorsqu'en application d'une disposition législative expresse dans une matière déterminée, une convention ou un accord collectif de travail étendu déroge à des dispositions légales, les infractions aux stipulations dérogatoires sont punies des sanctions qu'entraîne la violation des dispositions légales en cause ; que la libre diffusion de tracts et de publications syndicales ne s'impose légalement à l'employeur que lorsqu'elle intervient par voie d'affichage ou de distribution dans les conditions prévues par les articles L. 2142-3 et L. 2142-4 du code du travail ; qu'aux termes de l'article L. 2142-6 du code du travail, un accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'obligation de diffuser les tracts et publications syndicales par la messagerie électronique de l'entreprise dans un délai de 48 heures ayant pour seul fondement les dispositions de l'accord d'entreprise n'ayant pas fait l'objet d'un arrêté d'extension, la cour ne pouvait, sans violer l‘article L. 2263-1 du code du travail, sanctionner pénalement les prévenus au titre d'un délit d'entrave pour avoir tardé à diffuser les tracts litigieux" ;

Sur le moyen pris en ses deux premières branches ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. F... H..., salarié de la société Astrazeneca (la société), groupe pharmaceutique dirigé par Mme G..., a été, à compter du 24 février 2012, représentant syndical auprès du comité d'entreprise au nom du syndicat national des cadres de la chimie (SNCC) ; qu'il a, en compagnie du SNCC, porté plainte, le 18 juillet 2013, auprès du procureur de la République pour délit d'entrave à l'exercice du droit syndical contre la société et ses dirigeants pour ne pas avoir diffusé un tract par le biais de la messagerie électronique de l'entreprise malgré l'existence d'un accord d'entreprise, signé le 25 octobre 2000, modifié par un avenant en date du 11 juin 2010, ayant autorisé la mise à disposition par ce truchement des publications et tracts de nature syndicale; que la société et Mme G..., citées du chef susvisé devant le tribunal correctionnel, ont été reconnues coupables de l'infraction par les premiers juges ; que les prévenues ont, de même que le ministère public, relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour dire constitué le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, prévu par l'article L.2146-1 du code du travail, résultant d'une atteinte portée à l'exercice qui a été fait de ce droit par le représentant du syndicat au comité d'entreprise, l'arrêt énonce que, d'une part, en application des dispositions du code du travail, la faculté de distribuer des publications et des tracts syndicaux appartient à la section syndicale et peut être exercée par l'un quelconque de ses membres, à condition que la diffusion s'effectue selon les modalités préalablement établies, d'autre part, tant l'accord d'entreprise, signé le 25 octobre 2000 entre la société et les organisations syndicales de l'entreprise, que son avenant en date du 11 juin 2010, lesquels ont organisé les modalités de diffusion par la messagerie interne de l'entreprise des tracts et publications syndicaux, ont attribué la transmission de ces documents aux fins de diffusion par voie électronique aux organisations syndicales, sans la réserver aux seuls délégués syndicaux ; que les juges relèvent que, de même que chacun des membres de la section syndicale de l'entreprise peut participer à la distribution de tracts sur support papier, sans réserver cette activité au délégué syndical, la désignation de ce dernier par son organisation ne le constitue pas comme l'interlocuteur unique de l'employeur dans chacune des manifestations de l'action syndicale ; qu'ils retiennent que M. H..., en demandant, conformément à l'article 2 de l'avenant à l'accord d'entreprise précité, la diffusion d'un tract et d'un courrier par la voie de la messagerie interne de la société, selon les modalités déterminées par ce texte, n'a pas outrepassé son rôle de représentant syndical au comité d'entreprise, mais a agi en qualité de mandataire de son organisation syndicale ; qu'enfin les juges ajoutent que la société n'a pas opposé l'irrecevabilité de la demande de diffusion des documents en cause au motif que celle-ci aurait dû être effectuée par le délégué syndical ;

Attendu qu'en prononçant par ces motifs, la cour d'appel a fait l'exacte application des dispositions légales et conventionnelles visées au moyen, dès lors que ces dernières attribuent à chaque membre de la section syndicale, y compris au représentant syndical au comité d'entreprise, la qualité pour intervenir auprès des instances compétentes au sein de l'entreprise afin de faire procéder à la diffusion de documents syndicaux au moyen des outils numériques disponibles dans ladite entreprise, sans réserver cette fonction au seul délégué syndical ;

D'où il suit que les griefs doivent être écartés ;

Sur le moyen, pris en son autre branche ;

Attendu que, dès lors que, d'une part, l'article L.2142-6 du code du travail, dans sa version applicable à la date des faits, dispose qu'un accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de celle-ci, et définir les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, d'autre part, l'accord d'entreprise sur l'exercice du droit syndical en date du 25 octobre 2000 signé entre la société et les organisations syndicales, ainsi que son avenant du 11 juin 2010, relatifs, notamment, à la diffusion des tracts syndicaux et des publications syndicales, définissent les modalités desdites diffusions, sans déroger aux dispositions légales, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article L.2263-1 du code du travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 1 500 euros la somme que Mme G... devra payer à M.F... H... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 1 500 euros la somme que la société Astrazeneca devra payer à M. F... H... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf avril deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-80921
Date de la décision : 09/04/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 avr. 2019, pourvoi n°18-80921


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.80921
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