LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2017), que la société par actions simplifiée RBMH Holding (la société), dont M. P... était le président, a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 29 avril 2013, la date de cessation des paiements étant provisoirement fixée au 7 novembre 2012 ; que M. M..., désigné en qualité de liquidateur a demandé le report de la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, puis, après dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire portant sur la gestion et la comptabilité de la société, au 30 avril 2012 ;
Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de reporter au 11 juin 2012 la date de cessation des paiements de la société alors, selon le moyen :
1°/ que le juge, qui ne peut se saisir d'office du report de la date de cessation des paiements, ne peut s'arroger le droit de fixer une autre date que celle invoquée par les personnes habilitées à exercer l'action en report ; qu'en reportant la date de cessation des paiements de la société au 11 juin 2012, cependant qu'elle avait exclusivement été saisie d'une demande de M. M..., ès qualités de liquidateur, tendant à voir reporter la date de cessation des paiements de la société au 30 avril 2012, comme préconisée par l'expert, la cour d'appel, qui ne pouvait d'office reporter la date de cessation à une autre date que celle invoquée par le liquidateur, a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 631-8 du code de commerce ;
2°/ que le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; qu'en reportant la date de cessation des paiements de la société au 11 juin 2012, cependant que dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 13 avril 2017, M. M..., ès qualités, sollicitait uniquement le report de la date de cessation des paiements de la société au 30 avril 2012, la cour d'appel a statué sur une demande qui n'était pas formulée par les parties, en méconnaissance des termes du litige et en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que pour établir que la société était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, le juge doit préciser quel était l'actif disponible ou le passif exigible à la date à laquelle il fixe la cessation des paiements ; qu'en se contenant de relever, pour reporter la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, que les remontées de dividendes faisaient défaut "à partir de l'exercice 2012", sans en préciser la date, et que le passif au 1er janvier 2012, constitué de découverts bancaires, n'avait pas été compensé par "un actif disponible concomitant", la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements de la société, en l'absence de toute précision sur l'actif disponible à cette date, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;
4°/ qu'en se contentant de relever que l'expert conclut que l'examen des comptes annuels faisait ressortir un niveau de résultat d'exploitation structurellement négatif devant être compensé par les remontées de dividendes des filiales, qui ont fait défaut à partir de l'exercice 2012, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, et comme cela ressortait des conclusions de l'expert, qu'en dépit d'impayés, la société avait encaissé d'importantes sommes de la part de ses filiales, pour un montant total de 811 000 euros, ce qui lui avait permis de procéder au paiement d'un nombre significatif de charges pour un montant total de 661 000 euros, les recettes avaient été supérieures de 150 000 euros aux dépenses, ce dont il s'inférait que la société bénéficiait de réserves de crédit lui permettant de faire face au passif exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, saisie de demandes tendant l'une au maintien de la date de cessation des paiements de la société au 7 novembre 2012, fixée provisoirement par le jugement l'ayant mise en liquidation judiciaire, et l'autre au report de cette date au 30 avril 2012, a, sans excéder ses pouvoirs, ni méconnu l'objet du litige, fixé cette date au 11 juin 2012 ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que la société bénéficiait de recettes propres correspondant à des facturations de prestations de services à ses filiales, lesquelles ont fait défaut à partir de l'exercice 2012, ces sociétés étant presque toutes en procédure collective ; qu'analysant le rapport d'expertise il retient que les investigations menées sur la période postérieure au 1er janvier 2012 n'ont pas permis de caractériser un actif disponible concomitant aux non-paiements constatés ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision de fixer la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, au regard de l'absence d'actif disponible qu'elle caractérisait à la date retenue et du passif exigible non contesté, à cette même date ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. P... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. P...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir reporté au 11 juin 2012 la date de cessation des paiements de la société RMBH Holding ;
AUX MOTIFS QUE sur le report de la date de cessation des paiements, qu'à titre liminaire, il sera relevé que le tribunal pouvait sans statuer ultra petita et sans vicier sa décision, retenir comme il l'a fait une date de cessation des paiements se situant entre celles prétendues par les parties ; que l'état de cessation des paiements se caractérise par l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif immédiatement exigible au moyen de son actif disponible ; qu'il appartient à Maître M... de faire la preuve du bien fondé de sa demande de report ; que le fait que les deux mandataires ad'hoc, Maître K... et Maître U..., au cours des cinq mois de leurs mandats successifs - respectivement du 9 octobre au 27 décembre 2012, et de cette dernière date au 11 mars 2013 - n'aient pas constaté l'état de cessation des paiements ne démontre pas que celui-ci n'était pas antérieur à la déclaration faite sur la recommandation de Maître U..., étant en particulier relevé la brièveté de chacun des mandats ; que ceci posé, il importe de rappeler que la société RBMH Holding a pour seule activité celle de holding de plusieurs filiales opérationnelles, qu'elle assume des charges propres et dispose de recettes propres correspondant à des facturations de prestations de services à ses filiales ; que la situation des filiales du groupe RBMH s'est dégradée de façon importante en 2012 dans un contexte de conflits graves entre associés et a conduit à l'ouverture de procédure collectives sur la quasi-totalité des sociétés du groupe ; qu'il est largement établi et non contesté que la société RBMH Holding n'a pas fait face à son passif exigible ainsi qu'en attestent d'importants impayés dès le 1er janvier 2012, étant relevé que les problèmes de trésorerie sont antérieurs et à l'origine de nombreux avis d'impayés et mises en demeure sur l'année 2011, les commissaires aux comptes ayant d'ailleurs fait état dans leur rapport sur les comptes de l'exercice 2011 de l'incertitude existant sur la continuité d'exploitation en raison de la situation financière extrêmement difficile du groupe ; que le passif exigible constitué de dettes fiscales, sociales et de fournisseurs, a significativement augmenté à compter du mois de mai 2012 ; qu'en particulier, les 11 et 12 juin 2012, la société n'a pas honoré deux échéances en capital de 200.000 euros chacune immédiatement dues en remboursement de deux prêts contractés auprès du Crédit Agricole ; que les impayés empirant encore à la suite et les derniers salaires effectivement payés par la société ayant été ceux du mois de décembre 2011, les salaires de l'année 2012 ayant quant à eux été acquittés par une filiale ; que Monsieur P... ne discute pas la réalité de ce passif conséquent exigible et impayé mais fait grief au liquidateur judiciaire et au tribunal de n'avoir pas établi corrélativement l'absence d'actif disponible de la société, rappelant qu'un défaut de paiement est insuffisant à caractériser un état de cessation des paiements ; qu'à cet égard, l'expert conclut que l'examen des comptes annuels fait ressortir un niveau de résultat d'exploitation structurellement négatif qui doit être en principe compensé par les remontées de dividendes des filiales, lesquels dividendes ont fait défaut à partir de l'exercice 2012 ; qu'il est encore établi qu'au 1er janvier 2012, la société présentait des découverts bancaires constants en dépit de l'apport de fonds à raison de 4.500.000 euros correspondant à un emprunt obligataire, et les investigations menées sur la période postérieure ont établi le passif ci-avant décrit mais n'ont pas permis de caractériser un actif disponible concomitant à ces non paiements ; que dès lors, en l'état de ces éléments avérés et convergents, et sans inverser la charge de la preuve, c'est bien à Monsieur P... d'établir que la société aurait en réalité disposé d'une réserve de crédit ou plus généralement de fonds qui lui aurait permis de faire face à ce passif exigible, ce que les éléments soumis à la cour démentent, les investigations menées n'ayant pas permis d'identifier un actif disponible ; qu'ainsi, les développements qui précèdent fondent de retenir qu'est caractérisée à tout le moins l'état de cessation des paiements de la société à la date du 11 juin 2012, celle- ci n'étant plus alors en mesure de faire face à son passif immédiatement exigible au moyen de son actif disponible ; qu'en revanche, les éléments soumis à la cour sont insuffisants à retenir une date antérieure et en particulier celle du 30 avril 2012 telle que prétendue par le liquidateur judiciaire ; que la décision étant donc infirmée en ce que la date de cessation des paiements a été fixée au 1er juillet 2012, la date de report étant présentement définie au 11 juin 2012 ;
1°) ALORS QUE le juge, qui ne peut se saisir d'office du report de la date de cessation des paiements, ne peut s'arroger le droit de fixer une autre date que celle invoquée par les personnes habilitées à exercer l'action en report ; qu'en reportant la date de cessation des paiements de la société RBMH Holding au 11 juin 2012, cependant qu'elle avait exclusivement été saisie d'une demande de Maître M..., ès qualités de liquidateur, tendant à voir reporter la date de cessation des paiements de la société RMBH Holding au 30 avril 2012, comme préconisée par l'expert, la cour d'appel, qui ne pouvait d'office reporter la date de cessation à une autre date que celle invoquée par le liquidateur, a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 631-8 du code de commerce ;
2°) ALORS, EN OUTRE, QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; qu'en reportant la date de cessation des paiements de la société RBMH Holding au 11 juin 2012, cependant que dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 13 avril 2017 (p. 10), Maître M..., ès qualités, sollicitait uniquement le report de la date de cessation des paiements de la société RMBH Holding au 30 avril 2012, la cour d'appel a statué sur une demande qui n'était pas formulée par les parties, en méconnaissance des termes du litige et en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE pour établir que la société était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, le juge doit préciser quel était l'actif disponible ou le passif exigible à la date à laquelle il fixe la cessation des paiements ; qu'en se contenant de relever, pour reporter la date de cessation des paiements au 11 juin 2012, que les remontées de dividendes faisaient défaut « à partir de l'exercice 2012 », sans en préciser la date, et que le passif au 1er janvier 2012, constitué de découverts bancaires, n'avait pas été compensé par « un actif disponible concomitant », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements de la société RMBH Holding, en l'absence de toute précision sur l'actif disponible à cette date, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;
4°) ALORS, EN OUTRE, QU'en se contentant de relever que l'expert conclut que l'examen des comptes annuels faisait ressortir un niveau de résultat d'exploitation structurellement négatif devant être compensé par les remontées de dividendes des filiales, qui ont fait défaut à partir de l'exercice 2012, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, et comme cela ressortait des conclusions de l'expert, qu'en dépit d'impayés, la société RBMH Holding avait encaissé d'importantes sommes de la part de ses filiales, pour un montant total de 811.000 euros, ce qui lui avait permis de procéder au paiement d'un nombre significatif de charges pour un montant total de 661.000 euros, les recettes avaient été supérieures de 150.000 euros aux dépenses, ce dont il s'inférait que a société bénéficiait de réserves de crédit lui permettant de faire face au passif exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce.