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03/04/2019 | FRANCE | N°17-27075

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 avril 2019, 17-27075


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, et l'article 26-II de la même loi ;

Attendu que l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun ;

Attendu, selon l'arrêt attaq

ué, que M. L... a travaillé en qualité de "manager-coûts-projets" pour le compte de la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, et l'article 26-II de la même loi ;

Attendu que l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. L... a travaillé en qualité de "manager-coûts-projets" pour le compte de la société Arco Chimie Chemical Products Europe devenue Lyondell Chemical Europe puis Lyondell chimie France (la société) du 1er septembre 1989 au 27 février 2011, date à laquelle il a demandé un départ volontaire dans le cadre d'un plan de sauvegarde ; que de juin 1996 à décembre 2004, il a exercé ses fonctions exclusivement à l'étranger et a fait valoir ses droits à la retraite avec effet au 1er mars 2015 ; que, les primes et avantages perçus durant son exercice professionnel à l'étranger n'ayant pas donné lieu à versement par l'employeur de cotisations de retraite complémentaire alors qu'il demeurait soumis au régime français de sécurité sociale et de retraite complémentaire, il a saisi le 14 juin 2010 la juridiction prud'homale aux fins de régulariser sa situation auprès de la caisse de retraite complémentaire et a demandé le paiement par la société d'une certaine somme afin de compenser le préjudice subi du fait de défaut de cotisations aux caisses de retraite complémentaire ;

Attendu que pour dire l'action éteinte par la prescription quinquennale et déclarer irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt retient que la demande doit être analysée au regard des textes relatifs au contentieux du paiement des cotisations sociales en général, et des cotisations de retraite complémentaire en particulier, que par application des articles 2277 du code civil et L. 143-14 du code du travail applicables avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile (actuellement articles 2224 du code civil et L. 3243-1 du code du travail) le droit d'un salarié au paiement de salaires étant éteint du fait de la prescription extinctive de cinq ans, une action relevant du contentieux du paiement de cotisations de retraite assises sur ces salaires est nécessairement prescrite pour la même période ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que, devant le tribunal puis devant elle, le salarié avait soutenu que le manquement de l'employeur à son obligation de verser des cotisations de retraite complémentaire sur tous les éléments de rémunération et avantages en nature lui avait occasionné un préjudice quant au montant de sa retraite par l'effet d'un manque de points, que la faute de l'employeur aurait été commise pendant toute la période de 1996 à 2004 au cours de laquelle il était rémunéré pour ses activités à l'étranger en minimisant l'assiette des cotisations sociales, que pour parvenir à l'évaluation de son dommage le salarié avait procédé à la réintégration dans l'assiette des cotisations de retraite complémentaire, année par année, des éléments de rémunération payés par l'employeur et non compris dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, ce dont elle aurait dû déduire que cette demande qui ne concernait pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais portait sur la contestation de l'assiette des cotisations retenue par l'employeur sur les salaires versés était, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 août 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Lyondell chimie France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lyondell chimie France à payer à M. L... la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. L....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement entrepris, dit que l'action de M. L... était éteinte par la prescription quinquennale et d'AVOIR, par conséquent, déclaré ses demandes irrecevables ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « M. L..., né [...] , a travaillé en qualité de « manager-coûts-projets », statut de cadre, pour la société Arco Chimie Chemical Products Europe (devenue Lyondell Chemical Europe puis Lyondell Chimie France), du 1er septembre 1989 au 27 février 2011, date à laquelle il a demandé un départ volontaire dans le cadre d'un plan de sauvegarde. De juin 1996 à décembre 2004, il a exercé ses fonctions exclusivement à l'étranger (Pays-Bas et Grande Bretagne). Par requête reçue le 14 juin 2010, complétée par des conclusions du 9 février 2011, M. L... a saisi le conseil des prud'hommes pour faire « dire et juger, que les éléments de rémunération liés à (son) expatriation auraient dû être assujettis aux cotisations de retraite complémentaire », pour faire constater qu'il a subi un préjudice du fait de la soustraction frauduleuse de ces éléments de rémunération de la base de calcul des cotisations de retraite complémentaire et de faire condamner la société Lyondell Chimie France à « régulariser sa situation auprès des caisses de retraite complémentaire ou à titre subsidiaire à lui verser une indemnité de (...) euros ». Dans le dernier état de ses écritures, il demandait la condamnation de la société Lyondell Chimie France, à lui « verser une indemnité de (...) afin de compenser le préjudice subi du fait du défaut de cotisations aux caisses de retraite complémentaire » (conclusions du 9 février 2011). Par jugement du 11 janvier 2012, le conseil des prud'hommes, confirmé par la Cour par son arrêt du 27 septembre 2012 a déclaré la juridiction prud'homale incompétente au profit de la juridiction de sécurité sociale. II a alors déposé une requête contre son ancien employeur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, en reprenant le contenu de ses dernières demandes devant le conseil des prud'hommes (conclusions du 10 septembre 2014). Il a fait valoir ses droits à la retraite avec effet au 1er mars 2015. Devant le tribunal puis devant la Cour, il a soutenu que le manquement de son employeur à son obligation de verser des cotisations de retraite complémentaire sur tous les éléments de rémunération et avantages en nature lui avait occasionné un préjudice quant au montant de sa retraite, par l'effet d'un manque de points. La faute de l'employeur aurait donc été commise pendant toute la période au cours de laquelle l'appelant était rémunéré par la société intimée pour ses activités à l'étranger, soit de 1996 à 2004. Cette faute aurait consisté à minimiser l'assiette des cotisations sociales en excluant deux catégories de primes liées à la mission à l'étranger ainsi que la prime de logement, et l'avantage en nature qu'aurait constitué la prise en charge par l'employeur du surcroît d'impôt sur le revenu étranger, avec pour conséquence la perte de 32200 points qui auraient augmenté le montant de la pension de retraite de 14013 euros par année de versement. Pour parvenir à l'évaluation de son dommage, M. L..., appelant, dit avoir procédé à la «réintégration dans l'assiette des cotisations de retraite complémentaire, année par année, des éléments de rémunération frauduleusement soustraits ». Dès 1999, il s'interrogeait sur le système « gross-up » des primes pour la base CAPIMEC, et il en faisait état à nouveau dans un courriel du 13 mai 2002 adressé à ses supérieurs, MM. V... et G..., au sujet des trois années 1999, 2000 et 2001, ajoutant même la précision suivante: « la base annuelle pour la CAPIMEC est ainsi réduite chaque année de 12 x 6400 FF, ce qui a pour effet de réduire mes cotisations CAPIMEC et de réduire mon bénéfice de points retraite comparé à ce que j'aurais reçu si j'étais resté en France. (...) Si j'étais en France, il n'y aurait pas de retenue d'impôt sur la rémunération brute et un montant plus important serait pris en compte pour la base CAPIMEC, ». Dans sa réponse, M. G... lui rappelait que «(...) en tant qu'expat/ETP, tu bénéficies d'une retraite de 1,75% par année de service ». M. L... était donc parfaitement informé de sa situation au regard de sa retraite complémentaire mais n'a engagé aucune action en 2002, alors qu'un autre salarié en poste aux Pays-Bas, M.B..., mettait en demeure l'employeur de « régulariser ses cotisations salariales et patronales pour la retraite complémentaire de 2001 et 2002 » (courriel du 15 mai 2002: pièce 22). M. L... a saisi le conseil des prud'hommes par requête reçue le 14 juin 2010, afin d'obtenir une régularisation de ses droits auprès de la caisse de retraite complémentaire. Le tribunal de sécurité sociale aussi bien que la Cour sont liés par la décision de la juridiction prud'homale, confirmée en appel, de décliner sa compétence d'attribution au profit de la juridiction de sécurité sociale au motif que le contentieux relève de la compétence exclusive de cette dernière. La Cour, dans sa formation spécialisée dans le contentieux relevant du code de la sécurité sociale, ne saurait donner au contentieux qui lui est déféré, sur contredit, un autre périmètre que celui qui lui est dévolu par ce code et qui rend irrecevable une demande de dommages-intérêts : la demande de l'appelant doit être analysée au regard des textes relatifs au contentieux du paiement des cotisations sociales en général, et des cotisations de retraite complémentaire en particulier. Par application des articles 2277 du code civil et L. 143-14 du code du travail applicables avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, (actuellement articles 2224 du code civil et L. 3243-1 du code du travail), le droit d'un salarié au paiement de salaires étant éteint du fait de la prescription extinctive de cinq ans, une action relevant du contentieux du paiement de cotisations de retraite assises sur ces salaires est nécessairement prescrite pour la même période. Le point de départ de cette prescription est le jour où la victime a eu la révélation de son dommage (avant 2008), ou encore « le jour ou le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. » (loi du 17 juin 2008). En l'espèce, cette date doit être fixée au 13 mai 2002 (cf.supra). L'action de M. L..., engagée le 14 juin 2010, était éteinte par la prescription quinquennale et ses demandes sont irrecevables. La Cour infirme le jugement dont appel » ;

ALORS, premièrement, QUE la désignation par la cour d'appel, saisie sur contredit, de la juridiction qu'elle estime compétente s'impose aux parties et au juge de renvoi ; qu'en l'espèce, il est constant et constaté que l'exposant a saisi en dernier lieu la juridiction prud'homale d'une demande de « condamnation de la société Lyondell Chimie France, à lui "verser une indemnité de (...) afin de compenser le préjudice subi du fait du défaut de cotisations aux caisses de retraite complémentaire" (conclusions du 9 février 2011) » ; qu'en jugeant que la demande de dommages-intérêts serait irrecevable au motif inopérant que le juge de la sécurité sociale ne pourrait connaître que d'une action en paiement des cotisations sociales en général, et des cotisations de retraite complémentaire en particulier, quand la décision de renvoi du litige tel qu'il a été présenté à la juridiction incompétente s'imposait au juge de renvoi, la cour d'appel a violé l'article 86 du code de procédure civile ;

ALORS, deuxièmement, QUE le juge de la sécurité sociale peut connaître de toute action en responsabilité résultant de la méconnaissance des règles édictées par le code de la sécurité sociale ; qu'en jugeant que le code de la sécurité sociale rend irrecevable une demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

ALORS, troisièmement, QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la compétence spécialisée de la juridiction de sécurité sociale pour juger la demande d'indemnisation du préjudice subi du fait de l'absence de versement par l'employeur des cotisations de retraite complémentaire irrecevable, sans soumette ce moyen à la discussion préalable et contradictoire des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, quatrièmement, QUE l'action du salarié en réparation du préjudice causé par la faute de l'employeur qui n'a pas satisfait à son obligation de payer les cotisations de retraite est soumise à la prescription régissant les actions en responsabilité civile, fixée à trente ans ; qu'en l'espèce, en jugeant que l'action en indemnisation du préjudice subi par l'exposant devait être soumise à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;

ALORS, cinquièmement, QUE l'action en paiement de cotisations de retraite assises sur des salaires n'est prescrite que si le droit au paiement de ces salaires est éteint ; qu'en l'espèce, il est constant que l'action en paiement des cotisations de retraite était assise sur des salaires payés, ce dont il résultait que la demande de paiement des seules cotisations de retraite assise sur ces salaires n'était pas atteint par une prescription extinctive ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 2224 du code civil et L. 3245-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-27075
Date de la décision : 03/04/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 31 août 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 avr. 2019, pourvoi n°17-27075


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.27075
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