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28/03/2019 | FRANCE | N°18-14656

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 mars 2019, 18-14656


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 8 novembre 2017 ) et les productions, qu'à la suite de dégâts, apparus au début du mois d'octobre 2010, causés à son exploitation agricole par des sangliers, E... I... a demandé, par déclaration reçue au greffe de la juridiction le 31 mai 2011, la convocation de la Fédération départementale des chasseurs de Corse du sud (la fédération) devant le tribunal d'instance aux fins d'expert

ise ; que cette mesure a été ordonnée par un jugement du 7 février 2012, confir...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 8 novembre 2017 ) et les productions, qu'à la suite de dégâts, apparus au début du mois d'octobre 2010, causés à son exploitation agricole par des sangliers, E... I... a demandé, par déclaration reçue au greffe de la juridiction le 31 mai 2011, la convocation de la Fédération départementale des chasseurs de Corse du sud (la fédération) devant le tribunal d'instance aux fins d'expertise ; que cette mesure a été ordonnée par un jugement du 7 février 2012, confirmé par arrêt du 11 septembre 2013, alors que la fédération avait invoqué, en première instance et en appel, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de six mois édictée par l'article L. 426-7 du code de l'environnement ; que l'instance, interrompue en raison du décès de E... I... qui avait été placé en liquidation judiciaire, a été reprise, M. J... intervenant en qualité de mandataire ad hoc de la succession de E... I... et M. M... en qualité de liquidateur judiciaire de celui-ci ;

Attendu que MM. J... et M... ès qualités font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes d'indemnisation alors, selon le moyen :

1°/ que la renonciation au bénéfice de la prescription de l'article L. 426-7 du code de l'environnement peut être tacite ; qu'en écartant toute renonciation de la fédération à se prévaloir de cette prescription tout en relevant que celle-ci, présente à l'expertise judiciaire, avait reconnu que les dégâts étaient imputables à des sangliers et que l'expert judiciaire avait relaté la proposition de la fédération de remettre en état des terres, ce qui caractérisait la volonté non équivoque de celle-ci de ne pas invoquer la prescription, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ensemble l'article précité du code de l'environnement ;

2°/ qu'en tout état de cause, comme le soutenaient les exposants, la proposition de remise en état de douze hectares de prairie permanentes formulée par la fédération, dans le cadre de l'expertise judiciaire, à une date à laquelle elle avait déjà invoqué la fin de non-recevoir tirée de la prescription, manifestait sans équivoque la volonté de la fédération de renoncer au bénéfice de cette prescription ; qu'en retenant la fin de non-recevoir tout en relevant que l'expert avait relaté la proposition de remise en état de la fédération sans rechercher si, compte tenu du contexte dans lequel elle avait été formulée et de sa teneur, cette proposition ne caractérisait pas une renonciation tacite au bénéfice de la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 426-7 du code de l'environnement ;

Mais attendu qu'ayant relevé, sans avoir à procéder à la recherche tenant au contexte et à la teneur de la proposition visée par le moyen, qui ne lui avait pas été demandée, que ni le rapport d'expertise cité par MM. J... et M... ès qualités, ni aucune autre pièce ne contenait d'engagement, fût-ce de principe, de la fédération à indemniser E... I... ou ses ayants droit, la cour d'appel a pu retenir que c'était à tort qu'il était soutenu que celle-ci avait renoncé implicitement à se prévaloir de la prescription en assistant à l'expertise et en formulant la proposition de remise en état de douze hectares de prairie que l'expert n'avait fait que relater ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première, deuxième et cinquième branches du moyen unique annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. J..., en qualité de mandataire ad hoc de la succession de E... I... et M. M..., en qualité de liquidateur judiciaire de E... I..., aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. J..., en qualité de mandataire ad hoc de la succession de E... I... et M. M..., en qualité de liquidateur judiciaire de E... I....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de M. M..., liquidateur judiciaire de E... I..., et de M. J..., mandataire ad hoc de la succession de E... I..., tendant à ce que la Fédération départementale des chasseurs de Corse-du-Sud soit condamnée à leur verser diverses sommes en indemnisation des préjudices causés par des sangliers ;

AUX MOTIFS QUE la prescription applicable est celle de six mois à compter du jour où les dégâts ont été commis ; que, contrairement à ce que soutiennent les intimés et à ce qu'a retenu le premier juge, en confirmant le jugement du 7 février 2012, l'arrêt du 11 septembre 2013 n'a pas statué sur la prescription de l'action, puisque ni le dispositif du jugement, ni le dispositif de l'arrêt ne tranchent cette question ; que c'est à tort que les intimés soutiennent que l'appelante aurait, en assistant à l'expertise et en formulant des propositions de remise en état sur douze hectares de prairie, renoncé implicitement à se prévaloir de la prescription ; qu'en effet, la renonciation ne se présume pas et aucun pièce, notamment le rapport d'expertise cité par les intimés, ne contient de renonciation expresse à la prescription, ni même un engagement, fût-ce de principe, de la Fédération des chasseurs, à indemniser M. I... ou ses ayants droit ; que la présence à l'expertise, le fait de reconnaître que les dégâts sont imputables aux sangliers n'emportent aucune renonciation ni engagement ; que d'autre part, l'expert n'a fait que relater la proposition de remise en état ; que les dégâts concernés par la présente procédure ont fait l'objet d'un constat d'huissier du 1er mars 2011, auquel M. I... s'est référé dans sa demande initiale, mais la Fédération des chasseurs a reçu une déclaration de dégâts le 14 février 2011 mentionnant que les premiers dégâts sont apparus au début du mois d'octobre 2010 ; que le tribunal d'instance devait être saisi avant avril 2011 ; que les intimés se prévalent d'une interruption de la prescription du fait de l'introduction d'une procédure de référé le 29 mars 2011 ; que cependant, ainsi que le soutient l'appelante, cette interruption doit être considérée comme non avenue, en application de l'article 2243 civil, puisque le demandeur s'était alors désisté de sa demande ; que la procédure engagée le 31 mai 2011 est donc irrecevable pour cause de prescription ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le jugement qui statue, dans son dispositif, sur une fin de non-recevoir a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que la circonstance qu'après s'être prononcé, dans ses motifs, sur la recevabilité de l'action du demandeur, le jugement omette, à la faveur d'une erreur matérielle, de préciser, dans son dispositif, que la fin de non-recevoir est écartée, n'autorise pas que la même fin de non-recevoir soit réitérée dans le cadre de la même instance ; qu'en jugeant le contraire sur la considération que l'arrêt du 11 septembre 2013 n'a pas, dans son dispositif, tranché la question de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article 480 du code de procédure civile ;

ALORD, D'AUTRE PART, QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'une partie qui a relevé appel d'un jugement s'étant prononcé, dans ses motifs seulement, sur la prescription de l'action du demandeur et qui a invité la cour d'appel à retenir la fin de non-recevoir tirée de cette prescription, n'est pas recevable à soutenir, ensuite, que ce jugement et l'arrêt le confirmant n'ont pas d'autorité de chose jugée relativement à la contestation tranchée ; qu'en accueillant la fin de non-recevoir que la Fédération des chasseurs avait, à l'appui de son appel du jugement du 7 février 2012, reproché au tribunal d'instance d'avoir écartée, avant de se pourvoir en cassation de l'arrêt du 11 septembre 2013 qui, écartant également ladite fin de non-recevoir, avait confirmé ce jugement, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

ALORS, D'UNE AUTRE PART, QUE la renonciation au bénéfice de la prescription de l'article L. 426-7 du code de l'environnement peut être tacite ; qu'en écartant toute renonciation de la Fédération départementale des chasseurs de Corse-du-Sud à se prévaloir de cette prescription tout en en relevant que celle-ci, présente à l'expertise judiciaire, avait reconnu que les dégâts étaient imputables à des sangliers et que l'expert judiciaire avait relaté la proposition de la Fédération de remettre en état des terres, ce qui caractérisait la volonté non équivoque de celle-ci de ne pas invoquer la prescription, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ensemble l'article précité du code de l'environnement ;

ALORS, D'UNE QUATRIEME PART, QUE, en tout état de cause, comme le soutenaient les exposants (conclusions p. 10 à 12), la proposition de remise en état de douze hectares de prairie permanentes formulée par la Fédération départementale des chasseurs de Corse-du-Sud, dans le cadre de l'expertise judiciaire, à une date à laquelle elle avait déjà invoqué la fin de non-recevoir tirée de la prescription, manifestait sans équivoque la volonté de la Fédération de renoncer au bénéfice de cette prescription ; qu'en retenant la fin de non-recevoir tout en relevant que l'expert avait relaté la proposition de remise en état de la Fédération sans rechercher si, compte tenu du contexte dans lequel elle avait été formulée et de sa teneur, cette proposition ne caractérisait pas une renonciation tacite au bénéfice de la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 426-7 du code de l'environnement ;

ALORS, ENFIN, QU'en ne répondant pas au moyen par lequel MM. M... et J..., ès qualités, soutenaient que les dégâts s'étant prolongés de manière ininterrompue, le délai de prescription n'était pas expiré, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-14656
Date de la décision : 28/03/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 08 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 mar. 2019, pourvoi n°18-14656


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14656
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