LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 janvier 2018), que la Société générale (la banque) a fait délivrer, sur le fondement d'un acte notarié de prêt, un commandement de payer valant saisie immobilière à la société Le Départ puis a fait assigner cette dernière à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution ; que la société Le Départ a soulevé l'irrecevabilité de la procédure de saisie immobilière en l'absence de mise en oeuvre de la clause de conciliation préalable à toute instance judiciaire insérée dans l'acte notarié de prêt ;
Attendu que la société Le Départ fait grief à l'arrêt de déclarer recevable et régulière la procédure de saisie immobilière diligentée par la banque et de déclarer valide le commandement de payer valant saisie signifié le 28 octobre 2015 alors, selon le moyen :
1°/ que la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à toute instance judiciaire s'impose au juge quelle que soit la nature de l'instance, y compris lorsque celle-ci tend uniquement à l'exécution forcée de l'acte ; que la procédure de saisie immobilière engagée sans mise en oeuvre d'une telle clause de conciliation préalable se heurte donc à une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cru pouvoir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré irrecevable, pour défaut de mise en oeuvre de la clause instituant un préalable de conciliation obligatoire, la procédure de saisie immobilière engagée par la banque à l'encontre de la société Le Départ au motif qu'« une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d'une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut, en l'absence de stipulation expresse en ce sens, faire obstacle à l'accomplissement d'une mesure d'exécution forcée » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;
2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer le sens clair et précis d'une clause contractuelle ; qu'en l'espèce, les parties avaient inséré dans l'acte de prêt les liant une clause stipulant qu'« en cas de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend au conciliateur, qui sera missionné par le président de la chambre des notaires » ; qu'en affirmant cependant que cette clause de conciliation excluait les contestations relatives à l'exécution de l'acte de prêt quand rien, dans les termes clairs et précis de ladite clause, ne permettait de retenir une telle exclusion, la cour d'appel a violé le principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;
Mais attendu qu'une clause imposant ou permettant une conciliation préalablement à la présentation d'une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut, en l'absence de stipulation expresse en ce sens, faire obstacle à l'accomplissement d'une mesure d'exécution forcée ; que nonobstant une telle clause, un commandement de payer valant saisie immobilière peut être délivré et le débiteur assigné à comparaître à une audience d'orientation du juge de l'exécution ;
Qu'ayant relevé que la clause de conciliation stipulée à l'acte de prêt, n'avait pas prévu expressément son application à l'occasion de la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée, la cour d'appel en a exactement déduit, hors toute dénaturation, qu'elle ne pouvait faire obstacle à la délivrance d'un commandement de payer et à l'assignation de la débitrice à l'audience d'orientation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Départ aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Le Départ
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'avoir déclaré recevable et régulière la procédure de saisie immobilière diligentée par la société générale pour une créance déclarée de 81 590,14 euros outre intérêts contractuels de 4,41% l'an sur la somme de 74 042,38 euros postérieurs au 25 septembre 2015 et jusqu'à parfait paiement et d'avoir déclaré valide le commandement de payer valant saisie signifié à la SCI Le Départ le 28 octobre 2015 ;
AUX MOTIFS QUE « sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en oeuvre de la clause instituant un préalable de conciliation obligatoire :
que l'acte notarié du 26 juin 2007 comporte une clause "conciliation/médiation" aux termes de laquelle, "en cas de litige les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend au conciliateur qui sera missionné par le Président de la Chambre des Notaires."
qu'il n'est pas discuté que cette procédure de conciliation n'a pas été mise en oeuvre préalablement aux poursuites.
que le premier juge a retenu que la généralité des termes de la clause ne restreint pas son application à la survenance d'un différend sur l'interprétation de l'acte notarié, comme soutenu par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, et a donc vocation à s'appliquer dès qu'un litige nait entre les parties qu'il s'agisse de la formation, de l'exécution ou de l'interprétation du contrat, et peu important que dans les faits la banque ait tenté de se concilier avec l'emprunteur pour parvenir à l'exécution du contrat en prévoyant un échéancier des paiements dès lors qu'il n'a pas été procédé à la saisine du Président de la chambre des notaires en vue de la désignation d'un conciliateur ;
que cependant une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d'une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut, en l'absence de stipulation expresse en ce sens, faire obstacle à l'accomplissement d'une mesure d'exécution forcée ; que nonobstant une telle clause et l'engagement d'une procédure de médiation, un commandement de payer valant saisie immobilière peut être délivré et le débiteur assigné à comparaître à une audience d'orientation du juge de l'exécution ;
qu'en l'espèce la procédure de conciliation stipulée à l'acte de prêt, ne prévoit pas expressément son application à l'occasion de la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée, de sorte qu'elle ne peut faire obstacle à la délivrance d'un commandement de payer et à l'assignation de la débitrice à l'audience d'orientation ;
qu'il s'en suit la réformation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la procédure de saisie engagée par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et prononcé conséquemment la nullité du commandement de payer valant saisie ;
1°/ ALORS QUE la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à toute instance judiciaire s'impose au juge quelle que soit la nature de l'instance, y compris lorsque celle-ci tend uniquement à l'exécution forcée de l'acte ; que la procédure de saisie immobilière engagée sans mise en oeuvre d'une telle clause de conciliation préalable se heurte donc à une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a cru pouvoir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré irrecevable, pour défaut de mise en oeuvre de la clause instituant un préalable de conciliation obligatoire, la procédure de saisie immobilière engagée par la société générale à l'encontre de la SCI Le Départ au motif qu'« une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d'une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut, en l'absence de stipulation expresse en ce sens, faire obstacle à l'accomplissement d'une mesure d'exécution forcée » (v. arrêt attaqué p. 7, §10) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1134 [devenu 1103] du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.
2°/ ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer le sens clair et précis d'une clause contractuelle ; qu'en l'espèce, les parties avaient inséré dans l'acte de prêt les liant une clause stipulant qu'« en cas de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend au conciliateur, qui sera missionné par le président de la Chambre des Notaires » (v. production n° 4) ; qu'en affirmant cependant que cette clause de conciliation excluait les contestations relatives à l'exécution de l'acte de prêt quand rien, dans les termes clairs et précis de ladite clause, ne permettait de retenir une telle exclusion, la cour d'appel a violé le principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause.