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13/03/2019 | FRANCE | N°18-13232

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 mars 2019, 18-13232


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu que, si l'action en responsabilité extra-contractuelle en réparation des dommages causés à un tiers par le fonctionnement d'un service public industriel et commercial relève, en principe, de la compétence de la juridiction judiciaire, il en va autrement lorsque les dommages allégués trouvent leur cause dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou l

e fonctionnement d'un ouvrage public ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, se...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu que, si l'action en responsabilité extra-contractuelle en réparation des dommages causés à un tiers par le fonctionnement d'un service public industriel et commercial relève, en principe, de la compétence de la juridiction judiciaire, il en va autrement lorsque les dommages allégués trouvent leur cause dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, se plaignant d'infiltrations affectant leur logement et provenant, aux termes des conclusions de l'expert désigné en référé, d'un immeuble voisin, M. et Mme K... et leur assureur, la société Mutuelle d'assurance des instituteurs de France, ont assigné la société IAR transactions, propriétaire initial de cet immeuble, et l'office public de l'habitat Lille métropole habitat (l'OPH), qui en a fait l'acquisition, aux fins d'obtenir réparation de leurs préjudices ; que l'OPH a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Attendu que, pour rejeter cette exception, après avoir relevé que le rapport d'expertise judiciaire énonce que l'humidité présente au domicile de M. et Mme K... trouve son origine dans un défaut d'étanchéité de la toiture de l'immeuble attenant, l'arrêt retient que l'OPH n'a pas été assigné en raison de l'exercice d'une prérogative de puissance publique ou en raison de l'exécution de travaux publics, mais en sa seule qualité de propriétaire d'un immeuble dépendant de son domaine privé ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure que l'ouvrage dont l'OPH est propriétaire soit affecté au service public du logement et revête, par suite, le caractère d'ouvrage public, de sorte que la juridiction administrative serait seule compétente pour connaître de l'action tendant à la réparation des dommages causés aux tiers par cet ouvrage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. et Mme K... et la société Mutuelle d'assurance des instituteurs de France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'office public de l'habitat Lille métropole habitat.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'Office public de l'habitat Lille métropole habitat.

AUX MOTIFS QU' il est acquis que les litiges nés des activités d'un établissement public industriel et commercial (ci après Epic) relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire à l'exception de ceux relatifs aux travaux publics et à celles de ses activités qui, par leur nature, telles la réglementation, la police, ou le contrôle relevant des organes de direction, sont du ressort de ses prérogatives de puissance publique ; qu'en l'espèce, il est constant que LMh est un Epic, la discussion se situant dès lors sur la notion de travaux publics et d'ouvrage public invoquée par l'appelant pour fonder l'exception d'incompétence soulevée ; qu'or, la définition des travaux publics recouvre l'activité elle-même par laquelle des travaux sont réalisés pour parvenir à la réalisation d'un immeuble et le résultat de cette activité, c'est à dire l'immeuble lui-même que l'on nomme encore ouvrage public ; que le caractère attractif de la notion de travaux publics a en outre élargi le champ de compétence des juridictions administratives à ce qui a un lien avec une opération de travaux publics ; qu'en l'espèce, le rapport d'expertise judiciaire de M. Q... énonce, ce qui n'est contesté par aucune des parties, que l'humidité présente au [...], à savoir au domicile de M. et Mme K... trouve son origine dans un défaut d'étanchéité de la toiture de l'immeuble attenant située au même niveau ; qu'il précise que ledit immeuble était composé d'un ancien bâtiment à rez-de-chaussée commercial abandonné depuis de nombreuses années et au droit duquel plus aucuns travaux d'entretien n'ont été réalisés avant que l'Office LMh ne s'engage à la réhabiliter complètement ; qu'il est également acquis que LMh est devenue propriétaire de cet immeuble le 5 août 2010 par l'exercice de son droit de préemption et n'a pas été actionné devant le tribunal de grande instance de Lille à raison de l'exercice d'une prérogative de puissance publique ou en raison de l'exécution de travaux publics mais en sa seule qualité de propriétaire d'un immeuble relevant en réalité de son domaine privé ; que LMh avance lui-même dans ses conclusions que la présence de ce mérule dans l'immeuble de M. et Mme K... trouve son origine dans l'humidité persistante dont l'ancien propriétaire, la société Iar Transactions, est l'entier responsable, de sorte qu'il est établi que nulle partie n'avance que LMh a diligenté des travaux qui seraient la cause des désordres, l'office n'ayant fait que racheter l'immeuble abandonné ; que dès lors, c'est à juste titre que le juge de la mise en état a énoncé que le litige en cause ressortait bien de la compétence de l'ordre judiciaire et écarté l'exception d'incompétence soulevée par LMh ;

1) ALORS QUE conformément à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 24 de la loi du 28 pluviôse an VIII, les travaux immobiliers réalisés pour l'exécution du service public du logement par un établissement public à caractère industriel et commercial qui en a la charge revêtent le caractère d'ouvrages publics ; que l'examen des désordres que l'ouvrage peut générer dans un immeuble contigu et de la responsabilité extra contractuelle qui peut s'ensuivre pour l'établissement relève de la compétence du juge administratif ; que la cour d'appel qui a relevé que l'expert judiciaire avait constaté que les désordres affectant l'immeuble contigu avaient pour cause un défaut d'étanchéité de la toiture de l'immeuble attenant et que l'humidité persistante provoquait la présence de mérules dans cet immeuble mais qui a retenu qu'à défaut d'exécution de travaux publics par l'Office LMh, le juge judiciaire était compétent a, en statuant ainsi, a violé les dispositions susvisées ;

2) ALORS QUE le juge administratif est compétent pour connaître des litiges relatifs à la responsabilité extra contractuelle d'un Epic, ayant réhabilité un immeuble dans l'intérêt général du logement, lorsque sa responsabilité est recherchée par un tiers aux fins d'indemnisation de son préjudice, de cessation du trouble provenant de l'ouvrage public et aux fins de réparation des désordres affectant l'immeuble contigu ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 13 de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 24 de la loi du 28 pluviôse an VIII.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-13232
Date de la décision : 13/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Litige relatif à un ouvrage public - Définition - Etendue - Action contre l'auteur du dommage causé à un tiers par un ouvrage public - Applications diverses - Infiltration provenant d'un immeuble appartenant à un office public de l'habitat affecté au service public du logement

Si l'action en responsabilité extra-contractuelle en réparation des dommages causés à un tiers par le fonctionnement d'un service public industriel et commercial relève, en principe, de la compétence de la juridiction judiciaire, il en va autrement lorsque les dommages allégués trouvent leur cause dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public. Dès lors, viole la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III une cour d'appel qui, pour retenir la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de la demande en réparation formée par les propriétaires d'un logement, victimes d'infiltrations provenant d'un immeuble appartenant à un office public de l'habitat, statue par des motifs impropres à exclure que cet ouvrage soit affecté au service public du logement et revête, par suite, le caractère d'ouvrage public


Références :

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 25 janvier 2018

A rapprocher :1re Civ., 25 janvier 2005, pourvoi n° 02-17557, Bull. 2005, I, n° 48 (cassation) ;3e Civ., 6 juillet 2005, pourvoi n° 04-12170, Bull. 2005, III, n° 150 (2) (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 mar. 2019, pourvoi n°18-13232, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.13232
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