LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 avril 2017), que par un contrat du 30 juin 1987, la société Sogebail et la société Finextel, devenue la société Natixis bail, ont consenti à la société Eden Roc un crédit-bail immobilier portant sur l'immeuble dans lequel elle exploitait un établissement hôtelier ; que la société Eden Roc a été mise en redressement judiciaire simplifié par un jugement du 17 mars 2008 ; que la société Sogebail, agissant pour le compte de l'indivision Sogebail-Natixis bail, a déclaré une créance d'un montant de 4 445 850,52 euros, qui a été contestée, la société Eden Roc et M. L..., en qualité de mandataire judiciaire, opposant la prescription d'une partie de la créance déclarée ; que le 21 mars 2011, la société Eden Roc a été mise en liquidation judiciaire, M. L... devenant liquidateur ; que les 21 mars 2011 et 27 février 2013, les sociétés Sogebail et Natixis bail ont assigné la société Eden Roc et son liquidateur devant le tribunal de commerce de Paris en résiliation du crédit-bail et d'un avenant du 15 avril 1996, pour défaut de paiement des loyers avant le jugement d'ouverture et défaut de justification d'une assurance de l'immeuble, en expulsion et en paiement d'une somme de 5 000 000 euros au titre des arriérés de loyers et charges ; que par un jugement du 4 mars 2016, le tribunal a dit l'instance éteinte par péremption ;
Attendu que les sociétés Sogebail et Natixis bail font grief à l'arrêt de confirmer le jugement alors, selon le moyen, qu'en l'absence de contestation sérieuse, il revient au seul juge de la vérification des créances de se prononcer sur l'existence, le montant et la nature des créances détenues sur le débiteur ; qu'il en résulte que, le cas échéant, la fixation par ce juge de la créance détenue par un crédit-bailleur sur un crédit-preneur au titre d'un contrat de crédit-bail s'imposera au juge appelé à statuer sur une demande en résiliation de ce contrat ; qu'en affirmant qu'il n'existait pas de lien de dépendance nécessaire entre la procédure en résiliation judiciaire du contrat de crédit-bail litigieux et la procédure de vérification des créances du crédit-preneur, la société Eden Roc, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que, par un arrêt du 18 mai 2016, la cour d'appel de Bastia, statuant comme juge de la vérification des créances déclarées par les crédits-bailleurs, les sociétés Sogebail et Natixis bail, au passif du crédit-preneur, avait, en l'absence de contestation sérieuse de la créance locative des crédits-bailleurs pour la période du 17 mars 2003 au 17 mars 2006, admis cette créance au passif du crédit-preneur, de sorte qu'il existait un lien de dépendance direct et nécessaire entre les deux instances et qu'il fallait tenir compte des diligences effectuées dans l'instance en vérification des créances pour statuer sur la péremption de l'instance en résiliation du contrat de crédit-bail, violant par là même l'article 386 du code de procédure civile, ensemble les articles 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 624-2 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'action en résiliation du crédit-bail pour défaut de paiement des loyers et défaut d'assurance de l'immeuble a été introduite plus de cinq ans après le terme du contrat fixé par l'avenant, que les sociétés Sogebail et Natixis bail ont renoncé au bénéfice de la clause résolutoire que visait un commandement de payer du 2 mars 2000, ce dont il leur a été donné acte le 8 avril 2004, que l'issue du litige ne porterait que sur la date de la rupture du contrat et n'aurait d'incidence que sur la nature des sommes dues et non sur leur montant et que le juge saisi de la vérification de la créance déclarée a, par ces motifs, rejeté une demande de sursis à statuer ; qu'il retient que le tribunal, saisi de l'instance en résiliation du crédit-bail, avait toute latitude pour apprécier les manquements imputés à la société Eden Roc et n'était pas contraint d'attendre l'issue de la procédure de vérification de la créance par le juge-commissaire pour statuer sur la résiliation du contrat et de son avenant aux torts du crédit-preneur, la caractérisation d'un lien de dépendance direct et nécessaire entre les deux procédures ne résultant pas du seul fait qu'elles se rapportaient l'une et l'autre au même contrat ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire qu'en l'absence d'un tel lien de dépendance, le délai de la péremption de l'instance en résiliation n'avait pas été interrompu par les diligences accomplies par les parties dans l'instance en vérification de la créance ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Sogebail et Natixis bail aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. L..., en qualité de liquidateur de la société Eden Roc, et à la société Eden Roc la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour les sociétés Sogebail et Natixis bail
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit l'instance éteinte par péremption ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. Sogebail et Natixis Bail critiquent le jugement en ce qu'il a retenu qu'à la date de l'audience du 21 janvier 2016, plus de deux ans s'étaient écoulés sans que les parties n'aient accompli de diligences. Elles font valoir qu'en raison des liens unissant la présente instance et celle relative à la contestation de leur déclaration de créance, les diligences de l'une quelconque des parties dans ces instances interrompt le délai de péremption, qu'à l'audience du 18 septembre 2013 le tribunal a renvoyé l'affaire au 30 octobre 2013 à la demande des avocats des parties qui ont fait état qu'une instance devait se tenir devant le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Ajaccio le 30 septembre 2013 pour fixer la créance des crédits-bailleurs, de sorte que l'affaire a été mise sur un rôle d'attente, cette décision s'analysant en un sursis à statuer en l'attente de la décision du juge-commissaire, seule la fixation de la créance permettant d'apprécier la gravité de l'inexécution du crédit preneur, de sorte que le point de départ correspond à la date à laquelle la créance a été fixée, soit au 18 mai 2016, date de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia. Tandis que les intimés soutiennent que le point de départ du délai de péremption est l'assignation du 23 février 2013, dernière diligence des parties. Ils précisent qu'il n'existe aucun lien de fait, faisant dépendre l'action en résiliation fondée sur des loyers impayés, de l'action en fixation de la créance de loyers impayés, que le crédit preneur ne contestait pas le défaut de paiement des loyers soutenant simplement devant le juge-commissaire qu'une partie des impayés était prescrite, qu'il n'a jamais été sollicité de sursis à statuer et qu'en outre les appelants ont expressément reconnu que l'instance en contestation de la créance devant le juge-commissaire ne pouvait avoir d'incidence sur la procédure de résiliation. S'agissant des diligences alléguées dans le cadre de la présente instance, engagée par assignations des 4 et 21 mars 2011 et 27 février 2013 (assignation du liquidateur), les sociétés appelantes se prévalent de la décision de renvoi actée par le greffier comme diligences interrompant la péremption. Il ressort de la note du greffier du tribunal de commerce de Paris et de l'historique du déroulement de la procédure que cette affaire a été évoquée à l'audience collégiale du tribunal de commerce de Paris du 18 septembre 2013, a fait l'objet d'un renvoi au 30 octobre 2013 'pour dépôt de conclusions et solution'
à la demande des conseils des parties, au motif qu'une audience devait se tenir devant le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Ajaccio le 30 septembre 2013 afin de statuer sur la contestation de la créance déclarée par les crédits-bailleurs au passif d'Eden Roc. Cependant, une demande de renvoi, fût-elle présentée par l'ensemble des parties, ne constitue pas en elle-même une diligence au sens de l'article 386 du code de procédure civile. Quant à l'avis de renvoi au 30 octobre 2013 transmis par le greffier, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne s'analyse pas, en une décision de sursis à statuer et n'a pas eu davantage que la demande de renvoi, d'effet interruptif sur la péremption. Il en est de même de la mise de l'affaire sur « un rôle d'attente » du tribunal de commerce, le 11 décembre 2013, jusqu'à sa sortie pour renvoi devant la 16ème chambre le 21 janvier 2016, puis à l'audience du 11 février 2016, une telle mesure qui ne répond pas aux exigences de l'article 382 du code de procédure civile ne s'analysant pas en une mesure de retrait du rôle au sens de ces dispositions. Il n'existe donc dans le cadre de cette seule procédure, ni sursis à statuer, ni retrait du rôle, ni aucune autre diligence intervenue postérieurement à l'assignation du 27 février 2013 ayant interrompu le délai de péremption. Sogebail et Natixis Bail se prévalent, d'autre part, des diligences accomplies dans le cadre de la procédure parallèle de contestation de leur déclaration de créance devant le juge-commissaire, considérant que le délai de péremption n'a couru qu'à compter de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia statuant sur leur créance, le 18 mai 2016. Dans la procédure portant sur la contestation des créances déclarées par Sogebail et Natixis Bail au passif d'Eden Roc, le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Ajaccio a : - par ordonnance du 28 octobre 2009, sursis à statuer dans l'attente du résultat des instances pendantes devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio et devant le tribunal de commerce de Paris, - par ordonnance du 17 février 2015, dit recevable la demande de rétablissement de l'affaire au rôle, dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer au titre des procédures en résiliation du crédit-bail en cours, a déclaré prescrite la créance locative antérieure au 17 mars 2003, admis la créance locative au passif de Eden Roc à hauteur de 600.179 euros pour la période du 17 mars 2003 au 17 mars 2006 et débouté Sogebail et Natixis Bail de leurs plus amples demandes d'admission. Par arrêt du 18 mai 2016, la cour d'appel de Bastia a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire ayant déclaré recevable la demande de rétablissement au rôle, dit prescrite la créance locative antérieure au 17 mars 2003 et admis au passif d'Eden Roc une créance de 600.179 euros au titre de la créance locative pour la période non prescrite du 17 mars 2003 au 17 mars 2006 et, l'infirmant pour le surplus, a sursis à statuer sur la créance pour la période postérieure au 17 mars 2006 dans l'attente de la décision qui sera rendue par le tribunal de grande instance d'Ajaccio dans l'instance enrôlée sous le numéro 06-413. S'il est admis que la péremption d'instance est interrompue par les actes intervenus dans une instance différente lorsqu'il existe entre les deux procédures un lien de dépendance directe et nécessaire, la caractérisation d'un tel lien ne saurait résulter du seul fait que les deux procédures se rapportent l'une et l'autre au contrat de crédit-bail et à son avenant. La cour d'appel de Bastia, qui avait été saisie d'une demande de sursis à statuer à deux titres, sur le fondement de la présente instance en résiliation et sur le fondement de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, a rejeté cette demande de sursis en ce qu'elle était fondée sur la procédure en résiliation du crédit-bail, au motif que l'influence de l'action en résiliation et de ses avenants sur la contestation de créance était toute théorique, cette action ayant été introduite plus de cinq ans après le terme du crédit-bail fixé par l'avenant au 17 mars 1996, et après qu'ait été rendu, le 10 décembre 2010, un jugement constatant la péremption de l'instance précédemment engagée aux mêmes fins, ajoutant que s'il était fait droit à la demande de crédits-bailleurs et en considération de leur renoncement au bénéfice de la clause résolutoire que visait un commandement de payer du 2 mars 2000, acté le 8 avril 2004, l'issue de ce litige ne porterait que sur la date de la rupture du contrat et n'aurait d'incidence que sur la nature des sommes dues et non sur leur montant. La cour n'a ainsi accueilli la demande de sursis à statuer pour la période postérieure au 17 mars 2006 qu'à raison de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, saisi de la validité de la levée de l'option, cette instance étant susceptible de valider un transfert de la propriété de l'immeuble, objet du crédit-bail. Il n'existe pas davantage de lien de dépendance directe et nécessaire entre les deux procédures, du point de vue de la présente instance, dès lors que le tribunal de commerce avait toute la latitude pour apprécier les manquements imputés à Eden Roc, et n'était aucunement dans la nécessité juridique d'attendre la fixation de la créance par le juge-commissaire, pour statuer sur la résiliation du crédit-bail aux torts du preneur. Les sociétés Sogebail et Natixis Bail, en formalisant leur demande de sursis à statuer devant le juge-commissaire et non dans la présente instance, ont d'ailleurs considéré que c'était la procédure de contestation de créance qui dépendait de l'instance en résiliation et non l'inverse, étant observé qu'ayant laissé se périmer une précédente instance en résiliation du crédit-bail (jugement du 10 décembre 2010), leur vigilance s'imposait particulièrement dans cette seconde procédure. Ainsi, il n'est justifié d'aucune diligence dans les deux ans qui ont suivi la délivrance de l'assignation du 27 février 2013, de sorte, comme l'a exactement jugé le tribunal de commerce, qu'au jour de l'audience en première instance, la péremption était acquise. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit éteinte l'instance pour cause de péremption ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE selon l'article 386 CPC « l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans » ; qu'en tout état de cause aucune diligence n'a été accomplie postérieurement au 20 janvier 2014, qu'à la date de l'audience du 21 janvier 2016 deux ans se sont donc écoulés sans qu'aucune des parties n'accomplisse de diligence ; que l'instance est donc périmée ;
ALORS QU'en l'absence de contestation sérieuse, il revient au seul juge de la vérification des créances de se prononcer sur l'existence, le montant et la nature des créances détenues sur le débiteur ; qu'il en résulte que, le cas échéant, la fixation par ce juge de la créance détenue par un crédit-bailleur sur un crédit-preneur au titre d'un contrat de crédit-bail s'imposera au juge appelé à statuer sur une demande en résiliation de ce contrat ; qu'en affirmant qu'il n'existait pas de lien de dépendance nécessaire entre la procédure en résiliation judiciaire du contrat de crédit-bail litigieux et la procédure de vérification des créances du crédit-preneur, la société Eden Roc, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que, par un arrêt du 18 mai 2016, la cour d'appel de Bastia, statuant comme juge de la vérification des créances déclarées par les crédits-bailleurs, les sociétés Sogebail et Natixis bail, au passif du crédit-preneur, avait, en l'absence de contestation sérieuse de la créance locative des crédits-bailleurs pour la période du 17 mars 2003 au 17 mars 2006, admis cette créance au passif du crédit-preneur, de sorte qu'il existait un lien de dépendance direct et nécessaire entre les deux instances et qu'il fallait tenir compte des diligences effectuées dans l'instance en vérification des créances pour statuer sur la péremption de l'instance en résiliation du contrat de crédit-bail, violant par là même l'article 386 du code de procédure civile, ensemble les articles 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 624-2 du code de commerce.