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21/02/2019 | FRANCE | N°17-24458

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 février 2019, 17-24458


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 juillet 2017), que la société Compagnie d'exploitation de résidences services (la société CERS), qui exerce une activité de location de logements en meublé avec fourniture de services para-hôteliers dans un immeuble en copropriété au moyen de baux commerciaux consentis par les copropriétaires, a assigné dix-neuf d'entre eux, qui en ont refusé le renouvellement, en paiement d'une inde

mnité d'éviction ;

Attendu que la société CERS fait grief à l'arrêt de rejet...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 juillet 2017), que la société Compagnie d'exploitation de résidences services (la société CERS), qui exerce une activité de location de logements en meublé avec fourniture de services para-hôteliers dans un immeuble en copropriété au moyen de baux commerciaux consentis par les copropriétaires, a assigné dix-neuf d'entre eux, qui en ont refusé le renouvellement, en paiement d'une indemnité d'éviction ;

Attendu que la société CERS fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à fixer l'indemnité d'éviction principale sur la base de la perte totale de son fonds de commerce et suivant la méthode du chiffre d'affaires ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que le non-renouvellement des baux de plusieurs lots constituait une perte partielle du fonds de commerce et ayant indemnisé la perte de rentabilité du fonds subsistant, la cour d'appel, qui a ainsi écarté le caractère indivisible du fonds et qui a souverainement retenu que les usages professionnels observés dans la branche d'activité de l'hôtellerie n'avaient pas à s'appliquer à l'activité d'exploitation de résidence étudiante, a fixé le montant de l'indemnité d'éviction selon le mode de calcul qui lui paraissait le plus approprié et a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux dernières branches du premier moyen et sur les trois derniers moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Compagnie d'exploitation de résidences services et la société Pythagore Grande Arche aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Compagnie d'exploitation de résidences services et de la société Pythagore Grande Arche et les condamne à payer aux trente et un défendeurs la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie d'exploitation de résidences services et la société Pythagore Grande Arche.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Cers de sa demande tendant à voir dire et juger que l'indemnité d'éviction principale doit être évaluée sur la base la perte totale du fonds de commerce, et suivant la méthode du chiffre d'affaires, affecté d'un coefficient de 2,5, à la somme de 30.889 € par lot et d'AVOIR condamné la société CERS à verser aux débiteurs des indemnités d'éviction , à la date d'effet des congés et jusqu'à libération des lieus au titre de l'indemnité d'occupation la somme mensuelle de 25,30 € le m² pour les lots à usage de studio pourvu d'un balcon et en y ajoutant 70 € par mois pour tout studio bénéficiant d'un emplacement de parking ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article L.145-14 du code de commerce : Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail ; que toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement ; que cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ; que la cour retiendra en l'espèce la monovalence des locaux, l'immeuble de la résidence Pythagore Grande Arche ayant, selon le règlement de copropriété, une destination exclusive à l'usage de résidence d'habitations locatives en meublé ou non, destinées au logement d'étudiants avec fourniture de service dont notamment ceux prévus à l'article 261-D du code général des impôts et de l'Instruction de la Direction générale des impôts en date du 11 avril, à l'exception : - des lots numérotés 72 et 72 destinés à l'usage d'activités, - et du lot numéro 74 destiné à usage commercial, destination qui ne pourrait être modifiée que dans l'hypothèse, peu probable, d'une décision des copropriétaires prise à l'unanimité, étant en outre observé que pour pouvoir bénéficier de l'amortissement pendant 20 ans, les copropriétaires de cette résidence, édifiée en 1999, ne pourraient en changer la destination avant l'année 2019 ; que de plus, un immeuble divisé en 262 studios destinés à l'habitation, ne pourrait être utilement transformé en un immeuble de bureaux, voire d'entreprise artisanale ou autre sans de coûteux aménagements dont la faisabilité légale ou technique n'est pas avérée ; que cette monovalence des locaux exclut le plafonnement du loyer, puisqu'elle renvoie aux dispositions des articles L.145-36 et R.145-10 du code de commerce pour fixer le prix du bail selon les usages observés dans la branche d'activité considérée ; que pour apprécier la valeur marchande du fonds de commerce, la SNC CERS plaide pour la prise en compte d'une unité économique d'exploitation, considérant qu'elle exploite, au travers de baux commerciaux, l'ensemble des lots de la résidence et que la perte d'un seul par non renouvellement du bail correspond ainsi, pour elle, à une perte partielle (i. e : totale) de ce fonds de commerce ; qu'elle entend donc voir la cour retenir la méthode hôtelière et chiffrer, sur la base de la perte globale du fonds de commerce à partir du chiffre d'affaires annuel moyen des trois dernières années, multiplié par un coefficient de 2,5 compte tenu d'une évolution à la hausse des loyers moyens en 2014 et 2015, et des 168 lots qu'elle exploite encore, l'indemnité d'éviction principale à la somme de 30.889 euros par lot, subsidiairement à 29.424 euros si est retenue la moyenne entre la méthode par le chiffre d'affaires et par l'EBE ou, à titre très subsidiaire, à 24.711 euros si le chiffre d'affaires est affecté d'un coefficient 2 ; qu'il est indéniable que la société La Gestion Active Services a été, lors de la livraison de la résidence Pythagore Grande Arche, son seul exploitant, notamment au travers des 262 baux commerciaux que lui ont été consentis par les différents copropriétaires qui se sont portés acquéreurs des parties privatives, mais aussi de la convention de résidence - services, qu'elle a signé le 15 mars 2001 avec la SNC Pythagore Grande Arche, dans laquelle elle s'est engagée à fournir aux occupants de la résidences divers services, dont : - l'accueil des occupants, - la laverie, - le nettoyage régulier des locaux, - l'usage du mobilier des parties communes, - le standard téléphonique, et, sur option des résidents :- les petits déjeuners, - la fourniture de linge de maison, - le nettoyage des parties privatives ; qu'il ressort des éléments mis en débat que la construction de cet immeuble a été financée par des particuliers, souhaitant bénéficier du cadre de la défiscalisation que cet investissement leur offrait, cadre pour lequel le législateur a prévu, au code général des impôts, un mécanisme incitatif de réduction d'impôt et de récupération de la TVA, tout en laissant les instruments juridiques du statut de la copropriété des immeubles bâtis et de celui des baux commerciaux régir les rapports de ces particuliers entre eux et ceux qu'ils ont noués, sans alternative possible, à la signature du contrat de vente en l'état de futur achèvement, avec la société commerciale d'exploitation de la résidence ; que si le souhait affirmé de la SNC CERS, qui vient aujourd'hui aux droits de la société La Gestion Active Services, est de conserver sa position d'exploitant unique de la résidence, en faisant valoir que son engagement est lié à un équilibre qui ne peut s'envisager en dehors d'une unité économique d'exploitation de l'ensemble des lots de la résidence, force est de constater que rien, dans le règlement de copropriété ou les baux commerciaux mis en débats, ni aucune disposition légale, ne lui assure un statut d'interlocuteur unique des différents bailleurs de la résidence, le statut de résidence services, au demeurant mal défini, créant, de fait, une situation particulière de l'exploitant que les textes de nature fiscale qui en sont à l'origine n'ont pas su ou pas souhaité prendre en compte ; qu'au demeurant, le fait que, pour les locaux à usage commun, pour lesquels la SNC Pythagore Grande Arche a conclu avec la société La Gestion Active Services, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SNC CERS, la convention précitée du 15 mars 2001, place chaque bailleur dans un double rapport de droit avec elle, en son nom propre pour son lot privatif et en sa qualité de membre du syndicat des copropriétaires pour les parties communes, laisse la possibilité d'envisager que plusieurs exploitants pourraient cohabiter ou bien que le syndic pourrait reprendre pour le compte du syndicat des copropriétaires une partie des services gérés par l'exploitant ; qu'ainsi, la prétention de la SNC CERS de voir consacrer le statut d'exploitant unique qu'elle occupe, de fait, jusqu'à ce jour est dépourvue de base contractuelle ou légale permettant à la cour de l'accueillir ; que dès lors, confirmant le jugement sur ce point, la cour estimera que la perte du fonds de commerce de cette société est partielle et non totale et doit donc s'apprécier au regard de la perte de chaque lot du fait des congés délivrés et du refus de renouvellement du bail ; que la SNC CERS entend néanmoins privilégier la méthode du chiffre d'affaires pour valoriser le fonds de commerce, faisant valoir que les lieux loués sont destinés à une activité hôtelière ; mais que les bailleurs objectent que l'activité de la SNC CERS se rapproche davantage d'une gestion financière, voire de celle d'un administrateur de biens, que de celle d'un hôtelier ; qu'il résulte en effet des dispositions fiscales, notamment celles de l'article 261 D 4º du code général des impôts et de la définition que les services des impôts donnent de l'activité para-hôtelière, que l'éligibilité à l'exonération de TVA prévue par cet article, suppose que les établissements s'en réclamant offrent, en sus de l'hébergement, au moins trois des quatre services que sont : le petit déjeuner, le nettoyage de locaux de manière régulière, la fourniture de linge de maison et un service de réception non personnalisé de la clientèle, ce qui constituent des prestations très minimes par comparaison à celle d'un hôtel de tourisme et induit des charges de personnel bien moindres ; qu'encore y a-t-il lieu de considérer que, selon ces dispositions, l'accueil peut être assuré en un lieu unique différent du local loué ; que les prestations de petit déjeuner, de ménage en cours d'occupation, de location du linge de maison sont, en l'espèce, facturées en sus de l'hébergement, les rendant, de fait, facultatives pour les résidents ; qu'il convient encore de relever que le choix d'une résidence service par un étudiant est d'abord dicté par la proximité de celle-ci d'un établissement d'enseignement supérieur ou de sa desserte aisée par les transports en commun, par la possibilité de pouvoir cuisiner à l'intérieur du studio qu'il loue et par non par l'existence d'un service d'accueil auquel il n'a essentiellement affaire que lors de son emménagement en début de scolarité ou lors de son départ, des prestations de petit déjeuner (payantes au-delà de quatre par mois inclus dans le prix de location), de fourniture de linge de maison et de ménage qui ne sont qu'optionnelles et viennent renchérir de manière non négligeable le coût de la location ; que dans ces circonstances, la cour fera sienne la méthode de l'excédent brut d'exploitation (EBE) moyen retraité, retenue par l'expert, qui s'est basé sur les comptes de résultats globaux de la SNC CERS pour les années courant du 1er avril 2011 au 31 mars 2014, divisés par 259 lots, pour calculer un EBE moyen retraité arrondi à 552.625 euros, auquel l'expert a affecté un coefficient de 6 sur une échelle de 9, tenant compte du très bon emplacement de la résidence pour l'activité exercée et de sa bonne rentabilité, malgré une baisse de l'EBE depuis 2010 ; que sur le retraitement de l'EBE, les bailleurs vont même jusqu'à contester le calcul de la charge locative de la SNC CERS en critiquant une partie des références locatives collectées par l'expert souhaitant voir porté le prix moyen du m² de 26 € à 32 par mois ; mais que la cour considèrera come non pertinentes les critiques émises par les bailleurs sur huit de la quarantaine de références collectées par l'expert qui a justement apprécié à 28 € le m² ;

; que l'expert judiciaire a retenu la somme de 28 € du m² pour les studios éventuellement majorée de 20 % de sa superficie en présence d'un balcon et de 70 € par mois pour un emplacement de parking ; qu'il a également retenu un abattement de précarité de 10 %, ramenant ainsi le prix au m² à 25,20 € ; que se référant à la méthode hôtelière, que la cour a écarté, la SNC CERS revendique un prix au m² de 13,63 €, subsidiairement de 14,22 €, sans indexation annuelle ; que la cour a déjà jugé que la valeur locative avait exactement été retenue par l'expert à 28 m² ; que l'abattement pour précarité a été correctement retenu par le tribunal à hauteur de 10 % ; que la cour confirmera le jugement sur ce point , sauf à préciser qu'il convient d'abonder de 20 % la surface de chaque studio pourvu d'un balcon et de facturer en sus 70 € par mois pour tout studio bénéficiant d'un emplacement de parking et de rendre débitrice la SNC CERS d'une indemnité d'occupation à l'égard de tous les bailleurs requérants ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'immeuble à usage de résidence service est composé de 262 studios dont la société Cers en gérait 259 en 2012 en tant que locataire au titre de baux commerciaux ; que les congés donnés dans la présente instance ou en dehors de celle-ci sont au nombre de 168 ; que le refus de renouvellement des baux aura pour conséquence une perte partielle du fonds de commerce de la société Cers dans la mesure où elle ne peut nui déplacer, ni reconstituer un fonds équivalent ;

1°) ALORS QUE la société Cers invoquait l'existence d'une unité d'exploitation du fonds, globale et indivisible dès lors que la destination de l'immeuble était unique, que tous les baux de loueurs nus étaient identiques et que le preneur à bail était unique ; qu'elle en déduisait ainsi que la perte substantielle d'une partie des lots entraînait la perte totale du fonds de commerce (conclusions d'appel n°4 p. 24) ; que pour retenir, au contraire, une perte partielle du fonds de commerce, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la société Cers ne pouvait, faute de base légale ou contractuelle, prétendre au statut d'exploitant unique ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si l'ensemble des baux ne formait pas une universalité juridique et économique justifiant que la perte d'un lot constitue la perte d'une quote-part du fonds de commerce de la société Cers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-14 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE la société Cers soutenait encore, pièces à l'appui (pièces n° 43 et 47), avoir procédé à une simulation de l'exploitation avec les 89 lots restants qui faisait apparaître un résultat nul (conclusions d'appel p. 23); qu'en s'abstenant dès lors de répondre aux conclusions de la société Cers sur ce point, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE constituent des prestations hôtelières ou para-hôtelières les prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ; que la cour d'appel, pour considérer que les lieux loués n'étaient pas destinés à une activité hôtelière comme le soutenait la société CERS pour justifier que le montant de l'indemnité d'éviction devait être calculée sur le chiffre d'affaires, a constaté que les prestations de petit déjeuner, de ménage en cours d'occupation, de location du linge de maison sont, en l'espèce, facturées en sus de l'hébergement, les rendant, de fait, facultatives pour les résidents (arrêt, p. 27) et n'a ainsi pas tirer les conséquences légales de ses propres constatations d'où résultaient que l'activité de la société CERS s'apparentait à l'exploitation d'un hôtel ou d'une résidence hôtelière ; que la cour d'appel a donc violé l'article L. 145-14 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE la cour d'appel, qui a constaté la monovalence des locaux et que le prix du bail devait être fixé selon les usages observés dans la branche d'activité concerné (p.25, in médio), n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations car elle aurait dû déterminer la valeur locative en fonction desdits usages, en l'occurrence la méthode hôtelière ; que la cour d'appel a dès lors violé l'article R. 145-10 du code de commerce ;

5°) ALORS QUE la cassation qui sera prononcée sur l'indemnité d'éviction pour avoir écarté le chiffre d'affaires applicable à la para-hôtellerie et donc fixé la valeur locative à 28 € du m² emportera par voie de dépendance nécessaire la cassation de l'arrêt en tant qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'occupation à une certaine somme sur la base de 28€ du m² avant abattement ; qu'ainsi, l'arrêt sera censuré de ce chef en application de l'article 624 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté la société Cers de sa demande tendant à voir fixer l'indemnité de remploi à hauteur de 10% de l'indemnité d'éviction soit à la somme de 3088 €, subsidiairement à 2942 € et très subsidiairement à 2471 € :

AUX MOTIFS QUE l'expert judiciaire a fixé cette indemnité à 10% de l'indemnité principale, décision approuvée par la SNC CERS ; que les bailleurs la contestent en revanche en arguant du fait que la SNC CERS ne pourra acquérir les 148 lots correspondant à sa perte partielle de fonds ; que la possibilité de réinstallation partielle du fonds de commerce pour 148 lots n'a effectivement aucun sens dans le cadre de la gestion de l'ensemble des lots d'une résidence, car cela supposerait que la SNC CERS trouve une résidence offrant un nombre équivalent de lots disponibles à proximité, occurrence hautement improbable ou bien qu'elle dissémine l'acquisition de ces lots dans plusieurs résidences proches les unes des autres afin de lui permettre une mutualisation aisée des services qu'elle propose, hypothèse qui l'est tout autant ; qu'en l'absence de possible réinstallation, aucun frais de remploi ne peut donc être alloué et le jugement sera réformé en ce sens ;

ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'ne l'espèce, en énonçant que « la possibilité de réinstallation partielle du fonds de commerce pour 148 lots n'a effectivement aucun sens » pour refuser d'allouer à la société Cers toute indemnité de remploi, la cour d'appel a statué par un motif péremptoire en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté la société Cers de sa demande tendant à voir fixer le trouble commercial à six mois de perte de résultat conformément à l'avis des experts, soit à 1067 € par lot ;

AUX MOTIFS QUE l'indemnisation du trouble commercial est censée compenser la perte que le locataire subit pendant le temps où il va chercher un nouveau fonds de commerce ; que l'expert l'a chiffré à la somme de 1.067 euros par lot, correspondant à un six mois de l'EBE moyen retraité, somme que la SNC CERS agrée ; que les bailleurs s'opposent au versement de cette indemnité, faisant valoir que la SNC CERS ne souhaite ni ne peut se réinstaller ; que de fait, il convient de constater que la perte partielle de fonds que la SNC CERS subit est incompatible avec une réinstallation, qui n'aurait aucun sens dans le cadre de la gestion globale d'une résidence ; qu'il n'y a donc pas lieu à indemnisation du trouble commercial ; que le jugement sera réformé en ce sens ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en l'espèce, en se bornant pour débouter la société Cers de sa demande en réparation d'un trouble commercial, à énoncer que « la perte partielle de fonds que Cers subit est incompatible avec une réinstallation », la cour d'appel a statué par un motif péremptoire, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la société Cers faisait valoir que son trouble commercial était constitué, outre par la gêne occasionnée à la partie du fonds de commerce devant être reconstituée, par la gêne occasionnée à la partie du fonds de commerce subsistant notamment dans la réorganisation des équipes en charge de la gestion des baux (conclusions p. 44) ; qu'en se bornant à retenir que la société Cers ne pourrait pas se réinstaller sans répondre au chef de conclusions invoquant l'existence d'un trouble commercial issu résultant d'une nécessaire réorganisation due à la perte partielle du fonds de commerce, la cour d'appel a, en toute hypothèse, derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté la société Cers de sa demande tendant à voir dire et juger que l'indemnité de licenciement lui sera due par chacun des copropriétaires sur présentation des justificatifs ;

AUX MOTIFS QUE la SNC CERS demande son indemnisation des frais de licenciement, sur justificatifs, faisant valoir que le tribunal ne pouvait les écarter au prétexte que le rapport d'expertise ne les évoquait pas et alors même que les bailleurs admettent que la baisse du nombre de studios exploités par elle doit entraîner une baisse de ses charges de personnel ; que les bailleurs demandent la confirmation du jugement sur ce point ; que la cour constate que la SNC CERS fait état, en page 41 de ses conclusions, d'une augmentation de sa masse salariale en 2014/2015 du fait des embauches auxquelles elle a procédé et ne démontre en rien qu'elle va devoir se séparer dans un temps proche d'une partie de ses personnels en lien avec les congés qui lui ont été signifiés, celle-ci pouvant tout aussi bien reclasser ces personnels dans ses autres structures, comme la loi l'y invite ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté ce chef de demande ;

1°) ALORS QUE la demande de la société Cers repose sur la présentation de justificatifs d'indemnités de licenciement, ce qui supposera nécessairement que celle-ci aura procédé à des licenciements ; que la société Cers ne demandait donc pas la réparation d'un préjudice éventuel mais d'un préjudice certes futur mais certain; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait d'une part, pour refuser l'indemnisation d'un trouble commercial, affirmer que la société Cers ne pourrait pas se réinstaller et, d'autre part, pour refuser d'allouer, en leur principe, des indemnités de licenciement, retenir que la société Cers pourrait reclasser dans d'autres structures les personnels dont elle devrait se séparer en suite de l'éviction de la résidence ; qu'en statuant pourtant de la sorte, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-24458
Date de la décision : 21/02/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 fév. 2019, pourvoi n°17-24458


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.24458
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