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20/02/2019 | FRANCE | N°17-21704

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 février 2019, 17-21704


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme R..., embauchée en qualité de cuisinière le 8 janvier 2001 par la société Medotels, a été victime d'un accident du travail le 13 mars 2012 ; qu'ayant été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 8 janvier 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîn

er la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 1226-14, L. 1234-5 e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme R..., embauchée en qualité de cuisinière le 8 janvier 2001 par la société Medotels, a été victime d'un accident du travail le 13 mars 2012 ; qu'ayant été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 8 janvier 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 1226-14, L. 1234-5 et L. 5213-9 du code du travail ;

Attendu que pour accueillir la demande de la salariée au titre d'un complément d'indemnité de préavis sur le fondement de l'article L. 5213-9 du code du travail, l'arrêt retient qu'elle est fondée à obtenir cette somme sur le fondement de l'article L. 1234-1 du code du travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'inaptitude étant d'origine professionnelle, la salariée avait droit à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail et que les dispositions de l'article L. 5213-9 du même code ne s'appliquent pas à cette indemnité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Medotels à payer à Mme R... les sommes de 1 988,84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 198,84 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 1er juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute Mme R... de ses demandes de complément d'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code de travail et de congés payés y afférents ;

Condamne Mme R... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour la société Medotels

SUR LE

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Medotels fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamné à verser à Madame U... R... diverses indemnités de ruptures, outre des frais irrépétibles et les entiers dépens de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS QUE : «Sur le licenciement : Aux termes de l'article L.1226-10 du Code du travail, « lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin de travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions ». Il ressort de l'application de ces dispositions notamment que la recherche des possibilités de reclassement du salarié doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, les recherches doivent être loyales, sérieuses et personnalisées. L'employeur a licencié Madame U... R... pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Les 7 et 21 mars 2013, le médecin du travail a déclarée Madame U... R... inapte de manière définitive à son poste de Second de Cuisine, a préconisé un reclassement et/ou une formation, a interdit le port de charges de plus de 1 kilogramme et la manutention et l'a déclarée apte à un poste administratif sans port de charge.

Le 8 avril 2013, l'employeur a adressé un courrier à la responsable du département carrière du groupe Korian et il a exposé de manière concrète la situation de Madame U... R..., son emploi, son inaptitude et ses souhaits ; elle précise que les bourses de l'emploi recensent tous les mois les postes disponibles au sein du groupe et sont exhaustives.

Il n'est pas contesté que la S.A.S. Medotels a bien recherché et proposé à la salariée divers postes vacants compatibles avec son état de santé comme cela résulte des courriers échangés avec la responsable du département carrière du groupe Korian, en mai 2013, juin 2013 et août 2013 par lesquels l'employeur a demandé une recherche de poste approfondie au sein du groupe et auprès de l'ensemble des établissements en vue du reclassement d'une salariée. Il convient toutefois de relever que le poste d'agent d'accueil identifié par le responsable du département carrière en mai 2013 a été pourvu par un autre salarié avant que l'employeur ne consulte les délégués du personnel, que les deux postes à caractère administratif proposés à la salariée par lettre du 15 juillet 2013 ont été jugés trop éloignés de son domicile par la salarié et que s'agissant du poste d'agent d'accueil disponible à l'établissement de Courbevoie, Madame R... n'a pu accepter ce poste en l'absence d'informations précises sur le profil du poste, ce qui a conduit l'employeur à engager une procédure de licenciement. Cependant force est de constater que l'employeur n'a procédé à aucune diligence pour étudier la possibilité d'adaptation ou d'aménagement de postes déjà existants au sein des établissements de l'entreprise et des sociétés du Groupe afin de prendre en compte les préconisations de la médecine du travail. La S.A.S. Medotels ne démontre pas non plus avoir réalisé une étude de poste, ni avoir vérifié que l'ensemble des postes vacants ne pouvaient pas faire l'objet d'adaptation ou d'aménagements afin de pouvoir être occupés par Madame R... après une courte formation d'adaptation alors qu'elle a pourtant démontré par son parcours au sein de la S.A.S. Medotels une réelle capacité d'adaptation, ce qui aurait pu permettre son reclassement au sein de la société dans un emploi compatible avec son état de santé. La S.A.S. Medotels méconnaît ainsi les exigences légales en matière de reclassement professionnelles posées à l'article L.1226-10 du code du travail. Il s'ensuit que le licenciement de Madame R... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions. Sur les conséquences pécuniaires du licenciement : En application des articles L.1234-1 et L.1235-3 du code du travail et en l'absence de contestations sérieuses sur le montant sollicité par la salariée, Madame R..., qui justifie d'une ancienneté de plus de 13 ans au sein de la société, est fondée à obtenir la somme de 1988,45 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 198,84 € au titre des congés payés afférents.

Aux termes des articles L.1235-1, alinéa 4 et L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, le juge justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie. Compte tenu de l'effectif de la société, des circonstances de la rupture du contrat de travail, de l'ancienneté du salarié, de sa rémunération et de l'évolution de sa situation postérieurement au licenciement, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il convient d'allouer à Madame R... la somme de 20 000 € en réparation du préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de son emploi.

Sur la remise de documents : Il sera ordonné à la S.A.S. Medotels de remettre à Madame R... un certificat de travail, une attestation POLE EMPLOI et des bulletins de salaire conformes à la présente décision.

Sur les frais irrépétibles et les dépens : L'équité commande d'allouer à Madame R... une somme de 2500 € au titre des frais irrépétibles. La S.A.S. Medotels, qui succombe à l'instance, doit supporter les dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».

ALORS QUE 1°) le reclassement du salarié déclaré définitivement inapte à son poste de travail par le médecin du travail doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ; que si l'employeur doit proposer, dans la mesure des postes disponibles, une formation d'adaptation dans le but de satisfaire à cette obligation, il n'a pas à proposer des postes nécessitant une formation longue et aléatoire ; qu'en l'espèce il était démontré, par la production de bourses d'emploi des mois d'avril, mai, juin et septembre 2013, que, hormis les trois postes proposés et refusés par Madame R..., les postes disponibles étaient uniquement des postes d'aide à la personne et des postes d'infirmiers ou de médecins que Madame R... ne pouvait accomplir sans une formation longue totalement étrangère à celle qu'elle avait ; qu'en retenant que l'obligation de reclassement n'avait pas été exécutée, malgré les différentes offres de reclassement formulées et refusées par la salariée pour cause d'éloignement, aux motifs que l'employeur n'avait envisagé de formation pour la salariée qui aurait durant son parcours professionnel démontré une capacité d'adaptation (arrêt attaqué p. 5, §1), quand seule une formation longue et aléatoire aurait pu permettre à la salariée d'exercer les seuls postes disponibles (aides à la personne, infirmiers ou médecins), la Cour d'appel a violé l'article L.1226-10 (ancien) du Code du travail ;

ALORS QUE 2°) le reclassement du salarié déclaré définitivement inapte à son poste de travail par le médecin du travail doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ; que si l'employeur doit proposer, dans la mesure des postes disponibles, une formation d'adaptation dans le but de satisfaire à cette obligation, il n'a pas à proposer des postes nécessitant une formation de base longue et aléatoire ; qu'en l'espèce il était fait valoir par l'exposante (conclusions p. 20), sans être contredite par Madame R..., que le Groupe Korian au sein duquel devait être opéré le reclassement avait pour coeur de métiers l'aide à la personne si bien que les postes étaient principalement des emplois d'infirmier ou d'aide-soignant, voire de médecins, et non des postes de cuisiniers ou des postes administratifs, ce qui expliquait, ainsi qu'il ressortait des « bourses d'emplois » régulièrement produites, qu'aucun poste vacant, hormis ceux proposés à Madame R..., ne corresponde aux préconisations de la médecine du travail et aux capacités de Madame R... sans une longue formation que l'employeur n'a pas à prendre en charge ; qu'en considérant que l'employeur n'avait effectué « aucune diligence pour étudier la possibilité d'adaptation ou d'aménagement de postes déjà existants au sein des établissements de l'entreprise et des sociétés du Groupe afin de prendre en compte les préconisations de la médecine du travail » sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante, et ainsi qu'il ressortait des pièces produites et en particulier des bourses d'emploi, les postes vacants pouvaient être occupés sans une formation longue que l'employeur n'avait pas à prendre en charge, la Cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article L.1226-10 (ancien) du Code du travail ;

ALORS QUE 3°) le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste que s'il a réalisé une étude de poste ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir réalisé d'étude de poste (arrêt attaqué p.4 in fine), quand celle-ci incombe au médecin du travail et est nécessairement intervenue préalablement à la déclaration d'inaptitude, la Cour d'appel a violé l'article R. 4624-31 du Code du travail.

SUR LE

SECOND MOYEN DE CASSATION :

La société Medotels fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à Madame U... R... une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, ainsi que des frais irrépétibles et les entiers dépens de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS QUE : «Sur les conséquences pécuniaires du licenciement : En application des articles L.1234-1 et L.1235-3 du code du travail et en l'absence de contestations sérieuses sur le montant sollicité par la salariée, Madame R..., qui justifie d'une ancienneté de plus de 13 ans au sein de la société, est fondée à obtenir la somme de 1988,45 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 198,84 € au titre des congés payés afférents. Aux termes des articles L.1235-1, alinéa 4 et L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, le juge justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie. Compte tenu de l'effectif de la société, des circonstances de la rupture du contrat de travail, de l'ancienneté du salarié, de sa rémunération et de l'évolution de sa situation postérieurement au licenciement, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il convient d'allouer à Madame R... la somme de 20 000 € en réparation du préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de son emploi.».

ALORS QUE il résulte de l'article L.1226-14 du Code du travail que le salarié licencié pour inaptitude d'origine professionnelle se voit allouer une indemnité compensatrice d'un montant équivalent à celle de l'indemnité compensatrice de préavis ; que la jurisprudence rappelle avec constance que cette indemnité n'a pas la même nature que l'indemnité compensatrice de préavis, si bien qu'elle ne saurait être assortie de congés payés ; que dès lors, le délai-congé doublé en faveur des salariés handicapés n'est pas dû lorsque le licenciement résulte d'une inaptitude d'origine professionnelle ; qu'en allouant un complément d'indemnité compensatrice sur le fondement de l'article L.1234-1 du Code du travail au regard de la qualité de salariée handicapée alléguée, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L.1226-14 et L.5213-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-21704
Date de la décision : 20/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 fév. 2019, pourvoi n°17-21704


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Rémy-Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21704
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