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13/02/2019 | FRANCE | N°17-22074

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 février 2019, 17-22074


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 juin 2017), que le 7 décembre 2010, la société Investis bâtiment (la société), dirigée par M. D... J... jusqu'au 8 juillet 2008 puis par M. M... J..., a été mise en liquidation judiciaire, M. E... étant désigné liquidateur ; que la SCI de Baly, qui avait confié à la société, en 2005, des travaux de démolition d'un château, a été désignée en qualité de contrôleur ; que par un acte du 4 décembre 2013, M. E..., ès qualités, a assigné en responsabilit

é pour insuffisance d'actif les dirigeants successifs de la société, la SCI de Baly ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 juin 2017), que le 7 décembre 2010, la société Investis bâtiment (la société), dirigée par M. D... J... jusqu'au 8 juillet 2008 puis par M. M... J..., a été mise en liquidation judiciaire, M. E... étant désigné liquidateur ; que la SCI de Baly, qui avait confié à la société, en 2005, des travaux de démolition d'un château, a été désignée en qualité de contrôleur ; que par un acte du 4 décembre 2013, M. E..., ès qualités, a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif les dirigeants successifs de la société, la SCI de Baly intervenant à titre accessoire en qualité de contrôleur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. D... J... fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement et statuant à nouveau, de le déclarer irrecevable en son exception de nullité, de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de le condamner à payer à M. E..., ès qualités, la somme de 200 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, alors, selon le moyen, que lorsque c'est par fraude, pour priver le dirigeant poursuivi du droit de se défendre, que le rapport du juge-commissaire, défavorable à toute poursuite, n'a pas été versé aux débats, le jugement statuant sur l'action fondée sur l'insuffisance d'actif doit être annulé, sans effet dévolutif ; qu'en l'espèce, M. D... J... soutenait dans ses conclusions qu'avant que M. L..., premier juge-commissaire, dépose son rapport, il avait été entendu et que le magistrat avait conclu qu'il n'y avait pas lieu à mettre en oeuvre des poursuites ; que M. R..., ensuite désigné juge-commissaire, l'avait de nouveau convoqué mais qu'il n'avait pu se rendre à la convocation, ce dont il avait dûment informé le magistrat ; que pourtant le juge-commissaire avait conclu, sans aucune motivation, à l'opportunité d'engager des poursuites ; que le jugement ne portait le visa d'aucun rapport des juges-commissaires ; qu'il en résultait qu'une véritable fraude avait été commise au préjudice de M. D... J... puisque le premier rapport, qui lui était favorable, n'avait jamais été produit en justice, et qu'il n'avait jamais pu s'expliquer sur le second, qui lui était défavorable ; qu'en admettant pourtant l'effet dévolutif de l'appel, après annulation du jugement, sans aucunement rechercher si ce n'est pas par fraude que le rapport de M. L... n'avait pas été versé aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « fraus omnia corrumpit» , ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement pour une autre cause que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie du litige en son entier par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond par application de l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher si les circonstances ayant présidé au dépôt du rapport du juge-commissaire devant le tribunal étaient entachées de fraude dès lors que cette recherche était inopérante au regard de l'effet dévolutif de l'appel et qu'aucun texte ne lui faisait obligation de se décider elle-même au vu du rapport du juge-commissaire, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. D... J... fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription alors, selon le moyen, que la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que la demande en justice est celle par laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant au juge ses prétentions ; qu'elle a lieu à la date de remise au greffe d'une copie de l'assignation ; qu'il en résulte que seul le placement au greffe de l'assignation interrompt la prescription ; qu'en l'espèce, le délai triennal de prescription a commencé à courir le 7 décembre 2010, date de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, et qu'il expirait donc le 7 décembre 2013 ; que l'assignation a été délivrée le 4 décembre 2013 mais qu'elle n'a été placée que le 6 janvier 2014 ; qu'en rejetant pourtant la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil, ensembles les articles 53 et 857 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la délivrance d'une assignation constitue une demande en justice qui interrompt la prescription de l'action ; que l'arrêt relève que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société est intervenu le 7 décembre 2010, que l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif a été délivrée par le liquidateur au dirigeant de la société le 4 décembre 2013, soit avant l'expiration du délai de prescription de trois ans prévu par l'article L. 651-2 du code de commerce, puis qu'elle a été remise au greffe de la juridiction le 6 janvier 2014 conformément à l'article 857 du code de procédure civile ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que l'action du liquidateur n'était pas prescrite ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième et le quatrième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. D... J... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. D... J....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le jugement entrepris et statué à nouveau, et d'avoir, en conséquence, déclaré MM. D... et M... J... irrecevables en leur exception de nullité formée aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et condamné M. D... J... à verser à Me E..., ès qualités, la somme de 200 000 euros au titre de l'insuffisance d'actifs ;

AUX MOTIFS QUE : « sur la nullité du jugement entrepris : qu'aux termes de l'article R. 662-12 du code de commerce, «Le tribunal statue sur rapport du jugecommissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, y compris l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ou en obligation aux dettes sociales, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8.» ; que cette formalité substantielle est prévue à peine de nullité du jugement qui ne comporte pas de référence à la prise de connaissance par les parties et par le tribunal de commerce du rapport établi par le juge-commissaire ; que la lecture du jugement entrepris ne révèle pas que les premiers juges aient pris connaissance du ou des rapports du juge-commissaire ou du juge-commissaire suppléant ; qu'aucune des pièces versées aux débats et visées dans les conclusions des parties ne vient établir que les juges consulaires aient statué en ayant pris connaissance de ce ou de ces rapports, l'envoi d'un rapport au Président de la juridiction ne permettant nullement de présumer qu'il ait été nécessairement communiqué aux juges qui ont statué ; que les parties conviennent ainsi dans leurs écritures respectives qu'aucune mention de ce rapport ne figure dans la décision entreprise, mais sont contraires sur l'effet dévolutif de l'appel qui conduira la cour à statuer sur le litige ; que cette irrégularité substantielle n'affectant pas l'acte de saisine des premiers juges, la nullité qui découle de cette absence de toute mention de ce rapport ne touche que la décision déférée ; qu'il convient, en conséquence, de l'annuler et de statuer à nouveau ; qu'il n'est pas contesté qu'aucun texte ne conduit la présente cour à devoir statuer au vu du rapport du juge-commissaire ; que la question du respect du principe de la contradiction ou d'une violation des droits de la défense par les premiers juges, au regard de ce qu'il vient d'être retenu qu'aucune des mentions de jugement déféré ne révèle qu'ils aient statué en s'appuyant sur le rapport ou les rapports du juge-commissaire, n'est pas plus de nature à priver l'appel de son effet dévolutif, en ce que cette irrégularité ne vicie que la décision qui vient d'être annulée » ;

ALORS QUE lorsque c'est par fraude, pour priver le dirigeant poursuivi du droit de se défendre, que le rapport du juge-commissaire, défavorable à toute poursuite, n'a pas été versé aux débats, le jugement statuant sur l'action fondée sur l'insuffisance d'actif doit être annulé, sans effet dévolutif ; qu'en l'espèce, M. D... J... soutenait dans ses conclusions qu'avant que M. Daniel L..., premier juge-commissaire, dépose son rapport, il avait été entendu et que le magistrat avait conclu qu'il n'y avait pas lieu à mettre en oeuvre des poursuites ; que M. V... R..., ensuite désigné juge-commissaire, l'avait de nouveau convoqué mais qu'il n'avait pu se rendre à la convocation, ce dont il avait dûment informé le magistrat ; que pourtant le juge-commissaire avait conclu, sans aucune motivation, à l'opportunité d'engager des poursuites ; que le jugement ne portait le visa d'aucun rapport des juges-commissaires ; qu'il en résultait qu'une véritable fraude avait été commise au préjudice de M. D... J... puisque le premier rapport, qui lui était favorable, n'avait jamais été produit en justice, et qu'il n'avait jamais pu s'expliquer sur le second, qui lui était défavorable ; qu'en admettant pourtant l'effet dévolutif de l'appel, après annulation du jugement, sans aucunement rechercher si ce n'est pas par fraude que le rapport de M. L... n'avait pas été versé aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe fraus omnia corrumpit, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir opposée par MM. D... et M... J... au titre de la prescription ;

AUX MOTIFS QUE : « sur la prescription opposée au liquidateur judiciaire : que l'article L. 651-2 du code de commerce dispose en son alinéa 3 que l'action tendant à faire supporter une insuffisance d'actif «se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.» ; que les parties s'opposent sur l'effet interruptif de prescription de l'assignation délivrée par Maître R. le 4 décembre 2013, dont il n'est pas contesté qu'elle ait été signifiée dans le délai triennal susvisé ; que les appelants soulignent, au visa de l'article 2241 du code civil, qu'une demande en justice est interruptive, alors que l'article 854 du code de procédure civile en donne la définition suivante, concernant la juridiction consulaire : «La demande en justice est formée par assignation, par la remise au greffe d'une requête conjointe ou par la présentation volontaire des parties devant le tribunal » ; que l'acte introductif d'instance au sens même de la combinaison de ce texte avec l'article 53 du même code est donc constituée de cette assignation, qui a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription alors qu'il n'est pas discuté que cet acte ait été remis au greffe de la juridiction avant l'expiration de ce nouveau délai de prescription et conformément à l'article 857 de ce code ; que cette fin de non-recevoir doit être rejetée » ;

ALORS QUE la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que la demande en justice est celle par laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant au juge ses prétentions ; qu'elle a lieu à la date de remise au greffe d'une copie de l'assignation ; qu'il en résulte que seul le placement au greffe de l'assignation interrompt la prescription ; qu'en l'espèce, le délai triennal de prescription a commencé à courir le 7 décembre 2010, date de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, et qu'il expirait donc le 7 décembre 2013 ; que l'assignation a été délivrée le 4 décembre 2013 mais qu'elle n'a été placée que le 6 janvier 2014 ; qu'en rejetant pourtant la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil, ensembles les articles 53 et 857 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. D... J... irrecevable en son exception de nullité formée aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, et d'avoir, en conséquence, condamné M. D... J... à verser à Me E..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Investis Bâtiment, la somme de 200 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;

AUX MOTIFS QUE : « sur le défaut de qualité à agir de Maître E... : qu'aux termes de l'article 117 du code de procédure civile : «Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : - Le défaut de capacité d'ester en justice ; - Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ; - Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.» ; que les termes de l'article 112 du même code devaient conduire les appelants à se prévaloir de la nullité prévue par l'article ci-dessus visé avant de former une défense au fond ou une fin de non-recevoir ; que cette exception de nullité n'a été présentée en cause d'appel que secondairement à la fin de non-recevoir tirée de la prescription ; qu'ainsi que le souligne le liquidateur judiciaire, cette exception de nullité, tardive, doit être déclarée irrecevable » ;

ALORS QUE constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ; que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause ; qu'en l'espèce, M. D... J... soutenait expressément sur le fondement de l'article 117 du code de procédure civile que Me E... « ne disposait d'un mandat à agir que dans les limites qu'il s'était lui-même fixées à savoir, la poursuite des actions en cours et le recouvrement de l'actif » (conclusions, p. 20, antépénultième alinéa) ; qu'était ainsi soulevée une irrégularité de fond tenant au défaut de pouvoir ; qu'en retenant pourtant « que cette exception de nullité n'a été présentée en cause d'appel que secondairement à la fin de non-recevoir tirée de la prescription » de sorte qu'elle serait irrecevable, la cour d'appel a appliqué le régime des nullités de forme ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 118 du code de procédure civile par refus d'application, et l'article 112 de ce code, par fausse application.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. D... J... à verser à Me E..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Investis Bâtiment, la somme de 200 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;

AUX MOTIFS QUE : « sur les fautes reprochées à D... J... de nature à motiver sa condamnation au titre de l'insuffisance d'actif : qu'en l'état de ce qui vient d'être motivé, mais surtout au regard de ce que D... H. n'avait alors plus la qualité de dirigeant de la société Investis Bâtiment, il n'est pas besoin d'examiner la question de la date de la déclaration de cessation des paiements ; que les fautes articulées par le liquidateur judiciaire quasi-uniquement à l'encontre de D... J... doivent en tout état de cause être examinées en fonction de leur contribution démontrée à l'insuffisance d'actif ; que s'agissant de la poursuite abusive d'une activité manifestement déficitaire, il a déjà été rappelé plus haut que l'ampleur du passif n'a pu être impactée, seule la diminution de l'actif étant de nature à influer sur l'insuffisance à caractériser ; que les rémunérations perçues par D... J... à hauteur de 156.000 € entre l'année 2004 et la cessation de ses fonctions de dirigeant sont à rapprocher des autres indicateurs de la société Investis Bâtiment, qui n'a connu que des capitaux propres négatifs sur cette période entre -50.173 € et - 222.706 €, et seulement deux résultats nets positifs en 2006 et 2008, les autres ayant été déficitaires notamment en 2007 à hauteur de - 171.993 €, montant à rapprocher d'un chiffre d'affaires passé de 3.100.000 € en 2004 à 149.020 € sur cette année déficitaire ; que pour les années 2008 à 2010, aucun chiffre d'affaire n'a été relevé ; que la seule confrontation de ces chiffres permettait de retenir une poursuite abusive d'une activité nécessairement repérée comme déficitaire à compter de la fin de l'année 2007, au regard du seul rapprochement entre le résultat négatif supérieur au chiffre d'affaire et de la décision alors prise de ne plus maintenir l'activité ; que l'absence de reconstitution des capitaux propres depuis l'année 2004 ne pouvait que conforter ce dirigeant social dans cet impératif diagnostic d'une activité qui ne devait pas être maintenue en l'état et qui nécessitait que le choix d'un arrêt total soit sanctionné autrement que par le seul attentisme des décisions judiciaires à intervenir au titre de deux principaux créanciers ; que les rémunérations perçues par D... J... depuis l'année 2004 en l'état des chiffres qui viennent d'être rappelés, doivent être qualifiées comme manifestement excessives à hauteur de 120.000 € au regard du choix opéré par ce dirigeant sur les années 2003 et 2008 de les limiter à un montant annuel de 6.000 €, au regard des avantages sociaux qui en découlaient ; que s'agissant ensuite des travaux considérés comme facturés à rabais au profit des époux K..., belle-famille de D... J..., ce dernier n'a pas répliqué au courrier envoyé par Franck S. les 23 septembre et 17 novembre 2005 (pièces 67 et 68 du liquidateur judiciaire) ; que, cependant, aucun chiffrage n'a été réalisé par le liquidateur judiciaire sur l'éventuelle influence de ces facturations stigmatisées sur l'insuffisance d'actif ; que concernant la gestion du chantier dit du « Château de Baly », le protocole d'accord signé notamment par D... J... le 14 juin 2007 révèle que le premier appel de fonds a été versé à hauteur de 858.251,60 € sur un marché alors estimé à 1.072.827 €, mais surtout que la somme de 200.000 € demeurée dans les comptes de la société Investis Bâtiment devait être remboursée à la S.C.I. de Baly ; qu'il n'est pas contesté qu'aucun contrat écrit n'avait alors été régularisé ; que cet accord transactionnel marque sans équivoque la pleine reconnaissance d'une incurie dont l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 22 mai 2012 se fait l'écho, ce montant correspondant strictement à la somme perçue par la société Investis Bâtiment au titre de la réalisation d'un chantier dont il a été acté de la fin prématurée ; que l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de cette société de la créance de la S.C.I. Baly est ainsi consécutive à cette incapacité de D... J... à engager rapidement les diligences nécessaires pour poursuivre le chantier, abandonné depuis le début de l'été 2005, au moins depuis la décision de liquidation judiciaire du 15 septembre 2005 prononcée à l'encontre du sous-traitant ; que cette négligence a contribué sans conteste à ce passif ; que les autres discussions entre les parties sur les fautes mises en avant n'ont pas à être examinées en ce qu'aucun des éléments développés ne conduit à retenir qu'elles aient été à l'origine de l'insuffisance d'actif ; qu'il convient de retenir la responsabilité de D... J... à ce titre ; sur le montant de l'insuffisance d'actif ; que D... J... ne conteste pas que l'état des créances ait été publié au BODACC, le 4 octobre 2013 (pièce 57 du liquidateur judiciaire) et n'indique nullement avoir formé un recours contre la décision du juge-commissaire ayant arrêté le passif au montant visé plus haut ; que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 22 mai 2012 n'établit nullement qu'un encaissement de 37.701 € ait été fait par la S.C.I. de Baly, le Juge de l'Exécution n'ayant été saisi le concernant que de la question de la mainlevée d'une saisie conservatoire ; que le montant mis en avant de l'insuffisance d'actif par le liquidateur judiciaire ne peut ainsi qu'être validé ; qu'une contribution à l'insuffisance d'actif de € à la charge de dirigeant correspond à une conséquence proportionnée de la responsabilité de D... J..., au regard de son incurie comme de sa propension à ne pas prendre immédiatement conscience des décisions nécessaires ; qu'il doit être condamné à verser ce montant au liquidateur judiciaire » ;

ALORS 1/ QUE le juge ne peut accueillir une action en responsabilité pour insuffisance d'actif qu'à la condition d'avoir constaté l'existence de l'insuffisance d'actif au jour où le dirigeant a cessé ses fonctions ; que pour retenir la responsabilité de M. D... J... au titre de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a énoncé que le montant mis en avant de l'insuffisance d'actif par le liquidateur judiciaire ne peut qu'être validé ; que pourtant le liquidateur judiciaire faisait valoir que « l'insuffisance d'actif est donc de 293.808,24 € » sans préciser la date à laquelle il se plaçait pour effectuer cette évaluation (conclusions n° 3 p. 93 avant dernier §) ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser si cette insuffisance d'actif alléguée par le liquidateur judiciaire existait le 8 juillet 2008, date à laquelle M. D... J... avait démissionné de ses fonctions, comme ce dernier l'y invitait expressément (conclusions de l'exposant n° 3, p. 27), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 651-2 du code de commerce.

ALORS 2/ QUE l'existence d'une faute de gestion prise du versement de rémunérations manifestement excessives au dirigeant social doit s'apprécier au regard de la seule situation financière de la société ; qu'en retenant pourtant que « les rémunérations perçues par D... J... depuis l'année 2004 en l'état des chiffres qui viennent d'être rappelés doivent être qualifiées comme manifestement excessives à hauteur de 120 000 euros au regard du choix opéré par ce dirigeant sur les années 2003 et 2008 de les limiter à un montant annuel de 6 000 €, au regard des avantages sociaux qui en découlaient » (arrêt, p. 12, alinéa 8), la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

ALORS 3/ QUE la cour d'appel a elle-même constaté qu'au cours de l'année 2007, M. D... J... a fait le choix « d'un arrêt total » de l'activité de la société Bâtiment Investis ; qu'en retenant pourtant que l'exposant aurait commis une faute de gestion consistant en une « poursuite abusive d'une activité nécessairement repérée comme déficitaire à compter de la fin de l'année 2007 » (arrêt, p. 12, alinéa 6), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

ALORS 4/ QUE M. D... J... faisait valoir dans ses conclusions qu'il avait mis en oeuvre toutes les mesures qu'imposait la prudence lorsqu'avait été décidé l'arrêt de l'activité puisqu'à cette époque, « il a eu une tentative de revente de la société ainsi que deux tentatives de médiation, qui ont toutes deux échouées » (conclusions, p. 60, alinéa 5) ; qu'en retenant pourtant que M. D... J... se serait contenté d'un « attentisme des décisions judiciaires à intervenir au titre des deux principaux créanciers » (arrêt, p. 12, alinéa 7), sans aucunement répondre à ce moyen déterminant des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS 5/ QUE M. D... J... soutenait dans ses conclusions qu'il avait tenté de trouver un nouveau sous-traitant pour reprendre le chantier abandonné par la société Rhône Alpes Construction dès qu'il a eu connaissance de la liquidation judiciaire prononcée à l'encontre de celle-ci par jugement du 14 septembre 2015 ; qu'il faisait valoir que si ces recherches avaient échoué c'est uniquement en raison de la saisie-conservatoire pratiquée par la SCI de Baly dès le 7 décembre 2006 : « un nouveau sous-traitant aurait pu être trouvé afin de se charger du lot démolition d'autant plus qu'au 7 décembre 2005, un préaccord avait déjà été conclu avec une autre entreprise afin de reprendre le chantier, au plus tard début février 2006. C'est donc en conscience que le SCI de Baly a fait procéder aux saisies-conservatoires qui ont irrémédiablement gelé la poursuite du projet » (conclusions, p. 45, dernier alinéa) ; qu'en retenant pourtant que l'inscription au passif de la société Investis Bâtiment d'une créance de 200 000 euros de la SCI de Baly serait « consécutive à cette incapacité de D... J... à engager rapidement les diligences nécessaires pour poursuivre le chantier, abandonné depuis le début de l'été 2005, au moins depuis la décision de liquidation judiciaire du 15 septembre 2005 prononcée à l'encontre de ce sous-traitant » (arrêt, p. 13, alinéa 2), sans répondre à ce chef déterminant des conclusions de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-22074
Date de la décision : 13/02/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 15 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 fév. 2019, pourvoi n°17-22074


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.22074
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