LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. Y... a confié la défense de ses intérêts dans diverses procédures à Mme X... (l'avocat) ; qu'aucune convention d'honoraire n'a été signée et qu'à la suite d'un différend sur le paiement des honoraires, ce dernier a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande en fixation de ceux-ci ;
Attendu qu'après avoir relevé que l'avocat était présent à l'audience et exposé les seuls moyens et prétentions de M. Y..., le premier président a fixé à une certaine somme les honoraires dus ;
Qu'en statuant ainsi, sans exposer, même succinctement, les prétentions et moyens de l'avocat présent à l'audience, le premier président a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 12 septembre 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer à Mme X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour Mme X...
- IL EST FAIT GRIEF A l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir fixé à la somme de 600 € le montant de l'honoraire que M. Claude Y... reste devoir à son conseil Me B... X..., et en tant que de besoin de l'avoir condamné à lui payer pareille somme, d'avoir condamné Me B... X... à payer à M. Claude Y... la somme de 1.000 € pour frais irrépétibles, d'avoir ordonné la compensation entre les créances réciproques, et d'avoir dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles
- AU MOTIF QUE M. Claude Y... forme un recours à l'encontre de la décision rendue le 14 novembre 2016 par le bâtonnier taxateur du barreau de Bordeaux qui, constatant que la demande n'est pas discutée, arbitre à la somme de 11.206.98 € le montant des honoraires qu'il doit à Me B... X.... Il poursuit l'infirmation de la décision déférée : A titre liminaire, il fait valoir qu'aucune convention d'honoraire ne lui a jamais été proposée et que le conseil n'a jamais apporté la moindre précision sur les modalités de sa facturation (les factures ne renseignent, ni sur le temps passé, ni sur le taux appliqué, ni sur l'existence d'un forfait). Puis, il conclut :
* au rejet de la demande présentée par Me X... dans le dossier Y... c/ Sep D... n° 1410095. Il explique que dans cette procédure Me X... a facturé 8.050.80 € ttc, somme qu'il conteste devoir, Me X... ne justifiant d'aucune diligence, le seul acte produit étant le protocole d'accord transactionnel rédigé par... la Sep D.... Il précise :
- que les factures des 23 octobre 2014 et 5 novembre 2014, établies à treize jours d'intervalle, facturent la même prestation ;
- qu'il n'est pas débiteur de la facture du 5 novembre 2014, établie à l'ordre de la SAS Y... participation, et que de surcroît il lui est facturé une consultation à 1.300 € sans la moindre justification (compte tenu du montant de la facture, l'avocat devrait pouvoir justifier d'une consultation écrite).
* à la limitation à 600 € des honoraires dus dans le dossier Y... c/ Caisse d'épargne, n° 14/01023. Il rappelle que le conseil a facturé 3.120 € pour :
- analyse de l'assignation et conclusions,
- analyse de conclusions récapitulatives et rédaction d'un deuxième jeu de conclusions (2 pages supplémentaires),
- la procédure était assurée par un postulant rémunéré par ailleurs,
- le dossier a été déposé à l'audience.
Il estime que le temps passé par le conseil n'a pu excéder 10 heures, la seule difficulté juridique de ce dossier avait trait à un problème de prescription. Il propose de rémunérer l'avocat par une somme de 1.800 € TTC et il a déjà réglé 1.200 €
* à la restitution par Me B... X... d'une somme de 240 € ttc dans le dossier Y... c/ Société Générale, n° 14/0945. Il explique que dans cette procédure Me X... a occupé pour lui en première instance et en appel. La procédure de première instance a été réglée et les six factures querellées, d'un montant total de 4.689.64 € ttc sont relatives à la procédure d'appel. Toutefois, Me B... X... omet de préciser que pour cette même procédure deux factures ont été déjà été réglées 10 avril 2014 et 9 juin 2014 (avant les factures en discussion) pour un montant de 3.840 € ttc. Me X... aurait diligenté une procédure d'arrêt de l'exécution provisoire, sans mandat, qu'elle facture 3.500 €. Sur les prestations devant la cour, Me X... a certes établi trois jeux de conclusions, mais les premières ne sont que la reprise des écritures de première instance et les suivantes ajoutent trois pages en réponse aux écritures adverses. Il précise que la seule difficulté juridique avait trait à une prescription. Il propose de compter 20 heures de prestations (6 h pour le référé arrêt de l'exécution provisoire, 10 h pour les conclusions et 4 heures pour le suivi de la procédure) et un taux horaire de 150 €, soit 3.000 € ht et 3.600 € ttc. Le conseil lui est redevable d'une somme de 240 €. Il réclame 2.000 € pour frais irrépétibles et poursuit la condamnation de Me B... X... aux dépens de l'instance.
L'affaire appelée le 30 mai 2017 est renvoyée au 4 juillet 2017 pour permettre à Me B... X... de répliquer. A l'audience, cette dernière prétend avoir adressé très récemment des conclusions par mèl à son contradicteur, ce que ce dernier conteste. La cour n'a pas été destinataire de ces écritures.
SUR CE :
Article 10 de la loi du 31 décembre 1971 : (..) Les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. (.4. Me B... X... ne justifie pas avoir adressé en temps utile ses écritures et pièces à son adversaire. L'affaire est prise en l'état au vu des seules pièces versées aux débats par M. Claude Y.... Il apparaît que Me X... a facturé à son client pour 17.163 € d'honoraires de juin 2014 à octobre 2015 et que la contestation porte sur les facturations relatives aux dossiers Y... c/ la Sep D..., 4.593.98 €, Y... c/ Caisse d'épargne, 1.920 € et Y... c/ Société Générale, 11.206.98 €.
Concernant le dossier Y... c/ la Scp D... E : Me X... a facturé 8.050.80 € ttc suivant quatre factures.
1. 22 février 2014, 3.000 € ttc ;
2. 23 octobre 2014, 2.750,80 € ttc, pour réception, assignation et pièces, analyse assignation et pièces, recherches, rédaction de conclusions ;
3. 5 novembre 2014, 1.200 € ttc, pour réception, assignation et pièces, analyse assignation et pièces, recherches, rédaction de conclusions ;
4. 5 novembre 2014, 1.560 € ttc (SAS Y... participations - consultation juridique).
La première facture a été payée. La troisième établie 15 jours après la seconde et ayant même cause que cette dernière est manifestement un doublon. La quatrième, indépendamment du fait que M. Y... conteste avoir jamais reçu la consultation qui serait sa cause, fait observer avec pertinence qu'il n'en n'est pas le débiteur puisqu'elle est établi au nom de la SAS Y... participations. Reste le solde de la seconde, 2.750.80 € - 456.82 € (règlement qui ne serait pas discuté) = 2293.98 €. M. Y... prétend que, pour cette procédure, la seule prestation consisterait en la transmission de la transaction établie par la Sep D.... En l'état des pièces acquises aux débats, la rémunération du conseil pour cette procédure, 3.456.82 € paraît largement satisfactoire. En relation avec le dossier Y... C/ Caisse d'Epargne, le conseil a émis deux factures, la première, le 15 septembre 2014, d'un montant de 2.400 € ttc et la seconde, du 3 juin 2015, d'un montant de 720 €. Sur ces factures, M. Y... s'est acquitté d'une somme de 1.200 €. Au vu des diligences du conseil, qu'il propose d'évaluer à 10 heures à 150 € de l'heure, il resterait redevable d'une somme de 600 €. Les diligences du conseil consisteraient essentiellement en l'établissement de deux jeux de conclusions sur un problème de prescription sans plaidoirie. La proposition de M. Y... est satisfactoire. Quant au dossier Y... Caisse d'Epargne, l‘intéressé fait valoir que son ancien conseil réclame 4.689.64 € pour une procédure d'appel pour laquelle elle a omis de préciser à son bâtonnier qu'il avait déjà perçu 3.840.00 €, soit un total de 8.529.64 € pour les diligences suivantes :
- procédure d'arrêt de l'exécution provisoire devant la juridiction du premier président ;
- trois jeux de conclusions devant la cour, le premier jeu étant un copier/coller des conclusions de premières instances et les 2 et 3 jeux ne contenant que 2 pages d'argumentation nouvelle.
Il propose de compter 6 heures pour la procédure d'arrêt de l'exécution provisoire, 10 heures pour la procédure d'appel et 4 heures pour le suivi de la procédure au taux horaire de 150 € ht/h. Ce décompte qui apparaît particulièrement généreux sera déclaré satisfactoire.
Les frais irrépétibles de M. Y... seront arbitrés à la somme de 1.000 € et Me B... X... supportera la charge des dépens.
- 1° ALORS QUE D'UNE PART le premier président, saisi d'un recours contre une décision du bâtonnier statuant sur une contestation en matière d'honoraires, entend les parties contradictoirement ; que la procédure, qui se déroule sans représentation obligatoire, est orale ; que les prétentions des parties peuvent donc être formulées au cours de l'audience ; qu'il en résulte que lorsque des conclusions écrites ne sont pas déposées ou sont écartées des débats, le juge de la taxe doit néanmoins exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens soutenus oralement à l'audience ; qu'ainsi en se bornant à rappeler uniquement les prétentions et moyens de M. Y... mais non ceux de Mme B... X... dont il a pourtant constaté qu'elle était présente en personne aux débats, le délégué du premier président a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 455 alinéa 1er du code de procédure civile.
- 2° ALORS QUE D'AUTRE PART dans le cadre d'une procédure orale où les deux parties sont présentes ou représentées, le juge ne peut rappeler les prétentions et moyens d'une seule des parties, et non des autres, sans faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction ; qu'en faisant droit à l'intégralité des prétentions de M. Y..., après avoir rappelé exclusivement les prétentions et moyens de ce dernier mais non ceux de Mme B... X... dont il constatait pourtant qu'elle était présente à l'audience, le délégué du premier président a violé l'article 6 § 1 de Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 455 alinéa 1er du code de procédure civile
- 3° ALORS QUE DE TROISIEME PART Il résulte de l'article 4 du code de procédure civile, selon lequel l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, qu'en matière de procédure orale, les conclusions écrites d'une partie, réitérées verbalement à l'audience, saisissent valablement le juge, et des articles 176 et 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que la procédure de contestation du montant et du recouvrement des honoraires d'avocat est orale, d'où il suit que, dans le cadre de l'instance ouverte sur recours de la décision du bâtonnier, les conclusions écrites déposées avant la date fixée saisissent le premier président dès lors que leur auteur est personnellement présent ou régulièrement représenté à l'audience ; que dès lors en prenant l'affaire en l'état au vu des seules pièces versées aux débats par M. Y... motifs pris que Me X... ne justifiait pas avoir adressé en temps utile ses écritures et pièces à son adversaire tout en constatant que Me X... était présente en personne aux débats, ce dont il résultait qu'elle était en tout état de cause admise à déposer ses conclusions jusqu'au jour de l'audience, le délégué du Premier Président a violé les articles 4 du code de procédure civile, 176 et 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les principes du procès équitable et des droits de la défense
- 4° ALORS QUE DE QUATRIEME PART les honoraires fixés judiciairement doivent l'être en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se bornant à chiffrer les honoraires de Mme X... au vu des seules observations de M. Y... sans énoncer, même succinctement, sur quels critères légaux elle se fondait, l'ordonnance attaquée est dépourvue de base légale au regard de l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 ;
- 5° ALORS QU'ENFIN toute décision de justice doit être motivée, à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision équivaut à un défaut de motifs ; qu'est assimilable à une contradiction entre les motifs et le dispositif, la contradiction entre deux chefs de dispositif inconciliables ; que dès lors en condamnant Me B... X... à payer à M. Claude Y... la somme de 1.000 € pour frais irrépétibles, tout en disant dans le même temps n'y avoir lieu à frais irrépétibles, le délégué du premier président a entaché sa décision d'une contradiction de motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile.