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09/01/2019 | FRANCE | N°17-22167

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 janvier 2019, 17-22167


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à compter du 16 janvier 2007, en qualité d'employé de vente, par la société Trio fruits, a démissionné le 1er juin 2007 à effet du 13 juin suivant ; qu'il a été engagé, à compter du 14 juin 2007, par la société Cady Cash, et exerçait en dernier lieu des fonctions de responsable de rayon ; qu'il a démissionné le 3 octobre 2010 ; qu'il a été de nouveau engagé à compter du 5 octobre 2010, en qualité d'adjoint responsable de rayons, par la société

Trio fruits ; que l'employeur a mis fin à la période d'essai à compter du 28 nov...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à compter du 16 janvier 2007, en qualité d'employé de vente, par la société Trio fruits, a démissionné le 1er juin 2007 à effet du 13 juin suivant ; qu'il a été engagé, à compter du 14 juin 2007, par la société Cady Cash, et exerçait en dernier lieu des fonctions de responsable de rayon ; qu'il a démissionné le 3 octobre 2010 ; qu'il a été de nouveau engagé à compter du 5 octobre 2010, en qualité d'adjoint responsable de rayons, par la société Trio fruits ; que l'employeur a mis fin à la période d'essai à compter du 28 novembre 2010 ;

Sur les troisième et cinquième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;

Attendu que pour dire équivoque la démission de M. X... du 1er juin 2007 et la requalifier en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société Trio fruits, l'arrêt retient que le salarié n'ayant pas manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail, le courrier du 1er juin 2007 constitue, en réalité, une prise d'acte de la rupture du contrat de travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations que le salarié arguait du caractère équivoque de sa démission, non à raison de l'existence d'un différend antérieur ou concomitant à sa démission, mais au motif d'un vice de son consentement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2, L. 1235-1 du code du travail ;

Attendu que pour dire équivoque la démission de M. X... du 3 octobre 2010 et la requalifier en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société Cady Cash, l'arrêt retient que si le salarié ne produit aucune pièce de nature à établir l'existence d'un vice du consentement, le fait que la lettre de démission ait été rédigée sur le lieu de travail sans que le salarié n'en conserve la copie, et le fait qu'il ait été embauché, à nouveau, le 5 octobre 2010, à un poste d'une classification inférieure à celui qu'il venait de quitter 48 heures auparavant, alors que ce changement d'emploi s'accompagnait, en outre, d'une diminution de salaire, sont de nature à rendre équivoque ladite démission, de sorte que le courrier du salarié en date du 3 octobre 2010 constitue en réalité une prise d'acte de la rupture du contrat de travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations que le salarié arguait du caractère équivoque de sa démission, non à raison de l'existence d'un différend antérieur ou concomitant à sa démission, mais au motif d'un vice de son consentement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Trio fruits à payer à M. X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de droit, l'arrêt rendu le 9 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Trio fruits et Cady Cash.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la démission de M. X... du 1er juin 2007 est équivoque, d'AVOIR requalifié cette démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société Trio Fruits, d'AVOIR dit que cette prise d'acte produira les effets d'un licenciement abusif et d'AVOIR condamné la société Trio Fruits à payer à M. X... les sommes de 2.783,15 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, et de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE « La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur. En l'espèce, Monsieur Boualem X... expose qu'il n'avait pas réellement la volonté de démissionner de son emploi mais qu'il a rédigé le courrier discuté à la demande de son employeur qui souhaitait le voir travailler dans le magasin de Villiers-sur-Marne, qu'il venait d'ouvrir avec son épouse. Il convient de constater que la lettre de démission a été rédigée le 1er juin 2007, dans les locaux même de l'entreprise, sans que le salarié n'en garde une copie, alors que celui-ci n'avait auparavant manifesté aucune intention de quitter son emploi, et qu'il avait, au contraire, signé un contrat à durée indéterminée quelques semaines plus tôt (le 16 avril 2007). Il y a lieu, en outre, de relever la concomitance des dates entre la création de la société CADY CASH par les époux Z..., le 25 mai 2007, la rédaction du courrier litigieux le 1er juin prévoyant, en accord avec Monsieur Franck Z... la prise d'effet de cette démission le 13 juin 2007 et l'embauche de Monsieur Boualem X... par Monsieur Antoine Z..., le 14 juin 2007. La cour considère en conséquence que le salarié n'ayant pas manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail, le courrier du 1er juin 2007 constitue, en réalité, une prise d'acte de la rupture du contrat de travail. L'employeur, en incitant son salarié à renoncer à son contrat de travail pour rejoindre le magasin tenu par son épouse, pour ultérieurement le réengager et mettre fin au contrat de travail pendant une période d'essai détournée de sa finalité puisqu'il connaissait de longue date le salarié, a commis un manquement suffisamment grave à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail. La rupture du contrat de travail produira donc les effets d'un licenciement abusif eu égard à l'ancienneté du salarié » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « ATTENDU que le contrat de travail est exécuté de bonne foi par les deux parties selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail. ATTENDU que le contrat de travail engage des obligations mutuelles pour les deux contractants. ATTENDU que l'article L. 1235-1 du code du travail dispose : en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné au besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié » ; ATTENDU que la cour de cassation stipule que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. QUE la démission doit s'exprimer librement, en dehors de toute contrainte ou pression exercée par l'employeur. Elle doit être l'expression d'une volonté libre, réfléchie et éclairée. QU'en l'espèce, Monsieur X... n'a jamais souhaité mettre un terme à la relation de travail, il a subi une pression de son employeur, dont le but était de le transférer d'un magasin à l'autre sans tenir compte des règles de droit. QU'il y a concomitance entre la démission d'un magasin la veille pour réembauchage dans l'autre le lendemain. Que la démission est bien équivoque puisqu'elle a été extorquée, pour priver le salarié de son ancienneté et des indemnités légales. De plus, il n'y a aucune preuve écrite de la démission dans les pièces concernant cette affaire. EN conséquence le Conseil dit et juge que la démission de Monsieur X... exigée par Monsieur Z..., dirigeant de la société TRIO FRUITS n'est pas recevable, elle est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE le juge est tenu de respecter les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que M. X... a développé à l'audience ses conclusions d'appel ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait que sa démission du 1er juin 2007 présentait un caractère équivoque et devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de sa concomitance avec son embauche par la société Cady Cash qui est dirigée par l'épouse du dirigeant de la société Trio Fruits et d'une prétendue pression exercée par la société Trio Fruits à son encontre ; qu'il ne soutenait pas, en revanche, que cette démission devait s'analyser en une prise d'acte de la rupture, ni n'invoquait aucun manquement de l'employeur antérieur ou contemporain de sa démission qui aurait rendu impossible la poursuite de son contrat ; qu'en décidant cependant qu'au regard des circonstances dans lesquelles elle est intervenue, cette démission n'a pas été manifestée de manière claire et non équivoque et constitue en réalité une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les limites du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2. ALORS QU'en toute hypothèse, le juge, qui est tenu de respecter le principe de la contradiction, doit inviter les parties à présenter leurs observations lorsqu'il soulève un moyen d'office ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que M. X... a soutenu à l'audience ses conclusions d'appel et, dans ses conclusions d'appel, M. X... ne soutenait pas que sa démission devait s'analyser en une prise d'acte de la rupture, ni ne remettait en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à l'employeur qui auraient empêché la poursuite du contrat ; qu'en décidant néanmoins d'analyser cette démission en prise d'acte de la rupture, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur cette requalification de la démission en prise d'acte et les manquements susceptibles de justifier cette prise d'acte, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3. ALORS QUE la démission ne peut être analysée en prise d'acte de la rupture qu'à la condition de présenter un caractère équivoque, soit au regard des termes dans lesquels le salarié a manifesté sa volonté de démissionner, soit en raison de l'existence d'un différend avec l'employeur manifesté antérieurement ou concomitamment à la démission ; qu'en conséquence, lorsqu'un salarié argue du caractère équivoque de sa démission en raison d'une pression exercée par l'employeur, le juge ne peut analyser cette démission en prise d'acte ; qu'en l'espèce, les termes de la lettre de démission de M. X... étaient clairs et non équivoques, le salarié y indiquant simplement « fai[re] part de [sa] démission qui prendra effet le 13/07/07 au soir », sans émettre aucune réserve ; qu'il n'invoquait, par ailleurs, aucun différend l'opposant à l'employeur avant ou concomitamment à sa démission ; qu'en retenant cependant que cette démission constituait en réalité une prise d'acte, dans la mesure où la lettre de démission a été rédigée dans les locaux de l'entreprise, sans que le salarié n'en garde une copie, qu'il n'avait manifesté auparavant aucune volonté de quitter son emploi, mais avait au contraire conclu un contrat à durée indéterminée quelques semaines plus tôt, que cette démission est intervenue concomitamment à la création de la société Cady Cash et que la lettre de démission prévoyait que la démission prendrait effet le 13 juin 2007, veille de l'embauche du salarié par la société Cady Cash, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

4. ALORS QUE la prise d'acte de la rupture du contrat ne peut être justifiée par des manquements de l'employeur survenus après la prise d'acte ou dont le salarié n'a eu connaissance qu'après la rupture du contrat ; qu'en retenant, pour dire que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement abusif eu égard à l'ancienneté du salarié, que l'employeur a incité M. X... à renoncer à son contrat de travail pour rejoindre le magasin tenu par son épouse, pour ultérieurement le réengager et mettre fin au contrat de travail pendant une période d'essai, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé de manquement de l'employeur à ses obligations antérieur ou contemporain de la rupture du contrat rendant impossible la poursuite de l'exécution du contrat, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

5. ALORS ENFIN QUE la seule circonstance que la démission du salarié intervienne concomitamment à son embauche par une autre société dirigée par le conjoint du dirigeant de la société employeur n'est de nature ni à donner un caractère équivoque à cette démission, ni à caractériser un vice du consentement ; qu'en l'espèce, la société Trio Fruits soutenait que la démission du 1er juin 2007 était effectivement intervenue de manière concomitante à l'embauche du salarié par la société Cady Cash, mais qu'aucune pression n'avait été exercée à l'encontre du salarié pour obtenir son consentement ; qu'elle soulignait à cet égard que le contrat de travail conclu avec la société Cady Cash prévoyait le versement d'une rémunération supérieure à celle qu'il percevait dans son précédent emploi et que la société Cady Cash avait repris l'ancienneté de M. X... ; qu'en outre, eu égard à son ancienneté, M. X... n'aurait eu droit à aucune indemnité de licenciement, en cas de licenciement ; qu'à supposer adoptés les motifs du jugement, en se fondant uniquement sur la concomitance entre la démission et l'embauche de M. X... par la société Cady Cash et l'affirmation péremptoire selon laquelle la démission aurait privé le salarié de son ancienneté et de ses indemnités légales, pour en déduire que la démission de M. X... aurait été « extorquée », sans préciser quelles pressions auraient été exercées l'encontre du salarié pour extorquer son consentement, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé un vice du consentement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1109 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 11 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Trio Fruits à payer à M. X... la somme de 2.783,15 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 278,31 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur Boualem X... qui n'a pas effectué le préavis auquel il avait droit, n'a pas non plus perçu l'indemnité compensatrice de ce chef, il convient donc de lui allouer la somme de 2 783,15 € à ce titre, outre celle de 278,31 euros au titre des congés payés » ;

1. ALORS QUE l'indemnité compensatrice de préavis est égale au montant du salaire que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé pendant la durée du préavis ; qu'en l'espèce, il est constant qu'au regard de son ancienneté de cinq mois, M. X... avait droit à un préavis d'un mois ; que la société Trio Fruits soutenait que le salaire moyen des trois derniers mois précédant la rupture du contrat de travail en date du 1er juin 2007 était de 2.007,88 euros, comme l'établissait l'attestation Assedic délivrée à M. X... à l'occasion de cette rupture ; qu'en se bornant à énoncer que M. X... a droit à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 2.783,15 euros, sans expliquer quelle base elle retenait pour fixer le montant de cette indemnité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-5 du code du travail ;

2. ALORS AU SURPLUS QUE le salarié qui a travaillé et a été rémunéré pendant une partie du préavis n'a pas droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis au titre de la période correspondante ; qu'en l'espèce, la société Trio Fruits faisait valoir, sans être contestée, que la rupture du contrat de travail de M. X..., en date du 1er juin 2007, avait produit effet le 13 juin 2007 et que le salarié avait travaillé et été rémunéré jusqu'au 13 juin 2007 ; qu'en décidant cependant, après avoir jugé que la démission en date du 1er juin 2007 produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que M. X... qui n'a pas effectué le préavis a droit à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 2.783,15 euros, sans s'expliquer sur la période comprise entre le 1er juin et le 13 juin 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-5 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Trio Fruits à payer à M. X... la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L. 1231-1 du code du travail, les règles relatives à la rupture du contrat de travail ne sont pas applicables pendant la période d'essai, l'employeur comme le salarié peuvent mettre fin au contrat sans avoir à motiver cette décision. Selon l'article L. 1221-20 du même code, la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. En l'espèce, Monsieur Boualem X... expose qu'après lui avoir demandé de démissionner de son poste de Responsable de rayon dans la société CADY CASH le 3 octobre 2010 pour être engagé dès le 5 octobre 2010, à un poste de responsable-adjoint de rayon au sein de la société TRIO FRUITS avec une période d'essai, Monsieur Franck Z..., dirigeant de cette société, a en réalité détourné la période d'essai de sa finalité, qui n'avait plus pour objet d'apprécier ses compétences, qu'il connaissait déjà pour l'avoir employé auparavant, mais de permettre une rupture de contrat le privant de tous ses droits. Il convient de relever que, contrairement à ce que soutient l'employeur, il connaissait le salarié, et donc ses compétences professionnelles, pour l'avoir lui-même employé de janvier à juin 2007, avant qu'il travaille pour le magasin tenu par son épouse pendant 3 ans, et de le réembaucher. Dès lors l'employeur qui rompt la période d'essai dans ces conditions, commet un abus de droit. Sur les dommages et intérêts liés à l'abus de droits. Il est incontestable que la rupture de la période d'essai, alors que Monsieur Boualem X... avait quitté son précédent emploi à la demande des dirigeants des sociétés TRIO FRUITS et CADY CASH a eu pour effet de le priver de ses droits. Il a ensuite connu une période de chômage avant de retrouver un emploi en 2012. Il convient de lui allouer des dommages et intérêts de ce chef à hauteur de 10 000 euros » ;

ALORS QUE la stipulation d'une période d'essai a pour objet de permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail ; qu'en conséquence, une période d'essai peut être stipulée lorsqu'un salarié est réengagé pour occuper un emploi différent de celui qu'il avait occupé pour le même employeur plusieurs années plus tôt ; que, sauf hypothèse de co-emploi entre deux employeurs successifs, la circonstance que le salarié ait occupé un emploi de même nature auprès d'un autre employeur n'interdit pas au nouvel employeur de stipuler une période d'essai ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... a travaillé en qualité d'employé au service de la société Trio Fruits entre janvier et juin 2007 et qu'après avoir travaillé au service de la société Cady Cash entre juin 2007 et octobre 2010 en qualité d'employé puis de responsable rayon, il a été à nouveau embauché par la société Trio Fruits pour occuper le poste d'adjoint responsable de rayon ; qu'en relevant, pour dire que la société Trio Fruits a commis un abus de droit en rompant la période d'essai stipulée dans le contrat conclu en octobre 2010 avec M. X..., qu'elle connaissait le salarié pour l'avoir employé de janvier à juin 2007, avant qu'il travaille pendant trois ans pour le magasin tenu par l'épouse de son dirigeant, cependant que M. X... avait exercé des fonctions différentes pour la société Trio Fruits entre janvier et juin 2007 et qu'aucune situation de co-emploi n'était caractérisée, ni même alléguée, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-20 et L. 1231-1 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la démission de M. X... du 3 octobre 2010 est équivoque, d'AVOIR requalifié cette démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société Cady Cash, d'AVOIR dit que cette prise d'acte produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Cady Cash à verser à M. X... les sommes de 6.384,34 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, 2.116,11 euros à titre d'indemnité de licenciement et 22.219,19 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné à la société cady cash de rembourser aux organismes concernés l'équivalent d'un mois d'allocation chômage versée à M. X... ;

AUX MOTIFS QUE « En l'espèce, Monsieur Boualem X... expose qu'il n'avait pas réellement la volonté de démissionner de son emploi mais qu'il a rédigé le courrier discuté à la demande de son employeur qui souhaitait le voir travailler dans le magasin de son conjoint, Monsieur Franck Z..., situé à Chelles au sein duquel il avait déjà travaillé en 2007. Il convient de relever que si Monsieur Boualem X... ne produit aucune pièce de nature à établir l'existence d'un vice du consentement, le fait que la lettre de démission ait été rédigée sur le lieu de travail, sans que lui-même n'en conserve la copie, et qu'il ait été embauché, à nouveau, par Monsieur Franck Z..., le 5 octobre 2010, à un poste d'une classification inférieure à celui qu'il venait de quitter 48 heures auparavant, alors que ce changement d'emploi s'accompagnait, en outre, d'une diminution de salaire, est de nature à rendre équivoque ladite démission. La cour considère en conséquence que le courrier du salarié en date du 3 octobre 2010 constitue en réalité une prise d'acte de la rupture du contrat de travail. L'employeur qui a incité le salarié à renoncer à son contrat de travail dans les conditions sus-mentionnées a commis un manquement d'une gravité telle qu'elle empêche la poursuite du contrat de travail. La rupture du contrat de travail, aux torts de l'employeur produira donc les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE le juge est tenu de respecter les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que M. X... a soutenu à l'audience ses conclusions d'appel ; que, dans ses conclusions, M. X... soutenait que sa démission du 3 octobre 2010 présentait un caractère équivoque et devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de sa concomitance avec son réengagement par la société Trio Fruits et d'une prétendue pression exercée par l'employeur à son encontre ; qu'il ne soutenait pas, en revanche, que cette démission devait s'analyser en une prise d'acte de la rupture, ni n'invoquait de manquement de l'employeur antérieur ou contemporain de sa démission qui aurait rendu impossible la poursuite de son contrat ; qu'en décidant cependant qu'au regard des circonstances dans lesquelles elle est intervenue, cette démission n'a pas été manifestée de manière claire et non équivoque et constitue en réalité une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les limites du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2. ALORS QU'en toute hypothèse, le juge, qui est tenu de respecter le principe de la contradiction, doit inviter les parties à présenter leurs observations lorsqu'il soulève un moyen d'office ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que M. X... a soutenu à l'audience ses conclusions d'appel ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... ne soutenait pas que sa démission devait s'analyser en une prise d'acte de la rupture, ni ne remettait en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à l'employeur qui auraient empêché la poursuite du contrat ; qu'en décidant néanmoins d'analyser cette démission en prise d'acte de la rupture, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur cette requalification de la démission en prise d'acte et sur les manquements susceptibles de justifier cette prise d'acte, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3. ALORS QUE la démission ne peut être analysée en prise d'acte de la rupture qu'à la condition de présenter un caractère équivoque, soit au regard des termes dans lesquels le salarié a manifesté sa volonté de démissionner, soit en raison de l'existence d'un différend avec l'employeur manifesté antérieurement ou concomitamment à la démission ; qu'en conséquence, lorsqu'un salarié argue du caractère équivoque de sa démission en raison d'une pression exercée par l'employeur, le juge ne peut analyser cette démission en prise d'acte ; qu'en l'espèce, les termes de la lettre de démission de M. X... étaient clairs et non équivoques, le salarié y indiquant simplement qu'il démissionnait de son poste de responsable de rayon à compter du 3 octobre 2010, sans émettre aucune réserve ; qu'il n'invoquait, par ailleurs, aucun différend l'opposant à l'employeur avant ou concomitamment à sa démission ; qu'en retenant cependant que cette démission constituait en réalité une prise d'acte de la rupture, dès lors que la lettre de démission a été rédigée dans les locaux de l'entreprise sans que le salarié n'en garde une copie et que cette démission est intervenue concomitamment à son embauche, 48 heures plus tard, par la société Trio Fruits à un poste de classification inférieure avec une diminution de salaire, ce qui est de nature à rendre équivoque cette démission, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

4. ALORS QUE la prise d'acte de la rupture du contrat n'est justifiée qu'en cas de manquement de l'employeur à ses obligations rendant impossible la poursuite de l'exécution du contrat ; qu'en se bornant à relever, après avoir pourtant constaté que M. X... n'établissait aucun vice du consentement, que la société Cady Cash l'avait « incité » à renoncer à son contrat pour être réembauché par la société Trio Fruits, la cour d'appel n'a pas caractérisé un manquement de la société Cady Cash rendant impossible la poursuite du contrat et a, en conséquence, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
,

SUBSIDIAIRE AUX TROISIEME ET QUATRIEME MOYENS

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Trio Fruits à payer à M. X... la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et d'AVOIR condamné la société Cady Cash à verser à M. X... la somme de 22.219,19 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « Il est incontestable que la rupture de la période d'essai, alors que Monsieur Boualem X... avait quitté son précédent emploi à la demande des dirigeants des sociétés TRIO FRUITS et CADY CASH a eu pour effet de le priver de ses droits. Il a ensuite connu une période de chômage avant de retrouver un emploi en 2012. Il convient de lui allouer des dommages et intérêts de ce chef à hauteur de 10 000 euros » ;

ET QUE « Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Boualem X..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 22 219,19 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU' un même préjudice ne peut être réparé deux fois ; qu'en l'espèce, il est constant qu'immédiatement après sa démission du 3 octobre 2010, M. X... a été réembauché par la société Trio Fruits et que cette dernière a mis fin à sa période d'essai le 10 novembre 2010 ; qu'après avoir requalifié la démission du 3 octobre 2010 en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a accordé à M. X... la somme de 22.219,19 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en fonction notamment de « sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard » ; qu'en condamnant également la société Trio Fruits à verser à M. X... la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice né de la rupture de sa période d'essai, le [...] , compte tenu notamment de la période de chômage que M. X... a connue postérieurement à la rupture du contrat, qui était déjà indemnisée par les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au paiement desquels elle avait condamné la société Cady Cash, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 11 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-22167
Date de la décision : 09/01/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jan. 2019, pourvoi n°17-22167


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.22167
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