LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 octobre 2017), que Bernard Z..., aux droits duquel se trouvent ses enfants, Claude, Christiane et Martine Z... (les consorts Z...), a donné à bail un appartement à M. Y... ; que, le 20 juin 2014, les consorts Z... lui ont délivré, ainsi qu'à sa concubine, Mme X..., un congé avec offre de vente, puis les ont assignés en validité du congé ; que la société International Investissement, devenue propriétaire du logement, est intervenue à l'instance ;
Attendu que M. Y... et Mme X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les bailleurs avaient pu légitimement tenter de vendre leur bien à un bon prix et qu'ils avaient proposé par la suite le logement à un prix plus avantageux aux locataires qui n'avaient pas donné suite à cette nouvelle offre, la cour d'appel, qui ne s'est pas uniquement fondée sur le respect du droit de préemption subsidiaire et qui a procédé à la recherche prétendument omise, en a souverainement déduit qu'une fraude consistant dans la fixation de la valeur du logement à un prix excessif n'était pas démontrée et que le congé était valable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de Mme X... et les condamne à payer aux consorts Z... et à la société International Investissement la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour Mme X... et M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé pour vente délivré à M. Robert Y... et Mme Agnès X... le 20 juin 2014 à effet au 31 décembre 2014, et ordonne leur expulsion et celle de tout occupant de leur chef ;
AUX MOTIFS QUE la société Internationale Investissement critique le jugement en ce qu'il a considéré que le prix fixé avec une décote de seulement 11,36 % était excessif en raison de la présence d'un café avec terrasse en dessous et des travaux à venir dans la copropriété et refusé de valider le congé ; que le tribunal d'instance a en effet jugé que la décote aurait dû être de 20 à 25 % ; qu'elle conteste que l'activité commerciale du rez-de-chaussée soit un élément de décote et prétend que le tribunal a sous-évalué le bien en retenant un prix de 5 100 € à 5 440 € le m² alors que les notaires évaluent le prix médian pour le 10e arrondissement de Paris à 6 800 € le mètre carré ; qu'elle souligne, que les travaux d'un montant total de 410.000 € rappelé dans le congé selon les estimations de l'expert judiciaire ont entraîné une décote proportionnelle et qu'il ne saurait être tenu compte des frais d'avocat et d'expertise et qu'il n'y a pas réparation d'un préjudice matériel pour la durée des travaux ; qu'elle considère, en conséquence, que la décote opérée par le tribunal n'est pas justifiée ; qu'elle ajoute, que la différence entre le prix de l'offre de vente et le prix de vente réalisée s'explique par la vente de plusieurs lots dont un bien occupé faisant l'objet d'un litige judiciaire, ce qui justifie une décote entre 5 et 20 %; qu'elle affirme que la nullité du congé ne peut être prononcée qu'en cas de fraude et que la Cour de Cassation admet que les vendeurs veuillent vendre au meilleur prix et que c'est insuffisant pour établir une fraude ; Considérant que Monsieur Y... et Madame X... répondent que le prix est excessif car l'environnement est bruyant, au-dessus d'un café restaurant avec terrasse extérieure entre le quartier de Barbès et celui de la Gare du Nord, ce qui devrait entraîner une décote de 30 % et un prix de 690.200 € ; qu'ils ajoutent que les travaux seraient selon eux d'un coût total de 803.000 € ce qui justifierait une réduction de prix supplémentaire car le prix réel serait de 880.000 € + 123.000 € de travaux à la charge du propriétaire soit un prix global de 1 003 000 € ; qu'ils prétendent que le prix de la vente réalisée est de ce fait en réalité inférieure de 33 % au prix de l'offre de vente qui leur a été faite ; Mais considérant que le congé mentionne bien les futurs travaux à la charge des copropriétaires donc du futur acquéreur; que le débat sur le montant de ces travaux et sur la décote en raison du bruit, qui auraient dû réduire le prix offert, selon les intimés, ne présente plus d'intérêt juridique, puisque l'appartement a effectivement été vendu à un tiers en cours de procédure, à un prix certes inférieur à la première proposition des vendeurs, qui pouvaient cependant légitimement tenter d'obtenir un bon prix; que ce dernier prix qui correspond à celui de la vente effective, a bien été notifié et proposé aux locataires, qui bénéficiaient d'un droit de préemption subsidiaire; qu'il n'est pas contesté que leurs droits ont été respectés et qu'ils n'ont pas entendu user de leur droit de préemption et acquérir au prix consenti à la société Internationale Investissement; que dès lors le bien ayant été vendu le 26 septembre 2017 à un prix qui leur avait été proposé, la fraude invoquée par les locataires intimés n'est pas établie par eux; qu'il convient en conséquence de valider le congé et d'ordonner l'expulsion des locataires et de tout occupant de leur chef dans les délais légaux;
1) ALORS QUE la régularité d'un congé s'apprécie à la date de sa délivrance ; que la nullité d'un congé pour vente est encourue lorsque l'offre de vente a été notifiée au locataire à un prix volontairement dissuasif ; que le respect du droit de préemption subsidiaire du locataire est sans incidence sur la régularité du congé, qui doit être appréciée lors de sa délivrance ; qu'en l'espèce, pour valider le congé pour vente notifié le 20 juin 2014, la cour d'appel a considéré que le débat sur le prix de vente ne présentait plus d'intérêt juridique, puisque l'appartement avait effectivement été vendu à un tiers en cours de procédure, et que cette vente étant intervenue le 26 septembre 2017 à un prix qui avait été proposé aux locataires, la fraude invoquée par ces derniers n'était pas établie ; qu'en considérant ainsi que le respect du droit de préemption subsidiaire du locataire avait pour effet de valider le congé pour vente notifié plus de trois ans auparavant, la cour d'appel a violé l'article 15 II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
2) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en se déterminant de la sorte pour valider le congé, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'offre de vente notifiée par le bailleur le 20 juin 2014 n'avait pas été faite à un prix volontairement excessif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.