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20/12/2018 | FRANCE | N°16-12131

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 20 décembre 2018, 16-12131


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 6 novembre 2013, pourvoi n° 12-18.844), que la société civile immobilière Les Mimosas (la SCI) a confié au cabinet d'architecture Z... l'établissement du dossier de demande de permis de construire concernant une villa avec piscine ; que le permis de construire a été délivré le 21 novembre 2003 ; que la SCI a confié à M. X... l'établissement

des plans d'exécution et à la société X... la réalisation des travaux de const...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 6 novembre 2013, pourvoi n° 12-18.844), que la société civile immobilière Les Mimosas (la SCI) a confié au cabinet d'architecture Z... l'établissement du dossier de demande de permis de construire concernant une villa avec piscine ; que le permis de construire a été délivré le 21 novembre 2003 ; que la SCI a confié à M. X... l'établissement des plans d'exécution et à la société X... la réalisation des travaux de construction ; que, la SCI se plaignant d'une erreur d'implantation, une expertise a été ordonnée ; que la société X... a assigné la SCI en paiement du solde de son marché ; que la SCI a reconventionnellement demandé la condamnation du cabinet Z..., de la société X... et de M. X... au paiement des travaux de mise en conformité de la construction et de dommages-intérêts ;

Attendu que la société X... et M. X... font grief à l'arrêt de les condamner in solidum au paiement du coût des travaux de démolition et de reconstruction de la maison et des frais annexes ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la construction avait été implantée à 15 mètres de la limite sud du terrain alors que le plan annexé au permis de construire mentionnait une distance de 20 mètres et qu'elle dépassait de 1,15 mètre la hauteur à l'égout du toit prévue par le règlement d'urbanisme, tandis que les plans annexés au permis de construire entraînaient un dépassement de 73 centimètres, relevé que M. X... n'avait pas réalisé les plans d'exécution de la villa qu'il avait pourtant mission d'établir et retenu que, dès lors que le plan de masse était imprécis quant à l'implantation, la distance étant dessinée mais non côtée en limite sud, la société X... aurait dû aviser le maître de l'ouvrage de la nécessité de recourir à un géomètre en raison de cette imprécision, que, si le devis avait prévu la possibilité d'adapter les profondeurs de fouilles et soubassements au regard d'une étude de béton armé, ainsi que de réaliser un relevé en cours d'exécution concernant l'assainissement, il ne pouvait en être déduit qu'elle avait la possibilité d'implanter librement la construction, qu'elle n'établissait pas que la configuration d'ensemble était impossible à suivre et notamment que la piscine ne pouvait pas être implantée comme indiqué sur le plan, et qu'il lui appartenait de vérifier la conformité de la construction à la réglementation de l'urbanisme et d'aviser le maître de l'ouvrage de l'impossibilité de respecter le permis de construire au regard de cette réglementation, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu'il y avait lieu d'ordonner, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la mise en conformité forcée de la construction avec les prévisions du permis de construire et les règles d'urbanisme, l'existence d'un préjudice comme sa gravité étant indifférentes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société X... et M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société X... et de M. X... et les condamne à payer à la société civile immobilière Les Mimosas la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société X... et M. X...

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum M. X... et la X... à payer à la SCI Les Mimosas la somme de 362 414,62 € réactualisée au titre des travaux de démolition/reconstruction de la maison et des frais annexes, ainsi qu'aux dépens et 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs qu'« il résulte du rapport d'expertise de Monsieur A... les éléments suivants :
Après vérification par un sapiteur géomètre, la construction réalisée dépasse la hauteur à l'égout du toit prévue par le règlement d'urbanisme du plan d'occupation des sols de la commune de Grimaud de 1,15 m (la hauteur à l'égout du toit doit être de 6 mètres), tandis que les plans de permis de construire entraînaient un dépassement de 73 cm, d'où une aggravation de 42 cm lors de la construction ;
L'implantation au sol de la maison présente par ailleurs, un écart de 5 m par rapport à la limite sud du terrain mentionnée sur le plan du permis de construire (distance de 15 m au lieu de 20 m entre la construction et la limite sud du terrain) ;
Le plan-masse établi par le Cabinet Z... était imprécis quant à l'implantation, la distance étant dessinée mais non cotée en limite sud, ce qui rendait nécessaire le recours à un géomètre pour réaliser l'implantation ;
Monsieur Serge Z... n'a apporté aucune précision quant à l'implantation de la maison;
L'écart de 5 m de l'implantation de la maison raccourcit la distance entre celle-ci et le talus aval, rend nécessaire le confortement de celui-ci par un enrochement, modifie l'implantation de la piscine, qui demeure toutefois réalisable, et pénalise la SCI les mimosas pour la jouissance des abords paysagers et de la piscine.
Il résulte par ailleurs de la proposition d'honoraires établie par Monsieur Serge X... le 17 décembre 2003 et acceptée par la SCI les mimosas que celui-ci s'est engagé à réaliser, selon les termes mêmes de cette proposition, « une mission de plans d'exécution d'un projet de villa » ;
le maître de l'ouvrage devant fournir à l'architecte « tous les documents susceptibles d'aider à la conception du projet : plan de masse du terrain, relevé altimétrique, extrait cadastral, plans du permis de construire, et la note d'honoraires qu'il a adressée à la SCI les mimosas le 21 avril 2005 qui vise la réalisation des plans d'exécution, est conforme à la dite proposition sauf à appliquer une moins-value pour la non réalisation d'un permis de construire modificatif.
Il s'ensuit que contrairement à ce que Monsieur X... a soutenu au cours des opérations d'expertise, à savoir que sa seule mission aurait été de réaliser des plans de distribution intérieure de la villa, il était chargé de procéder aux plans d'exécution de la villa, ce qu'il n'a pas fait.
Il a donc manqué à son obligation de résultat de ce chef.
Le devis quantitatif estimatif établi par la X... et accepté par la SCI les mimosas, ne comprenait pas l'implantation de la villa;
toutefois, au regard de l'imprécision du plan-masse annexé au permis de construire qui ne permettait pas de procéder à cette implantation sans recourir à un géomètre, il appartenait à la X... d'aviser le maître d'ouvrage de la nécessité de ce recours ;
le fait que le devis susvisé ait prévu la possibilité pour celle-ci d'adapter les profondeurs de fouilles et soubassements au regard d'une étude béton armé, ainsi que celle de réaliser un relevé en cours d'exécution concernant l'assainissement, ne permet pas de déduire qu'elle avait la possibilité d'implanter la construction librement au regard du terrain, sans en référer au maître de l'ouvrage préalablement si la configuration d'ensemble prévue au plan du permis de construire ne pouvait être respectée ;
au surplus, la X... n'établit pas que cette configuration était impossible à suivre et notamment que la piscine ne pouvait être implantée comme figuré sur le plan-masse annexé au permis de construire, l'expert indiquant qu'en cette hypothèse elle se serait située en limite d'un haut de talus côté voisin et non pas qu'elle aurait empiété sur ce talus comme le soutient la X... ; de même, aucun élément du rapport d'expertise ne permet de retenir que la création d'une servitude au Sud de la propriété de la SCI les mimosas postérieurement à l'établissement des plans du permis de construire ait eu une incidence sur l'implantation et la X... ne produit aucune pièce susceptible de remettre en cause cette analyse.
Concernant le dépassement altimétrique, il appartenait à la X... de vérifier la conformité de la construction à la réglementation de l'urbanisme, et d'aviser le maître de l'ouvrage de l'impossibilité de respecter le permis de construire au regard de cette réglementation : l'implantation altimétrique erronée de la maison démontre que la X... , qui ne justifie en outre aucunement avoir procédé aux vérifications nécessaires, a manqué à ses obligations de ce chef, qui étaient accrues en l'absence effective de maître d'oeuvre d'exécution.
Les fautes contractuelles respectives ainsi commises par Monsieur Serge X... et la X... ont contribué à la réalisation des erreurs d'implantation de la construction.
Si au vu des conclusions de l'expert, l'erreur d'implantation au sol de la construction n'entraîne pas pour la SCI Les Mimosas, contrairement à ce qu'elle soutient sans l'étayer, l'impossibilité de réaliser une piscine, mais seulement un préjudice de jouissance pour ses associés et la nécessité de procéder à un enrochement, la SCI Les Mimosas est cependant fondée à solliciter la mise en conformité forcée de la construction avec les prévisions du permis de construire et les règles d'urbanisme en application des articles 1147 et 1184 du code civil, l'existence d'un préjudice comme sa gravité étant indifférentes ;
Monsieur Serge X... et la société X... seront en conséquence condamnés in solidum à supporter le coût de la démolition et de la reconstruction de la maison ;
L'expert judiciaire a chiffré ce coût à la somme de 330 000 € au vu d'un devis Silva du 30 juin 2008, auquel il a ajouté les frais de déménagement/réemménagement, à hauteur de 17 414,62 € TTC et des frais de location pendant 10 mois, à hauteur de 15 000 €, et retenu au total une somme de 362 414,62 € TTC ;
Cette évaluation qui avait été entérinée par le tribunal, doit être maintenue, sauf à la réactualiser au regard de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre novembre 2008, date de dépôt du rapport d'expertise, et octobre 2015, les devis produits par la SCI Les Mimosas ne pouvant être entérinés au regard des prestations y étant mentionnées qui diffèrent de celles qui figuraient sur le devis soumis à l'expert » (arrêt p.6 et 7) ;

Alors que, d'une part, la non-conformité contractuelle suppose que les prescriptions qui n'auraient pas été respectées soient précises ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que Monsieur Z... n'avait apporté « aucune précision quant à l'implantation de la maison » et retenu « l'imprécision du plan masse annexé au permis de construire », ne pouvait considérer que la société X... avait commis une « erreur d'implantation au sol de la construction » au regard de ces documents ; qu'en condamnant néanmoins M. X... et la X... à payer à la SCI Les Mimosas la somme de 362 414,62 € au titre des travaux de démolition/reconstruction de la maison à raison d'erreurs d'implantation de la construction, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Alors que, d'autre part, la cour d'appel, qui a constaté que le plan masse annexé au permis de construire était imprécis, et retenu « l'impossibilité de respecter le permis de construire » au regard de la règlementation relative à l'altimétrie, ne pouvait considérer que la SCI Les Mimosas était fondée à solliciter « la mise en conformité forcée de la construction avec les prévisions du permis de construire » pour condamner la X... et M. X... au coût d'une démolition/reconstruction d'un montant de 362 414,62 € ; que la cour, qui n'a pas déduit les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a ainsi violé l'article 1147 du code civil ;

Alors qu'en outre, le juge est tenu de rechercher si une demande de démolition/reconstruction formulée par le maître d'ouvrage constitue une sanction proportionnelle à l'inexécution contractuelle reprochée ; que la cour d'appel a considéré que l'erreur d'implantation au sol de la construction avait entraîné un simple « préjudice de jouissance et la nécessité de procéder à un enrochement », mais a jugé que la SCI Les Mimosas était fondée à solliciter la démolition et la reconstruction complète de la maison pour un montant de 362 414,62 € TTC au motif que l'existence d'un préjudice comme sa gravité étaient indifférentes ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, au regard de l'évaluation de l'expert chiffrant le préjudice résultant de l'écart d'implantation à la somme de 20 918,04 € TTT, la démolition/reconstruction était proportionnée à l'inexécution reprochée, la cour de renvoi a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1143, 1147 et 1184 du code civil ;

Alors qu'enfin, le juge doit répondre aux conclusions des parties invoquant l'absence de préjudice ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société X... a soutenu que le dépassement altimétrique n'avait entraîné aucun préjudice pour le maître d'ouvrage car la construction litigieuse n'était menacée de démolition ni par la commune ni par un voisin (concl. p. 6 etamp; 7) ; qu'en se fondant sur ce dépassement altimétrique pour condamner la société X... au paiement du coût de la démolition/reconstruction de la villa, sans répondre aux conclusions invoquant l'absence de préjudice du maître d'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-12131
Date de la décision : 20/12/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 20 déc. 2018, pourvoi n°16-12131


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.12131
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