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19/12/2018 | FRANCE | N°17-23595

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 décembre 2018, 17-23595


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2017), que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement Centre-Ouest Atlantique de la MACIF a, par délibération du 14 octobre 2014, décidé de recourir à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12 du code du travail, confiée au cabinet Syndex ; que la délibération a été annulée par arrêt du 8 avril 2015, lequel n'a été cassé le 9 novembre 2016 (pourvoi n° 1519004) qu'en

ce qu'il a condamné le CHSCT aux dépens et l'a débouté de sa demande de prise en c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2017), que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement Centre-Ouest Atlantique de la MACIF a, par délibération du 14 octobre 2014, décidé de recourir à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12 du code du travail, confiée au cabinet Syndex ; que la délibération a été annulée par arrêt du 8 avril 2015, lequel n'a été cassé le 9 novembre 2016 (pourvoi n° 1519004) qu'en ce qu'il a condamné le CHSCT aux dépens et l'a débouté de sa demande de prise en charge de ses frais non compris dans les dépens ; que, le 12 mai 2015, la MACIF a saisi le président du tribunal de grande instance pour obtenir, à titre principal, la restitution de la provision d'honoraires versée au cabinet Syndex et, à titre subsidiaire, que le montant des honoraires soit ramené à de plus justes proportions ;

Attendu que la MACIF fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes et de la condamner au paiement de certaines sommes au titre de solde des honoraires de l'expert et en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ que le Conseil constitutionnel ayant fixé au 1er janvier 2017 la date limite d'abrogation des dispositions jugées inconstitutionnelles, cette abrogation devait prendre effet au plus tard à cette date, pour les procédures à venir comme pour les procédures en cours ; que, par une décision rendue le 26 juin 2017, la cour d'appel ne pouvait faire application des dispositions ainsi abrogées ; que l'arrêt attaqué se trouve privé de fondement juridique et doit en conséquence être annulé ;

2°/ qu'en reportant l'abrogation des dispositions jugées inconstitutionnelles à la date du 1er janvier 2017, le Conseil constitutionnel entendait laisser au législateur un délai butoir qu'une loi nouvelle pouvait naturellement abréger ; que l'abrogation des dispositions jugées inconstitutionnelles résulte en réalité de l'entrée en vigueur de l'article 31 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; que ces dispositions nouvelles venant mettre fin à l'application d'un texte qui portait atteinte à un droit fondamental protégé par la Constitution relèvent d'un ordre public impérieux et doivent recevoir application immédiate dès leur entrée en vigueur ; que l'arrêt attaqué a été rendu postérieurement tant à la date butoir du 1er janvier 2017 qu'à l'entrée en vigueur de l'article 31 de la de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 qui était d'application immédiate aux instances en cours ; que, dès lors, il appartenait à la cour d'appel de Paris de faire application - après en avoir informé les parties et les avoir invitées à en débattre- des dispositions substituées aux dispositions inconstitutionnelles et selon lesquelles, en cas d'annulation définitive par le juge de la décision du CHSCT, les sommes perçues par l'expert sont remboursées par ce dernier, le comité d'entreprise pouvant, à tout moment, décider de les prendre en charge ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 4614-13 issues de l'article 31 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

3°/ qu''en énonçant que les frais de l'expertise décidée par le CHSCT, « sont à la charge de l'employeur et le demeurent même lorsque ce dernier a obtenu après accomplissement de la mission de l'expert désigné l'annulation en justice de la délibération ayant décidé de recourir à l'expertise » et en ignorant les conclusions de l'employeur qui soulignaient qu'un tel refus de donner effet à la décision d'annulation de la délibération du CHSCT en l'absence de tout risque grave constaté, revenait à le priver définitivement du droit d'obtenir l'exécution de cette décision de justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ qu'une atteinte peut être apportée à un droit fondamental à la condition qu'elle soit limitée dans le temps et proportionnée au but recherché ; que ces conditions doivent être appréciées eu égard à la situation de la victime de l'atteinte, dont les intérêts ne sauraient en aucun cas être irrémédiablement compromis ; qu'en se bornant à énoncer « qu'afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité du premier alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er janvier 2017 la date de l'abrogation de ces dispositions qui demeurent dès lors applicables aux faits de la cause », la cour d'appel a ignoré le fait que l'interprétation ainsi données aux dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail revient à porter une atteinte définitive et, partant, disproportionnée, au droit de l'employeur d'obtenir l'exécution de la décision de justice qui accueillait sa demande en annulation de la délibération irrégulière ; que la cour d'appel a ainsi méconnu le sens et la portée des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ qu'en statuant comme elle l'a fait au motif que la MACIF s'est abstenue de solliciter la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance du 3 février 2015, a accepté de recevoir l'expert, de lui communiquer les documents qu'il jugeait utile et de lui verser une provision, la cour d'appel a privé l'employeur de tout droit de recours utile et a fait produire un effet définitif à l'ordonnance contestée, ce qui constitue une violation des règles fondamentales du procès équitable garanties par l'article 6 etamp; 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ qu'en jugeant qu'aucune précipitation ni abus de la part du Cabinet Syndex ne sont établis, sans rechercher comme l'y invitaient les conclusions de l'employeur si, une fois informé des recours exercés par la MACIF suivant une procédure d'urgence aménagée à bon escient, et en l'absence de tout risque immédiat et de toute urgence démontrés ni même invoqués, l'expert n'était pas tenu de reporter tout ou partie de ses travaux dont il n'avait pas l'assurance d'obtenir la rémunération à l'issue de ces recours, la cour d‘appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail ;

7°/ qu'en contestant, à titre subsidiaire, le montant des honoraires et frais versés, l'employeur entendait bien contester chacun des éléments de calcul des honoraires et des frais dont le paiement lui était demandé y compris le taux journalier et les frais de mission ; qu' en énonçant qu'aucun élément ne démontre le caractère excessif des honoraires de l'expert dès lors que « la MACIF ne sollicite pas la réduction du taux journalier et des frais de mission du cabinet d'expertise », la cour d'appel a violé les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

8°/ qu'il résulte des conclusions d'appel de la MACIF que, pour demander à titre subsidiaire la réduction du montant des sommes dont le paiement était lui réclamé par le Cabinet d'expertise-comptable, celle-ci contestait non seulement les temps facturés et la pertinence de certains actes, mais aussi les « frais facturés » et « le montant journalier des honoraires » ; qu'en affirmant que « la MACIF ne sollicite pas la réduction du taux journalier et des frais de mission du cabinet d'expertise », la cour d'appel a dénaturé ces conclusions claires et non équivoques, en violation de l‘article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que par décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que, lorsque le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail décide de faire appel à un expert agréé en application de l'article L. 4614-12 du code du travail, les frais de l'expertise demeurent à la charge de l'employeur, même lorsque ce dernier obtient l'annulation en justice de la délibération ayant décidé de recourir à l'expertise après que l'expert désigné a accompli sa mission ; que, s'il énonce que la combinaison de l'absence d'effet suspensif du recours de l'employeur et de l'absence de délai d'examen de ce recours conduit, dans ces conditions, à ce que l'employeur soit privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l'exercice d'une voie de recours, et qu'il en découle que la procédure applicable méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété, en sorte que le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail doivent être déclarés contraires à la Constitution, le Conseil constitutionnel décide que l'abrogation immédiate du premier alinéa et de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail aurait pour effet de faire disparaître toute voie de droit permettant de contester une décision de recourir à un expert ainsi que toute règle relative à la prise en charge des frais d'expertise et que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2017 la date de cette abrogation ;

Attendu, ensuite, selon l'article L. 4614-13 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 31 de loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, d'application immédiate, que les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur, que toutefois, en cas d'annulation définitive par le juge de la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les sommes perçues par l'expert sont remboursées par ce dernier à l'employeur ;

Attendu, encore, qu'il résulte de la décision du Conseil constitutionnel et des dispositions précitées que les dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail telles qu'interprétées de façon constante par la Cour de cassation demeurent applicables aux frais relatifs à l'expertise mise en oeuvre en vertu d'une délibération contestée judiciairement, antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 31 de la loi du 8 août 2016, peu important que le caractère définitif de l'annulation de la délibération soit postérieur à l'entrée en vigueur de la loi précitée ; que l'atteinte ainsi portée au droit de propriété et au droit au recours effectif pour une durée limitée dans le temps est nécessaire et proportionnée au but poursuivi par les articles 2 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant la santé et la vie des salariés en raison des risques liés à leur domaine d'activité professionnelle ou à leurs conditions matérielles de travail ;

Et attendu qu'ayant exactement énoncé que l'expert peut accomplir sa mission dès que le CHSCT fait appel à lui, nonobstant un recours formé par l'employeur dans les plus brefs délais, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la chronologie des événements que la cour d'appel a estimé qu'aucune précipitation de l'expert dans la gestion de sa mission n'était démontrée ;

D'où il suit que le moyen qui ne tend, en ses deux dernières branches, qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation du montant des frais d'expertise, est inopérant en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches et mal fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la MACIF SAMCV aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la MACIF SAMCV à payer à la société Syndex SCOP, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la MACIF de ses demandes de restitution de la provision d'honoraires versés au Cabinet d'expertise Syndex, d'AVOIR condamné la mutuelle à payer à ce cabinet d'expertise la somme de 6.126,69 € au titre du solde de ses honoraires, ainsi que 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, et d'AVOIR une nouvelle fois condamné la Macif Centre Ouest Atlantique aux dépens et à payer au cabinet Syndex la somme supplémentaire de 2.500 € ;

AUX MOTIFS QU' « il suffit de rappeler que, par délibération du 14 octobre 2014, le CHSCT de la MACIF COA a décidé de recourir à une mesure d'expertise qu'il a confiée à la société d'expertise comptable SYNDEX ; que cette dernière a envoyé, le 19 février 2015, à l'employeur un protocole d'expertise présentant en particulier la méthodologie de cette mesure et son coût de 1 544 euros HT par jour pour 63,5 à 74,5 jours de travail; que la MACIF COA a payé une provision sur honoraires de 30 000 euros le 2 mars 2015, avant que la cour d'appel de Poitiers ne rende le 8 avril 2015 son arrêt d'infirmation de l'ordonnance en la forme des référés l'ayant déclaré irrecevable pour tardiveté de sa contestation de l'expertise ; que SYNDEX a interrompu sa mission dès la notification de l'arrêt d'irrecevabilité et a présenté à la MACIF COA une facture d'honoraires de 33 350 euros TTC correspondant à 20 jours d'intervention ramenés à 18 jours arrêtés au 3 avril, outre 2 776, 69 euros à titre de frais ; que la MACIF COA fait valoir qu'elle n'a pas à supporter les frais et honoraires d'une expertise fondée sur une délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) annulée par la Cour d'appel de Poitiers alors que le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles les dispositions du premier alinéa et de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail en raison de ce que la procédure en cause méconnaissait les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et privait de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété, le report au Ier janvier 2017 de l'abrogation de cette disposition ayant été décidé dans l'intérêt de l'employeur ; mais qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; que, si la déclaration d'inconstitutionnalité doit en principe bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et si la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; qu'afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité du premier alinéa et de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er janvier 2017 la date de l'abrogation de ces dispositions qui demeurent dès lors applicables aux faits de la cause ; que les frais de l'expertise décidée par le CHSCT en application de l'article L. 4614-12 du code du travail en cas de risque grave dans l'établissement ou de projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail sont à la charge de l'employeur et le demeurent même lorsque ce dernier a obtenu après accomplissement de la mission de l'expert désigné l'annulation en justice de la délibération ayant décidé de recourir à l'expertise ; qu'afin de contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, il appartient à l'employeur de former devant le juge judiciaire le recours prévu par la première phrase du deuxième alinéa de l'article susvisé, l'expert ayant pu accomplir ou commencer à accomplir sa mission dès que le CHSCT fait appel à lui, nonobstant un recours formé par l'employeur dans les plus brefs délais contre la décision du comité ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a justement retenu le premier juge au regard de la chronologie des événements ci-dessus rapportée, aucune précipitation du cabinet SYNDEX dans la gestion de la mission pour risque grave confiée par le CHSCT n'est démontrée puisque la MACIF s'est abstenue de solliciter la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance du 3 février 2015, a accepté de recevoir l'expert en entretien le 26 février et de lui communiquer les documents utiles, lui a versé le 2 mars une provision de 30 % du montant des honoraires et qu'au surplus le cabinet d'expertise a interrompu ses travaux dès la notification de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 8 avril 2015 ; qu'il ressort en outre des pièces communiquées que SYNDEX a respecté le protocole d'expertise qu'il avait adressé le 19 février 2015 à l'employeur quant aux jours et lieux des entretiens individuels et quant au rythme de travail des experts, la durée de l'expertise ayant été de 20,4 jours pour 63,5 à 74,5 journées initialement prévue ; que la synthèse du temps facturé, les feuilles détaillant les actes des deux intervenants et le tableau des réunions justifient la durée de mission de 163,5 heures (20,4 jours) ramenée à 144 heures (18 jours) correspondant au travail effectif des experts, à l'exclusion naturellement des entretiens collectifs et de cadrage, du temps prévu pour l'analyse, de la rédaction et de la restitution du rapport, tous actes n'ayant pu être accomplis avant le 8 avril 2015; que rien ne justifie par ailleurs que soit réduit le montant de la facturation du compte-rendu des questionnaires et entretiens - tenus par l'appelant pour non pertinents - dès lors que cette facturation ne correspond qu'à une journée de travail d'analyse des résultats et d'exploitation de ces documents et que la prestation confiée à la société 12M correspond à des tâches purement techniques effectuées avant le 8 avril 2015 ; Qu'en l'état de ces éléments qui n'établissent ni précipitation, ni abus d'aucune sorte de la part du cabinet SYNDEX et ne démontrent pas plus le caractère excessif des honoraires pratiqués par ce dernier, et alors que la MACIF ne sollicite pas la réduction du taux journalier et des frais de mission du cabinet d'expertise, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée ; que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner à ce titre la MACIF à payer au cabinet SYNDEX la somme supplémentaire de 2 500 euros » ;

1° ALORS QUE le Conseil constitutionnel ayant fixé au 1er janvier 2017 la date limite d'abrogation des dispositions jugées inconstitutionnelles, cette abrogation devait prendre effet au plus tard à cette date, pour les procédures à venir comme pour les procédures en cours ; que, par une décision rendue le 26 juin 2017, la cour d'appel ne pouvait faire application des dispositions ainsi abrogées; que l'arrêt attaqué se trouve privé de fondement juridique et doit en conséquence être annulé ;

2. ALORS QU'en reportant l'abrogation des dispositions jugées inconstitutionnelles à la date du 1er janvier 2017, le Conseil constitutionnel entendait laisser au législateur un délai butoir qu'une loi nouvelle pouvait naturellement abréger; que l'abrogation des dispositions jugées inconstitutionnelles résulte en réalité de l'entrée en vigueur de l'article 31 de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 ; que ces dispositions nouvelles venant mettre fin à l'application d'un texte qui portait atteinte à un droit fondamental protégé par la Constitution relèvent d'un ordre public impérieux et doivent recevoir application immédiate dès leur entrée en vigueur; que l'arrêt attaqué a été rendu postérieurement tant à la date butoir du 1er janvier 2017 qu'à l'entrée en vigueur de l'article 31 de la de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 qui était d'application immédiate aux instances en cours ; que, dès lors, il appartenait à la Cour d'appel de Paris de faire application - après en avoir informé les parties et les avoir invitées à en débattre- des dispositions substituées aux dispositions inconstitutionnelles et selon lesquelles, en cas d'annulation définitive par le juge de la décision du CHSCT, les sommes perçues par l'expert sont remboursées par ce dernier, le comité d'entreprise pouvant, à tout moment, décider de les prendre en charge ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 4614-13 issues de l'article 31 de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 ;

3. ALORS QU'en énonçant que les frais de l'expertise décidée par le CHSCT, « sont à la charge de l'employeur et le demeurent même lorsque ce dernier a obtenu après accomplissement de la mission de l'expert désigné l'annulation en justice de la délibération ayant décidé de recourir à l'expertise » et en ignorant les conclusions de l'employeur qui soulignaient qu'un tel refus de donner effet à la décision d'annulation de la délibération du CHSCT en l'absence de tout risque grave constaté, revenait à le priver définitivement du droit d'obtenir l'exécution de cette décision de justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. ALORS DE SURCROIT QU'une atteinte peut être apportée à un droit fondamental à la condition qu'elle soit limitée dans le temps et proportionnée au but recherché ; que ces conditions doivent être appréciées eu égard à la situation de la victime de l'atteinte, dont les intérêts ne sauraient en aucun cas être irrémédiablement compromis ; qu'en se bornant à énoncer « qu'afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité du premier alinéa de l'article L.4614-13 du code du travail, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er janvier 2017 la date de l'abrogation de ces dispositions qui demeurent dès lors applicables aux faits de la cause », la cour d'appel a ignoré le fait que l'interprétation ainsi données aux dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail revient à porter une atteinte définitive et, partant, disproportionnée, au droit de l'employeur d'obtenir l'exécution de la décision de justice qui accueillait sa demande en annulation de la délibération irrégulière; que la cour d'appel a ainsi méconnu le sens et la portée des dispositions de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. ALORS ENCORE QU' en statuant comme elle l'a fait au motif que la MACIF s'est abstenue de solliciter la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance du 3 février 2015, a accepté de recevoir l'expert, de lui communiquer les documents qu'il jugeait utile et de lui verser une provision, la cour d'appel a privé l'employeur de tout droit de recours utile et a fait produire un effet définitif à l'ordonnance contestée, ce qui constitue une violation des règles fondamentales du procès équitable garanties par l'article 6 etamp; 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en jugeant qu'aucune précipitation ni abus de la part du Cabinet Syndex ne sont établis, sans rechercher comme l'y invitaient les conclusions de l'employeur si, une fois informé des recours exercés par la MACIF suivant une procédure d'urgence aménagée à bon escient, et en l'absence de tout risque immédiat et de toute urgence démontrés ni même invoqués, l'expert n'était pas tenu de reporter tout ou partie de ses travaux dont il n'avait pas l'assurance d'obtenir la rémunération à l'issue de ces recours, la cour d‘appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions de l'article L.4614-13 du code du travail ;

7. ALORS PAR AILLEURS QU'en contestant, à titre subsidiaire, le montant des honoraires et frais versés, l'employeur entendait bien contester chacun des éléments de calcul des honoraires et des frais dont le paiement lui était demandé y compris le taux journalier et les frais de mission ; qu' en énonçant qu'aucun élément ne démontre le caractère excessif des honoraires de l'expert dès lors que « la MACIF ne sollicite pas la réduction du taux journalier et des frais de mission du cabinet d'expertise », la cour d'appel a violé les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

8. ALORS, ENFIN, QU'il résulte des conclusions d'appel de la MACIF que, pour demander à titre subsidiaire la réduction du montant des sommes dont le paiement était lui réclamé par le Cabinet d'expertise-comptable, celle-ci contestait non seulement les temps facturés et la pertinence de certains actes, mais aussi les « frais facturés » (page 23 des conclusions d'appelante) et « le montant journalier des honoraires » (page 24) ; qu'en affirmant que « la MACIF ne sollicite pas la réduction du taux journalier et des frais de mission du cabinet d'expertise », la cour d'appel a dénaturé ces conclusions claires et non équivoques , en violation de l‘article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-23595
Date de la décision : 19/12/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 déc. 2018, pourvoi n°17-23595


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.23595
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