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19/12/2018 | FRANCE | N°17-19896

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 décembre 2018, 17-19896


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant été engagé par la SA carboxyque santé, aux droits de laquelle vient la SA Air liquide France industrie (ALFI), en qualité de distributeur, catégorie agent de maîtrise - groupe IV - coefficient 225 de la convention collective nationale des industries chimiques, M. Y... occupait en dernier lieu un emploi relevant de la qualification conventionnelle de « technicien comptable », coefficient 300 ; qu'ayant exercé divers mandats de représentation du personnel à compter de

l'année 2007, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 18 ja...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant été engagé par la SA carboxyque santé, aux droits de laquelle vient la SA Air liquide France industrie (ALFI), en qualité de distributeur, catégorie agent de maîtrise - groupe IV - coefficient 225 de la convention collective nationale des industries chimiques, M. Y... occupait en dernier lieu un emploi relevant de la qualification conventionnelle de « technicien comptable », coefficient 300 ; qu'ayant exercé divers mandats de représentation du personnel à compter de l'année 2007, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 18 janvier 2011 de demandes au titre d'une discrimination syndicale et d'un harcèlement moral ;

Sur le premier moyen pris en ses première, quatrième, cinquième et sixième branches et sur les deuxième, troisième et quatrième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les moyens ci-après annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu qu'à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, l'arrêt condamne l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de préjudice matériel, sur la base de la méthode exposée dans les écritures du salarié, à savoir le préjudice financier constitué à compter du 1er janvier 2010 par la différence entre ce qu'il aurait dû percevoir et ce qu'il a effectivement perçu, outre l'incidence sur le montant de la retraite et des avantages dérivés du salaire ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir dit que le salarié est bien fondé à revendiquer les coefficients conventionnels 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, catégorie cadre et en conséquence, condamné l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de rappel de salaires en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination sur ces périodes, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice et violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Air liquide France industrie à payer à M. Y... la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel lié à la discrimination syndicale, l'arrêt rendu le 19 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. Y... et le syndicat SECIF-CFDT aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Air liquide France industrie.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE à payer à Monsieur Y... à titre de dommages et intérêts les sommes de 40.000 € pour préjudice matériel lié à la discrimination syndicale, 8.000 € pour préjudice moral consécutif à la discrimination syndicale, 12.000 € pour harcèlement moral, 8.000 € pour violation de l'obligation légale de sécurité et de prévention et de 7.000 € pour violation des dispositions conventionnelles sur le droit syndical, et d'AVOIR dit que Monsieur Pierre Y... est bien fondé à revendiquer les coefficients conventionnels 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, catégorie cadre, et en conséquence, d'AVOIR condamné la société AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE à lui régler les sommes de 68.459,22 € à titre de rappel de salaires et 6.845,92 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 22 juillet 2013 ;

AUX MOTIFS QUE « M. Y... a été engagé par la Sa CARBOXYQUE SANTE, aux droits de laquelle vient en dernier lieu la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE (ALFI), en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 12 février 1996 pour y exercer les fonctions de distributeur, catégorie agent de maîtrise-groupe IV-coefficient 225 de la convention collective nationale des industries chimiques, moyennant une rémunération de 10'700 francs bruts mensuels. Au vu des derniers bulletins de paie produits aux débats par l'appelant - pièces sous cote 3/37 -, dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, celui-ci occupe un emploi relevant de la qualification conventionnelle de « technicien comptable » au coefficient 300, et qui lui procure en contrepartie un « salaire réel » de 3.170,50 € bruts mensuels. Au soutien de ses demandes de « repositionnement » au sein de la catégorie des cadres avec application des coefficients 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, et de paiement d'un rappel de salaires sur la base d'une rémunération à fixer à 3.424 € bruts mensuels, M. Y... relève une « inadéquation » du dernier coefficient lui étant attribué au regard de ses dernières fonctions de contrôleur de gestion opérationnel, fonctions qui, en l'absence de « poste repère » dans la convention collective, doivent être identifiées par référence aux propres données émanant de l'employeur. Le coefficient conventionnel 300 attribué à M. Y..., en application de l'accord collectif du 10 août 1978 portant révision des classifications, correspond à la catégorie d'agent de maîtrise concernant les agents qui encadrent un groupe d'agents de maîtrise de classification inférieure, sont responsables de l'organisation et de la répartition du travail, participent à l'élaboration des consignes, et veillent à leur application. Les coefficients 350/360 et 400, que l'appelant revendique, relèvent du groupe V-catégorie ingénieurs et cadres auquel il est fait référence dans sa fiche de poste de contrôleur de gestion opérationnel - ses pièces 66 et 67 avec la mention « Catégorie professionnelle' : Technicien/Cadre, fourchette coefficient' : 360/460 » -, fiche de poste établie par l'employeur faisant un descriptif des missions confiées qui, par leur ampleur et leur diversité, relèvent bien fonctionnellement de la catégorie des cadres, telle que définie par la convention collective applicable, et notamment par renvoi au coefficient 400 qui vise les « ingénieurs et cadres agissant à partir de directives dans le secteur d'activité qui leur est imparti ' animent et coordonnent l'activité des agents de maîtrise et techniciens placés sous leur autorité ' assistent les ingénieurs et cadres d'un niveau supérieur auxquels incombe la responsabilité d'ensemble du secteur ' participent à la définition des objectifs sur le secteur ». Contrairement ainsi à ce que prétend l'employeur, les indications figurant sur cette même fiche de poste ne présentent pas seulement un caractère indicatif sans force obligatoire, dès lors qu'elles s'inscrivent dans un exposé précis des missions propres à ce type d'emploi, missions qui correspondent dans la réalité au groupe catégoriel V des ingénieurs et cadres auquel M. Y..., qui est par ailleurs titulaire d'un diplôme de 2ème cycle de l'enseignement supérieur (Master 1 et 2 mention contrôle de gestion), peut solliciter le rattachement. Après infirmation du jugement entrepris, il sera reconnu à M. Y... les coefficients 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, catégorie cadre, et l'intimée sera en conséquence condamnée à lui régler, au vu du décompte en page 63 de ses écritures, les sommes de 68.459,22 € à titre de rappel de salaires et 6.845,92 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 22 juillet 2013, date de réception par l'employeur de sa convocation directe en bureau de jugement » ;

ET AUX MOTIFS QUE « Au soutien de ses demandes indemnitaires à ce titre, M. Y... précise avoir connu des difficultés professionnelles à compter de sa réélection en octobre 2009 en tant que délégué du personnel titulaire et membre suppléant du comité d'établissement, difficultés avec son nouveau supérieur hiérarchique en la personne de M. Z... au travers de l'allégation d'une prétendue insuffisance professionnelle relevée en février 2010 alors même que jusque-là ses évaluations étaient positives, qu'il n'a pu bénéficier d'un entretien individuel en 2011 au titre de son activité sur l'année 2010 et en 2014 sur celle de l'année 2013, qu'ayant été en arrêts de travail continus du 6 décembre 2013 au 5 mai 2014 ce n'est que le 1er juin 2015 qu'il a eu un entretien au titre de ses performances sur 2014, qu'outre l'inadéquation du coefficient conventionnel lui ayant été attribué au regard des fonctions qu'il exerce réellement, ce qui motive sa demande de rappel de salaires, un écart significatif de coefficient apparait si on compare son niveau de rémunération avec celui des salariés exerçant les mêmes fonctions de contrôleur de gestion opérationnel ou des fonctions de niveau égal, que cette différence observable à son détriment s'illustre principalement par un retard de coefficient et non par un arrêt brutal des augmentations individuelles de salaires, que son manager rejetait ses plannings d'heures et s'opposait à ses heures de délégation tout en lui imposant une modification de son périmètre de travail par le transfert de tâches nouvelles sans concertation préalable dès la fin de l'année 2009, qu'il a subi une modification unilatérale de son contrat de travail puisqu'en septembre 2011 il lui a été attribué les fonctions de contrôleur de gestion opérationnel aux lieu et place de celles de gestionnaire comptable de filière qui avaient été supprimées, qu'outre la violation par l'employeur des dispositions en vigueur sur la rémunération des temps de déplacement professionnel et le temps de travail à l'occasion des arrêts de maladie il a subi un isolement physique du reste de son équipe de novembre 2013 à février 2015, qu'il a subi une rupture d'égalité de traitement lors de la mise en oeuvre du plan de départs volontaires de 2014 puisqu'alors que son emploi était directement « impacté » sa candidature au titre du volet mobilité dudit plan sur un poste de contrôleur de gestion à Bagneux était rejetée au prétendu motif qu'il n'avait pas un profil suffisamment technique, qu'il n'a eu aucune réponse de son employeur suite à sa demande de renouvellement de sa voiture de fonction de mai 2015, et que cette situation a perduré en dépit de ses multiples démarches au sein et en dehors de l'entreprise (inspection du travail) pour y remédier, ce qui a sensiblement dégradé son état de santé tant physique que mentale puisqu'ayant été atteint courant 2010 et 2011 d'un syndrome dépressif. Pour les raisons précédemment exposées lors de l'examen par la cour de certaines des demandes salariales, ne sont pas établis les griefs liés à la violation par l'employeur des dispositions en vigueur au titre, d'une part, de la rémunération des temps de déplacement professionnel et, d'autre part, du traitement des arrêts de maladie s'agissant des salariés itinérants, cette dernière problématique ayant abouti à un rejet de la demande nouvelle de M. Y... en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires. Sur les entretiens annuels d'évaluation de M. Y... - ses pièces 7 à 11 -, il est permis de relever que ceux-ci sont globalement satisfaisants jusqu'en 2009 et qu'à compter de 2010 ils deviennent nettement moins bons, les comptes rendus relatifs à la dernière période en cause donnant lieu à des retards dans la formalisation ainsi qu'à de nombreux échanges de courriels avec sa hiérarchie suite à ses observations non suivies d'effet - ses autres pièces 13 à 18. Sur l'écart significatif de coefficient pour la détermination de la rémunération de M. Y... qui compare sa situation avec celle d'autres salariés exerçant les mêmes fonctions de contrôleur de gestion opérationnel ou des fonctions à niveau de responsabilités comparables - son panel en page 27 de ses écritures -, il est manifeste que le coefficient conventionnel 300 qui lui a été attribué est inférieur à celui de M. Franck A... (360) qui s'est vu attribuer au sein de l'entrepris des missions avec un niveau de responsabilités similaires pour relever comme lui de la catégorie technicien-agent de maîtrise, ainsi qu'à ceux de Messieurs Thibault B... (400) et Jonathan C... (350 puis 400) qui en tant que contrôleurs de gestion opérationnel sont déjà classés dans la catégorie cadre qu'il revendique lui-même à bon droit. Sur les heures de délégation liées à l'exercice de ses mandats électifs, M. Y... verse aux débats - sa pièce 111 - un échange de courriels courant décembre 2010 avec son supérieur hiérarchique direct, M. Z..., assez peu disposé à en respecter le principe, ce qui est pourtant un droit attaché au statut d'élu du personnel. Sur le changement du périmètre de travail de M. Y... qui invoque un transfert de tâches nouvelles sans concertation préalable avec sa hiérarchie - ses pièces 112 à 116 -, le grief n'est pas caractérisé en ce qu'il s'agit bien de tâches entrant dans son domaine d'intervention lié notamment au suivi des commandes clients au plan comptable, comme ne l'est pas davantage celui lié à une prétendue modification de son contrat de travail par un changement de fonctions dès lors, comme cela lui a été confirmé par le service des ressources humaines courant 2013, qu'à son ancien poste de gestionnaire de filière a été substitué, par un simple changement d'appellation, celui de contrôleur de gestion opérationnel suite à une réorganisation interne. Sur l'isolement physique dont se dit victime M. Y..., celui-ci ressortirait du fait qu'il a été installé dans un bureau du 5ème étage alors que le reste de l'équipe des contrôleurs de gestion se trouve au 7ème étage, ce qui en soi apparaît peu pertinent et ne permet donc pas de retenir ledit grief. Sur la mise en 'oeuvre à son égard courant 2014 du plan de départs volontaires sous l'intitulé « projet AMBITION » qui avait un impact direct sur son emploi, mise en oeuvre qui serait constitutive selon lui d'une « inégalité de traitement », M. Y... ayant postulé le 3 juin pour un poste de contrôleur de gestion IL au sein de l'établissement de Bagneux, après avoir été reçu le 20 juin par un responsable des ressources humaines, si sa candidature n'a pas été retenue, il n'apparaît pas que le choix final fait par l'employeur en la personne de Mme D... soit par nature critiquable, ce qui conduit à considérer comme non établi ledit grief. Sur la restitution de son véhicule de fonction dont il bénéficiait jusque-là en qualité de salarié itinérant, restitution exigée par son supérieur hiérarchique direct dans un courriel du 10 décembre 2009, ce qui a obligé M. Y... à faire l'avance de frais de location d'un véhicule auprès de la société AVIS, et que si ledit véhicule de fonction lui a été finalement réaffecté en juin 2011, sa hiérarchie n'a pas traité courant 2015 sa demande de renouvellement en prévision de l'arrivée à échéance du contrat comme le rappelait alors la société gestionnaire du parc automobile de l'entreprise dans un courriel du 27 mai. M. Y..., par les pièces qu'il verse à la procédure, justifie avoir été en arrêts de travail suite au diagnostic posé d'un syndrome dépressif avec des complications médicales altérant sensiblement son état de santé. Les services de l'inspection du travail, après avoir pris contact avec l'appelant et certains représentants élus du personnel, ont adressé à la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE le 15 février 2011 un courrier l'invitant à « cesser sans délai les pressions exercées » sur celui-ci, avec cette conclusion' : « Faute d'une solution apportée à la situation dramatique vécue par M. Y..., j'envisage de dresser procès-verbal à votre égard » - sa pièce 45. Les griefs ainsi caractérisés sur les entretiens annuels d'évaluation, l'écart de coefficient conventionnel pour le calcul de la rémunération avec la reconnaissance d'un rattachement à la catégorie des cadres et l'application corrélative des coefficients 360 et 400, les heures de délégation, et le véhicule de fonction, lesquels sont à prendre dans leur ensemble, outre l'état de santé dégradé et la mise en garde de l'inspection du travail, laissent supposer au sens de l'article L.1134-1 du code du travail l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à raison de l'activité syndicale de M. Y..., d'une part, et au visa de l'article L.1154-1 permettent de présumer l'existence à son égard d'un harcèlement moral par renvoi à l'article L.1152-1, d'autre part. En réponse, la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE dénie tout changement dans les évaluations professionnelles de l'appelant au tournant des années 2009/2010, tout retard à compter de l'année 2010 dans la formalisation et la transmission desdits entretiens à celui-ci, l'absence de tout écart et retard dans le choix du coefficient de rémunération attribué à M. Y... qui retient un panel non pertinent dès lors qu'aucun des salariés auxquels il se compare ne serait placé selon elle dans une situation identique et qu'il n'est pas anormal finalement qu'un contrôleur de gestion opérationnel comme ce dernier puisse rester dans la catégorie technicien-agent de maîtrise au coefficient 300, que ses heures de délégation n'ont à aucun moment été remises en cause par sa hiérarchie, et qu'il n'a jamais subi le moindre préjudice au titre de son véhicule de fonction sur la période en cause, lequel lui a d'ailleurs été changé en juin 2016. Force est de constater en définitive que l'intimée, d'une part, ne prouve pas que ses décisions prises vis-à-vis de M. Y... sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination à raison de son activité syndicale et, d'autre part, que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral pour reposer sur des décisions justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail » ;

ET AUX MOTIFS QUE « M. Y... a été engagé par la Sa CARBOXYQUE SANTE, aux droits de laquelle vient en dernier lieu la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE (ALFI), en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 12 février 1996 pour y exercer les fonctions de distributeur, catégorie agent de maîtrise-groupe IV-coefficient 225 de la convention collective nationale des industries chimiques, moyennant une rémunération de 10'700 francs bruts mensuels. Au vu des derniers bulletins de paie produits aux débats par l'appelant - pièces sous cote 3/37 -, dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, celui-ci occupe un emploi relevant de la qualification conventionnelle de « technicien comptable » au coefficient 300, et qui lui procure en contrepartie un « salaire réel » de 3.170,50 € bruts mensuels. Au soutien de ses demandes de « repositionnement » au sein de la catégorie des cadres avec application des coefficients 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, et de paiement d'un rappel de salaires sur la base d'une rémunération à fixer à 3.424 € bruts mensuels, M. Y... relève une « inadéquation » du dernier coefficient lui étant attribué au regard de ses dernières fonctions de contrôleur de gestion opérationnel, fonctions qui, en l'absence de « poste repère » dans la convention collective, doivent être identifiées par référence aux propres données émanant de l'employeur. Le coefficient conventionnel 300 attribué à M. Y..., en application de l'accord collectif du 10 août 1978 portant révision des classifications, correspond à la catégorie d'agent de maîtrise concernant les agents qui encadrent un groupe d'agents de maîtrise de classification inférieure, sont responsables de l'organisation et de la répartition du travail, participent à l'élaboration des consignes, et veillent à leur application. Les coefficients 350/360 et 400, que l'appelant revendique, relèvent du groupe V-catégorie ingénieurs et cadres auquel il est fait référence dans sa fiche de poste de contrôleur de gestion opérationnel - ses pièces 66 et 67 avec la mention « Catégorie professionnelle' : Technicien/Cadre, fourchette coefficient' : 360/460 » -, fiche de poste établie par l'employeur faisant un descriptif des missions confiées qui, par leur ampleur et leur diversité, relèvent bien fonctionnellement de la catégorie des cadres, telle que définie par la convention collective applicable, et notamment par renvoi au coefficient 400 qui vise les « ingénieurs et cadres agissant à partir de directives dans le secteur d'activité qui leur est imparti ' animent et coordonnent l'activité des agents de maîtrise et techniciens placés sous leur autorité ' assistent les ingénieurs et cadres d'un niveau supérieur auxquels incombe la responsabilité d'ensemble du secteur ' participent à la définition des objectifs sur le secteur ». Contrairement ainsi à ce que prétend l'employeur, les indications figurant sur cette même fiche de poste ne présentent pas seulement un caractère indicatif sans force obligatoire, dès lors qu'elles s'inscrivent dans un exposé précis des missions propres à ce type d'emploi, missions qui correspondent dans la réalité au groupe catégoriel V des ingénieurs et cadres auquel M. Y..., qui est par ailleurs titulaire d'un diplôme de 2ème cycle de l'enseignement supérieur (Master 1 et 2 mention contrôle de gestion), peut solliciter le rattachement. Après infirmation du jugement entrepris, il sera reconnu à M. Y... les coefficients 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, catégorie cadre, et l'intimée sera en conséquence condamnée à lui régler, au vu du décompte en page 63 de ses écritures, les sommes de 68.459,22 € à titre de rappel de salaires et 6.845,92 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 22 juillet 2013, date de réception par l'employeur de sa convocation directe en bureau de jugement » ;

ET AUX MOTIFS QUE « 2/ L'obligation de sécurité et de prévention. L'ensemble des faits subis par M. Y... comme précédemment relevés, en dépit de la mise en garde de l'inspection du travail, constituent de la part de l'intimée un manquement à son obligation générale d'assurer notamment sa santé tant physique que mentale, cela pour ne pas avoir pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail nonobstant ce qu'elle prétend. La Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE sera en conséquence condamnée à payer à l'appelant la somme de 8.000 € à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions légales précitées, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt » ;

ET ENFIN AUX MOTIFS QUE « 3/ Les dispositions conventionnelles applicables dans l'entreprise. M. Y... se prévaut de l'accord collectif d'entreprise du 11 septembre 2002 sur le droit syndical conclu au sein de la Sa AIR LIQUIDE, en ses articles 4 sur la charge de travail des représentants du personnel et syndicaux, et 5 sur l'évolution professionnelle des élus. Cette dernière disposition précise en son premier alinéa que : « L'engagement syndical et de représentation du personnel ne doit pas empêcher, ralentir ou modifier l'évolution professionnelle en termes de promotion et de salaire ». Nonobstant ce que prétend la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE, cet accord collectif du 11septembre 2002 est applicable en son sein en vertu d'un autre accord collectif ayant le même objet qu'elle a conclu le 30 août 2011 avec ses partenaires sociaux, lequel à son article 2 dispose que : « Les parties conviennent de reconduire au sein de la société AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE. L'accord relatif au droit syndical en date du 11 septembre 2002 de la société L'AIR LIQUIDE SA ». Le sort réservé à M. Y... caractérisant une violation flagrante des dispositions conventionnelles précitées, l'intimée sera condamnée à lui payer la somme de 7.000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt » ;

1. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'en présence d'éléments de nature à étayer l'existence d'une discrimination syndicale, l'employeur reste en mesure d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce la société ALFI faisait valoir dans ses conclusions d'appel, justificatifs à l'appui, que l'évolution de carrière de Monsieur Y..., ainsi que les décisions prises à son égard, se justifiaient d'une manière objective étrangère à toute discrimination syndicale (conclusions pp. 13 à 39) ; qu'après avoir considéré que le salarié apportait des éléments de nature à étayer l'existence d'une discrimination syndicale, pour faire droit aux demandes de ce dernier, la cour d'appel s'est bornée à retenir : « force est de constater en définitive que l'intimé, d'une part, ne prouve pas que ses décisions prises vis-à-vis de Monsieur Y... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination à raison de son activité syndicale » (arrêt p. 7 § 2) ; qu'en statuant ainsi de manière péremptoire, sans analyser les explications ou les éléments avancés par l'employeur, ni préciser en quoi ils n'étaient pas de nature à justifier ses décisions à l'égard du salarié d'une manière objective étrangère à toute discrimination, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en condamnant la société ALFI à payer la somme de 40.000 € au salarié à titre de « réparation du préjudice matériel lié à la discrimination syndicale sur la base de la « méthode clerc » », cependant que ce même préjudice avait déjà été réparé par la condamnation de la société ALFI à reclasser Monsieur Y... aux coefficients conventionnels 360 de janvier 2010 à octobre 2011, puis 400 à compter de novembre 2011, et à verser à ce titre au salarié les sommes de 68.459,22 € à titre de rappel de salaires et de 6.845,92 € de congés payés afférents avec intérêts au taux légal, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice en violation de l'article 1231-1 du code civil (ancien article 1147), ensemble le principe de réparation intégrale ;

3. ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'en condamnant la société ALFI à payer la somme de 40.000 € au salarié à titre de « réparation du préjudice matériel lié à la discrimination syndicale », par des motifs ne permettant pas de déterminer si pour évaluer cette indemnisation elle n'a pas pris en compte un préjudice déjà indemnisé par le reclassement du salarié au coefficient 360 à compter de janvier 2010, puis au coefficient 400 à compter de novembre 2011 et par l'octroi subséquent des sommes de 68.459,22 € à titre de rappel de salaires et 6.845,92 € de congés payés afférents, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé l'article 1231-1 du code civil (ancien article 1147), ensemble le principe de la réparation intégrale ;

4. ALORS QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime interdit au juge d'indemniser deux fois le même préjudice ; que la méconnaissance d'une même obligation ou interdiction, énoncée à la fois par une norme légale et une norme conventionnelle, n'ouvre pas droit à une double indemnisation ; qu'en condamnant cumulativement la société ALFI au paiement de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral consécutif à la discrimination syndicale à hauteur de 40.000 € et 8.000 € sur le fondement des dispositions légales interdisant la discrimination syndicale et, par ailleurs, de dommages et intérêts à hauteur de 7.000 € pour violation de l'accord collectif d'entreprise du 11 septembre 2002 qui prohibe également la discrimination syndicale, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice tiré de la discrimination syndicale du salarié, en violation de l'article 1231-1 du code civil (ancien article 1147), ensemble le principe de réparation intégrale ;

5. ALORS, PLUS ENCORE, QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime interdit au juge d'indemniser deux fois le même préjudice ; qu'en accordant au salarié les sommes de 8.000 € pour violation de l'obligation légale de sécurité et de prévention et de 7.000 € pour violation des dispositions conventionnelles sur le droit syndical, par une motivation ne permettant pas de déterminer si pour évaluer ces indemnisations elle n'a pas pris en compte des préjudices déjà indemnisés par l'octroi au salarié des sommes de 40.000 € et de 8.000 € pour les préjudices matériels et moraux liés à la discrimination syndicale, la cour d'appel, qui a statué par des motifs ne permettant pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6. ALORS QU'en se fondant sur le même comportement fautif reproché à la société ALFI pour accorder au salarié des dommages et intérêts pour préjudices matériel et moral lié à la discrimination syndicale, pour préjudice moral consécutif à la discrimination syndicale, pour harcèlement moral, pour violation de l'obligation légale de sécurité et de prévention, et pour violation des dispositions conventionnelles sur le droit syndical, sans caractériser un préjudice propre subi par l'intéressé au titre de chacune de ses indemnisations distinctes, la cour d'appel, qui a statué par des motifs ne permettant pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, a violé l'article 1231-1 du code civil (ancien article 1147), ensemble le principe de la réparation intégrale.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société ALFI à payer à Monsieur Y... à titre de dommages et intérêts la somme de 12.000 € pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QU' « au soutien de ses demandes indemnitaires à ce titre, M. Y... précise avoir connu des difficultés professionnelles à compter de sa réélection en octobre 2009 en tant que délégué du personnel titulaire et membre suppléant du comité d'établissement, difficultés avec son nouveau supérieur hiérarchique en la personne de M. Z... au travers de l'allégation d'une prétendue insuffisance professionnelle relevée en février 2010 alors même que jusque-là ses évaluations étaient positives, qu'il n'a pu bénéficier d'un entretien individuel en 2011 au titre de son activité sur l'année 2010 et en 2014 sur celle de l'année 2013, qu'ayant été en arrêts de travail continus du 6 décembre 2013 au 5 mai 2014 ce n'est que le 1er juin 2015 qu'il a eu un entretien au titre de ses performances sur 2014, qu'outre l'inadéquation du coefficient conventionnel lui ayant été attribué au regard des fonctions qu'il exerce réellement, ce qui motive sa demande de rappel de salaires, un écart significatif de coefficient apparait si on compare son niveau de rémunération avec celui des salariés exerçant les mêmes fonctions de contrôleur de gestion opérationnel ou des fonctions de niveau égal, que cette différence observable à son détriment s'illustre principalement par un retard de coefficient et non par un arrêt brutal des augmentations individuelles de salaires, que son manager rejetait ses plannings d'heures et s'opposait à ses heures de délégation tout en lui imposant une modification de son périmètre de travail par le transfert de tâches nouvelles sans concertation préalable dès la fin de l'année 2009, qu'il a subi une modification unilatérale de son contrat de travail puisqu'en septembre 2011 il lui a été attribué les fonctions de contrôleur de gestion opérationnel aux lieu et place de celles de gestionnaire comptable de filière qui avaient été supprimées, qu'outre la violation par l'employeur des dispositions en vigueur sur la rémunération des temps de déplacement professionnel et le temps de travail à l'occasion des arrêts de maladie il a subi un isolement physique du reste de son équipe de novembre 2013 à février 2015, qu'il a subi une rupture d'égalité de traitement lors de la mise en 'oeuvre du plan de départs volontaires de 2014 puisqu'alors que son emploi était directement « impacté » sa candidature au titre du volet mobilité dudit plan sur un poste de contrôleur de gestion à Bagneux était rejetée au prétendu motif qu'il n'avait pas un profil suffisamment technique, qu'il n'a eu aucune réponse de son employeur suite à sa demande de renouvellement de sa voiture de fonction de mai 2015, et que cette situation a perduré en dépit de ses multiples démarches au sein et en dehors de l'entreprise (inspection du travail) pour y remédier, ce qui a sensiblement dégradé son état de santé tant physique que mentale puisqu'ayant été atteint courant 2010 et 2011 d'un syndrome dépressif. Pour les raisons précédemment exposées lors de l'examen par la cour de certaines des demandes salariales, ne sont pas établis les griefs liés à la violation par l'employeur des dispositions en vigueur au titre, d'une part, de la rémunération des temps de déplacement professionnel et, d'autre part, du traitement des arrêts de maladie s'agissant des salariés itinérants, cette dernière problématique ayant abouti à un rejet de la demande nouvelle de M. Y... en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires. Sur les entretiens annuels d'évaluation de M. Y... - ses pièces 7 à 11 -, il est permis de relever que ceux-ci sont globalement satisfaisants jusqu'en 2009 et qu'à compter de 2010 ils deviennent nettement moins bons, les comptes rendus relatifs à la dernière période en cause donnant lieu à des retards dans la formalisation ainsi qu'à de nombreux échanges de courriels avec sa hiérarchie suite à ses observations non suivies d'effet - ses autres pièces 13 à 18. Sur l'écart significatif de coefficient pour la détermination de la rémunération de M. Y... qui compare sa situation avec celle d'autres salariés exerçant les mêmes fonctions de contrôleur de gestion opérationnel ou des fonctions à niveau de responsabilités comparables - son panel en page 27 de ses écritures -, il est manifeste que le coefficient conventionnel 300 qui lui a été attribué est inférieur à celui de M. Franck A... (360) qui s'est vu attribuer au sein de l'entrepris des missions avec un niveau de responsabilités similaires pour relever comme lui de la catégorie technicien-agent de maîtrise, ainsi qu'à ceux de Messieurs Thibault B... (400) et Jonathan C... (350 puis 400) qui en tant que contrôleurs de gestion opérationnel sont déjà classés dans la catégorie cadre qu'il revendique lui-même à bon droit. Sur les heures de délégation liées à l'exercice de ses mandats électifs, M. Y... verse aux débats - sa pièce 111 - un échange de courriels courant décembre 2010 avec son supérieur hiérarchique direct, M. Z..., assez peu disposé à en respecter le principe, ce qui est pourtant un droit attaché au statut d'élu du personnel. Sur le changement du périmètre de travail de M. Y... qui invoque un transfert de tâches nouvelles sans concertation préalable avec sa hiérarchie - ses pièces 112 à 116 -, le grief n'est pas caractérisé en ce qu'il s'agit bien de tâches entrant dans son domaine d'intervention lié notamment au suivi des commandes clients au plan comptable, comme ne l'est pas davantage celui lié à une prétendue modification de son contrat de travail par un changement de fonctions dès lors, comme cela lui a été confirmé par le service des ressources humaines courant 2013, qu'à son ancien poste de gestionnaire de filière a été substitué, par un simple changement d'appellation, celui de contrôleur de gestion opérationnel suite à une réorganisation interne. Sur l'isolement physique dont se dit victime M. Y..., celui-ci ressortirait du fait qu'il a été installé dans un bureau du 5ème étage alors que le reste de l'équipe des contrôleurs de gestion se trouve au 7ème étage, ce qui en soi apparaît peu pertinent et ne permet donc pas de retenir ledit grief. Sur la mise en 'oeuvre à son égard courant 2014 du plan de départs volontaires sous l'intitulé « projet AMBITION » qui avait un impact direct sur son emploi, mise en oeuvre qui serait constitutive selon lui d'une « inégalité de traitement », M. Y... ayant postulé le 3 juin pour un poste de contrôleur de gestion IL au sein de l'établissement de Bagneux, après avoir été reçu le 20 juin par un responsable des ressources humaines, si sa candidature n'a pas été retenue, il n'apparaît pas que le choix final fait par l'employeur en la personne de Mme D... soit par nature critiquable, ce qui conduit à considérer comme non établi ledit grief. Sur la restitution de son véhicule de fonction dont il bénéficiait jusque-là en qualité de salarié itinérant, restitution exigée par son supérieur hiérarchique direct dans un courriel du 10 décembre 2009, ce qui a obligé M. Y... à faire l'avance de frais de location d'un véhicule auprès de la société AVIS, et que si ledit véhicule de fonction lui a été finalement réaffecté en juin 2011, sa hiérarchie n'a pas traité courant 2015 sa demande de renouvellement en prévision de l'arrivée à échéance du contrat comme le rappelait alors la société gestionnaire du parc automobile de l'entreprise dans un courriel du 27 mai. M. Y..., par les pièces qu'il verse à la procédure, justifie avoir été en arrêts de travail suite au diagnostic posé d'un syndrome dépressif avec des complications médicales altérant sensiblement son état de santé. Les services de l'inspection du travail, après avoir pris contact avec l'appelant et certains représentants élus du personnel, ont adressé à la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE le 15 février 2011 un courrier l'invitant à « cesser sans délai les pressions exercées » sur celui-ci, avec cette conclusion' : « Faute d'une solution apportée à la situation dramatique vécue par M. Y..., j'envisage de dresser procès-verbal à votre égard » - sa pièce 45. Les griefs ainsi caractérisés sur les entretiens annuels d'évaluation, l'écart de coefficient conventionnel pour le calcul de la rémunération avec la reconnaissance d'un rattachement à la catégorie des cadres et l'application corrélative des coefficients 360 et 400, les heures de délégation, et le véhicule de fonction, lesquels sont à prendre dans leur ensemble, outre l'état de santé dégradé et la mise en garde de l'inspection du travail, laissent supposer au sens de l'article L.1134-1 du code du travail l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à raison de l'activité syndicale de M. Y..., d'une part, et au visa de l'article L.1154-1 permettent de présumer l'existence à son égard d'un harcèlement moral par renvoi à l'article L.1152-1, d'autre part. En réponse, la Sa AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE dénie tout changement dans les évaluations professionnelles de l'appelant au tournant des années 2009/2010, tout retard à compter de l'année 2010 dans la formalisation et la transmission desdits entretiens à celui-ci, l'absence de tout écart et retard dans le choix du coefficient de rémunération attribué à M. Y... qui retient un panel non pertinent dès lors qu'aucun des salariés auxquels il se compare ne serait placé selon elle dans une situation identique et qu'il n'est pas anormal finalement qu'un contrôleur de gestion opérationnel comme ce dernier puisse rester dans la catégorie technicien-agent de maîtrise au coefficient 300, que ses heures de délégation n'ont à aucun moment été remises en cause par sa hiérarchie, et qu'il n'a jamais subi le moindre préjudice au titre de son véhicule de fonction sur la période en cause, lequel lui a d'ailleurs été changé en juin 2016. Force est de constater en définitive que l'intimée, d'une part, ne prouve pas que ses décisions prises vis-à-vis de M. Y... sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination à raison de son activité syndicale et, d'autre part, que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral pour reposer sur des décisions justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement au sens de l'article L.1152-1 du code du travail » ;

1. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'en présence d'éléments de nature à étayer l'existence d'un harcèlement moral, l'employeur reste en mesure d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce la société ALFI faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les décisions prises à l'égard du salarié se justifiaient de manière objective étrangère à tout harcèlement (conclusions pp. 5 à 39) ; qu'après avoir jugé que le salarié apportait suffisamment d'éléments pour étayer l'existence d'un harcèlement moral, pour déduire le harcèlement moral la cour d'appel s'est bornée à retenir que « force est de constater en définitive que l'intimé, d'une part, ne prouve pas que (
) ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral pour reposer sur des décisions justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement au sens de l'article L.1152-1 du code du travail » (arrêt p. 7 § 2) ; qu'en statuant ainsi, de manière péremptoire, sans analyser les éléments et pièces avancés par l'employeur, ni préciser en quoi ils n'étaient pas de nature à justifier ses décisions d'une manière objective étrangère à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE le mécanisme probatoire spécifiquement institué en matière de harcèlement moral, en ce qu'il se traduit par un aménagement de la charge de la preuve favorable au salarié, a pour corollaire l'examen par le juge de l'ensemble des éléments de preuve invoqués par l'employeur pour justifier que les agissements qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour répondre aux allégations du salarié qui soutenait avoir subi un harcèlement moral caractérisé par l'entrave au déroulement de sa carrière, la société ALFI offrait de justifier point par point, justificatifs à l'appui, l'ensemble des décisions prises à son égard ; qu'en se bornant néanmoins, pour dire établi le harcèlement moral, à viser les griefs du salarié, sans s'expliquer ne serait-ce que sommairement, ni même viser l'ensemble des raisons et circonstances mises en avant par la société ALFI pour justifier objectivement des agissements reprochés, la cour d'appel a méconnu le principe d'égalité des armes ainsi que le régime probatoire applicable et violé les articles L.1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail, ensemble l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;

3. ALORS QUE ne peuvent constituer un harcèlement moral que les agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en retenant le harcèlement moral sans relever de comportements répétés de l'employeur de nature à engendrer une dégradation des conditions de travail du salarié susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que M. Y... était fondé à revendiquer les coefficients conventionnels 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, catégorie cadre, et, en conséquence, d'AVOIR condamné la société ALFI à lui régler les sommes de 68.459,22 € à titre de rappel de salaires et 6.845,92 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 22 juillet 2013 ;

AUX MOTIFS QU'« au soutien de ses demandes de « repositionnement »
au sein de la catégorie des cadres avec application des coefficients 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, et de paiement d'un rappel de salaires sur la base d'une rémunération à fixer à 3.424 € bruts mensuels, M. Y... relève une « inadéquation » du dernier coefficient lui étant attribué au regard de ses dernières fonctions de contrôleur de gestion opérationnel, fonctions qui, en l'absence de « poste repère » dans la convention collective, doivent être identifiées par référence aux propres données émanant de l'employeur. Le coefficient conventionnel 300 attribué à M. Y..., en application de l'accord collectif du 10 août 1978 portant révision des classifications, correspond à la catégorie d'agent de maîtrise concernant les agents qui encadrent un groupe d'agents de maîtrise de classification inférieure, sont responsables de l'organisation et de la répartition du travail, participent à l'élaboration des consignes, et veillent à leur application. Les coefficients 350/360 et 400, que l'appelant revendique, relèvent du groupe V-catégorie ingénieurs et cadres auquel il est fait référence dans sa fiche de poste de contrôleur de gestion opérationnel - ses pièces 66 et 67 avec la mention « Catégorie professionnelle' : Technicien/Cadre, fourchette coefficient': 360/460 » -, fiche de poste établie par l'employeur faisant un descriptif des missions confiées qui, par leur ampleur et leur diversité, relèvent bien fonctionnellement de la catégorie des cadres, telle que définie par la convention collective applicable, et notamment par renvoi au coefficient 400 qui vise les « ingénieurs et cadres agissant à partir de directives dans le secteur d'activité qui leur est imparti ' animent et coordonnent l'activité des agents de maîtrise et techniciens placés sous leur autorité ' assistent les ingénieurs et cadres d'un niveau supérieur auxquels incombe la responsabilité d'ensemble du secteur ' participent à la définition des objectifs sur le secteur ». Contrairement ainsi à ce que prétend l'employeur, les indications figurant sur cette même fiche de poste ne présentent pas seulement un caractère indicatif sans force obligatoire, dès lors qu'elles s'inscrivent dans un exposé précis des missions propres à ce type d'emploi, missions qui correspondent dans la réalité au groupe catégoriel V des ingénieurs et cadres auquel M. Y..., qui est par ailleurs titulaire d'un diplôme de 2ème cycle de l'enseignement supérieur (Master 1 et 2 mention contrôle de gestion), peut solliciter le rattachement. Après infirmation du jugement entrepris, il sera reconnu à M. Y... les coefficients 360 de janvier 2010 à octobre 2011 et 400 à compter de novembre 2011, catégorie cadre, et l'intimée sera en conséquence condamnée à lui régler, au vu du décompte en page 63 de ses écritures, les sommes de 68.459,22 € à titre de rappel de salaires et 6.845,92 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 22 juillet 2013, date de réception par l'employeur de sa convocation directe en bureau de jugement » ;

1. ALORS QUE pour retenir que Monsieur Y... relevait des coefficients conventionnels 360 de janvier 2010 à octobre 2011, puis 400 à compter de novembre 2011, la cour d'appel s'est fondée sur les pièces n° 66 et 67 produites en appel par le salarié considérant qu'il s'agissait de « sa fiche de poste de contrôleur de gestion opérationnel » ; qu'en statuant ainsi cependant que ces deux pièces, tel que le salarié l'indique lui-même dans ses écritures, ne correspondent pas à la fiche de poste de Monsieur Y... mais seulement à des offres d'emploi au sein du groupe auxquels il avait postulé sans succès, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2. ALORS QU'en considérant que les pièces n°66 et 67 produites en appel par le salarié correspondent à sa « fiche de poste de contrôleur de gestion opérationnel » pour estimer qu'il exécutait des fonctions relevant du statut cadre coefficient 360 puis 400, cependant que ces deux pièces ne correspondent pas à la fiche de poste de Monsieur Y... mais à des offres d'emploi au sein du groupe auxquelles il avait postulé sans succès, la cour d'appel a dénaturé les deux pièces susvisées, ensemble le principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu'il examine ;

3. ALORS QU'en faisant droit intégralement aux demandes de rappels de salaire de Monsieur Y... au regard des « décomptes en pages 63 de ses écritures », sans répondre aux conclusions de la société exposante dans lesquelles elle faisait valoir que ces décomptes étaient erronés au titre des années 2010 et 2011 dès lors « qu'ils étaient établis sur la base des salaires pratiqués au sein du groupe AIR LIQUIDE au 30 septembre 2012 et au 31 octobre 2013 et non ceux pratiqués en 2010 et 2011 » et qu'ils reposent « sur les salaires pratiqués, non pas par AIR LIQUIDE FRANCE INDUSTRIE, mais par 11 entreprises du périmètre social du groupe AIR LIQUIDE » (conclusions p. 41 § 10), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société ALFI à régler au syndicat SECIF CFDT la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

AUX MOTIFS QUE « sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail qui permet aux syndicats professionnels d'agir en justice « concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent », s'agissant en l'espèce de faits de discrimination syndicale contrairement à ce que soutient l'intimée, après infirmation de la décision querellée, la cour la condamnera en conséquence à payer au syndicat SECIF CFDT la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt » ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la Société ALFI au paiement de dommages-intérêts au syndicat SECIF CFDT pour atteinte aux intérêts collectifs de la profession en application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-19896
Date de la décision : 19/12/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 déc. 2018, pourvoi n°17-19896


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.19896
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