LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 janvier 2017), que M. et Mme Y... sont propriétaires d'une villa voisine d'une parcelle acquise par la société à responsabilité limitée Jim (la SARL) ; qu'à la suite de travaux d'excavation et de terrassement réalisés par la société Busset, ils ont invoqué l'existence de désordres et obtenu en référé la désignation d'un expert ; que M. et Mme A... ont acquis de la SARL la propriété de deux maisons jumelées, divisées ensuite en différents lots donnant lieu à la constitution d'une copropriété ; que M. et Mme Y... ont assigné la SARL, M. et Mme A... et la compagnie l'Auxiliaire en paiement de dommages-intérêts provisionnels et expertise pour troubles anormaux de voisinage ; que le syndicat des copropriétaires du lot 90 du lotissement d'[...] est intervenu à l'instance ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SARL fait grief à l'arrêt de la condamner à procéder à des travaux destinés à conforter le talus ;
Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que la responsabilité de plein droit relative aux troubles anormaux de voisinage peut être recherchée en la personne du maître de l'ouvrage bénéficiaire des travaux ayant engendré un dommage et, souverainement, que les désordres déclarés par M. et Mme Y... résultaient de l'exécution des prestations d'excavation commandées par la SARL, qui avait conservé la propriété de lots qu'elle avait construits, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que la SARL, constructeur ayant exercé une activité en relation directe avec le trouble anormal causé, devait réparation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le second moyen :
Vu l'article 4 du code civil, ensemble l'article 232 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt condamne la SARL à procéder aux travaux destinés à conforter le talus tels qu'ils seront définis par l'expert à condition que celui-ci constate leur urgence ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombe au juge, informé par l'expert sur les questions de fait qui requièrent ses appréciations techniques, de trancher le litige sur la réparation des dommages, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la SARL Jim à procéder aux travaux destinés à conforter le talus tels qu'ils seront définis par l'expert à condition que celui-ci constate leur urgence et dans cette hypothèse d'y procéder ou faire procéder dans le délai de quatre mois, l'arrêt rendu le 26 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société d'assurances mutuelles l'Auxiliaire ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Jim
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné la SARL JIM à procéder aux travaux destinés à conforter le talus, tels qu'ils seront définis par l'expert à condition que celui-ci constate l'urgence et dans cette hypothèse, dit qu'elle devra procéder aux travaux dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle l'expert prescrire lesdits travaux ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Désordres excavation: Il est établi que des travaux de décaissements ont été réalisés par la SARL Busset lors de deux tranches courant 1986 (ou 1988) et 2006. L'Auxiliaire fait valoir qu'il n'est pas établi avec certitude la date des travaux ayant causé le dommage actuel subi par les époux Y... et souligne qu'elle n'est devenu l'assureur de la SARL Busset qu'à compter de 2003. Sur la date des travaux, point soulevé lors des opérations expertales, l'expert indique (accedit 10 mars 2009) que le représentant de la SARL JIM devait produire notamment : le marché de travaux de l'entreprise Busset pour les travaux de 1988 et 2006, le descriptif des travaux du terrassement, le CCTP de ces travaux, des photographies permettant de connaître l'état des lieux avant les travaux de terrassement de 2006, pièces qui n'ont manifestement pas été fournies à l'expert. Dans son accedit du 24 mars 2010, ce dernier note : "afin de lever l'ambiguïté sur d'éventuels travaux réalisés par l'entreprise Busse sur le front de taille supérieur au cours des travaux d'approfondissement réalisés en 2006, l'expert prendra contact avec un géomètre expert afin de procéder à un relevé topographique de la falaise litigieuse". Ce relevé n'a pas eu lieu, le rapport ayant été déposé en l'état. Toutefois le rapport d'Étude de Sol du 6 avril 2009 mentionne : le talus situé entre la propriété de l'[...] et la propriété Y... présentait une hauteur de l'ordre de 6 à 7 mètres (...) lors de la construction d'une extension de l'[...] en 2006, ces terrassements ont été modifiés. Un sous-sol d'une hauteur de 3 mètres a été creusé en pied de talus existant ce qui a conduit à couper certains bancs de pendage défavorable (...) côté de la propriété Y... on constate que le pendage est vertical mais défavorable et que des bancs ont été coupés en pied aboutissant à un fruit négatif, on observe également des écailles instables (...) on peut craindre des chutes de banc ou d'écailles défavorablement orientées venant déstabiliser la terrasse de Monsieur Y.... Ceci représente un danger pour les personnes qui pourraient se trouver sur la dalle de couverture du parking, en particulier les occupants de la villa lorsque celle ci sera achevée". Ainsi le sapiteur constate qu'à la suite de travaux effectués par la SARL Busset la terrasse des époux Y... se trouve déstabilisée et surtout qu'un risque existe pour les occupants de la construction en cours de réalisation, à la date de ses constations. Il convient également de rappeler que les époux Y... ont signalé l'apparition de désordres (fissures, déstabilisation des talus situés en contrebas de leur terrasse) lors de l'exécution des travaux parla SARL MM courant 2006. Aucun élément n'établit que depuis 1986 (ou 1988) leur terrasse se trouvait déstabilisée du fait des travaux entrepris à cette période, ou que le risque de chute d'éléments faisait craindre un danger pour les personnes, ce qui n'aurait pas manqué d'attirer l'attention de la SARL Busset et de l'empêcher d'exécuter la deuxième tranche de travaux sur place. Ainsi en l'état de ces éléments il y a lieu de retenir la responsabilité de la SARL Busset, assurée auprès de l'Auxiliaire, dont les travaux de terrassement exécutés pour le compte de la SARL JIM courant 2006 ont conduit à "des fractures dans le rocher du talus de l'excavation et un ventre laissant craindre un affaissement" causant un dommage aux époux Y.... Il importe peu, concernant la seule responsabilité de la SARL Busset au titre des troubles anormaux de voisinage, que celle-ci, professionnel ayant réalisé des travaux causant un dommage certain aux époux Y... qui ne peuvent utiliser leur terrasse dans des conditions normales de sécurité, que des travaux de confortement, qu'ils soient prévus ou non par la SARL JIM, n'aient pas été réalisés. La décision déféré sera donc infirmée sur ce point et les frais relatifs MI' expertise ordonnée, dont les modalités seront confirmées, seront mis à la charge de la SARL JIM et l'Auxiliaire, la SARL JIM étant condamnée à procéder à l'exécution des mesures définies par l'expert. » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « La demande des époux Y... tendant à voir procéder aux travaux destinés à conforter le talus sera rejetée à l'encontre des époux A... et du syndicat des copropriétaires dont la responsabilité n'a pas été retenue. La société JIM dont la responsabilité se trouve engagée au titre du risque d'effondrement du talus sera condamnée à procéder ou faire procéder auxdits travaux tels qu'ils seront définis par l'expert à condition que celui-ci constate leur urgence Dans cette hypothèse, la société JIM devra procéder ou faire procéder aux travaux dans le délai de 4 mois suivant la date à laquelle l'expert prescrira lesdits travaux. En l'absence d'urgence mentionnée expressément par l'expert, il appartiendra le cas échéant aux époux Y... de faire procéder s'ils l'estiment nécessaire à ces travaux, pour le compte de qui il appartiendra, sous réserve de ne pas faire obstacle au bon déroulement de l'expertise. Il convient de surseoir à statuer en ce qui concerne les travaux non urgents dans l'attente du rapport d'expertise à venir. Il n'y a pas lieu à fixation d'astreinte à ce stade de la procédure, alors que l'expert n'a pas encore été saisi, que les travaux destinés à conforter le talus sont encore indéterminés et que leur urgence n'est pas encore avérée. Par ailleurs, la société L'AUXILIAIRE dont la garantie n'est pas due pour le désordre relatif au risque d'effondrement du talus n'a pas lieu d'assumer les conséquences pécuniaires correspondant au coût d'exécution desdits travaux. La demande des époux Y... sur ce point, au demeurant non chiffrée, sera rejetée. » ;
ALORS QUE, premièrement, seul l'actuel propriétaire du bien peut être condamné à procéder ou faire procéder aux travaux destinés à faire cesser le trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage constatés dans le fonds voisin ; qu'en condamnant la SARL JIM à procéder ou faire procéder aux travaux destinés à conforter le talus, quand ils constataient par ailleurs que, l'ensemble immobilier édifié par la SARL JIM ayant été divisé en lots, une copropriété avait été constituée, de sorte que la SARL JIM n'était plus propriétaire du fonds où devaient être réalisés les travaux, les juges du fond ont violé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui de trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, ensemble les articles 544 du code civil, 3 et 4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout état, avant que de condamner la SARL JIM à procéder ou faire procéder aux travaux destinés à conforter le talus, il appartenait aux juges du fond, ainsi qu'ils y étaient invités, de rechercher si le talus ne relevait pas des parties communes de la copropriété ; que faute de l'avoir fait, les juges du fond ont privé leur décision légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui de trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, ensemble au regard des articles 544 du code civil, 3 et 4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné la SARL JIM à procéder aux travaux destinés à conforter le talus, tels qu'ils seront définis par l'expert à condition que celui-ci constate l'urgence et dans cette hypothèse, dit qu'elle devra procéder aux travaux dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle l'expert prescrire lesdits travaux ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Désordres excavation: Il est établi que des travaux de décaissements ont été réalisés par la SARL Busset lors de deux tranches courant 1986 (ou 1988) et 2006. L'Auxiliaire fait valoir qu'il n'est pas établi avec certitude la date des travaux ayant causé le dommage actuel subi par les époux Y... et souligne qu'elle n'est devenu l'assureur de la SARL Busset qu'a compter de 2003. Sur la date des travaux, point soulevé lors des opérations expertales, l'expert indique (accedit 10 mars 2009) que le représentant de la SARL JIM devait produire notamment : le marché de travaux de l'entreprise Busset pour les travaux de 1988 et 2006, le descriptif des travaux du terrassement, le CCTP de ces travaux, des photographies permettant de connaître l'état des lieux avant les travaux de terrassement de 2006, pièces qui n'ont manifestement pas été fournies à l'expert. Dans son accedit du 24 mars 2010, ce dernier note : "afin de lever l'ambiguïté sur d'éventuels travaux réalisés par l'entreprise Busse sur le front de taille supérieur au cours des travaux d'approfondissement réalisés en 2006, l'expert prendra contact avec un géomètre expert afin de procéder à un relevé topographique de la falaise litigieuse". Ce relevé n'a pas eu lieu, le rapport ayant été déposé en l'état. Toutefois le rapport d'Étude de Sol du 6 avril 2009 mentionne : le talus situé entre la propriété de l'[...] et la propriété Y... présentait une hauteur de l'ordre de 6 à 7 mètres (...) lors de la construction d'une extension de l'[...] en 2006, ces terrassements ont été modifiés. Un sous-sol d'une hauteur de 3 mètres a été creusé en pied de talus existant ce qui a conduit à couper certains bancs de pendage défavorable (...) côté de la propriété Y... on constate que le pendage est vertical mais défavorable et que des bancs ont été coupés en pied aboutissant à un fruit négatif, on observe également des écailles instables (...) on peut craindre des chutes de banc ou d'écailles défavorablement orientées venant déstabiliser la terrasse de Monsieur Y.... Ceci représente un danger pour les personnes qui pourraient se trouver sur la dalle de couverture du parking, en particulier les occupants de la villa lorsque celle ci sera achevée". Ainsi le sapiteur constate qu'à la suite de travaux effectués par la SARL Busset la terrasse des époux Y... se trouve déstabilisée et surtout qu'un risque existe pour les occupants de la construction en cours de réalisation, à la date de ses constations. Il convient également de rappeler que les époux Y... ont signalé l'apparition de désordres (fissures, déstabilisation des talus situés en contrebas de leur terrasse) lors de l'exécution des travaux parla SARL MM courant 2006. Aucun élément n'établit que depuis 1986 (ou 1988) leur terrasse se trouvait déstabilisée du fait des travaux entrepris à cette période, ou que le risque de chute d'éléments faisait craindre un danger pour les personnes, ce qui n'aurait pas manqué d'attirer l'attention de la SARL Busset et de l'empêcher d'exécuter la deuxième tranche de travaux sur place. Ainsi en l'état de ces éléments il y a lieu de retenir la responsabilité de la SARL Busset, assurée auprès de l'Auxiliaire, dont les travaux de terrassement exécutés pour le compte de la SARL JIM courant 2006 ont conduit à "des fractures dans le rocher du talus de l'excavation et un ventre laissant craindre un affaissement" causant un dommage aux époux Y.... Il importe peu, concernant la seule responsabilité de la SARL Busset au titre des troubles anormaux de voisinage, que celle-ci, professionnel ayant réalisé des travaux causant un dommage certain aux époux Y... qui ne peuvent utiliser leur terrasse dans des conditions normales de sécurité, que des travaux de confortement, qu'ils soient prévus ou non par la SARL JIM, n'aient pas été réalisés. La décision déféré sera donc infirmée sur ce point et les frais relatifs MI' expertise ordonnée, dont les modalités seront confirmées, seront mis à la charge de la SARL JIM et l'Auxiliaire, la SARL JIM étant condamnée à procéder à l'exécution des mesures définies par l'expert. » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « La demande des époux Y... tendant à voir procéder aux travaux destinés à conforter le talus sera rejetée à l'encontre des époux A... et du syndicat des copropriétaires dont la responsabilité n'a pas été retenue. La société JIM dont la responsabilité se trouve engagée au titre du risque d'effondrement du talus sera condamnée à procéder ou faire procéder auxdits travaux tels qu'ils seront définis par l'expert à condition que celui-ci constate leur urgence Dans cette hypothèse, la société JIM devra procéder ou faire procéder aux travaux dans le délai de 4 mois suivant la date à laquelle l'expert prescrira lesdits travaux. En l'absence d'urgence mentionnée expressément par l'expert, il appartiendra le cas échéant aux époux Y... de faire procéder s'ils l'estiment nécessaire à ces travaux, pour le compte de qui il appartiendra, sous réserve de ne pas faire obstacle au bon déroulement de l'expertise. Il convient de surseoir à statuer en ce qui concerne les travaux non urgents dans l'attente du rapport d'expertise à venir. Il n'y a pas lieu à fixation d'astreinte à ce stade de la procédure, alors que l'expert n'a pas encore été saisi, que les travaux destinés à conforter le talus sont encore indéterminés et que leur urgence n'est pas encore avérée. Par ailleurs, la société L'AUXILIAIRE dont la garantie n'est pas due pour le désordre relatif au risque d'effondrement du talus n'a pas lieu d'assumer les conséquences pécuniaires correspondant au coût d'exécution desdits travaux. La demande des époux Y... sur ce point, au demeurant non chiffrée, sera rejetée. » ;
ALORS QUE, premièrement, il appartient au juge de trancher lui-même le litige dont il est saisi ; qu'en condamnant la SARL JIM à faire procéder à des travaux à condition que l'expert en constate l'urgence, les juges du fond, qui ont délégué leurs pouvoirs à l'expert, ont violé les articles 232 et 246 du code de procédure civile, ensemble l'article 4 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, il appartient au juge de trancher lui-même le litige dont il est saisi ; qu'en condamnant la SARL JIM à faire procéder à des travaux à condition que l'expert en constate l'urgence, les juges du fond, qui ont renoncé à exercer un contrôle sur les appréciations de l'expert, ont violé les articles 232 et 246 du code de procédure civile, ensemble l'article 4 du code civil.