LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 72, alinéa 3, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, dans sa rédaction issue du décret n° 2005-1315 du 21 octobre 2005, ensemble l'article 1421 du code civil ;
Attendu que le mandat d'entremise donné à une personne se livrant ou prêtant son concours d'une manière habituelle à une opération visée à l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 ne lui permet pas d'engager son mandant pour l'opération envisagée, à moins qu'une clause de ce mandat ne l'y autorise expressément ; qu'un tel mandat, dès lors qu'il ne prévoit pas cette clause expresse, peut valablement être signé par un seul des époux ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 22 mars 2012, pourvoi n° 11-13.000, Bull. 2012, I, n° 72) et les productions, que, le 19 juillet 2006, Agnès X... et sa fille Mme Liliane X..., épouse Z..., ont confié à la société Sarro immobilier un mandat non exclusif de vente portant sur un bien appartenant à Agnès X... et à son époux, Roger X..., stipulant un prix de 210 000 euros et une rémunération de 15 000 euros à la charge du vendeur ; que, le 29 août 2006, Agnès et Roger X... ont conclu une promesse synallagmatique de vente avec M. et Mme D..., par l'entremise d'un autre agent immobilier ; que, soutenant qu'elle avait fait visiter le bien à ces derniers, la société Sarro immobilier a assigné Agnès et Roger X... en paiement de dommages-intérêts ; que Mmes Aline et Liliane X... sont intervenues à l'instance en leur qualité d'héritières de Roger X..., leur père décédé le [...] , puis d'Agnès X..., leur mère, décédée le [...] ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Sarro immobilier, l'arrêt énonce que, par ce mandat, le mandataire avait le pouvoir, notamment, d'établir tous actes sous seing privé aux prix, charges et conditions convenus et de recueillir la signature de l'acquéreur, et qu'un tel mandat ne constitue pas un simple acte d'administration relevant de l'article 1421 du code civil que chacun des époux aurait eu le pouvoir d'accomplir seul ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater l'existence, dans le mandat, d'une clause expresse par laquelle le mandant donnait pouvoir à l'agent immobilier de le représenter pour conclure la vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mmes Aline et Liliane X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Sarro immobilier
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, rendu sur renvoi après cassation, d'avoir jugé que le mandat confié à la société Sarro par Madame X... et sa fille représentant Monsieur X... sous sauvegarde de justice, était nul en ce qu'il portait sur un bien immobilier commun, et d'avoir, en conséquence, débouté l'agent immobilier de toutes ses demandes indemnitaires fondées sur ledit mandat et ordonné la mainlevée de toute inscription d'hypothèque prise en vertu du jugement du tribunal de grande instance de Carpentras du 19 mars 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la nullité du mandat :
Que le Premier juge de Carpentras a estimé qu'il importait peu que le mandat n'ait pas été signé par Monsieur Roger X..., dès lors que les vendeurs sont ceux visés dans la promesse de vente, à savoir Monsieur et Madame X... et que les signatures portées au mandat sont les mêmes que celles figurant au compromis, soit Madame X... et une de ses filles, en sa qualité d'administratrice légale des biens de son père, alors placé sous le régime de protection des incapables majeurs par le juge des tutelles ;
Que la régularité du mandat s'apprécie à partir des mentions qui y figurent, et il n'est ni contestable ni contesté qu'à l'époque où elle a signé ce mandat avec sa mère, Madame Z... n'avait aucun pouvoir de représentation de son père, pas plus qu'elle ne détenait un quelconque droit sur les biens objet du mandat ;
Que l'agent immobilier n'a pu ignorer la situation, puisque le mandat du 19 juillet 2006 dont il se prévaut indique bien comme mandant Monsieur et Madame X... Agnès et Roger, et que pourtant les signatures sont celles de Madame Agnès X... et de Madame Z... sa fille, ce qui n'est pas contesté ;
Qu'il est bien spécifié que « par les présentes, le mandant charge le mandataire de vendre les biens désignés ci-après dont il est propriétaire... », ce qui bien évidemment ne pouvait concerner Madame Z... qui n'était pas propriétaire des biens de ses parents ;
Que par ce mandat, le mandataire avait le pouvoir notamment (titre un, B cinq) d'établir tous actes sous seing privé aux prix, charges et conditions des présentes et recueillir la signature de l'acquéreur ;
Qu'il ne s'agit donc pas là d'un simple acte d'administration relevant de l'article 1421 du Code civil et que chacun des époux aurait le pouvoir d'accomplir seul ;
Qu'il importe peu en droit à cet égard qu'un autre mandat signé dans les mêmes conditions n'ait pas été contesté par les consorts X... ;
Que l'attestation de Monsieur E... en date du 16 novembre 2006 ne concerne pas les conditions dans lesquelles le mandat litigieux a été signé ;
Que l'attestation du même Monsieur E... en date du 8 juillet 2010 émane d'un préposé de l'agent immobilier, qui a tout intérêt à soutenir qu'il a bien accompli sa mission, et qu'il aurait été trompé par les déclarations de Madame Z... lui affirmant qu'elle était la représentante légale de son père, le tout étant confirmé selon lui par sa mère ;
Que cette attestation ne suffit pas à démontrer l'existence d'un mandat apparent, rien ne permettant de retenir qu'en l'espèce, ces déclarations, à les supposer avérées, dispensaient l'agent immobilier ou son préposé de vérifier l'existence et les limites de ce pouvoir allégué ;
Que l'agent immobilier ne démontre nullement qu'antérieurement à la date du mandat, Madame Z... se soit comportée à son égard comme la représentante légale de son père, cette croyance ne pouvant par ailleurs résulter des modalités de la vente intervenue postérieurement avec les époux D... ;
Que le dernier argument de l'agent immobilier ne résiste pas à l'examen, à savoir que les consorts X... ne se plaignent pas de la mise à exécution d'un mandat signé dans les mêmes conditions avec un autre agent immobilier ;
Que les modalités de passation de cet autre mandat ne peuvent influer en droit sur celles ayant présidé à la signature du mandat litigieux, rien ne permettant de retenir l'existence d'un mandat donné à Madame Z..., au moment de la signature du mandat litigieux, au prétexte qu'elle a signé dans les mêmes conditions un mandat donné à une agence tiers ;
Qu'il appartenait donc à l'agent immobilier de vérifier le pouvoir régulier de Madame Z... pour engager son père, ce qu'il n'a pas fait ;
Que la Cour de cassation, dans son arrêt du 22 mars 2012, a censuré l'arrêt de la cour de Nîmes, en retenant que l'agence Sarro ne détenait pas de mandat écrit préalable du vendeur, condition d'ordre public imposée par la loi Hoguet, et ne pouvait se prévaloir des règles de la gestion d'affaires ;
Que le mandat litigieux qui fonde l'ensemble des prétentions de l'agence Sarro est donc nul, et aucune de ses demandes ne saurait prospérer ;
Qu'en effet, seule l'exécution à bonne fin du mandat, par l'entremise de l'agent immobilier, donne droit à commission, de même que seule la faute éventuelle du mandant à l'occasion de l'exécution de ce mandat peut ouvrir droit à dommages-intérêts ;
Que dans les deux cas, le mandat constitue le support juridique nécessaire de l'action de l'agent, et sa nullité a pour conséquence inéluctable le débouté de toutes les demandes de l'agent » ;
1) ALORS QUE le mandat donné à un agent immobilier, régi par les dispositions d'ordre public de la loi du 2 janvier 1970, est un mandat d'entremise consistant en la recherche de clients et la négociation, qui ne permet pas à ce dernier d'engager son mandant pour l'opération envisagée à moins qu'une clause de ce mandat ne l'y autorise expressément ; que chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et, à ce titre, peut confier seul à un agent immobilier un mandat d'entremise aux fins de rechercher un acquéreur éventuel pour un bien commun ; qu'en l'espèce, il est constant que l'article 5 du contrat de mandat confié à la société Sarro Immobilier énonçait clairement, en son titre I, B, intitulé « Pouvoirs », qu'« afin que le mandataire puisse accomplir sa mission, le mandant lui donne les pouvoirs suivants : 1) Proposer, présenter, visiter et faire visiter les biens à toute personne qu'il jugera utile. 2) faire la publicité qu'il jugera utile (
). 3) Communiquer le dossier de l'opération à tout confrère qu'il jugera susceptible de concourir à la vente. 4) Réclamer toutes pièces actes et certificats nécessaires au dossier (
). 5) Etablir tous acte sous seing privé aux prix, charges et conditions des présentes et recueillir la signature de l'acquéreur » (conditions générales du mandat, Titre I, B) ; que ledit mandat conférait ainsi seulement à l'agent immobilier une mission d'entremise, consistant dans la recherche d'acquéreurs et n'autorisait nullement ce dernier à engager le mandant pour l'opération envisagée ; qu'en retenant cependant, pour écarter la demande indemnitaire de l'agent immobilier, que ledit mandat aurait été un mandat de vente portant sur un bien commun et qu'un tel acte de disposition ne pouvait être accompli sans le consentement de chacun des deux conjoints, sans constater l'existence dans le mandat d'une clause expresse par laquelle le mandant aurait donné pouvoir à l'agent immobilier de le représenter pour conclure la vente, la cour d'appel a violé les articles 1 et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 72, alinéa 3, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, dans sa rédaction issue du décret n° 2005-1315 du 21 octobre 2005, ensemble l'article 1421 du code civil ;
2) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi et avec loyauté ; que la fraude corrompt tout ; qu'en l'espèce, la société Sarro Immobilier faisait expressément valoir dans ses écritures d'appel, d'une part, que les consorts X... ne remettaient pas en cause la validité d'un second mandat signé exactement dans les mêmes conditions avec la société Malaucène Immobilier, et, d'autre part, que les vendeurs qui après avoir été mis, par la société Sarro, en relation avec une personne intéressée, avaient recouru ensuite – et ce sans la prévenir - à la société Malaucène Immobilier en la chargeant des ultimes négociations moyennant une commission moins élevée ; qu'elle en déduisait justement que les vendeurs avaient « invoqué la nullité du mandat litigieux que pour évincer l'agent immobilier qui lui a présenté l'acquéreur et choisir, pour conclure le contrat de vente avec ce dernier, un autre agent dont la commission serait moins élevée (puisqu'il n'a pas eu à trouver l'acquéreur
) » et que « le manquement à l'obligation de bonne foi imposée par l'article 1134 al. 3 du Code civil (était) donc bien caractérisé » (conclusions, p. 7 § 5-8) ; que, pour écarter les prétentions indemnitaires de l'exposante, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « les modalités de passation de cet autre mandat ne peuvent influer en droit sur celles ayant présidé à la signature du mandat litigieux, rien ne permettant de retenir l'existence d'un mandat donné à Madame Z..., au moment de la signature du mandat litigieux, au prétexte qu'elle a signé dans les mêmes conditions un mandat donné à une agence tiers » (arrêt, p. 5 § 3) ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les consorts X... n'avaient pas invoqué la prétendue nullité du mandat litigieux dans le seul but de sortir à bon compte de la relation contractuelle et d'éluder la commission de la société Sarro, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et du principe selon lequel la fraude corrompt tout.