LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mars 2017), que la société civile immobilière Les Hauts de Septèmes (la SCI), a entrepris la construction d'un groupe d'immeubles ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société Bérim ; que M. et Mme Y..., acquéreurs d'un lot en l'état futur d'achèvement, se plaignant, notamment, de l'absence de levée de certaines réserves et d'un retard de livraison, ont assigné la SCI en responsabilité ; que celle-ci a appelé en garantie la société Bérim ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en garantie ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant souverainement retenu qu'aucune pièce n'établissait que la société Bérim pouvait déceler la fragilité financière ou technique des intervenants proposés préalablement à la signature des marchés de travaux, la cour d'appel a pu, sans inverser la charge de la preuve, déduire de ces seuls motifs que la demande de garantie au titre du retard de livraison devait être rejetée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que les défauts consistaient en l'absence de fourniture du bandeau lumineux et du miroir de la salle d'eau, des salissures sur un mur et des appuis de porte, ainsi que des microfissures sur mur, la cour d'appel, qui a pu en déduire que leur nature ne caractérisait pas un manquement du maître d'oeuvre à son obligation de surveillance des travaux, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les cinquième, sixième et septième branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Les Hauts de Septèmes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Les Hauts de Septèmes et la condamne à payer à la société Bérim la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Les Hauts de Septèmes.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR partiellement débouté la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES de son appel en garantie formé contre la société BERIM au titre de toutes les condamnations mises à sa charge ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le bien-fondé de l'appel en garantie de la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES : le tribunal a condamné la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES du chef de l'absence de levée des réserves suivantes : - absence de fourniture du bandeau lumineux et du miroir salle d'eau, - salissure sur mur : tâche d'huile sur face entrée occasionnée par la durite d'un engin de chantier qui a été sectionnée, - appuis de porte en terre cuite tâches (ciment), - microfissure verticale sur mur pignon Sud (fissure entre deux matériaux : raidisseur béton et mur d'agglos à un endroit où existe un porte à faux), - nettoyage et modelage du terrain ; il l'a condamnée également à indemniser Monsieur et Madame Y... du préjudice subi du fait d`un retard de livraison de 6 mois et de l'absence de levée de la totalité des réserves, cette réparation étant chiffrée à la somme globale de 6.000 € ; la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES ayant été condamnée du fait de réserves non levées et du retard de livraison, elle ne peut rechercher la responsabilité du maître d'oeuvre que sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ; le maître d'oeuvre n'étant tenu que d'une obligation de moyen dans l'accomplissement de sa mission, il appartient au maître de l'ouvrage de rapporter la preuve du manquement de la société BERIM à ses obligations en lien de causalité avec les dommages subis par Monsieur et Madame Y... ; elle ne peut utilement se prévaloir des décisions de justice intervenues dans d'autres instances relatives au même programme immobilier, ces décisions étant dépourvues d'autorité de chose jugée, puisque concernant des acquéreurs différents ; la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES est mal fondée à reprocher à la société BERIM le choix des entreprises, aucune pièce n'étant produite pour établir que cette dernière pouvait déceler la fragilité financière ou technique des intervenants proposés préalablement à la signature des marchés de travaux ; au surplus le tribunal a retenu que les procédures collectives de certaines des entreprises, qui étaient invoquées par la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES pour justifier du retard de livraison, étaient intervenues postérieurement au délai de livraison prévu, de sorte que le moyen est inopérant ; elle ne peut donc solliciter la garantie du maître d'oeuvre pour la part de condamnation prononcée à son encontre fondée sur le retard de livraison ; elle ne peut davantage faire grief à la société BERIM de l`existence de non-conformités et de malfaçons, au motif d'une exécution défectueuse de sa mission de rédaction des pièces contractuelles et techniques et de suivi de l`exécution des ouvrages, pour les non-finitions et malfaçons autres que le nettoyage et modelage du terrain : leur nature ne permet pas en effet de les imputer à un défaut de surveillance des travaux et elles sont sans rapport avec la rédaction des pièces contractuelles et techniques ; par ailleurs, l'absence de production des procès-verbaux de chantier ne permet pas de caractériser la défaillance du maître d'oeuvre dans la surveillance des travaux pour l'absence de nettoyage et de modelage du terrain, dont la preuve incombe au vendeur en l'état futur d'achèvement et qui ne se déduit pas du seul constat de la carence de la société FIGUIERE à cet égard ; la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES doit en conséquence être déboutée de sa demande de garantie pour les condamnations prononcées au titre des travaux de reprise des réserves » (arrêt p. 6) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « si un contrat de maître d'oeuvre a été conclu entre la société BERIM et la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES, il appartient à celle-ci, qui forme un appel en garantie en l'état de ce contrat, de démontrer la faute que la société BERIM a commise en l'espèce dans l'exécution de sa mission ; que la société BERIM, tenue à une obligation de moyens, établit par la production de sa pièce numéro 2 qu'elle suivait l'état du chantier et la levée des réserves et que, pour ce qui concerne la villa des époux Y..., l'absence de levée de celles-ci résulte de la défaillance des entreprises EGP et FIGUIERE auxquelles Monsieur Z... a imputé la responsabilité des désordres qu'il y a relevés ; que l'expert judiciaire n'a d'ailleurs nullement attribué à la société BERIM une quelconque responsabilité dans les mêmes désordres, désordres qui au demeurant mineurs, ne présentent pas de caractère de gravité particulier et ont pu de ce fait échapper à la vigilance du maître d'oeuvre, sans qu'aucune faute de surveillance dans l'exécution de sa mission ne puisse lui être reprochée ; la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES » (jugement, pp. 12 et 13) ;
1/ ALORS QU' il incombe au maître d'oeuvre d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son devoir de conseil en s'assurant de la fiabilité et la compétence des entreprises qu'il conseillait au maître d'ouvrage ; que, pour écarter la responsabilité de la société BERIM au titre du retard de livraison, la cour d'appel énonce que la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES est mal fondée à reprocher à la société BERIM le choix des entreprises, aucune pièce n'étant produite pour établir que cette dernière pouvait déceler la fragilité financière ou technique des intervenants proposés préalablement à la signature des marchés de travaux ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait au maître d'oeuvre d'apporter la démonstration qu'il avait rempli son devoir de conseil, en proposant au maître d'ouvrage des entreprises dont il avait préalablement vérifié la fiabilité financière et technique, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2/ ALORS QUE, pour écarter l'argumentation de la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES tirée de ce que le retard de livraison de l'ouvrage était dû au fait qu'elle avait subi, en cours de chantier, les conséquences pénalisantes des procédures collectives ayant affecté les sociétés AIR CONDITIONNE, EGP, FIGUIERE et BATI GENEVOIS, entreprises qui avaient toutes été choisies et proposées par la société BERIM, la cour d'appel indique que les procédures collectives « de certaines des entreprises », invoquées par la SCI pour justifier du retard de livraison, étaient intervenues postérieurement au délai de livraison prévu, de sorte que le moyen était inopérant ; qu'il résultait de cette affirmation que les procédures collectives des « autres » entreprises invoquées par la SCI étaient intervenues antérieurement au délai de livraison ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si les procédures collectives de ces « autres » sociétés visées par la SCI, et proposées par la société BERIM, avaient pu avoir une incidence sur le retard de livraison, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3/ ALORS QUE l'architecte et donc le maître d'oeuvre est responsable des malfaçons, non-finitions et non-conformités commises par l'entrepreneur, rendues possibles par son défaut de vigilance dans l'exécution de sa mission contractuelle de surveillance des travaux ; que, pour débouter la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES de son appel en garantie contre la société BERIM, à raison de l'existence de non-conformités, malfaçons et non-finitions, autres que le nettoyage et le modelage du terrain, la cour d'appel affirme que « leur nature » ne permet pas de les imputer à un défaut de surveillance des travaux ; qu'en statuant par cette affirmation péremptoire, et sans expliquer en quoi les désordres au titre desquels la responsabilité du maître d'oeuvre était recherchée, qui consistaient en l'oubli de fourniture du bandeau lumineux et du miroir de la salle d'eau, des salissures sur un mur, des taches sur les appuis de porte en terre cuite, et une microfissure verticale sur le mur pignon sud, ne constituaient pas des non-conformités, non-finitions et malfaçons susceptibles d'être imputées à faute au maître d'oeuvre, qui n'avait pas correctement rempli sa mission de surveillance les travaux, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4/ ALORS QUE la cour d'appel a constaté que les désordres au titre desquels la responsabilité du maître d'oeuvre était recherchée consistaient en l'oubli de fourniture du bandeau lumineux et du miroir de la salle d'eau, des salissures sur un mur, des taches sur les appuis de porte en terre cuite, et une microfissure verticale sur le mur pignon sud ; que ces désordres consistent en des non-conformités, non-finitions et malfaçons qui sont, par nature, susceptibles d'être imputées à faute au maître d'oeuvre, qui n'a pas correctement rempli sa mission de surveillance ; qu'en affirmant au contraire que « leur nature » ne permettait pas de les imputer à un défaut de surveillance des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
5/ ALORS QUE le jugement doit être motivé ; qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, la cour d'appel affirme que la société BERIM, tenue à une obligation de moyens, établit « par la production de sa pièce numéro 2 », qu'elle suivait l'état du chantier (jugement, p. 13) ; qu'en statuant ainsi, par le seul visa d'un document de la cause numéroté, sans analyser, même sommairement, cet élément de preuve sur lequel elle se fondait, et alors que la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES soutenait au contraire que le maître d'oeuvre avait failli dans sa mission de surveillance des travaux, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6/ ALORS QUE l'architecte et donc le maître d'oeuvre est responsable des malfaçons, non-finitions et non-conformités commises par l'entrepreneur, rendues possibles par son défaut de vigilance dans l'exécution de sa mission contractuelle de surveillance des travaux ; qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, la cour d'appel affirme que l'expert judiciaire n'a pas attribué à la société BERIM une quelconque responsabilité dans les désordres reprochés aux entreprises de travaux (jugement, p. 13) ; qu'en statuant ainsi, quand le rôle de l'expert est d'éclairer le juge sur une question de fait, à l'exclusion de toute appréciation d'ordre juridique, et qu'il appartenait donc au juge, et à lui seul, de se prononcer sur l'existence d'une faute de la société BERIM, de nature à engager sa responsabilité et justifier l'appel en garantie formé par la SCI, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
7/ ALORS QUE l'architecte et donc le maître d'oeuvre est responsable des malfaçons, non-finitions et non-conformités commises par l'entrepreneur, rendues possibles par son défaut de vigilance dans l'exécution de sa mission contractuelle de surveillance des travaux ; qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, la cour d'appel affirme que les désordres litigieux, au demeurant mineurs, ne présentent pas de caractère de gravité particulier et ont pu de ce fait échapper à la vigilance du maître d'oeuvre, sans qu'aucune faute de surveillance dans l'exécution de sa mission ne puisse lui être reprochée (jugement, p. 13) ; qu'en statuant ainsi, quand la vigilance du maître d'oeuvre, spécialement chargé d'une mission de surveillance des travaux, s'applique à tous les désordres, quelle que soit leur degré de gravité, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.