LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... a été engagé en qualité de tourneur par la société Air France (la société) le 24 avril 1989 et occupait en dernier lieu les fonctions de technicien révision moteurs en zone réservée de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle ; que le 4 avril 2012, la société lui a notifié la rupture de son contrat de travail au motif que l'autorité préfectorale lui avait refusé l'habilitation à accéder en zone réservée aéroportuaire ; que contestant le bien-fondé de la résiliation de son contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail et l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si le retrait d'une habilitation constitue une difficulté étrangère à la volonté de l'employeur qui ne l'a pas provoqué et à laquelle il doit se soumettre, il lui appartenait d'en tirer toutes conséquences en cherchant de manière sérieuse et loyale un autre poste compatible avec les capacités de l'intéressé et, à défaut de proposition possible, ou en cas de refus du salarié, de le licencier ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le retrait du titre d'accès à une zone sécurisée rendait impossible l'exécution du contrat de travail par le salarié et que, dans de telles circonstances, aucune obligation légale ou conventionnelle de reclassement ne pèse sur l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 1234-5 du code du travail ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à une indemnité compensatrice de préavis en application de l'article L. 1234-1 du code du travail que le salarié est fondé à réclamer dans la mesure où la société ne l'a pas mis en mesure d'exercer ses fonctions pendant la durée de deux mois correspondant à la période de préavis conventionnelle en rompant le contrat à effet immédiat à la date de réception du courrier ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié était, du fait du retrait de l'habilitation préfectorale, dans l'impossibilité d'effectuer son préavis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Air France à payer à M. A... la somme de 35 914,25 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 14 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Air France
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;
D'AVOIR considéré que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamné l'employeur à verser au salarié différentes sommes à titre d'indemnités de rupture, de congés payés afférents et à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE « M. Eric A... , embauché par la société Air France le 27 avril 1989 occupait des fonctions de technicien révision moteurs en zone réservée de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et devait de ce fait en application de l'article R. 213-3 du code de l'aviation civile et sous peine d'exposer l'employeur à des sanctions pénales prévues à l'article R. 282-1 du code de l'aviation civile, détenir un titre de circulation délivré par le préfet, renouvelé périodiquement et matérialisé par un badge d'accès à la zone réservée de l'aéroport, l'employeur a été informé le 14 mars 2012 par la préfecture de la Seine-Saint-Denis que le préfet avait décidé de retirer l'habilitation à M. Eric A... . La SA Air France estimant qu'il s'agissait d'un fait du prince, motif autonome de rupture résultant de l'application du droit commun des contrats en son article 1148 du code civil et prévu dans le contrat de travail du salarié qui précise que celui-ci sera automatiquement résilié si les services de la police de l'air refuse de lui délivrer une carte d'accès au terrain, s'est prévalu de ce refus d'habilitation pour conclure à la résiliation automatique et de plein droit du contrat. Elle s'est dispensée en conséquence du respect de toute procédure de licenciement et du paiement des indemnités de rupture. Mais une clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement de sorte que la clause contractuelle de résiliation de plein droit du contrat de travail contenue dans le contrat de travail de M. Eric A... , au cas où il perdrait son autorisation, est de nul effet et il appartient au juge d'apprécier si les faits invoqués justifient la rupture du contrat. Par ailleurs le fait du prince, invoqué par la société, se définit, en matière de rupture du contrat de travail, comme une intervention ou un acte de l'administration imprévisible dans la relation contractuelle entre un employeur et un salarié, ayant pour effet de rendre impossible pour l'un ou l'autre contractant, l'exécution du contrat de travail, puisque réunissant les conditions de la force majeure. Or en l'espèce si le retrait de l'habilitation résulte d'une décision de la préfecture du 14 mars 2012, sans qu'il ne soit démontré, ni même allégué, que la société a pris une part quelconque dans celle-ci ou qu'elle trouve sa cause dans la relation contractuelle entre la société et M. Eric A... , il ne constitue pas pour autant en soi, un cas de force majeure, dans la mesure où il ne répond pas au caractère d'imprévisibilité dans la mesure où le retrait d'une habilitation, en raison du comportement du salarié titulaire de l'habilitation, ne constitue pas une hypothèse rare ni même raisonnablement imprévisible comme le soutient l'employeur qui d'ailleurs en a prévu la probabilité dès la conclusion du contrat. En l'absence de fait du prince, et même si le retrait constitue une difficulté étrangère à la volonté de l'employeur qui ne l'a pas provoqué et à laquelle il doit se soumettre, il lui appartenait d'en tirer toutes conséquences en cherchant de manière sérieuse et loyale un autre poste compatible avec les capacités de l'intéressé, et à défaut de proposition possible, ou en cas de refus du salarié, de le licencier. En conséquence la rupture du contrat notifiée au salarié au motif de la perte de son habilitation s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur les indemnités de rupture : Le calcul des indemnités de rupture se fera en application du principe de l'option la plus avantageuse prévue par l'article R. 2134-4 du code du travail sur la moyenne des 12 derniers mois de salaire au vu de l'attestation de pôle emploi, de 3 900,54 euros. Un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à une indemnité compensatrice de préavis en application de l'article L. 1234-1 du code du travail que le salarié est fondé à réclamer dans la mesure où la société ne l'a pas mis en mesure d'exercer ses fonctions pendant la durée de 2 mois correspondant à la période de préavis conventionnelle en rompant le contrat à effet immédiat à la date de réception du courrier. A ce titre sa créance s'élève dès lors à la somme de 7 801,88 euros. En outre est accordée au salarié l'indemnité conventionnelle de licenciement calculée en application de l'article 20 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien, offrant à ce salarié disposant d'une ancienneté de 22 ans et 11 mois au moment où son contrat a été rompu, 1/5 de mois par année de présence pendant 5 ans puis 2/5 de mois soit la somme totale de 35 914,25 euros. Enfin en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est ni réelle, ni sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois. Considérant alors l'ancienneté du salarié, son âge, la perte des avantages sociaux dont il disposait au sein de l'entreprise, son salaire moyen et l'absence de justification par le salarié de sa situation professionnelle postérieure à son licenciement, la cour trouve les éléments pour le condamner à payer à Monsieur Eric A... la somme de 60 000 euros. Il n'est pas inéquitable de condamner la société Air France à payer à M. Eric A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».
ALORS QUE le retrait du titre d'accès à une zone aéroportuaire sécurisée décidé par le préfet rend impossible l'exécution du contrat de travail par le salarié qui exerce ses fonctions au sein d'une telle zone ; que dans de telles circonstances, aucune obligation légale ou conventionnelle de reclassement ne pèse sur l'employeur, la mesure de retrait constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que la cour d'appel a constaté que le salarié exerçait des fonctions de technicien révision moteur en zone réservée de l'aéroport Roissy Charles de Gaulle, fonctions dont l'exercice était subordonné, aux termes de l'article R. 213-3 du code de l'aviation civile, à l'obtention d'un titre de circulation délivré par le préfet, renouvelé périodiquement et matérialisé par un badge ; que la cour d'appel a également relevé que la violation de cette réglementation exposait l'employeur à des sanctions pénales ; que la cour d'appel a enfin constaté que l'employeur a été informé le 14 mars 2012 par l'autorité administrative compétente que le préfet avait décidé de retirer au salarié l'habilitation lui permettant d'accéder à la zone réservée de l'aéroport pour exercer ses fonctions ; que dès lors aucune obligation de recherche de reclassement ne pesait sur l'employeur, l'exécution du contrat de travail ayant été rendue impossible du fait du retrait du titre d'accès à la zone réservée décidée par le préfet pour le salarié ; qu'en considérant le licenciement abusif aux motifs que l'employeur n'avait pas cherché à reclasser le salarié, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
ET ALORS, en toute hypothèse, QU'un salarié ne peut pas prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents lorsqu'il se trouve dans l'impossibilité d'exécuter ce préavis et que cette impossibilité ne résulte pas d'un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement ; que la cour d'appel qui a relevé que le salarié s'était vu retirer l'habilitation préfectorale nécessaire pour exercer ses fonctions aurait dû déduire de ses constatations que l'employeur n'était pas tenu de lui verser une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ; qu'en décidant le contraire, aux motifs que l'employeur n'avait pas mis le salarié en mesure d'exercer ses fonctions durant la durée du préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-5 du code du travail.