LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Marc X... ,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 8-1, en date du 16 mai 2017, qui, pour apologie publique d'actes de terrorisme, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis et mise à l'épreuve ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme A..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller A... , les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Y... ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure, qu'au cours d'une interview diffusée sur Radio Grenouille le 23 février 2016, puis mise en ligne sur le site internet du journal Le Ravi, M. X..., répondant à des questions sur les conditions de détention des individus incarcérés pour des faits en lien avec une entreprise de terrorisme islamiste, s'est exprimé de la façon suivante : « En même temps non, mais j'en ai marre des poncifs anti-terroristes qui développent, des lâches attentats qui se développent, non moi j'en ai marre. Moi je les ai trouvés très courageux, ils se sont battus courageusement ils se battent dans les rues de Paris, ils savent qu'il y a deux ou trois mille flics autour d'eux. Souvent ils préparent même pas leur sortie parce qu'ils pensent qu'ils vont être tués avant d'avoir fini l'opération. On voit que quand ils arrivent à finir une action ils restent les bras ballants en disant merde on a survécu à cela. Mais ou les frères B... quand ils étaient dans l'imprimerie, ils se sont battus jusqu'à leur dernière balle. Bon bah voilà,on peut dire on est absolument contre leur idée réactionnaire, On peut aller parler de plein de choses contre eux et dire c'était idiot de faire ça de faire ci. Mais pas dire que c'est des gamins qui sont lâches » ; que M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour apologie publique d'un acte de terrorisme au moyen d'un service de communication accessible au public en ligne ; que les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ce chef ; que le prévenu a relevé appel de cette décision, et le ministère public à titre incident ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 11 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 34 de la Constitution, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de complicité du délit d'apologie publique d'un acte de terrorisme au moyen d'un service de communication accessible au public en ligne ;
"alors que les articles 421-2-5, 422-3 et 422-6 du code pénal, qui définissent et répriment l'infraction d'apologie d'actes de terrorisme, et l'interprétation de l'incrimination par une jurisprudence constante, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et, notamment, à la liberté d'expression et de communication ainsi qu'aux principes de légalité des délits et de nécessité des peines garantis par les articles 11 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ; que la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de toute base légale" ;
Attendu que le moyen est devenu sans objet par suite de la décision n° 2018-706 QPC du 18 mai 2018 du Conseil constitutionnel qui a dit conformes à la Constitution :
- les mots « ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » figurant au premier alinéa de l'article 421-2-5 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ;
- le 1°, les mots « soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, le maximum de la durée de l'interdiction temporaire étant porté à dix ans, soit, » figurant au 2° et le 3° de l'article 422-3 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;
- l'article 422-6 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 421-2-5, 132-1 et 132-19 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. Jean-Marc X... coupable de complicité du délit d'apologie publique d'un acte de terrorisme au moyen d'un service de communication accessible au public en ligne et l'a condamné à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement, assortie d'un sursis pour une durée de dix mois, avec mise à l'épreuve d'une durée de trois ans;
"aux motifs que « le passage, objet de la prévention, (
) se situe dans le contexte suivant :
JMR : Moi j'ai croisé les 3 grandes générations d'islamistes c'est-à-dire ceux du FIS, GIA, algériens, plutôt milieu paysan, milieu très modeste mais ils partaient toujours en disant on a gagné les élections ils nous l'ont volée donc on doit se battre on doit résister comme vous en 40 ... Toujours un discours assez simple mais pas islamiste très revendicatif et féroce. Ensuite il y a eu la génération Al Qaïda, ce que j'appelle Al Qaïda, c'est les années 2000 là des prêcheurs, des gens très rigoureux d'un type tout à fait nouveau, plutôt bourgeois et plutôt d'Afghanistan et plutôt orientaux. Et les Daech qui sont des gamins de cité avec discours préconstruit assez fragiles au niveau du discours finalement très fragiles même et qui sont pour tous les gens qui se battent contre le système. C'est tout.
Journaliste : D'accord. Et vous vous avez pu échanger avec eux vous vous êtes confrontés sur le terrain idéologique.
JMR : C'est très difficile oui mais on se voit tous les jours on joue au ping pong tous les jours. On fait pas des championnats Al Qaïda Action directe dans les prisons mais.
Journaliste : Qu'est-ce que JMR dit avec son expérience en prison à quelqu'un qui a pour ambition finalement de se faire exploser pour hériter avec 70 vierges alors que vous c'était pour la libération, des lendemains qui chantent ...
JMR : Le processus des kamikazes est un processus extrêmement particulier c'est je pense c'est le moment où on a rien laissé d'autre que la mort à certaines personnes. L'histoire des 70 vierges je n'y crois pas du tout. Mais c'est une forme, le système néo libéral arrive jusqu'à l'ultra radicalisme de quitter d'arracher à toutes les populations l'image de leur existence entière, leur image, leur respect jusqu'à la mort et il y a des gens qui disent que c'est peut être mieux de disparaître comme ça que de continuer à survivre sans.
Journaliste : On sent que vous voulez pas mettre un seul bémol vis à vis des gens qui s'engagent dans le fondamentalisme religieux c'est à dire que vous voyez derrière cela la bataille, je parle même pas.
JMR : En même temps non mais j'en ai marre des poncifs anti terroristes qui se développent, des lâches attentats qui se développent. Non mais j'en ai marre. Moi je les ai trouvés très courageux. Ils se sont battus courageusement. Ils se battent dans les rues de Paris, ils savent qu'il y a deux, trois mille flics autour d'eux.Souvent, ils préparent même pas leur sortie parce qu'ils pensent qu'ils vont être tués avant d'avoir fini l'opération. On voit que quand ils arrivent à réussir une action ils restent les bras ballants en disant merde on a survécu à tout cela mais oui les frères B... quand ils étaient dans l'imprimerie ils se sont battus jusqu'à leur dernière balle. Bon bah voilà. On peut dire on est absolument contre leur idée réactionnaire. On peut aller parler de plein de choses contre eux et dire c'était idiot de faire ça, de faire ci, de faire ça. Mais pas dire que c'est des gamins qui sont lâches, c'est des gamins qui ...
Journaliste : Honnêtement il faut pas un courage terrifiant pour aller abattre des gens à une terrasse des cafés. C'est pas des héros.
JMR : C'est pas le moment où ils sont héroïques de toutes façons est ce qu'ils sont héroïques ? Non c'est pas je m'oppose à ce truc de dire regardez ces lâches, cette propagande étatique qu'on voit dans la bouche des gens qui prétendent s'opposer à l'Etat. Quelque part ça m'épuise j'ai l'impression d'être dans le discours qui est reproduit, le discours des oppresseurs reproduit dans les gens qui devraient dire non non on doit pas dire cela ; », « ce sont par des motifs pertinents qu'elle fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont retenu que les propos tenus par M. X... étaient susceptibles d'être qualifiés d'apologie du terrorisme étant précisé que :
- les propos qualifiés d'apologiques ont été tenus au cours d'une interview diffusée sur Radio Grenouille puis mis en ligne sur le site internet de la revue Le Ravi ;
- le fait que d'autres individus ayant tenu les mêmes propos - ou supposés telsque M. X... n'ont pas été poursuivis, ne retire rien au caractère pénal des faits qui lui sont personnellement reprochés ;
- M. X... ne peut soutenir qu'il n'a évoqué que l'attentat commis à l'encontre de Charlie Z... dans la mesure où une des questions posées par un des journalistes évoque très précisément les terroristes qui vont "abattre des gens à des terrasses de café" ;
- quand bien-même il aurait souhaité n'évoquer que l'attentat de janvier 2015, cela ne modifierait en rien la portée de ces propos et le caractère apologique de ceux-ci, M. X... ne pouvant soutenir, comme l'a fait son conseil à l'audience, que cet attentat était "un attentat politique qui touche à la liberté d'expression" ;
- en effet, le simple fait de qualifier des terroristes de "courageux" et de gens qui se "sont battus courageusement" constitue une apologie des actes commis par ces terroristes puisque :
- l'apologie d'un acte de terrorisme résulte de la glorification du crime ou des actes commis par ce terroriste mais aussi dans la défense du terroriste lui-même ;
- la terreur que font régner les terroristes est précisément un antonyme du courage ;
- à l'inverse, le courage ne peut être circonscrit au fait de risquer sa vie dans une action mais est regardé comme étant une des principales vertus de l'homme, vertu qui est indispensable à celui qui sera considéré comme un héros ;
- les propos retenus dans l'acte de poursuite s'inscrivent dans le contexte général de l'interview que M. X... a accordé ; que celui-ci s'est appliqué tout au long de cet interview à tenter de justifier l'action des terroristes islamistes en la comparant à sa propre action ; - l'intention coupable de M. X... se déduit du caractère volontaire de ses propres agissements ; que (
) la cour infirmera le jugement en ce qu'il a déclaré M. X... coupable d'apologie de terrorisme et le déclarera coupable de complicité de ce délit ; que la cour infirmera en répression dans le sens de l'aggravation ainsi que précisé au dispositif, pour mieux tenir compte des circonstances de la cause, considérant en effet que la nature des faits, leur gravité et les éléments de personnalité recueillis sur le prévenu rendent nécessaire le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme afin de sanctionner de façon appropriée le délit commis à l'exclusion de toute autre sanction qui serait manifestement inadéquate dès lors que les faits reprochés à M. X... sont d'une particulière gravité s'agissant d'apologie d'actes de terrorisme visant les attentats commis en France en janvier et novembre 2015 ; que celui-ci avait été particulièrement alerté de la prudence avec laquelle il devait ou pouvait répondre aux sollicitations de journalistes ; que les journalistes qui ont réalisé l'interview ont tenté à plusieurs reprises de lui faire rectifier ses propos ; qu'au regard de la notoriété dont jouit M. X... la portée des propos prononcés s'en trouve renforcée ; qu'à l'audience, il n'a pas évolué sur les positions défendues au cours de cette interview ; que la peine prononcée sera assortie, pour partie, d'un sursis avec mise à l'épreuve afin de s'assurer, au-delà de la période de la libération conditionnelle, du non renouvellement des infractions reprochées ; de la parfaite insertion de celui-ci dans la société et de l'indemnisation des victimes» ;
"et aux motifs adoptés que « M. X... n'a eu de cesse d'expliquer lors de l'audience, d'une part qu'il avait pu tenir des propos maladroits du fait d'une fatigue et d'un agacement, et d'autre part qu'en aucun cas il ne pouvait lui être reproché des faits d'apologie puisqu'il considère que Daech est une entreprise réactionnaire et non révolutionnaire et qu'il lutte donc contre ce type d'idée et contre la vision de la société qui est proposée par cette organisation ; qu'un de ses avocats a également plaidé que les propos de M. X... s'inscrivaient dans le strict respect de la liberté d'expression, principe consacré par l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme et valeur essentielle de notre société et que rien ne permettait de penser qu'il avait pu outrepasser ce droit en versant dans l'apologie ; que (
) - Dès la présentation de l'émission et de son invité, il est évident que M. X... n'est pas là pour faire la promotion d'un film, le journaliste expliquant clairement qu'en première partie, il sera question de «l'état d'urgence, des libertés publiques, de la sécurité et du tout sécuritaire » et dans la deuxième partie « ce sera plus local avec la politique à Marseille, les quartiers nord, la politisation de ces quartiers nord ». A ce stade, M. X... ne peut raisonnablement penser qu'il ne sera pas question des attentats commis car évoquer l'état d'urgence qui justement a été décrété en réaction à ces attentats, sans en évoquer la cause paraît simplement inenvisageable ; que
- Si M. X... est effectivement interrogé sur l'état d'urgence et les attentats qui ont été perpétrés en France courant 2015, c'est spontanément qu'il évoque Daech ou Al Quaïda quand bien même l'intégralité de cet entretien n'entre pas dans la prévention, il est essentiel d'en analyser l'ensemble de façon à avoir une appréhension plus objective du contexte dans lequel les propos aujourd'hui reprochés à M. X... s'inscrivent et pour apprécier si ces propos sont constitutifs de l'infraction prévue par l'article 421-2-5 du code pénal, et, de façon plus générale, s'ils peuvent au contraire apparaître comme relevant de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit la liberté d'expression ; que dès le début de l'entretien, M. X... évoque spontanément « la menace des parachutistes » qui fait en réalité référence au déploiement des forces militaires dans le cadre de l'état d'urgence, et considère que cette présence qu'il qualifie selon des termes relativement violents et très négatifs, signe l'existence d'une époque de guerre civile (page 15 de la procédure) ; qu'il va ensuite expliquer (page 16 de la procédure) qu'une guerre oppose Daech à l'Etat français, qu'il s'agit d'une guerre inter-bourgeoise qui rappellerait ce qui avait cours entre l'Iran et la France en 1985 ; qu' interrogé sur le nombre de victimes des attentats commis en 2015 et revendiqués par des mouvements djihadistes, il se contente d'évoquer une « technique de combat », ce qui fera réagir le journaliste qui lui demandera alors s'il justifie ou non les attentats : M. X... répondra qu'il est neutre car il s'agit d'une guerre bourgeoise ; que lorsque le journaliste insiste en lui demandant comment être neutre face à ces attentats, M. X... répond que l'Etat français étant un état colonialiste assassin derrière lequel il ne peut se ranger, lui-même ne peut qu'être neutre par rapport à cet Etat et aux agressions qu'il subit ; que par ces propos, et quelle que soit l'idéologie de M. X..., celui-ci adopte un positionnement qui ne peut que paraître à tout le moins ambigu, ainsi que l'indiqueront les journalistes qui insistent sur le fait qu'ils pensaient que M. X... condamnerait les attentats, ce qu'il ne fait à aucun moment, réaffirmant au contraire à plusieurs reprises sa neutralité ; qu'un peu plus tard, le journaliste interpellera M. X... en lui faisant remarquer qu'avec Action Directe, organisation terroriste dont il était le principal représentant dans les années 80, il y avait eu des victimes mais que l'attentat du 13 novembre avait conduit au massacre de dizaines de personnes et qu'il s'agit d'une différence d'échelle de masse, là encore, M. X... répliquera que « c'est technique », qu' « on a progressé dans la guérilla» que « les moyens sont plus importants aujourd'hui », ce qui parait extrêmement provocateur et de nature à profondément banaliser les attentats terroristes de 2015 9 Il ajoutera une nouvelle fois être neutre (page 18 de la procédure) en expliquant que si Daech est impie car allant au-delà de l'armée du prophète, la France donnerait pour sa part une image colonialiste et raciste ; qu'évoquant ceux qu'ils nomment issus des «trois grandes générations d'islamistes », il dira alors « des Daech » qu'il s'agit de jeunes de cité avec un discours très fragile mais « qui sont pour tous les gens qui se battent contre le système » ; que ce faisant M. X... donne de nouveau le sentiment de banaliser la radicalisation et les actions terroristes islamistes en un mouvement contestataire, sans aucune référence à la violence mise en oeuvre et aux moyens utilisés ; que c'est donc dans ce contexte que M. X... va exprimer les propos qui lui sont aujourd'hui reprochés ; qu'alors que le journaliste insiste en lui disant : « On sent que vous ne voulez pas mettre même un seul bémol vis à vis des gens qui s'engagent dans le fondamentalisme religieux c'est à dire que vous, vous voyez derrière cela la bataille... », M. X... réplique aussitôt : « Non mais j'en ai marre des poncifs anti-terroristes qui se développent, des lâches attentats qui se développent [...]. Moi je les ai trouvés très courageux. Ils se sont battus courageusement. Ils se battent dans les rues de Paris, ils savent qu'il y a deux, trois mille flics autour d'eux. Souvent ils préparent même pas leur sortie parce qu'ils pensent qu'ils vont être tués avant d'avoir fini l'opération. On voit que quand ils arrivent à réussir une opération, ils restent les bras ballants en disant merde on a survécu à cela. Mais les frères B..., quand ils étaient dans l'imprimerie ils se sont battus jusqu'à leur dernière balle. Bon bah voilà. On peut dire on est absolument contre leur idée réactionnaire. On peut aller parler de plein de choses contre eux et dire que c'était idiot de faire ci, de faire ça. Mais pas dire que c'est des gamins qui sont lâches » ; que M. X..., lorsqu'il déclare ceci, ne peut valablement soutenir qu'il ne commet pas l'infraction d'apologie de terrorisme ; qu' en effet, l'apologie d'un acte de terrorisme ou d'un terroriste, ne signifie pas que celui qui le commet, soutient directement l'acte ou la personne dont il est question, elle doit être entendue comme constituée par tout propos visant à valoriser, justifier, excuser un fait terroriste et tenir compte à l'évidence du contexte dans lequel les propos ou gestes sont effectués et de la personnalité de l'auteur ; que s'il ne fait pas de doute que l'idéologie dont se revendique M. X... est radicalement opposée à celle que véhicule l'organisation Daech, et s'il est évident que dans cet entretien, à aucun moment M. X... ne fait part de son admiration ou de sa sympathie pour le mouvement en soi et pour ses valeurs, il en va autrement lorsqu'il évoque les moyens d'action utilisés et l'action terroriste de façon générale ; que les propos tenus sont clairement empathiques avec les terroristes, qualifier de « très courageux » des hommes qui ont commis des attentats terroristes, et le répéter en disant qu'ils « se sont battus très courageusement », ne peut être considéré de banals propos dictés par la fatigue, l'énervement, et ils ne peuvent être détachés du contexte terroriste dans lequel ils ont été tenus ; que tout au long de l'entretien, il est clairement fait référence aux attentats commis en janvier et en novembre 2015 ; que (
) dans les propos quilui sont aujourd'hui reprochés, et qui ne vise pas que les actes commis par les frères B... en janvier 2015 mais également les attentats perpétrés dans leur ensemble en janvier et novembre 2015, M. X... répète à plusieurs reprises qu'il s'agit de gens « courageux » et use d'images positives et glorieuses à leur action (« ils se sont battus jusqu'à la dernière balle », « ils se battent dans les rues de Paris ») et laisse entendre qu'au fond il y a un certain honneur à aller défier les forces de police en sachant que l'action était perdue d'avance ; que ce faisant il fait référence à des images révolutionnaires passées et qui appartiennent à l'histoire, mais il fait totalement abstraction à la fois de la motivation des auteurs de ces attentats mais aussi de leur mode d'action et de leurs cibles ; qu'il souligne cette idée en achevant ses phrases par « on peut dire que c'est idiot de faire ça » et tient à affirmer qu'il ne supporte plus les «poncifs antiterroristes » ; qu'en voulant s'expliquer à l'audience sur ces paroles, M. X... admettra avoir été maladroit, insistant sur le fait qu'il avait réagi lorsque le journaliste avait qualifié les actions des terroristes de « lâches ». Or l'écoute de l'entretien a démontré qu'à aucun moment ce qualificatif n'a été employé par quelqu'un d'autre que M. X... lui-même ; Qu'il dira à l'audience qu'au fond il aurait dû qualifier les auteurs de « déterminés » plutôt que « lâches » ; que pourtant le ton de l'entretien tout entier démontre qu'il n'a pas voulu uniquement souligner le caractère «déterminé» des terroristes mais bien, prendre le contre-pied de ce qui a pu être communément avancé et de ce que la société considère dans sa quasi-unanimité, à savoir que ces actes terroristes ne sont pas justifiables mais au contraire condamnables ; que ce faisant, M. X... légitime au fond toute action terroriste dès lors qu'elle s'attaque à un adversaire qui lui est commun à savoir l'Etat ; il adopte finalement un raisonnement qui ne semble pas l'avoir quitté depuis sa période d'activisme des années 80 ; qu' en répétant à plusieurs reprises, malgré l'insistance du journaliste, qu'il ne peut qu'être neutre, non seulement il ne s'autorise pas à condamner des actes et des individus, au nom sans doute de principes idéologiques qui n'ont rien à voir avec ceux de Daech ou Al quaïda, mais il choisit en outre de glorifier de façon provocatrice les attentats meurtriers perpétrés en 2015, les présentant sous un jour romanesque ; que si chaque individu peut librement exprimer des revendications politiques ou militantes, cette liberté a des limites et des responsabilités dont son auteur ne peut s'exonérer ; que M. X... avait connaissance des sujets qui seraient abordés ; qu' il est par ailleurs soumis à une mesure de libération conditionnelle dont il connait les obligations, et pour avoir déjà subi le retrait d'une mesure d'aménagement de peine, il ne peut ignorer quelles sont les limites à laquelle sa liberté d'expression est soumise sans que cette restriction ne constitue une atteinte intolérable aux droits et libertés dont chacun peut user ; qu' il ne peut ignorer que le choix des mots qu'il utilise de façon publique ou la façon d'aborder le thème des attentats et des actions terroristes seront analysés minutieusement, au regard de son propre passé, des condamnations à caractère terroriste qui ont été prononcées à son égard et de sa propre médiatisation ; que dans le contexte actuel qui est celui d'un pays plusieurs fois victime d'attaques terroristes d'ampleur massive en 2015, ayant eu à déplorer de très nombreuses victimes, le fait de qualifier de courageux les individus ayant commis ces actes et de les présenter sous un jour favorable en insistant sur le fait qu'ils tiennent tête à des policiers - alors même que ces affrontements entre les terroristes et les policiers ont lieu après la commission des attentats contre des victimes désarmées - n'est pas tolérable ; que ces propos ne sauraient être justifiés par la liberté d'expression car ils portent nécessairement atteinte à la dignité des victimes et justifient une forme de violence qui n'est pas acceptable dans une société démocratique ; que M. X... sera donc déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés dans les termes de la prévention" » ;
"1°) alors que l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit la liberté d'expression, qui vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent ; que cette liberté ne peut faire l'objet d'une limitation qu'à la condition qu'elle soit nécessaire dans une société démocratique et proportionnée au but poursuivi ; que l'article 10 § 2 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression dans le domaine du discours et du débat politique – dans lequel la liberté d'expression revêt la plus haute importance – ou des questions d'intérêt général ; qu'il ne résulte pas des motifs des juges du fond que le caractère d'intérêt général des questions abordées, portant sur l'état d'urgence, les libertés publiques, la sécurité et le contexte des attentats à l'occasion desquelles les propos incriminés ont été tenus, ait été pris en compte dans leur appréciation; que les juges du fond ont privé leur décision de base légale ;
"2°) alors que les propos incriminés se situaient dans le cadre d'un discours de nature politique ; qu'en faisant grief à M. X... d'avoir eu « un raisonnement qui ne semble pas l'avoir quitté depuis sa période d'activisme des années 80 », d'avoir répété à plusieurs reprises qu'il ne peut qu'être neutre par rapport à l'Etat bourgeois et de ne pas s'être autorisé à condamner des actes et des individus « au nom sans doute de principes idéologiques qui n'ont rien à voir avec ceux de Daech ou Al Quaïda », cependant que la nature politique de son raisonnement et de son discours justifiait au contraire une protection renforcée de sa liberté d'expression, les juges du fond ont privé leur décision de base légale ;
"3°) alors que les propos incriminés sont précis, en ce qu'ils visent le fait de se battre « dans les rues de Paris », puis « les frères B... » « dans l'imprimerie » ; que, à la suite du journaliste qui fait remarquer qu' « il faut pas un courage terrifiant pour aller abattre des gens à une terrasse des cafés. C'est pas des héros », M. X... répond, confirmant la portée limitée de son propos : « C'est pas le moment où ils sont héroïques de toutes façons est ce qu'ils sont héroïques ? Non c'est pas » ; que les propos ne visent donc que le comportement des frères B... post attentat ; qu'en retenant néanmoins que ces propos ne visent pas que les actes commis par les frères B... en janvier 2015 mais l'ensemble des attentats perpétrés en janvier et novembre 2015, les juges du fond les ont dénaturés ;
"4°) alors que les propos incriminés sont tenus dans un contexte où M. X... tente d'expliquer et comprendre, non de justifier les attentats islamistes, avec une certaine grille de lecture, qui est politique ; que ces propos se bornent à reconnaître le courage qui consiste « à se battre jusqu'à la dernière balle », avec « deux ou trois mille flics autour » en sachant que l'on va mourir ; qu'il ne s'agit donc pas de poser des bombes ou de tuer des civils ; qu'ainsi, ces propos ne contiennent aucune valorisation de l'acte terroriste lui même ; qu'ils ne contiennent aucune adhésion ou glorification d'une organisation terroriste responsable des attentats de 2015 ni propagande en sa faveur ; qu'ils ne contiennent aucune incitation à la violence ou à la terreur ; qu'ils ne valorisent à aucun moment la destruction ou la mort des victimes et ne portent pas atteinte à leur dignité ; qu'il n'est pas constaté que ces propos aient effectivement provoqué des réactions pouvant attiser la violence et démontrant un risque plausible sur l'ordre public ou un danger clair et imminent en relation directe avec la publication de ces propos ; que dès lors, la qualification pénale d'apologie d'actes de terrorisme n'est pas légalement justifiée et l'atteinte à la liberté d'expression n'est pas nécessaire dans une société démocratique au sens de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"5°) alors que le prononcé d'une peine d'emprisonnement pour partie ferme, en l'espèce, de dix-huit mois avec un sursis de dix mois et une mise à l'épreuve d'une durée de trois ans ferme pour les propos incriminés porte une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'expression ;
"6°) alors que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, retenir la nécessité d'une peine d'emprisonnement ferme assortie, pour partie, d'un sursis avec mise à l'épreuve « afin de s'assurer, au-delà de la période de la libération conditionnelle, du non renouvellement des infractions reprochées ; de la parfaite insertion de celui-ci dans la société et de l'indemnisation des victimes » tout en constatant que selon le service pénitentiaire d'insertion et de probation dans un rapport du 21 avril 2016 « M. X... a acquis une insertion socioprofessionnelle et trouve un équilibre psychologique malgré une longue incarcération ; qu' il ne présenterait plus aucun danger pour la société et, selon le SPIP, un passage à l'acte ne serait plus à craindre même si M. X... demeure « fidèle à ses idées» et si son combat demeure la lutte contre « la société capitaliste » (jugement, p. 13 dernier §) et qu'il résulte d'un rapport de comportement du vice-président de l'application des peines en charge de le suivre en date du 13 juin 2016 « que M. X... respecte les obligations qui lui sont fixées et que l'avis émis par ce magistrat est le suivant : "La mesure de libération conditionnelle au long cours dont fait l'objet M. X... depuis plus de quatre ans est parfaitement respectée par le condamné ; que ce dernier répond à toutes les convocations qui lui sont adressées et paraît pleinement réinséré sur le plan professionnel. Même s'il demeure fidèle à son combat contre la société capitaliste et actif au sein des lieux de parole où il est amené à s'exprimer pour évoquer ses livres et oeuvres audiovisuelles, M. X... se montre respectueux de la mesure et attentif à la parole de l'autorité judiciaire" » (arrêt, p. 8) ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 11 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 34 de la Constitution, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de complicité du délit d'apologie publique d'un acte de terrorisme au moyen d'un service de communication accessible au public en ligne ;
"aux motifs propres que « les propos qualifiés d'apologiques ont été tenus au cours d'une interview diffusée sur Radio Grenouille puis mis en ligne sur le site internet de la revue Le Ravi ;
qu'en l'espèce doivent ainsi trouver application les dispositions des articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée qui trouvent application tant pour les émissions qui passent à la radio en différé que pour la publication du lien de ladite émission sur internet » ;
" aux motifs éventuellement adoptés qu'il doit être rappelé que cet entretien a été diffusé à la fois par la station de radio «Radio Grenouille» et par un support écrit « le Ravi » ; que la teneur des propos n'est aucunement contestée par l'interviewé, qui avait par ailleurs connaissance des supports de publication ;
"alors que la circonstance aggravante du délit d'apologie d'actes de terrorisme en cas de faits commis en utilisant un service de communication accessible au public en ligne suppose que le prévenu ait eu connaissance de ce support de diffusion ; que les motifs des juges du fond ne permettent pas de s'assurer que M. X... ait eu connaissance non seulement de ce que l'entretien, diffusé en différé par la station de radio «Radio Grenouille» et par un support écrit (journal « le Ravi »), mais ferait l'objet de surcroît d'une communication en ligne, sur le site internet dudit journal ; que faute de toute constatation en ce sens, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris en ses troisième et quatrième branches et sur le troisième moyen :
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de complicité d'apologie publique d'un acte de terrorisme en ayant utilisé un moyen de communication au public en ligne, l'arrêt énonce en substance que le prévenu ne peut soutenir qu'il n'a évoqué que l'attentat de janvier 2015, dans la mesure où une des questions portait sur les terroristes qui vont abattre des gens à des terrasses de café, et que le fait de qualifier des terroristes de courageux et de gens qui se sont battus courageusement, constitue une apologie des actes commis par ces terroristes, laquelle résulte de la glorification de l'acte mais aussi de la défense du terroriste, le courage, antonyme de la terreur que font régner les terroristes étant regardé comme une des principales vertus de l'homme, indispensable à celui considéré comme un héros, et le prévenu s'étant appliqué à tenter de justifier l'action des terroristes islamistes en la comparant à sa propre action ; que les juges relèvent que l'intention coupable se déduit du caractère volontaire des agissements du prévenu ; qu'ils retiennent, par motifs adoptés, que la teneur des propos n'est pas contestée par l'interviewé qui avait connaissance des supports de publication ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors, qu'accessibles par un service de communication en ligne dont l'arrêt a souverainement apprécié que le prévenu avait connaissance de cette circonstance, les propos incriminés tendent à inciter autrui à porter un jugement favorable sur une infraction qualifiée de terroriste ou sur son auteur, même s'ils sont prononcés dans le cadre d'un débat d'intérêt général et se revendiquent comme participant d'un discours de nature politique, la cour d'appel a, sans dénaturation, fait une exacte appréciation de leur sens et de leur portée, et a ainsi justifié sa décision tant au regard de l' article 421-2-5 du code pénal, que de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme dont le second paragraphe prévoit des restrictions à la liberté d'expression, qui, comme en l'espèce, constituent des mesures nécessaires à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale et à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime ;
D'où il suit que les griefs ne sont pas fondés ;
Sur les autres branches du deuxième moyen :
Attendu que pour le condamner à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis et mise à l'épreuve, l'arrêt, après avoir rappelé les antécédents de M. X... et sa situation matérielle, familiale et sociale, énonce notamment que la nature des faits, leur gravité et les éléments de personnalité recueillis sur le prévenu rendent nécessaire le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme afin de sanctionner de façon appropriée le délit commis à l'exclusion de toute autre sanction qui serait manifestement inadéquate dès lors que les faits sont d'une particulière gravité s'agissant d'apologie visant les attentats commis en janvier et novembre 2015 ; que les juges retiennent que le prévenu a été particulièrement alerté de la prudence avec laquelle il devait ou pouvait répondre aux sollicitations de journalistes lesquels ont tenté à plusieurs reprises de lui faire rectifier ses propos ; qu'ils ajoutent qu'au regard de la notoriété dont jouit M. X..., la portée de ses propos s'en trouve renforcée et qu'à l'audience, il n'a pas évolué sur les positions défendues au cours de cette interview ; qu'ils concluent que la peine prononcée sera assortie, pour partie, d'un sursis avec mise à l'épreuve afin de s'assurer, au delà de la période de la libération conditionnelle, du non renouvellement des infractions reprochées, de la parfaite insertion de celui-ci dans la société et de l'indemnisation des victimes ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite et qui a motivé sa décision conformément à l'article 132-1 du code pénal, a, par ces mêmes motifs, nécessairement apprécié la proportionnalité de la sanction au regard des objectifs visés au paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept novembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.