LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 septembre 2018), que, par jugement du 9 février 2017, le juge des enfants a confié C... X..., se déclarant mineur pour être né le [...] à [...] (Mali), à l'aide sociale à l'enfance du département du Finistère jusqu'à sa majorité ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de ce placement ;
Attendu qu'après avoir écarté les documents présentés devant le juge des enfants comme n'étant pas rédigés dans les formes en usage au Mali et constaté la production en cause d'appel d'un extrait d'acte de naissance et de la carte d'identité consulaire de l'intéressé, ainsi que d'une carte portant le numéro d'identification nationale (NINA) de sa mère délivrée le 1er juin 2013, l'arrêt relève qu'il résulte de la consultation, le 30 août 2017, du fichier Visabio, qu'une demande de visa a été présentée en avril 2015 au nom de M. D... X..., né le [...] à [...] au Sénégal, comportant la photographie de C... X..., ce que ce dernier n'a pas contesté lors de son audition par les services de police le 4 septembre 2017, ayant reconnu être l'auteur de cette demande effectuée au Sénégal alors qu'il suivait une formation professionnelle ; que l'arrêt ajoute que les déclarations de l'intéressé sur le décès de sa mère, [...], ne sont pas en cohérence avec la date de délivrance de la carte NINA, le 1er juin 2013, ce qui jette un discrédit sur ses déclarations de filiation et établit sa mauvaise foi ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a souverainement déduit, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche, que les documents produits n'étaient pas probants au sens de l'article 47 du code civil et que la minorité de M. X... n'était pas établie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la levée du placement de C... X... auprès du Conseil départemental du Finistère ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la procédure d'assistance éducative est applicable à tous les mineurs non émancipés, qui se trouvent sur le territoire français quelque soit leur nationalité, si leur santé, leur moralité, leur sécurité sont en danger ou si les conditions de leur éducation ou de leur développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ;
Que la détermination de l'âge d'une personne est établie en tenant compte des actes d'état civil ;
Qu'aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;
Que par ailleurs, selon l'article 388 du même Code, « Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis.Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé. En cas de doute sur la minorité de l'intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d'un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires » ;
Qu'il sera rappelé à titre liminaire qu'il n'existe en l'état de la législation applicable à la cause, aucune présomption de minorité ;
Que l'article 9 du code de procédure civile énonce qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;
Que dans le cas d'espèce, le juge des enfants a fait droit à la demande de C... X... aux fins de bénéficier de la protection au titre de l'assistance éducative, estimant que l'état de minorité de celui-ci devait être retenue au regard des mentions portées sur les actes d'état civil produits, et dont l'authenticité devait être retenue en l'absence de vérification par le service de la fraude documentaire ;
Que depuis ce jugement, des éléments nouveaux sont apparus ;
Qu'en premier lieu, les documents d'état civil dont C... X... était en possession lors de l'évaluation, à savoir un acte de naissance n°[...] daté du [...], ainsi qu'un extrait d'acte de naissance n° [...] daté du [...], ont été soumis à vérification auprès du bureau de la fraude documentaire et à l'identité de la Direction zonale de la Police aux frontières ; que ces documents ont été déclarées non recevables : ces actes portent des dates d'établissement en chiffre et non en lettre, en violation des dispositions de l'article 126 du code des personnes et de la famille du Mali ;
Que dès lors que ces actes d'état civil n'ont pas été rédigé dans les formes en usage dans ce pays, lesquelles procèdent du code des personnes et de la famille du Mali , ils ne peuvent bénéficier de la présomption d'authenticité posée par l'article 48 sus visé ; que ce texte d'interprétation stricte, exclut que puisse être invoqué l'existence d'erreur matérielle affectant ledit acte ;
Qu'en cause d'appel, C... X... a produit de nouveaux documents suivants :
- un extrait d'acte de naissance n° [...] daté du 20.09.2017 ;
- une carte d'identité consulaire de la République du Mali , délivrée le 06.11.2017 ;
- une carte NINA portant l'identité de E... F..., née le [...] à [...] au Mali, portant date de délivrance le [...] ;
Que ces documents n'ont pas été soumis à l'expertise du bureau de la fraude documentaire et à l'identité de la Direction zonale de la Police aux frontières de sorte que la cour ignore s'ils sont authentiques ou non ;
Que la Cour rappelle toutefois que quand bien même serait-elle consulaire, la carte d'identité produite, en termes de fiabilité n'a aucune valeur dans la mesure où elle est délivrée sur la base d'une déclaration ;
Que par ailleurs, à supposer que C... X... puisse se prévaloir de la présomption de l'article 47 du Code civil au travers des nouveaux documents d'état civil produits en cause d'appel, cette présomption est dans le cas d'espèce renversée par le Conseil départemental du Finistère par la production aux débats des résultats des donnés du fichier Visabio ; qu'en effet, la consultation de ce fichier faite le 30 août 2017 par les services de police de [...], a révélé l'identité X... D..., né le [...] à [...] au Sénégal, soit une identité différente de celle alléguée ; que cette fiche porte la photo de C... X..., ce que ce dernier n'a pas contesté lors de son audition par les services de police le 4 septembre 2017 ; qu'il a d'ailleurs reconnu avoir bien fait cette demande de visa, en avril 2015, au Sénégal alors qu'il était en formation pour devenir mécanicien, précisant être venu en France le 25 avril 2015 pour repartir au Sénégal le 22 mai 2015, pour rejoindre ensuite le Mali ; qu'il a indiqué que cette demande de visa a été faite par l'entreprise où il était en formation, sans toutefois pouvoir donner le nom de cette dernière, ne s'en souvenant plus ; que lors de cette même audition, il a précisé que sa mère était décédée au Mali [...] ;
Que dans ces conditions, à supposer que C... X... puisse se prévaloir des derniers documents produits en dernier lieu, ces deux actes, sur lesquels n'est apposée aucune photographie, ne permettent pas de s'assurer qu'ils concernent bien l'intéressé ;
Que faute de fournir d'autres éléments à l'appui de sa minorité, C... X... ne rapporte nullement la preuve de l'inexactitude des informations fichées par Visabio ; que l'argument tiré de ce que les données d'état civil enregistrées dans ce fichier sont incohérents dès lors qu'il aurait 35 ans, ce qui est incompatible avec son physique ainsi qu'avec l'âge auquel sa mère lui aurait donné naissance (8 ans), est à lui seul insuffisant pour faire cette preuve ;
Qu'au demeurant, outre le fait que l'apparence physique est un fait éminemment subjectif, qui excluait qu'il soit retenu pour fonder un raisonnement juridique, il sera relevé que C... X... a varié dans ses déclarations quant à la date de décès de sa mère, la datant de [...] devant les services de police et de 2010 devant les évaluateurs de l'Aide Sociale à l'Enfance, de telles variations permettent de douter de la sincérité des dites déclarations ; qu'en tout état de cause, la personne était décédée le [...], date de délivrance de la carte NINA portant son identité, produite par C... X... en cause d'appel, ce qui fait planer un doute plus que sérieux sur ladite pièce, voire sur les déclarations de filiation de C... X... ; que ces incohérences font la preuve de la mauvaise foi de C... X... ;
Que l'ensemble de ces éléments crée un faisceau d'indices duquel il résulte que la minorité de C... X..., qui déclare être né le [...] à [...] au Mali, n'est nullement établie ;
Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à intervention du Juge des enfants au titre de la protection de l'enfance ; que le jugement sera donc infirmée et le placement levé ».
1°/ ALORS QUE tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu'en l'espèce, pour dire qu'elle ignorait si les nouveaux documents produits par l'exposant à hauteur d'appel pour établir sa minorité, parmi lesquels l'extrait d'acte de naissance n° [...] daté du 20 septembre 2017 (v. production n° 4), étaient, ou non, authentiques, la Cour d'appel a relevé qu'ils « n'ont pas été soumis à l'expertise du bureau de la fraude documentaire et à l'identité de la Direction zonale de la Police aux frontières de sorte que la cour ignore s'ils sont authentiques ou non » (v. arrêt, p. 4§7) ; qu'en subordonnant ainsi l'authenticité d'un acte d'état civil étranger à sa vérification par les services de la Police aux frontières, cependant que l'authenticité de tels actes est présumée, la Cour d'appel a violé l'article 47 du code civil ;
2°/ ALORS QUE pour décider que les nouveaux documents produits par l'exposant à hauteur d'appel, et en particulier l'extrait d'acte de naissance n° [...] daté du 20 septembre 2017 (v. production n° 4), ne pouvaient bénéficier du jeu de la présomption de l'article 47 du code civil, la Cour d'appel s'est fondée sur les résultats des données du fichier Visabio, révélant l'identité de D... X..., né le [...] au Sénégal, soit une identité différente que celle alléguée par l'exposant ; qu'elle a à cet égard retenu que l'exposant « ne rapporte nullement la preuve de l'inexactitude des informations fichées sur Visabio » et que « l'argument tiré de ce que les données d'état civil enregistrées dans ce fichier sont incohérents dès lors qu'il aurait 35 ans, ce qui est incompatible avec son physique ainsi qu'avec l'âge auquel sa mère lui aurait donné naissance (8 ans), est à lui seul insuffisant pour faire cette preuve » (v. arrêt, p. 4§10) ; qu'en statuant ainsi, cependant que les données du fichier Visiabo révélaient une incohérence certaine avec les éléments d'identité de l'exposant, suffisante à rapporter la preuve de leur caractère inexact, la Cour d'appel a violé l'article 47 du code civil ;
3°/ ALORS QUE pour dénier toute force probante à la carte d'identité consulaire de l'exposant, délivrée à Paris le 6 novembre 2017 (v. production n° 5), la Cour d'appel a cru pouvoir retenir que cette carte « n'a aucune valeur dans la mesure où elle est délivrée sur la base d'une déclaration »
(v. arrêt, p. 4§8) ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résulte tant des conditions d'octroi des cartes d'identité consulaire, que des mentions de la carte litigieuse, que celle-ci a été délivrée sur la base de l'extrait d'acte de naissance n° [...] du 20 septembre 2017, la Cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'article 375 du code civil ;
4°/ ALORS QUE pour juger qu' « à supposer que C... X... puisse se prévaloir des derniers documents produits en dernier lieu, ces deux actes, sur lesquels n'est apposée aucune photographie, ne permettent pas de s'assurer qu'ils concernent bien l'intéressé » (v. arrêt, p. 4§9) ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'une photographie de l'exposant était apposée sur la carte d'identité consulaire établie à son nom, que la carte « NINA » était au nom de la mère de l'exposant et que l'extrait d'acte de naissance n° [...] du 20 septembre 2017, produit par l'exposant pour établir sa minorité, faisait foi au titre de l'article 47 du code civil, nonobstant l'absence de photographie apposée sur cet acte, la Cour d'appel a statué par un motif impropre, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 9 du code de procédure civile et 47 du code civil ;
5°/ ALORS QUE subsidiairement, à considérer même que les nouveaux documents produits par l'exposant à hauteur d'appel, et en particulier l'extrait d'acte de naissance n° [...] daté du 20 septembre 2017, n'étaient pas de nature à établir l'âge de l'exposant, la Cour d'appel n'en devait pas moins, pour décider que l'état de minorité de C... X... n'était pas établi, justifier sa décision par des considérations de nature à démontrer que l'âge allégué par l'exposant ne pouvait correspondre à la réalité ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que « C... X... a varié dans ses déclarations quant à la date de décès de sa mère, la datant de [...] devant les services de police et de 2010 devant les évaluateurs de l'Aide Sociale à l'Enfance, de telles variations permettent de douter de la sincérité des dites déclarations ; qu'en tout état de cause, la personne était décédée le [...], date de délivrance de la carte NINA portant son identité, produite par C... X... en cause d'appel, ce qui fait planer un doute plus que sérieux sur ladite pièce, voire sur les déclarations de filiation de C... X... ; que ces incohérences font la preuve de la mauvaise foi de C... X... », la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à révéler une incohérence entre l'âge allégué par l'exposant et son âge réel ; qu'en statuant ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 375 code civil.