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21/11/2018 | FRANCE | N°17-23873

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 novembre 2018, 17-23873


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société RTB pharma, qui entrepose des produits pharmaceutiques et des médicaments destinés à être livrés aux officines de pharmacie, a commandé à la société Smef Azur la fourniture et la pose d'une chambre froide à porte vitrée ; que des dysfonctionnements sont survenus en 2009 ; qu'après l'avoir mise en demeure de lui payer le prix des médicaments prÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société RTB pharma, qui entrepose des produits pharmaceutiques et des médicaments destinés à être livrés aux officines de pharmacie, a commandé à la société Smef Azur la fourniture et la pose d'une chambre froide à porte vitrée ; que des dysfonctionnements sont survenus en 2009 ; qu'après l'avoir mise en demeure de lui payer le prix des médicaments prétendument stockés et perdus suite aux pannes ayant rompu la chaîne du froid, la société RTB pharma, aux droits de laquelle vient la société Phoenix pharma (la société pharma), a assigné la société Smef Azur en responsabilité ;

Attendu que pour infirmer le jugement en ce qu'il déboute la société pharma de sa demande de réparation de préjudice financier et condamner la société Smef Azur à lui payer une certaine somme à ce titre, l'arrêt retient que celle-ci admet elle-même la perte effective d'une partie des médicaments stockés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, la société Smef Azur ne reconnaissait pas la perte de médicaments stockés, se proposant seulement de régler la facture de location d'un camion réfrigéré qui avait permis d'éviter tout dommage, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

Casse et annule, mais seulement en ce que, infirmant le jugement entrepris, il condamne la société Smef Azur à payer à la société Phoenix pharma la somme de 258 266,42 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2010, et en ce qu'il condamne la société Smef Azur à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens, l'arrêt rendu le 22 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Phoenix pharma aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Smef Azur la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Smef Azur.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société PHOENIX PHARMA de sa demande de réparation du préjudice financier allégué, et d'AVOIR à ce titre condamné la société SMEF AZUR à payer la somme de 258.266, 42 €, avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2010 ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « seule la société PHOENIX PHARMA, comme détentrice des médicaments dégradés par la rupture de la chaîne du froid de la chambre froide fournie et posée par la société SMEF AZUR, peut avoir subi un préjudice ; que tant le président de cette victime, que surtout le cabinet FACT son courtier en assurances, ont attesté qu'elle n'avait pas été indemnisée par son assureur, et aucune preuve contraire n'est rapportée par la société SMEF AZUR ; que c'est donc à tort que celle-ci demande à la Cour de dire et juger irrecevables les demandes de son adversaire au motif qu'il ne justifie pas de son intérêt et de sa qualité à agir ; que le procès-verbal de constat dressé le 5 janvier 2010 par un Huissier de Justice requis par la société RTB PHARMA à l'enseigne -CERP LORRAINE-, dans la chambre froide de celle-ci fournie et installée par la société SMEF AZUR, mentionne le stockage de nombreux cartons et caisses plastiques, et comporte en annexe un inventaire chiffré des biens stockés détaillé sur un listing émanant de la société RTB PHARMA ; que ce document, contrairement à ce qu'a précisé l'Huissier de Justice le 2 février 2011 soit 11 mois après ses opérations (!), ne précise aucunement qu'ait été vérifiée la réalité de la correspondance complète entre ce listing et les produits ; que par ailleurs rien ne permet de déterminer que tous les produits sinistrés à la suite de la rupture de la chaîne du froid imputable à la société SMEF AZUR en 2009 (surtout en octobre et novembre), entreposés dans les camions de la société PETIT FORESTIER loués par la société RTB PHARMA du 24 octobre au 16 novembre, sont exactement et identiquement ceux dont la présence a été constatée dans les entrepôts de cette dernière le 5 janvier 2010 par l'Huissier de Justice qu'elle avait requis ; que pour autant, et même si aucun document comptable ne vient entériner la totalité du listing annexé audit constat, la société SMEF AZUR elle-même admet la perte effective d'une partie des médicaments stockés par la société PHOENIX PHARMA, perte qui s'est réellement produite et pour laquelle celle-ci est donc fondée à demander une indemnisation ; que c'est en conséquence à tort que le Tribunal a débouté la société PHOENIX PHARMA de sa demande en réparation du préjudice financier, et la Cour retient pour ce dernier le chiffre donné par ce listing pour les médicaments etamp;lt;à détruireetamp;gt;, soit la somme de 258 266 € 42 » ;

ALORS en premier lieu QUE dans ses conclusions d'appel, la société SMEF AZUR affirmait « qu'aucun dommage n'était survenu et que la seule perte financière était constituée par la facture de location du camion réfrigéré »
(conclusions, p.10), que « la société demanderesse ne peut sérieusement prétendre a posteriori sans aucune vérification possible, avoir subi un préjudice lié à la rupture de la chaîne de froid, alors que dès le 24 octobre 2009, les médicaments ont de son propre aveu été rapidement transférés dans un camion frigorifique sans qu'il soit justifié par la société demanderesse d'aucune interruption du stockage des médicaments dans le camion » (ibid. p.10 in finep. 11 in limine) et que « la preuve d'une altération effective des médicaments en lien de causalité avec la panne survenue le 24 octobre 2009, et à laquelle il n'aurait pas été possible d'échapper (
) n'est pas établie » (ibid. p.18§1) ; qu'en jugeant que « la société SMEF AZUR elle-même admet la perte effective d'une partie des médicaments stockés par la société PHOENIX PHARMA » (arrêt, p.7), la cour d'appel a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écritures des parties et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS en deuxième lieu QU'en jugeant que le listing établi par la société RTB PHARMA, « contrairement à ce qu'a précisé l'Huissier de Justice le 2 février 2011 soit 11 mois après ses opérations (!), ne précise aucunement qu'ait été vérifiée la réalité de la correspondance complète entre ce listing et les produits » (arrêt, p.7), que « par ailleurs rien ne permet de déterminer que tous les produits sinistrés à la suite de la rupture de la chaîne du froid imputable à la société SMEF AZUR en 2009 (surtout en octobre et novembre), entreposés dans les camions de la société PETIT FORESTIER loués par la société RTB PHARMA du 24 octobre au 16 novembre, sont exactement et identiquement ceux dont la présence a été constatée dans les entrepôts de cette dernière le 5 janvier 2010 par l'Huissier de Justice qu'elle avait requis » (arrêt, p.7) et qu'« aucun document comptable ne vient entériner la totalité du listing annexé audit constat » (arrêt, p.7), mais en condamnant pourtant la société SMEF AZUR à payer la totalité du « chiffre donné par le listing pour les médicaments etamp;lt;à détruireetamp;gt;, soit la somme de 258 266 € 42 » (ibid.), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

ALORS en troisième lieu QU'en jugeant que le listing établi par la société RTB PHARMA, « contrairement à ce qu'a précisé l'Huissier de Justice le 2 février 2011 soit 11 mois après ses opérations (!), ne précise aucunement qu'ait été vérifiée la réalité de la correspondance complète entre ce listing et les produits » (arrêt, p.7), que « par ailleurs rien ne permet de déterminer que tous les produits sinistrés à la suite de la rupture de la chaîne du froid imputable à la société SMEF AZUR en 2009 (surtout en octobre et novembre), entreposés dans les camions de la société PETIT FORESTIER loués par la société RTB PHARMA du 24 octobre au 16 novembre, sont exactement et identiquement ceux dont la présence a été constatée dans les entrepôts de cette dernière le 5 janvier 2010 par l'Huissier de Justice qu'elle avait requis » (arrêt, p.7) et qu'« aucun document comptable ne vient entériner la totalité du listing annexé audit constat » (arrêt, p.7), mais en condamnant pourtant la société SMEF AZUR à payer la totalité du « chiffre donné par le listing pour les médicaments etamp;lt;à détruireetamp;gt;, soit la somme de 258 266 € 42 » (ibid.), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS en quatrième lieu QU'en condamnant la société SMEF AZUR à payer les pertes alléguées par la société PHOENIX PHARMA, sans répondre aux conclusions de la société SMEF AZUR aux termes desquelles « la société demanderesse ne peut sérieusement prétendre a posteriori sans aucune vérification possible, avoir subi un préjudice lié à la rupture de la chaîne de froid, alors que dès le 24 octobre 2009, les médicaments ont de son propre aveu été rapidement transférés dans un camion frigorifique sans qu'il soit justifié par la société demanderesse d'aucune interruption du stockage des médicaments dans le camion » (conclusions, p.10 in fine-p.11 in limine), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en cinquième lieu QUE pour contester le préjudice subi, la société SMEF AZUR exposait encore que « la société demanderesse n'a même pas justifié de la destruction effective des médicaments, pourtant obligatoire » (arrêt, p.17 in fine) ; qu'en jugeant que les pertes alléguées seraient avérées sans répondre aux conclusions de la société SMEF AZUR alléguant que si de telles pertes avaient eu lieu elles auraient inévitablement été suivies d'une procédure de destruction des médicaments en cause, dont il n'était pas justifié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en sixième lieu QU'en condamnant la société SMEF AZUR à payer le montant indiqué sur le listing établi par la société RTB PHARMA, aux droits de qui vient la société PHOENIX PHARMA, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se constituer un titre à soi-même et a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

ALORS en septième lieu QUE la société SMEF AZUR exposait, page 18 de ses écritures d'appel, qu'« il est certain qu'une déclaration de sinistre a été effectuée, puisque la société PHOENIX PHARMA en a elle-même fait mention devant l'huissier de justice qu'il a consignée dans son constat. Ainsi, de deux choses l'une, soit l'assureur a indemnisé la société PHOENIX PHARMA et dans ce cas, cette dernière est bien irrecevable à agir. Soit l'assureur n'a pas indemnisé la société PHOENIX PHARMA, et dans cette hypothèse les motifs pour lesquels l'indemnisation a été refusée doivent être révélés. Il est en effet possible que l'assureur, au travers de son expert, ait mis en évidence l'inexistence de tout ou partie du préjudice, ou ait constaté une difficulté autre que la société PHOENIX PHARMA ne veut à aucun prix révéler » ; qu'en retenant que « tant le président de cette victime (la société PHOENIX PHARMA) que surtout le cabinet FACT son courtier en assurances, ont attesté qu'elle n'avait pas été indemnisée par son assureur » (arrêt, p.7), de telle sorte que « c'est donc à tort que (la société SMEF AZUR) demande à la Cour de dire et juger irrecevables les demandes de son adversaire au motif qu'il ne justifie pas de son intérêt et de sa qualité à agir » (ibid.), sans vérifier, comme il le lui était demandé, si le refus de la société PHOENIX PHARMA d'expliquer les raisons pour lesquelles son assureur avait rejeté sa demande d'indemnisation après sa déclaration de sinistre n'établissait pas que la panne de la chambre froide ne lui avait causé aucun préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS en huitième lieu QUE, subsidiairement, lorsque la preuve testimoniale est admissible, le juge peut recevoir des tiers, et non des parties à l'instance, les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux dont ils ont personnellement connaissance ; qu'en jugeant que l'attestation du président de la société PHOENIX PHARMA établissait que celle-ci n'avait pas été indemnisée par son assureur, la cour d'appel a violé l'article 199 du code de procédure civile ;

ALORS en neuvième lieu QUE, subsidiairement, en jugeant que l'attestation du président de la société PHOENIX PHARMA établissait que celle-ci n'avait pas été indemnisée par son assureur, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut se constituer un titre à soi-même et a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-23873
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 nov. 2018, pourvoi n°17-23873


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.23873
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