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21/11/2018 | FRANCE | N°16-28513

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 novembre 2018, 16-28513


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 octobre 2016), que M. K... a été engagé par la société EMC Computer Systems France (la société), en qualité de technology consultant, par contrat de travail à durée indéterminée du 12 juillet 2006 à effet au 4 septembre 2006, que, par courrier du 11 août 2008, lui a été confirmée sa nouvelle position, à partir du 1er août 2008, d'alliance technology consultant, emploi ouvrant droit à une rémunération annuelle brute de 71 000 euros et à une rémunéra

tion variable annuelle de 12 000 euros à 100 % d'atteinte des objectifs ; qu'il a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 octobre 2016), que M. K... a été engagé par la société EMC Computer Systems France (la société), en qualité de technology consultant, par contrat de travail à durée indéterminée du 12 juillet 2006 à effet au 4 septembre 2006, que, par courrier du 11 août 2008, lui a été confirmée sa nouvelle position, à partir du 1er août 2008, d'alliance technology consultant, emploi ouvrant droit à une rémunération annuelle brute de 71 000 euros et à une rémunération variable annuelle de 12 000 euros à 100 % d'atteinte des objectifs ; qu'il a été affecté, à compter du 1er juillet 2010, au sein de l'équipe « District Chase », a été placé en arrêt de travail pour maladie du 12 juillet 2010 jusqu'au mois d'octobre 2010 et s'est plaint auprès de son employeur, par courriel du 23 juillet 2010, d'avoir été mis sur une voie de garage et de subir un harcèlement moral ; qu'après avoir repris son travail quelques jours à la fin du mois d'octobre 2010, il a, à l'issue de la visite de reprise du 2 novembre 2010, été déclaré « inapte temporaire » et à nouveau placé en arrêt de travail pour maladie ; qu'il a, le 25 février 2011, été licencié pour faute grave ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'ordonner le remboursement à l'organisme concerné du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié et de la condamner à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement alors, selon le moyen :

1°/ que l'exercice d'une activité professionnelle, même non concurrente de celle de l'employeur pendant un congé maladie, constitue un manquement fautif à l'obligation de loyauté préjudiciable à l'employeur ; qu'en affirmant au contraire que l'exercice par le salarié, pendant un arrêt de maladie, d'une activité non concurrente à celle l'employeur et qui ne lui a pas causé de préjudice n'est pas constitutif d'un comportement fautif, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner les griefs de licenciement tels qu'ils sont formulés dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, dans la lettre de licenciement, l'employeur ne reprochait pas seulement au salarié d'avoir travaillé pour le compte d'une société qu'il avait créée pendant son congé maladie, mais encore d'avoir manqué de loyauté en lui cachant cette activité et en prétendant à la même époque « ne pas être prêt à "affronter un rendez-vous client" pour le compte de la société EMC » pour solliciter un télétravail, qu'il était précisé devant les juges du fond, grâce à l'attestation de M. Z... jugée crédible par la cour d'appel, que le salarié « se vantait ouvertement auprès de ses collègues de travail de consacrer son temps au développement de son hôtel de luxe dans les Alpes », suscitant ainsi « un vif émoi parmi les collaborateurs », qu'en omettant d'examiner si ce grief tiré de la déloyauté du salarié, distinct du seul travail pendant le congé maladie, n'était pas caractérisé et de nature à justifier le licenciement pour faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner les griefs de licenciement tels qu'ils sont formulés dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait non seulement au salarié d'avoir travaillé comme gérant de la société Le Chalet des Domaines de la Vanoise pendant ses congés maladies, mais encore de s'être « consacré pleinement au développement d'un projet professionnel depuis plusieurs mois » ; que l'employeur précisait devant les juges du fond que le salarié s'était consacré à la création de la société d'hôtellerie Le Chalet des domaines de la Vanoise « alors qu'il était supposé être au service de la société EMC [ce qui] explique sans aucun doute pourquoi les commerciaux le trouvaient difficilement joignable et peu transparent sur son emploi du temps », qu'il justifiait en effet qu'avant que le salarié soit en congé maladie, il avait utilisé le matériel de l'entreprise et avait passé de nombreux appels téléphoniques pour son autre activité bien qu'il était stipulé dans son contrat de travail qu'il « s'engage à consacrer la totalité de son temps de travail à l'exécution de ses fonctions », qu'en omettant d'examiner ce grief, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu que l'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ; que pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise ;

Et attendu qu'ayant retenu, d'une part que la société qui n'apportait pas la preuve que le salarié ait perçu une rémunération de son activité de gérant de la SARL ne pouvait valablement lui opposer la clause d'exclusivité figurant dans son contrat de travail, d'autre part que l'implication du salarié dans la constitution de la SARL Le Chalet des Domaines de la Vanoise ne constituait pas une activité concurrente à celle de la société employeur, leader mondial de stockage informatique, et n'était pas de nature à lui porter préjudice, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société EMC Computer Systems France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société EMC Computer Systems France à payer à M. K... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société EMC Computer Systems France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR jugé le harcèlement moral établi et condamné la société EMC Computer Systems France à payer à M. K... la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, d'AVOIR dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ordonné le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié, et d'AVOIR condamné la société EMC Computer Systems France à payer à M. K... les sommes de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 20 714,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2 071,42 euros à titre de congés payés sur préavis, 6 124,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE sur le harcèlement moral, M. K... soutient que la modification de ses fonctions constituait une rétrogradation déguisée, qu'un mois après son changement son emploi du temps était toujours vide et que « la mise au placard » qui lui a été imposée a entraîné une grave dépression réactionnelle ; qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; qu'en application de l'article L. 1154-1, dans sa version applicable au présent litige, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il n'est pas discuté qu'à partir du 1er juillet 2010 M. K... a été intégré à l'équipe « District Chasse » et que le mois de juin devait être utilisé pour assurer une transition ; qu'il résulte du courrier de la société EMC Computer Systems France du 27 juillet 2010 évoquant l'insatisfaction de plusieurs ingénieurs commerciaux qui ont eu à travailler avec M. K... et son manque d'implication dans le traitement de certains dossiers et de l'attestation de M. A..., responsable avant-vente, que ce changement de poste avait été imposé à M. K... en raison de ces difficultés ; que le courrier établit également que M. K... souhaitait que ce changement soit présenté comme une promotion accompagnée d'une augmentation de salaire, ce qui lui a été refusé ; que M. K... allègue qu'à partir de son changement de service, il a été laissé sans travail ; qu'il résulte du mail de M. B..., manager, du 7 juillet 2010 « peux-tu svp me rappeler avec qui tu bosses sur le district? Sinon quels sont tes rendez-vous cette semaine ? » et de la réponse « Stéphane n'a pas encore statué (c'est en cours) apparemment je devrais travailler avec JP M... et peut-être JC J.... Je n'ai pas de rvd prévu cette semaine » que le changement de fonction n'avait pas été effectivement mis en place au mois de juillet ; que cet élément et la circonstance que le mois de juin avait été présenté comme étant une période de transition corrobore la sincérité de l'agenda des mois de juin et juillet 2010 produit par M. K... dont il résulte qu'il avait eu une activité extrêmement limitée ; que M. D..., M. E..., M. F..., Mme G..., amis de M. K... , attestent séparément de ce que celui-ci leur avait exprimé son inquiétude concernant son changement de poste au mois de mai 2010 et de ce qu'à la fin du mois de juin 2010 il leur avait indiqué qu'il s'était retrouvé sans activité, sans rendez-vous ; que tous les quatre témoignent de ce qu'à partir du mois juin 2010, il était en grande difficulté personnelle, très abattu et inquiet ; que Mme H..., cliente du Chalet la Vanoise, atteste que lors de son séjour au cours du mois de février 2011 elle a été accueillie par Mme K... et que lorsqu'elle croisait M. K... dans les escaliers ou sur le parking, il était habillé de façon négligée et semblait « perdu et absent » ; que la dégradation de l'état de santé de M. K... est confirmée par ses nombreux arrêts de travail pour maladie, le premier en date du 21 juin 2010, par la production des ordonnances médicales lui prescrivant un traitement médicamenteux à partir du mois de juillet 2010, par l'avis d'inaptitude temporaire du 2 novembre 2010 et par les attestations très circonstanciées rédigées par Mme I..., psychologue neurologue, les 9, 15 et 23 décembre 2010, 7 et 18 janvier 2011 qui décrit l'épisode de dépression majeure persistante de M. K... malgré un suivi psychothérapeutique intensif ; que les faits ainsi établis par M. K... , pris dans leur ensemble, permettant de présumer l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, il incombe à la société EMC Computer Systems France de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que l'attestation de M. A... mettant en cause l'activité professionnelle antérieure de M. K... , mais indiquant aussi que dans son nouveau poste il allait travailler avec un responsable commercial, le mail du 1er juin 2010 de M. B... demandant à M. K... de se rapprocher de lui pour mettre en place son engagement dans le district Chasse et le mail du 21 juin reprochant à M. K... son absence à une réunion, alors qu'il était ce jour-là en arrêt de maladie, ne justifient pas que les agissements laissant présumer l'existence d'un harcèlement étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au contraire, ils établissent qu'aucune mesure n'avait été prise pour préparer le changement de fonction imposé et donner au salarié les moyens de faire face à ses nouvelles responsabilités et que, notamment, aucun responsable commercial n'avait été désigné comme étant son partenaire ; qu'infirmant le jugement, il convient donc de dire le harcèlement moral établi ; que la dégradation grave de l'état de santé de M. K... est établie sur la période des mois de juillet 2010 à févier 2011 ; qu'en revanche, à l'exception de factures de consultations psychologiques des mois d'avril et mai 2011, aucun élément n'est communiqué pour la période ultérieure ; que le préjudice subi par M. K... sera réparé par l'allocation d'une somme de 3000 euros ;

1) ALORS QU'il incombe au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité d'une pluralité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'un fait isolé, même associé à une dégradation de l'état de santé établi notamment par des documents médicaux, n'est pas de nature à caractériser le harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le harcèlement était caractérisé par la seule « mise au placard » dont se prévalait le salarié qui établissait, selon la cour d'appel, un changement de fonctions imposé, sans augmentation ni promotion, suivi d'une activité extrêmement réduite et un état de santé dégradé, sans que l'employeur justifie la situation par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral ; qu'il en résulte, comme le soutenait l'employeur en cause d'appel (conclusions d'appel page 9 in fine et page 10), que la cour d'appel, qui a retenu qu'un fait isolé pouvait caractériser un harcèlement moral, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE si les faits matériellement établis par le salarié, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il doit pour ce faire prendre en compte tous les éléments avancés par l'employeur ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que les éléments avancés par le salarié font présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que l'attestation de M. A..., le mail du 1er juin 2010 de M. B... et le mail du 21 juin ne justifient pas que les agissements laissant présumer l'existence d'un harcèlement étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'elle n'a cependant pris en compte ni le courriel du 3 juin 2010 invitant M. K... à une réunion (pièce d'appel n° 8), ni la présentation des changements organisationnels concernant M. K... comme d'autres salariés lors de la réunion du 2 juillet 2010 (pièce d'appel n° 27), ni la présentation à l'ensemble du personnel du district « chasse » auquel était affecté M. K... comme « un de nos principaux relais de croissance pour les trois années à venir » (pièce d'appel n° 24), ni le fait que les congés maladie du salarié, du 21 au 26 juin 2010 puis à compter du 12 juillet 2010, ont perturbé son installation dans ses nouvelles fonctions ; qu'il en résulte que la cour d'appel n'a pas exercé son office conformément aux articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail a violé les textes susvisés.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ordonné le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié, et d'AVOIR condamné la société EMC Computer Systems France à payer à M. K... les sommes de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 20 714,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2 071,42 euros à titre de congés payés sur préavis, 6 124,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

AUX MOTIFS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque ; que la société EMC Computer Systems France qui n'apporte pas la preuve que M. K... ait perçu une rémunération de son activité de gérant de la SARL ne peut valablement lui opposer la clause d'exclusivité qui figure dans son contrat de travail ; que l'obligation de loyauté est maintenue pendant la période de suspension du contrat de travail résultant d'un arrêt de maladie ; que, cependant, l'exercice par le salarié, pendant un arrêt de maladie, d'une activité non concurrente à celle l'employeur et qui ne lui a pas causé de préjudice n'est pas constitutif d'un comportement fautif ; qu'en l'espèce, l'implication de M. K... dans la constitution de la SARL Le Chalet des Domaines de la Vanoise, la circonstance que sur le site internet il figure comme contact avec son numéro de portable et qu'il ait eu de nombreuses conversations téléphoniques relatives à la SARL ne constituaient pas une activité concurrente à celle de la société EMC Computer Systems France, leader mondial de stockage informatique, et n'étaient pas de nature à lui porter préjudice ; que, cependant, quand bien même le harcèlement moral est établi, il ne peut être déduit de la circonstance que M. K... se soit plaint de harcèlement moral personnellement le 23 juillet 2010 et par son avocat le 8 septembre 2010, que le licenciement notifié le 25 février 2011 a pour véritable cause ces plaintes ; qu'il convient, infirmant le jugement, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1) ALORS QUE l'exercice d'une activité professionnelle, même non concurrente de celle de l'employeur pendant un congé maladie, constitue un manquement fautif à l'obligation de loyauté préjudiciable à l'employeur ; qu'en affirmant au contraire que l'exercice par le salarié, pendant un arrêt de maladie, d'une activité non concurrente à celle l'employeur et qui ne lui a pas causé de préjudice n'est pas constitutif d'un comportement fautif, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1232-1 et L.1235-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner les griefs de licenciement tels qu'ils sont formulés dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, dans la lettre de licenciement, l'employeur ne reprochait pas seulement à M. K... d'avoir travaillé pour le compte d'une société qu'il avait créée pendant son congé maladie, mais encore d'avoir manqué de loyauté en cachant cette activité à son employeur et en prétendant à la même époque « ne pas être prêt à "affronter un rendez-vous client" pour le compte de la société EMC » pour solliciter un télétravail ; qu'il était précisé devant les juges du fond, grâce à l'attestation de M. Z... jugée crédible par la cour d'appel (arrêt page, § 10), que M. K... « se vantait ouvertement auprès de ses collègues de travail de consacrer son temps au développement de son hôtel de luxe dans les Alpes », suscitant ainsi « un vif émoi parmi les collaborateurs » (pièce d'appel n° 25) ; qu'en omettant d'examiner si ce grief tiré de la déloyauté du salarié, distinct du seul travail pendant le congé maladie, n'était pas caractérisé et de nature à justifier le licenciement pour faute grave, la cour d'appel a violé les articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1, L1234-5, L.1234-9 et L.1235-1 du code du travail.

3) ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner les griefs de licenciement tels qu'ils sont formulés dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait non seulement au salarié d'avoir travaillé comme gérant de la SARL le Chalet des domaines de la Vanoise pendant ses congés maladies, mais encore de s'être « consacré pleinement au développement d'un projet professionnel depuis plusieurs mois » ; que l'employeur précisait devant les juges du fond que M. K... s'était consacré à la création de la société d'hôtellerie le Chalet des domaines de la Vanoise « alors qu'il était supposé être au service de la société EMC [ce qui] explique sans aucun doute pourquoi les commerciaux le trouvaient difficilement joignable et peu transparent sur son emploi du temps » (conclusions d'appel page 16 in fine et page 17) ; qu'il justifiait en effet qu'avant que M. K... soit en congé maladie, il avait utilisé le matériel de l'entreprise EMC Computer Systems France (pièce d'appel n° 11 et 12) et avait passé de nombreux appels téléphoniques (pièce d'appel n° 16) pour son autre activité bien qu'il était stipulé dans son contrat de travail qu'il « s'engage à consacrer la totalité de son temps de travail à l'exécution de ses fonctions » (pièce d'appel n° 22) ; qu'en omettant d'examiner ce grief, la cour d'appel a violé les articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1, L1234-5, L.1234-9 et L.1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-28513
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 nov. 2018, pourvoi n°16-28513


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.28513
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