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15/11/2018 | FRANCE | N°17-25919

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 15 novembre 2018, 17-25919


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mai 2017), que, le 21 mai 2010, M. Y... a donné à bail commercial à Mme E... Z... épouse A... et Mme F... A... (les consorts A...) des emplacements au sein d'une galerie commerciale ; que, les 9 et 13 novembre 2012, M. Y... a signifié aux consorts A... des commandements de payer des loyers ; que ceux-ci l'ont assigné en annulation de ces actes, en résolution judiciaire des baux commerciaux à ses torts et en remboursement du coût des travaux d'aménag

ement des locaux ; que M. Y... a soulevé le défaut de qualité à agi...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mai 2017), que, le 21 mai 2010, M. Y... a donné à bail commercial à Mme E... Z... épouse A... et Mme F... A... (les consorts A...) des emplacements au sein d'une galerie commerciale ; que, les 9 et 13 novembre 2012, M. Y... a signifié aux consorts A... des commandements de payer des loyers ; que ceux-ci l'ont assigné en annulation de ces actes, en résolution judiciaire des baux commerciaux à ses torts et en remboursement du coût des travaux d'aménagement des locaux ; que M. Y... a soulevé le défaut de qualité à agir des consorts A... ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner M. Y... à payer une certaine somme en remboursement des travaux effectués dans les lieux loués, l'arrêt retient que les consorts A... produisent deux factures établies au nom des sociétés La Palmeraie et D... et un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 3 avril 2013 justifiant de la réalité des travaux ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Y... qui soutenait qu'en vertu du principe de la séparation des patrimoines, des personnes physiques ne pouvaient demander le remboursement de frais exposés par des personnes morales, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Y... à payer à Mme E... Z..., épouse A..., et Mme F... A... la somme de 56 483,26 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 9 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les consorts A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts A... à payer à M. Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce que, rejetant la fin de non recevoir soulevée par Monsieur Y... et prise du défaut de qualité de Mesdames A... à agir, il a déclaré ces dernières recevables en leurs demandes,

AUX MOTIFS QUE :

« Aux termes de l'article L. 210-6 du code de commerce, les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits.

En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément du dossier que les SARL LA PALMERAIE et D..., immatriculées respectivement les 20 octobre et 19 juillet 2010, radiées en juillet 2014, aient accompli la formalité exigée par le texte ci-dessus en reprenant les engagements souscrits par Mesdames F... A... et E... Z... épouse A..., cette reprise ne pouvant être implicite et résulter des énonciations figurant dans le procès-verbal de constat du 3 avril 2013.

Par conséquent, la fin de non recevoir soulevée par Monsieur Y... tirée du défaut de qualité à agir de Mesdames F... A... et E... Z... épouse A... doit être rejetée, le premier juge ayant à bon droit déclaré recevables les demandes formées par ces dernières. » ;

1- ALORS QUE, le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; Qu'en la présente espèce, où Monsieur Y... ne se prévalait nullement des dispositions de l'article L. 210-6 du code de commerce à l'appui de sa fin de non recevoir, il n'est que de se reporter aux conclusions signifiées par Mesdames A... le 16 septembre 2016 (prod. 2) pour constater que ces deux intimées ne se sont jamais pré-values du texte susmentionné pour conclure à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait débouté Monsieur Y... de sa fin de non recevoir au motif que, les deux sociétés ayant été radiées du registre du commerce en 2014, Mesdames A... étaient redevenues titulaires des baux commerciaux ; Que c'est donc d'office et sans inviter les parties à en débattre contradictoirement que la cour d'appel a relevé le moyen de droit pris des dispositions de l'article L. 210-6 du code de commerce pour confirmer, par substitution de motifs, le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré Mesdames A... recevables en leurs demandes ; Que, ce faisant, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2- ALORS QUE c'est aux demanderesses à l'action qui ont agi au nom d'une société en formation qu'il appartient de rapporter la preuve de leur qualité à agir en justifiant de ce que, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, la société n'a pas repris les engagements souscrits ; Qu'en énonçant, sans constater que Mesdames A... rapportaient la preuve, leur incombant, de ce que les SARL D... et LA PALMERAIE n'avaient jamais expressément repris les engagements qu'elles avaient souscrits en leur nom avant qu'elles aient acquis la personnalité morale, qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que ces sociétés aient accompli la formalité exigée par l'article L. 210-6 du code de commerce en reprenant les engagements souscrits par Mesdames A..., cette reprise ne pouvant être implicite et résulter des énonciations figurant dans le procès-verbal de constat du 3 avril 2013, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1315, devenu 1353, du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur Y... à payer la somme totale 56.483,26 € en principal à titre de dommages-intérêts à Mesdames A...,

AUX MOTIFS PROPRES QUE :

« C'est par une juste appréciation des circonstances de la cause que le premier juge, après avoir répondu aux arguments en fait et en droit, a accueilli favorablement les demandes des locataires au titre des frais de baux, d'immatriculation au registre du commerce et accessoires ainsi qu'au titre des travaux d'aménagement effectués dans les locaux dont la réalité résulte du procès-verbal de constat effectué le 3 avril 2013 dans les lieux loués, de sorte qu'est sans incidence l'argument exposé par Monsieur Y... du placement en liquidation judiciaire, le 27 juillet 2011, de la société qui a effectué ces travaux d'aménagement. » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE :

« Mesdames A... sollicitent la somme de 12.000 € en remboursement des pas de porte qu'elles ont versés à Monsieur Y.... Cependant, elles n'apportent aucune preuve de ces versements. Elles sont déboutées de ce chef de demande.

Elles sollicitent en outre la somme forfaitaire de 3.000 € représentant les frais de baux, d'immatriculation au registre du commerce et accessoires qu'elles ont exposés en vain. Il sera fait droit à cette demande qui est justifiée.

Mesdames A... sollicitent le remboursement des travaux qu'elles ont fait effectuer, par l'intermédiaire des sociétés LA PALMERAIE et D... qu'elles ont fondées, dans les locaux loués pour pouvoir les exploiter alors que les quatre baux conclus stipulent que « les travaux de cloisonnement, de fermeture, d'équipement et d'aménagement du local spécifiquement loué sont entièrement réalisés à la charge du locataire » et que « le preneur laissera au bailleur, à l'issue du présent bail, tous les travaux de finition, d'amélioration, de modification, de réparation qu'il aura effectués, même avec l'autorisation du bailleur, sans réclamer aucune indemnité ».

Mesdames A... produisent aux débats deux factures émanant de la société PROBATS en date du 29 mai 2010, établies au nom de la société LA PALMERAIE et de la société D... , relatifs à des travaux d'aménagement effectués dans les locaux loués pour des montants de 26.192,40 € et de 15.290,86 €, ainsi qu'un procès-verbal de constat effectué dans les lieux loués par un huissier de justice le 3 avril 2013 établissant que les locaux avaient bien été aménagés en vue de l'exploitation commerciale prévue aux contrats.

Elles sont en conséquence bien fondées à obtenir le remboursement des sommes qu'elles ont ainsi investies en vain.

Monsieur Y... est donc condamné à leur rembourser la somme totale de 41.483,26 € au titre des travaux effectués dans les lieux.

Enfin, elles sollicitent des dommages-intérêts de 50.000 € par bail en indemnisation du préjudice commercial qu'elles ont subi durant les 25 mois qu'ont duré les baux. Elles ne produisent aucun document, ne fournissent aucune information sur cette demande. Il leur sera attribué une indemnité forfaitaire de 3.000 € par bail conclu en vain, pour perte de chance d'obtenir un bénéfice commercial, soit la somme de 12.000 € au total pour les quatre baux.

Monsieur Y... est donc condamné à payer à Madame E... Z... épouse A... et à Madame F... A... la somme totale de 56.483,26 € (3.000 € + 41.483,26 € + 12.000 €) à titre de dommages-intérêts. »
1- ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; Que Monsieur Y... faisait valoir en page 5 de ses conclusions d'appel (prod. 2) que les factures dont Mesdames A... demandaient le remboursement avaient été établies au nom des SARL D... et LA PALMERAIE, si bien qu'en vertu du principe de la séparation des patrimoines, des personnes physiques ne pouvaient demander le remboursement de frais exposés par des personnes morales ; Qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a inclus le montant des factures litigieuses dans les sommes allouées à Mesdames A... en suite de la résolution des baux commerciaux sans même s'expliquer sur le moyen de Monsieur Y... fondé sur le principe de la séparation des patrimoines, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2- ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; Que Monsieur Y... faisait également valoir en page 5 de ses conclusions d'appel (prod. 2) que les factures dont Mesdames A... demandaient le remboursement étaient des factures non acquittées, ne comportant pas le cachet et la signature du gérant de la société liquidée qui les a établies, et n'avaient probablement jamais été réglées ; Qu'en énonçant, sans vérifier ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions dont elle était saisie si Mesdames A... justifiaient du paiement effectif des factures non acquittées dont elles demandaient le remboursement, que c'est « par une juste appréciation des circonstances de la cause que le premier juge, après avoir répondu aux arguments en fait et en droit, a accueilli favorablement les demandes des locataires (
) au titre des travaux d'aménagement effectués dans les locaux dont la réalité résulte du procès-verbal de constat effectué le 3 avril 2013 dans les lieux loués, de sorte qu'est sans incidence l'argument exposé par Monsieur Y... du placement en liquidation judiciaire, le 27 juillet 2011, de la société qui a effectué ces travaux d'aménagement », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-25919
Date de la décision : 15/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 15 nov. 2018, pourvoi n°17-25919


Composition du Tribunal
Président : M. Echappé (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.25919
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