LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 janvier 2017), que, par contrat verbal conclu en 1984, réitéré par écrit en 1990, Jeannine Y..., propriétaire d'une parcelle de soixante-dix ares et soixante centiares, l'a louée à M. A... ; que, par acte du 15 novembre 2013, elle a consenti une promesse de vente à des tiers ; que le notaire instrumentaire a notifié le projet de vente à M. A... en vue d'une éventuelle préemption ; que, par lettre du 18 janvier 2014, il lui a fait connaître qu'il s'agissait d'une erreur, le statut du fermage n'étant pas applicable à une parcelle de faible superficie ; que M. A... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en exécution de sa préemption et contestation du prix ;
Attendu que les consorts Y..., ayants droit de Jeannine Y..., font grief à l'arrêt de dire que la location est soumise au statut des baux ruraux ;
Mais attendu qu'ayant retenu exactement qu'il est loisible aux parties de soumettre au statut du fermage les parcelles d'une superficie inférieure au minimum légal et relevé, dans la recherche de leur commune intention, que la bailleresse et le preneur avaient signé un bail le 11 janvier 1990 aux termes duquel Jeannine Y... déclarait avoir loué le terrain depuis 1984, que le « compromis » de vente du 15 novembre 2013 comportait une clause, intitulée « purge droit de préemption du fermier », déclarant l'existence d'un fermier en la personne de M. A..., et prévoyant une condition suspensive de renonciation à son droit de préemption et d'exploitation préalablement à l'acte authentique, qu'en exécution de cette stipulation le notaire instrumentaire avait notifié la cession à cet exploitant en lui rappelant son droit de préemption et les modalités d'exercice de celui-ci, la cour d'appel a retenu souverainement que les dispositions du statut du fermage étaient applicables et, sans méconnaître ses pouvoirs, désigné un expert afin de déterminer la valeur vénale du bien dans les conditions prévues par l'article L. 412-7 du code rural et de la pêche maritime ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes Y... et Z... et MM. Jean-Paul et Philippe Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mmes Y... et Z... et MM. Jean-Paul et Philippe Y... et les condamne à payer à M. A... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mmes Y... et Z... et MM. Jean-Paul et Philippe Y....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement entrepris ayant décidé que le contrat verbal de location passé en 1984 entre les parties n'était pas un bail à ferme, et ayant ordonné l'expulsion de M. A..., et de tous les occupants entrés de son chef, de la parcelle n° [...] [..., commune de [...], propriété de Mme Janine Y..., au besoin avec le recours de la force publique, et D'AVOIR désigné, en qualité d'expert, M. C..., géomètre expert, avec pour mission de se faire remettre, par les parties et les tiers, tous documents utiles, de visiter ‘‘A [...] [...] , la parcelle [...] [...] d'une superficie de 00 ha 71 a 60 ca'', de fournir toutes précisions sur les caractéristiques physiques et le statut juridique du terrain, et d'en évaluer le prix ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 411-3 du code rural, "Après avis de la commission consultative des baux ruraux, des arrêtés de l'autorité administrative fixent, en tenant compte des besoins locaux ou régionaux, la nature et la superficie maximum des parcelles de terres ne constituant pas un corps de ferme ou des parties essentielles d'une exploitation agricole pour lesquelles une dérogation peut être accordée aux dispositions des articles L 411-4 à L 411-7, L. 411-8 (alinéa 1), L 411-11 à L 411-16 et L 417-3; La nature et la superficie maximum des parcelles à retenir lors de chaque renouvellement de la location sont celles mentionnées dans l'arrêté en vigueur à cette date. / La dérogation prévue au premier alinéa ne s'applique pas aux parcelles ayant fait l'objet d'une division depuis moins de neuf ans. / Lorsqu'il n'est pas constaté par écrit, le bail des parcelles répondant aux conditions du premier alinéa est soumis aux dispositions de l'article 1774 du code civil » ; qu'il est cependant loisible aux parties de soumettre au statut du fermage les baux des parcelles qu'elles concluent, auraient-elles une surface inférieure au minimum légal ; qu'en l'espèce le bailleur et le preneur dont signé un bail le 11 janvier 1990 aux termes duquel Madame Y... demeurant [...] [...] déclarait avoir loué depuis 1984 les parcelles [...] et [...] ; qu'aux termes du compromis de vente signé le 15 novembre 2013, Madame Jeanine D..., veuve de Monsieur Y... vendait à Monsieur Henri E... et à Madame Sophie F... une parcelle de terrain en partie constructible cadastrée [...] [...] à [...] d'une superficie de 00 ha 71 ca dont il n'est pas contesté qu'il s'agit du même terrain que celui qui a fait l'objet de l'acte du 11 janvier 1990 ; qu'il est constant que cette superficie est inférieure à la superficie maximum visée à l'article L 411-3 du code rural ; que ce compromis de vente précise dans une clause particulière : / "PURGE DROIT DE PREEMPTION DU FERMIER / Le vendeur déclare qu'il existe un fermier sur la parcelle en la personne de Monsieur Didier A... demeurant à [...], [...], Les présentes sont conclues sous la condition suspensive que le fermier renonce à son droit de préemption et d'exploitation préalablement à la signature de l'acte authentique de vente. / Il autorise Maître Anne G..., Notaire à LA [...] (24) à purger le droit de préemption." ; qu'en exécution de cette stipulation contractuelle, le notaire a notifié à Monsieur A... la cession d'immeuble en lui rappelant son droit de préemption et les modalités d'exercice de celui-ci ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 14 janvier 2014, Monsieur A... a notifié à Madame Y... son intention d'exercer son droit de préemption et de saisir le tribunal paritaire des baux ruraux d'une action à fin d'expertise judiciaire en application des dispositions de l'article L 412-7 du code rural et maritime ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 03 février 2014, le conseil de Monsieur A... s'étonnait auprès du notaire du courrier qu'il avait adressé Monsieur A... le 18 janvier 2013 pour lui indiquer "L'inefficacité de l'exercice de son droit de préemption, comme n ‘en étant pas titulaire." ; que l'article L 412-7 du code rural et de la pêche maritime dispose : "Si le bénéficiaire du droit de préemption estime que le prix et les conditions de la vente sont exagérés, il peut en saisir le tribunal paritaire qui fixe, après enquête et expertise, la valeur vénale des biens et les conditions de la vente" ; que dans ces conditions, le bailleur qui fait inscrire au compromis de vente le droit de préemption dont est titulaire celui qu'il présente, de manière certaine et non équivoque, comme fermier titulaire d'un droit de préemption ne peut, après que le preneur a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux sur le fondement de l'article L 412-7 prétendre qu'il s'agit d'un bail sur une petite parcelle exclusive de ce droit ; qu'il résulte en effet de cette mention que les parties avaient bien entendu soumettre au statut du fermage le bail conclu sur cette parcelle ; que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur A... de sa demande d'expertise qui est de droit et ordonné son expulsion ; que M. A..., pour justifier sa demande d'indemnisation de la perte de la récolte qu'il avait semée suite à son expulsion, produit un rapport de l'expert désigné par sa compagnie d'assurance ; que le preneur ayant quitté les lieux en exécution d'une décision judiciaire n'a pas droit à indemnisation à hauteur du prix de vente de la récolte mais uniquement au remboursement des avances aux cultures qu'il a consenties ; qu'il doit donc en conséquence être débouté de sa demande ;
1. ALORS QUE s'il est loisible aux parties de soumettre volontairement au statut du fermage, un contrat de bail qui en était ordinairement exclu, en raison de la consistance physique des parcelles, la clause de droit applicable n'a d'effet qu'entre les parties contractantes, en vertu du principe de l'effet relatif des conventions ; qu'en retenant l'application du statut du fermage, dès lors que le preneur avait été invité par le notaire instrumentaire à exercer son droit de préemption, en exécution d'une stipulation contractuelle du compromis de vente conclu le 15 novembre 2013 entre la bailleresse et un tiers, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à établir que le bailleur et son locataire avaient manifesté la volonté de se soumettre volontairement au statut du fermage par une clause du compromis auquel le fermier n'était pas partie et qui était donc impropre à régir le contrat de location ; qu'ainsi, elle a violé les articles 1165 et 1134 du code civil dans leur rédaction applicable en l'espèce ;
2. ALORS QUE s'il est loisible aux parties de soumettre volontairement au statut du fermage, un contrat de bail qui en était ordinairement exclu, en raison de la consistance physique des parcelles, son extension conventionnelle ne peut résulter que d'une volonté claire et non équivoque de ne pas se prévaloir des conditions auxquelles est subordonné son bénéfice ; que les consorts Y... ont rappelé dans leurs conclusions, que toute renonciation de la part de Jeannine Y... était nécessairement exclue dès lors que le notaire instrumentaire, par courrier du 18 janvier 2014, a informé M. A... que le statut du fermage ne lui était pas applicable, en raison de la superficie de la parcelle qui lui était donnée à bail, et que la notification de la promesse de vente provenait d'une erreur de sa part qu'il entendait rectifier par le rappel que M. A... n'était pas titulaire du droit de préemption ; qu'en se fondant sur le statut du fermage, en dépit de la consistance physique des parcelles, dès lors que le notaire avait invité le preneur à exercer son droit de préemption, en exécution d'une stipulation contractuelle du compromis de vente conclu le 15 novembre 2013 entre la bailleresse et un tiers, sans s'expliquer sur les termes du courrier précité, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à établir que le bailleur avait renoncé à se prévaloir des conditions posées pour l'application du statut du fermage, et, en particulier de la superficie minimale des parcelles louées ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
3. ALORS QUE le juge ne peut recourir à une mesure d'expertise que pour éclairer une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ; qu'en investissant l'expert de la mission de fournir toutes précisions sur le statut juridique du terrain, la cour d'appel a violé l'article 238, alinéa 3, du code de procédure civile.