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26/01/2017 | FRANCE | N°15/03389

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 26 janvier 2017, 15/03389


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 26 JANVIER 2017



(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)





N° de rôle : 15/03389







[G] [I]



c/



[S] [L]

SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE

GFA COTES A COTES

GFA AMOREAU























Nature de la décision : AU FOND









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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 avril 2015 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE (RG : 12/00895) suivant déclaration d'appel du 04 juin 2015





APPELANT :



[G] [I]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

de na...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 26 JANVIER 2017

(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)

N° de rôle : 15/03389

[G] [I]

c/

[S] [L]

SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE

GFA COTES A COTES

GFA AMOREAU

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 avril 2015 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE (RG : 12/00895) suivant déclaration d'appel du 04 juin 2015

APPELANT :

[G] [I]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Alain PAGNOUX, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[S] [L]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

non représenté, assigné à personne

SAFER AQUITAINE ATLANTIQUE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

représentée par Maître Mathieu BONNET-LAMBERT, avocat au barreau de BORDEAUX

GFA COTES A COTES, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

représenté par Maître Nicolas CARTRON, avocat au barreau de BORDEAUX

GFA AMOREAU, pris en la personne de son représentant légal domicilié en

cette qualité au siège social sis [Adresse 5]

représenté par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Jean-Philippe MAGRET de la SELARL MAGRET, avocat plaidant au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 décembre 2016 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Catherine BRISSET, conseiller, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Catherine COUDY, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

La SAFER Aquitaine Atlantique a exercé son droit de préemption dans le cadre d'un projet de vente entre M. [L] et le GFA Côtes à Côtes portant sur des parcelles d'une superficie totale de 4ha98a54ca situées sur la commune de [Localité 2].

Dans le cadre de la procédure de rétrocession, plusieurs candidats se sont manifestés pour tout ou partie de ces parcelles. M. [I] a dans ce cadre régularisé une promesse unilatérale d'achat sur les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] d'une contenance de 86a49ca.

Les parcelles préemptées ont fait l'objet d'une rétrocession à hauteur de 50% au profit du GFA Amoreau, 30% au profit de M. [Q] et 20% au profit du GFA Côtes à Côtes, la rétrocession des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] ayant été faite au bénéfice de cette dernière entité.

C'est dans ces conditions que M. [I] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Libourne, la SAFER, le GFA Côtes à Côtes et M. [L] aux fins, à titre principal, de voir annuler la rétrocession des parcelles pour lesquelles il avait formulé une promesse d'achat. Il formulait en outre des demandes indemnitaires.

Le GFA Amoreau a déclaré intervenir volontairement à l'instance en invoquant une promesse d'échange en vue d'un remembrement des propriétés, impossible à réaliser compte tenu des rétrocessions.

Par jugement du 9 avril 2015, le tribunal a déclaré l'intervention volontaire irrecevable et débouté M. [I] de ses demandes. Celui-ci a été condamné à payer à la SAFER d'une part et au GFA Côtes à Côtes d'autre part la somme de 1 500 € chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [I] a relevé appel de la décision le 4 juin 2015.

Dans ses dernières écritures en date du 19 octobre 2016, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, il conclut, en substance, à l'infirmation du jugement et à l'annulation de la rétrocession portant sur les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2]. Il demande la condamnation de la SAFER à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il demande enfin que l'intervention volontaire du GFA Amoreau soit déclarée recevable et qu'il soit fait droit aux demandes du GFA.

Il fait valoir que la SAFER avait de manière parfaitement illégitime conditionné la rétrocession des parcelles à son profit à un échange de parcelles qui ne lui appartenaient pas. Il invoque à ce titre un chantage et considère que le fait qu'il n'ait pas proposé d'échange de parcelles ne saurait légitimer ce qui correspond à une rupture d'égalité entre candidats. Il invoque une erreur de droit du tribunal qui n'aurait pas pris en compte les motifs qui doivent présider à la rétrocession. Il invoque une insuffisance de la motivation de la décision de rétrocession, insuffisance équivalant à une absence de motif, cause de nullité. Il considère que le réel motif de l'absence de rétrocession à son profit est l'absence de cession de parcelles par des membres de sa famille, motif parfaitement illégitime. Il estime que les pressions exercées par la SAFER relèvent d'une excès de pouvoir. Il se prévaut d'un projet de répartition qui était beaucoup plus cohérent. Il invoque une contradiction entre le motif allégué par la SAFER et le motif réel. Il invoque l'avis favorable de la commission locale d'aménagement foncier. Il s'explique sur son préjudice. Il estime que la décision doit être opposable à M. [L] et au GFA Côtes à Côtes et que l'intervention du GFA Amoreau est recevable puisque la rétrocession ordonnée le prive de la possibilité d'un échange.

Dans ses dernières écritures en date du 21 décembre 2015, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la SAFER conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention volontaire du GFA et débouté M. [I] de ses demandes. Elle sollicite la condamnation du GFA Amoreau et de M. [I] à lui payer chacun la somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'échappe au juge judiciaire un contrôle de l'opportunité de la décision de rétrocession et que seul un contrôle de régularité et de conformité de la décision avec les objectifs attribués à la SAFER doit être réalisé. Elle soutient que dans ce cadre sa décision était motivée et ce conformément aux objectifs légaux. Elle conteste tout chantage et fait valoir que s'agissant des propositions d'échange M. [I] pouvait parfaitement accepter ou refuser la proposition ou encore en formuler une autre. Elle conteste toute faute et que celle-ci ait pu causer un préjudice indemnisable. Quant à l'intervention du GFA Amoreau, elle invoque l'absence de justification de la formalité de publicité foncière de la demande. Elle ajoute que ce GFA ne s'est jamais porté candidat à l'acquisition des parcelles litigieuses de sorte qu'il n'a pas d'intérêt à agir. Sur le fond, elle ajoute que ce GFA a lui-même bénéficié de la rétrocession qu'il avait sollicitée.

Dans ses dernières conclusions en date du 16 novembre 2016, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, le GFA Côtes à Côtes conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. [I] au paiement de la somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, il demande à être considéré comme investi du droit de propriété sur les parcelles en tant qu'acquéreur de bonne foi. Plus subsidiairement, il demande la condamnation de la SAFER à lui rembourser la somme de 13 623,38 € au titre du prix de parcelles et à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que l'échange 'à terme' invoqué par le GFA Amoreau ne fait pas naître un lien suffisant avec l'instance initiée par M. [I]. Il ajoute que la banalité du motif de rétrocession à son profit telle qu'invoquée par M. [I] ne modifie en rien le fait que le motif existe et était légal. Il rappelle qu'il n'y a pas lieu à contrôle de l'opportunité de la rétrocession à son profit. Il soutient que s'il était fait droit à la demande de l'appelant cela reviendrait à remettre en cause uniquement la rétrocession d'une partie des parcelles dans ce qui relevait d'une rétrocession envisagée globalement. Il excipe de sa qualité de propriétaire de bonne foi. Très subsidiairement, il invoque les conséquences d'une annulation de la rétrocession.

Dans ses dernières écritures en date du 26 octobre 2015, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, le GFA Amoreau conclut à l'infirmation du jugement, à la recevabilité de son intervention volontaire et à l'annulation de la rétrocession des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2]. Il sollicite la condamnation de la SAFER à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 3 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient qu'il avait bien un intérêt à intervenir dans la mesure où la rétrocession contestée a bien empêché le remembrement proposé alors qu'il existait bien un projet d'échange des parcelles. Sur le fond, il considère la rétrocession litigieuse est intervenue parce que la SAFER a privilégié la candidature du GFA Côtes à Côtes de surcroît avec un motif erroné d'installation d'un jeune agriculteur et en usant de manoeuvres dans des conditions relevant de l'abus de droit. Il estime que son préjudice procède de l'impossibilité de réaliser le remembrement.

M. [L] n'a pas constitué avocat. M. [I] lui a fait signifier sa déclaration d'appel le 3 septembre 2015 et ses écritures du 19 octobre 2016 le 27 octobre 2016.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 17 novembre 2016.

M. [I] a pris le 21 novembre 2016 de nouvelles écritures tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture. Sur le fond, il conclut, en substance, à l'infirmation du jugement et à l'annulation de la rétrocession portant sur les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2]. Il demande la condamnation de la SAFER à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il demande enfin que l'intervention volontaire du GFA Amoreau soit déclarée recevable et qu'il soit fait droit aux demandes du GFA.

Il fait valoir que la SAFER avait de manière parfaitement illégitime conditionné la rétrocession des parcelles à son profit à un échange de parcelles qui ne lui appartenaient pas. Il invoque à ce titre un chantage et considère que le fait qu'il n'ait pas proposé d'échange de parcelle ne saurait légitimer ce qui correspond à une rupture d'égalité entre candidats. Il invoque une erreur de droit du tribunal qui n'aurait pas pris en compte les motifs qui doivent présider à la rétrocession. Il invoque une insuffisance de la motivation de la décision de rétrocession, insuffisance équivalent à une absence de motif cause de nullité. Il considère que le réel motif de l'absence de rétrocession à son profit est l'absence de cession de parcelles par des membres de sa famille, motif parfaitement illégitime. Il estime que les pressions exercées par la SAFER relève d'une excès de pouvoir. Il se prévaut d'un projet de répartition qui était beaucoup plus cohérent. Il invoque une contradiction entre le motif allégué par la SAFER et le motif réel. Il invoque l'avis favorable de la commission locale d'aménagement foncier. Il s'explique sur son préjudice. Il estime que la décision doit être opposable à M. [L] et au GFA Côtes à Côtes et que l'intervention du GFA Amoreau est recevable puisque la rétrocession ordonnée le prive de la possibilité d'un échange.

Compte tenu de l'accord des parties et des intérêts en cause il a été procédé à la révocation de l'ordonnance de clôture, à l'admission de ces écritures tardives et à la clôture de la procédure avant les débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

S'agissant de l'intervention volontaire du GFA Amoreau, il résulte des dispositions de l'article 328 du code de procédure civile que l'intervention volontaire est principale ou accessoire. Le GFA Amoreau qui conclut à la réformation du jugement qui a déclaré son intervention irrecevable ne précise pas dans ses écritures s'il entend intervenir à titre principal ou accessoire et indique uniquement avoir un intérêt majeur à connaître de cette procédure.

Son intervention ne saurait être principale au sens de l'article 329 du code de procédure civile. En effet, s'il conclut à l'annulation de la rétrocession des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] il convient de rappeler que le GFA Amoreau, directement ou par l'intermédiaire de son gérant, ne s'est jamais porté candidat à l'acquisition de ces parcelles. Il n'avait donc pas qualité pour agir en nullité de la rétrocession puisqu'il n'était pas candidat évincé de sorte qu'à défaut de droit d'agir au sens de l'article 329 du code de procédure civile, une intervention volontaire à titre principal ne pouvait être recevable. En outre, toujours au titre d'une intervention à titre principal, l'intervenant n'a pas répondu au moyen de la SAFER invoquant l'absence de publicité foncière de sa demande d'annulation de la rétrocession. Sur le fondement de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention volontaire est donc nécessairement irrecevable.

Il convient toutefois de déterminer si elle peut être recevable sur le fondement de l'article 330 du code de procédure civile et donc à titre accessoire et ce bien que l'intervenant lui-même ne s'explique véritablement qu'a minima de ce chef. Pour qu'une telle intervention volontaire soit recevable il est nécessaire que son auteur ait intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir une partie, en l'espèce M. [I]. C'est donc ce que soutient l'intervenant en faisant valoir que la rétrocession litigieuse l'a privé de la possibilité ultérieure de réaliser l'échange projeté des parcelles. Cependant, ainsi que l'a rappelé le tribunal, encore faut-il que, en application des dispositions de l'article 325 du code de procédure civile, l'intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. Or, tel n'est absolument pas le cas en l'espèce puisque le GFA Amoreau a bien bénéficié d'une rétrocession au titre d'autres parcelles objet de la préemption et que les parcelles visées par l'échange projeté à savoir AC 150 pour partie et AC 159 sont étrangères au débat de l'instance initiée par M. [I] et portant sur les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2]. En l'absence de lien suffisant avec les prétentions de M. [I] c'est à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable l'intervention volontaire.

Le jugement sera confirmé de ce chef. L'intervention étant irrecevable le GFA Amoreau sera condamné à payer à la SAFER la somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de l'action de M. [I], il apparaît que la SAFER a exercé son droit de préemption sur la vente de différentes parcelles de terres à usage viticole dans le cadre d'une vente projetée entre M. [L] et le GFA Côtes à Côtes. L'exercice du droit de préemption n'est pas en lui-même contesté et seul fait l'objet d'un débat la décision de rétrocession d'une partie des parcelles préemptées au profit du GFA Côtes à Côtes.

Il convient de rappeler que le contrôle juridictionnel ne peut porter que sur la régularité et la légalité de la décision de rétrocession contestée et non pas sur son opportunité.

En l'espèce, et de manière factuelle, il convient de rappeler que le GFA Côtes à Côtes était acquéreur dans le cadre de la vente initiale de l'ensemble des parcelles d'une contenance approchant les 5 hectares. Suite à l'exercice du droit de préemption plusieurs candidats se sont présentés. Le GFA Amoreau s'est vu rétrocéder les parcelles qu'il demandait. M. [Q] s'est vu également rétrocéder les parcelles qu'il demandait. Quant à M. [I] il a été évincé au profit du GFA Côtes à Côtes qui s'est vu rétrocéder les parcelles objet du présent litige, lesquelles correspondaient à une partie des parcelles qu'il entendait initialement acquérir.

Il est parfaitement exact que par application des dispositions de l'article L143-3 du code rural et de la pêche maritime la décision de rétrocession doit être motivée.

En l'espèce la SAFER a motivé sa décision de la manière suivante : agrandissement d'une exploitation du secteur mise en valeur par une SCEA à 2 associés. Il n'a jamais été fait état d'un motif tiré de la première installation d'un agriculteur. Pour conclure à la réformation du jugement, M. [I] soutient que le motif, tel que retenu par la SAFER, est banal et de pure forme de sorte qu'il ne peut se suffire à lui même et que cette insuffisance de motivation équivaut à un défaut de motivation.

Le fait qu'un motif soit 'banal' ne saurait en soit le priver de pertinence pourvu, comme c'est le cas en l'espèce, qu'il relève d'un des objectifs assignés à la SAFER par les dispositions de l'article L 143-2 du code rural et de la pêche maritime. M. [I] soutient que le tribunal aurait commis une erreur de droit en confondant l'objet du droit de préemption qui relève des dispositions précitées et les motifs qui doivent présider à la rétrocession qui relèveraient eux de l'article L 141-1 du même code.

Or, les dispositions de l'article L 141-1 du code rural sont relatives aux missions de la SAFER alors que celles de l'article L 143-3 si elles tiennent au droit de préemption sont prévues précisément parce que le droit de préemption n'est exercé que pour procéder à une rétrocession. Dès lors les motifs admissibles au titre d'une rétrocession sont bien les mêmes que ceux admissibles pour l'exercice du droit de préemption étant rappelé que la SAFER n'a pas l'obligation pour des parcelles déterminées de viser le même motif lors de sa décision de préemption puis lors de sa décision de rétrocession, celle-ci étant prise après que les candidats aient pu présenter leur dossier.

En l'espèce, la cour ne peut que constater que le motif d'agrandissement d'une exploitation du secteur est bien un motif prévu par l'article L 143-3 lequel en son 2° prévoit la consolidation d'exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, dans les conditions prévues à l'article L. 331-2. Au surplus l'appelant fait référence aux dispositions de l'article R 141-1 du code rural lesquelles au titre des objectifs possibles d'une rétrocession prévoient qu'elle soit réalisée au profit soit de propriétaires ou d'exploitants dont les propriétés ou les exploitations sont mal adaptées à une mise en valeur rationnelle ou n'atteignent pas une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles.

Dès lors le motif d'agrandissement d'une exploitation du secteur correspond bien à un des objectifs définis par la loi et aux critères possibles de rétrocession.

M. [I] soutient encore que ce motif tel qu'énoncé ne serait pas le motif réel. Il invoque des pressions exercés non seulement sur lui mais encore sur sa famille pour qu'il soit procédé à un échange au profit du GFA Côtes à Côtes et que c'est à raison de son refus qu'il n'aurait pas bénéficié de la rétrocession.

Il est manifeste qu'il a existé des discussions qui, dans le cadre d'un projet plus vaste que la simple rétrocession des parcelles préemptées, envisageaient que soit en outre rétrocédée au profit du GFA Côtes à Côtes une autre parcelle propriété du père de M. [I]. L'appelant fait valoir qu'il ne pouvait lui être imposé de céder une parcelle qui ne lui appartenait pas. Cependant, il convient d'observer que les éléments du dossier permettent de constater une exploitation qui s'inscrivait non pas simplement dans un contexte familial mais dans le cadre d'une SCEA constituée à cet effet. Mais surtout, le simple fait qu'un tel projet qui emportait une restructuration plus vaste ait été envisagé ne saurait être en soi constitutif de pressions comme le soutient l'appelant, alors qu'il n'est justifié d'aucun élément caractérisant de telles pressions. Il s'agissait d'une possibilité à laquelle il était envisageable de consentir ou non. M. [I] n'y a pas consenti ou n'a pas été en mesure de le faire suite à une absence d'accord de son père, sans que la cour ait à se prononcer sur la question laquelle importe peu, de sorte que la SAFER s'est retrouvée dans la position d'arbitrer entre deux demandes concurrentes portant sur les mêmes parcelles. Une demande avait pour objectif un agrandissement d'exploitation au profit de l'acquéreur initialement évincé lequel obtenait une partie des surfaces et l'autre un agrandissement d'exploitation dans le cadre de parcelles contiguës. Les deux motifs de rétrocession étaient envisageables dans le cadre des objectifs assignés à la SAFER et des dispositions des articles L 143-3 et R 141-1 du code rural.

Dès lors et sous le couvert d'une contestation sur la légalité, il apparaît que l'appelant vient en réalité contester l'opportunité de la rétrocession en considérant que le projet qu'il présentait et qui aurait permis une restructuration de trois propriétés était finalement meilleur que celui retenu par la SAFER, ce qui échappe au pouvoir juridictionnel du tribunal et de la cour.

Pour le surplus, M. [I] procède par affirmations lorsqu'il soutient que le GFA aurait été déloyal dans son acte de candidature et n'aurait pas déclaré les surfaces qui étaient les siennes.

Dès lors, aucun des moyens soulevés par M. [I] ne peut prospérer de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté sa demande en annulation de la rétrocession et ses demandes indemnitaires qui en étaient l'accessoire.

La rétrocession n'étant pas annulée, il n'y a pas lieu à dommages et intérêts au profit du bénéficiaire de la rétrocession qui formulait une demande dans le cadre d'un subsidiaire.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions. L'appel étant mal fondé, M. [I] sera condamné à payer à la SAFER la somme de 2 000 € et au GFA Côtes à Côtes celle de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens sauf ceux liés à l'intervention volontaire qui demeureront à la charge de l'intervenant.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne le GFA Amoreau à payer à la SAFER Aquitaine Atlantique la somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] à payer à la SAFER Aquitaine Atlantique la somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] à payer au GFA Côtes à Côtes la somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [I] aux dépens d'appel hors ceux liés à l'intervention volontaire qui demeureront à la charge du GFA Amoreau.

Le présent arrêt a été signé par Madame Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 15/03389
Date de la décision : 26/01/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°15/03389 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-26;15.03389 ?
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