LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 juin 2017), que la société Les Productions de la Baleine (la société LPB), spécialisée dans la réalisation et la production de films documentaires et publicitaires, a proposé en avril 2011 à la société Arte France (la société Arte), qui diffuse et édite des programmes audiovisuels, un projet de documentaire sur la vie de Mme Brigitte A..., auquel cette dernière a donné son accord ; que parallèlement, la société Arte et la société Gaumont ont conclu le 21 juin 2011 une convention portant sur le développement d'un documentaire sur l'actrice, intitulé « [...] », lequel a été validé par la conférence des programmes de la chaîne le 3 novembre 2011 ; que la société Arte France, qui avait confirmé le 31 mai 2011 à la société LPB avoir reçu sa proposition de documentaire et l'avait informée de sa transmission à un service interne le 26 septembre 2011, a rejeté le projet le 8 décembre 2011 aux motifs qu'un autre projet était en cours sur ce thème depuis mai 2011 ; qu'ayant appris que la société Arte prévendait un documentaire coproduit avec la société Gaumont sur la vie de Mme A... et intitulé « [...]», ultérieurement renommé « A... la Méprise » et que la société Arte entendait poursuivre avec la société Gaumont ce projet, lequel a été diffusé sur la chaîne Arte le 27 novembre 2013, la société LPB a assigné dans deux instances distinctes, successivement, la société Gaumont et la société Arte en paiement de dommages-intérêts pour rupture des pourparlers et concurrence déloyale ; que la société LPB a été mise en redressement judiciaire, M. X... et M. Y... étant désignés respectivement administrateur et mandataire judiciaires ;
Attendu que la société LPB et MM. X... et Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande indemnitaire formée contre la société Arte au titre de la concurrence déloyale alors, selon le moyen, qu'en se bornant à reproduire les motifs de l'arrêt qu'elle a rendu le 6 décembre 2016, déboutant la société Les Productions de la Baleine de son action en concurrence déloyale dirigée contre la société Gaumont Télévisions à propos du même projet, la cour d'appel s'est prononcée par motivation faisant peser un doute légitime sur son impartialité et ainsi violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'il résulte des arrêts en cause que la cour d'appel a tranché deux litiges similaires concernant la même partie demanderesse, pour le même projet documentaire, mettant en jeu les mêmes fondements juridiques et jugés au vu des mêmes preuves, pour l'essentiel ; que la similitude de rédaction des deux arrêts, qui découle de la similitude des causes, ne révèle à elle seule aucune partialité de la cour d'appel concernée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Productions de la Baleine, MM. X... et Y... en leurs qualités respectives d'administrateur et de mandataire judiciaires de cette société, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société Les Productions de la Baleine, M.M X... et Y..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Les Productions de la Baleine fait grief à l'arrêt attaqué
DE L'AVOIR déboutée de sa demande indemnitaire formée contre la société Arte France au titre de la concurrence déloyale ;
AUX MOTIFS QUE « l'ébauche de scénario "A... par A..." que la société Les Productions de la Baleine met aux débats est constituée d'un album photographique, pourvu de quelques commentaires épars, selon un ordre chronologique, que son gérant qualifie lui-même de captures d'écran, c'est-à-dire de photos de captures de films, vidéos clips, interviews, émissions télévisées ; que les thématiques abordées dans cette ébauche, concernant l'enfance de Brigitte A..., sa pratique de la danse, ses débuts au cinéma, les films qu'elle préfère, sa carrière de chanteuse, les hommes de sa vie, des séquences amusantes réunies sous l'intitulé « c'est rigolo » font partie de passages biographiques obligés d'une oeuvre qui prétend mêler la vie publique et la vie privée d'une vedette du grand écran et qui, en tant que tels, ne présentent aucun originalité, ni par leur contenu, largement public, ni par leur agencement ; que comme le souligne justement la société Arte France, l'idée de réaliser un documentaire biographique sur Brigitte A... est une idée de libre parcours, y compris en ce que celle-ci serait censée se raconter elle-même, l'intimée comme l'appelante fournissant maints exemples à cet égard, idée qui n'est donc pas susceptible d'appropriation ; qu'ainsi, même si la société Les Productions de la Baleine n'agit pas en contrefaçon d'un droit d'auteur, qu'elle suggère cependant, mais en concurrence déloyale, pour un parasitisme qui serait lié aux investissements qu'elle prétend avoir effectués pendant plusieurs mois pour parvenir à l'ébauche du documentaire dont elle défend le prétendu détournement, ces lourds investissements ne sont pas démontrés ; que c'est d'ailleurs à raison d'un impossible financement de ce projet qu'elle n'est pas parvenue à le faire aboutir et que nul comportement déloyal ne peut être valablement imputé à faute à la société Arte France, qui a rejeté sa proposition par courrier du 8 décembre 2011 » ;
ALORS QU'en se bornant à reproduire les motifs de l'arrêt qu'elle a rendu le 6 décembre 2016, déboutant la société Les Productions de la Baleine de son action en concurrence déloyale dirigée contre la société Gaumont Télévisions à propos du même projet, la cour d'appel s'est prononcée par motivation faisant peser un doute légitime sur son impartialité et ainsi violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
La société Les Productions de la Baleine fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué
DE L'AVOIR déboutée de sa demande indemnitaire formée contre la société Arte France au titre de la concurrence déloyale ;
AUX MOTIFS QUE « l'ébauche de scénario "A... par A..." que la société Les Productions de la Baleine met aux débats est constituée d'un album photographique, pourvu de quelques commentaires épars, selon un ordre chronologique, que son gérant qualifie lui-même de captures d'écran, c'est-à-dire de photos de captures de films, vidéos clips, interviews, émissions télévisées ; que les thématiques abordées dans cette ébauche, concernant l'enfance de Brigitte A..., sa pratique de la danse, ses débuts au cinéma, les films qu'elle préfère, sa carrière de chanteuse, les hommes de sa vie, des séquences amusantes réunies sous l'intitulé « c'est rigolo » font partie de passages biographiques obligés d'une oeuvre qui prétend mêler la vie publique et la vie privée d'une vedette du grand écran et qui, en tant que tels, ne présentent aucun originalité, ni par leur contenu, largement public, ni par leur agencement ; que comme le souligne justement la société Arte France, l'idée de réaliser un documentaire biographique sur Brigitte A... est une idée de libre parcours, y compris en ce que celle-ci serait censée se raconter elle-même, l'intimée comme l'appelante fournissant maints exemples à cet égard, idée qui n'est donc pas susceptible d'appropriation ; qu'ainsi, même si la société Les Productions de la Baleine n'agit pas en contrefaçon d'un droit d'auteur, qu'elle suggère cependant, mais en concurrence déloyale, pour un parasitisme qui serait lié aux investissements qu'elle prétend avoir effectués pendant plusieurs mois pour parvenir à l'ébauche du documentaire dont elle défend le prétendu détournement, ces lourds investissements ne sont pas démontrés ; que c'est d'ailleurs à raison d'un impossible financement de ce projet qu'elle n'est pas parvenue à le faire aboutir et que nul comportement déloyal ne peut être valablement imputé à faute à la société Arte France, qui a rejeté sa proposition par courrier du 8 décembre 2011 » ;
1°) ALORS QUE l'action en concurrence déloyale, qui a vocation à assurer la protection de celui qui ne dispose pas d'un droit privatif, n'est pas subordonnée à la preuve de l'originalité du produit ; qu'en retenant que le projet de documentaire établi par la société Les Productions de la Baleine ne présente aucune originalité et ne constitue qu'une idée insusceptible d'appropriation, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;
2°) ALORS QUE constitue un acte de concurrence déloyale l'appropriation et l'utilisation déloyale du travail d'autrui ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Arte France ne s'était pas, à l'occasion des échanges qui ont pu avoir lieu entre les parties et au cours desquels il lui avait été remis le projet de documentaire, appropriée déloyalement le travail de la société Les Productions de la Baleine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ;
3°) ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le projet développée par la société Arte France, et intitulé [...], n'était pas, sinon une copie servile, du moins fortement inspiré du projet de la société Les Productions de la Baleine, la cour d'appel a, une nouvelle fois, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil
4°) ALORS, en toute hypothèse, QU'en retenant que la société Les Productions de la Baleine dénonce le parasitisme dont se serait rendue coupable la société Arte France au regard des investissements financiers qu'elle aurait réalisés, quand la société Les Productions de la Baleine faisait valoir l'existence non pas d'un parasitisme mais d'un comportement déloyal tiré de l'appropriation déloyale de son idée de documentaire et de son travail, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
La société Les Productions de la Baleine fait grief à l'arrêt attaqué
DE L'AVOIR déboutée de sa demande indemnitaire formée contre la société Arte France au titre de la déloyauté dans les pourparlers ;
AUX MOTIFS QUE « le tribunal a parfaitement apprécié que la société Les Productions de la Baleine avait remis un projet de production audiovisuelle à la société Arte France, refusé après quelques mois ; que les discussions entre les parties à ce sujet avaient été brèves, réduites à deux rencontres sur la période considérée, sans qu'il soit démontré qu'une négociation a réellement vu le jour quant au contenu de ce projet ou bien que la société Arte France ait manifesté une expression d'intérêt quelconque pour celui-ci ; que ces éléments apparaissent insuffisants pour caractériser une entrée en pourparlers et qu'il en résultait qu'en déclinant la proposition de la société Les Productions de la Baleine, la société Arte France avait exercé sa liberté contractuelle sans commettre de faute » ;
1°) ALORS QUE les négociations précontractuelles doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ; qu'en se bornant à retenir que les parties n'étaient pas entrées en pourparlers et que la société Arte France n'avait fait qu'exercer sa liberté contractuelle en déclinant la proposition de la société Les Productions de la Baleine, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Arte France n'avait pas manqué à son obligation de bonne foi en laissant la société Les Productions de la Baleine sans nouvelles pendant plusieurs mois, ce qui l'a laissée dans l'incertitude quant à l'acceptation ou non de son projet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1240 du code civil ;
2°) ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Arte France n'avait pas manqué à son obligation de bonne foi en n'informant pas la société Les Productions de la Baleine de l'existence d'un projet concurrent, similaire au sien et pour lequel elle a finalement opté, la cour d'appel a, de plus fort, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil