LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 mars 2017, RG n° 16/02117), que, le 5 janvier 2015, la société La Pharmacie a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, un plan de sauvegarde étant arrêté à son profit le 18 janvier 2016 ; que la Société générale (la banque) a déclaré au passif une créance au titre d'un prêt n° [...] à concurrence d'une somme totale comprenant un montant échu et un montant à échoir, lequel incluait le montant du capital restant dû et des intérêts contractuels à échoir pour un montant déjà calculé ; que cette créance a été contestée ;
Attendu que la société débitrice et le commissaire à l'exécution de son plan font grief à l'arrêt d'admettre la créance de la banque au passif, à titre privilégié, à concurrence des sommes de 25 973,44 euros à titre échu et 2 414 484,60 euros à échoir, cette dernière incluant celle de 352 838,62 euros d'intérêts contractuels à échoir, alors, selon le moyen :
1°/ que l'impossibilité de connaître, au jour de la déclaration de créance, le montant des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, qui ne pourra être connu qu'au jour de l'arrêt du cours des intérêts, fait obstacle à la possibilité pour le juge-commissaire de liquider la créance correspondante lors de sa décision d'admission ; qu'en ce cas, le juge-commissaire peut seulement admettre le montant des échéances impayées avant l'ouverture de la procédure collective ainsi que celui du capital restant à échoir, en précisant les modalités de calcul des intérêts restant à courir au taux contractuel sans pouvoir immédiatement en fixer le montant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fixé la créance d'intérêts à échoir de la Société générale, au titre du prêt n° [...], à la somme de 352 838,62 euros ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que, s'agissant d'intérêts dont le cours n'avait pas été arrêté, il n'était pas possible d'en connaître le montant au jour de la déclaration, de sorte que le juge-commissaire ne pouvait admettre la créance d'intérêts à échoir qu'en précisant les modalités de calcul de ces intérêts, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce ;
2°/ qu'à supposer que le juge-commissaire n'ait pas à préciser lui-même, dans sa décision d'admission, les modalités de calcul de la créance d'intérêts à échoir, dès lors que ces modalités ressortent de la déclaration de créance, il doit néanmoins réserver, en ce cas, la possibilité d'une modification ultérieure de ce montant, en fonction d'événements susceptibles d'influer sur le cours des intérêts restant à payer, par exemple en application d'une clause de remboursement anticipé ; qu'en effet, sa décision ne peut avoir autorité de la chose jugée que relativement aux modalités de calcul des intérêts à échoir, et non du montant de ces intérêts tel qu'indiqué dans la déclaration de créance, susceptible de variations ; qu'en se bornant à fixer la créance au titre des intérêts à échoir de la Société générale à la somme 352 838,62 euros, sans réserver la possibilité d'une modification ultérieure de ce montant, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce ;
Mais attendu que l'article R. 622-23 du code de commerce n'exige l'indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté que dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration de la créance ; que la déclaration litigieuse incluant le montant, déjà calculé, des intérêts à échoir, la cour d'appel, qui n'avait, dans sa décision d'admission, ni à préciser les modalités de calcul de la créance d'intérêts à échoir, ni à réserver la possibilité d'une modification ultérieure du montant de cette créance en raison d'événements susceptibles d'influer sur le cours des intérêts, n'a pas méconnu les exigences des articles L. 622-25 et R. 622-23, 2°, du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Pharmacie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société La Pharmacie et la société Francois Legrand, ès qualités,
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir admis la créance de la Société Générale au passif de la « liquidation judiciaire » [lire : sauvegarde] de la société La Pharmacie au titre du prêt n°[...] comme suit :
- à titre privilégié nanti échu : 25.973,44 € soit :
- échéance du 3 janvier 2015 : 25.962,20 € outre intérêts de retard à 7,90% du 5 janvier 2015 jusqu'à parfait paiement,
- à titre privilégié nanti à échoir : 2.414.484,60 € soit :
- 93 échéances mensuelles de 25.962,20 € du 3 février 2015 au 3 octobre 2022 (2.414.484,60 €), à savoir :
- capital à échoir : 2.061.645,98 €,
- intérêts à échoir au taux contractuel de 3,90% du 3 février 2015 jusqu'au parfait paiement : 352.838,62 €,
- outre indemnité contractuelle de l'article 5.2.2.6,
- nantissement sur fonds de commerce inscrit le 9 octobre 2007 volume 2007 n°301,
- privilège de vendeur de fonds de commerce inscrit le 9 octobre 2007 n°47 ;
AUX MOTIFS QU'en application des articles L. 622-25 du Code du Commerce : « La déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie. » ; R. 622-23-2 du Code du Commerce : « Outre les indications prévues à l'article L. 622-25, la déclaration de créance contient : 1- Les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé, 2- Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté. » ; qu'il est de surcroît constant que le créancier peut déclarer le montant des intérêts à échoir dès le stade de sa déclaration initiale de créance, si ce montant est déjà déterminé au regard du tableau d'amortissement et s 'il est dissocié de manière évidente du capital à échoir ; qu'en l'espèce, il en résulte que la déclaration de créance effectuée par la Société Générale comme suit pour le prêt de 3.591.000 € avec intérêt au taux de 3,90 % signé le 3 octobre 2007 et avenant du 15 octobre 2008 :
. À titre privilégié nanti échu : 25 973.44 € :
- échéance du 3 janvier 2015 (25 962.20 €),
- intérêts du 3 janvier 2015 au 5 janvier 2015 (11.24 €),
- outre intérêts de retard à 7.90 % jusqu'à parfait paiement.
À titre privilégié nanti à échoir : 2 414 484,60 €
- 93 échéances mensuelles de 25 962,20 € (2 414 484,60 €)
dont :
. principal : 2 061 645,98 €
. intérêts à échoir au taux contractuel de 3,90 % : 352 838,62 €
. outre l'indemnité contractuelle, . outre les deux garanties - nantissement du fonds de commerce et privilège du vendeur du fonds de commerce -,
répond aux exigences en la matière en distinguant clairement pour la créance privilégiée à échoir le capital restant dû (2.061.645,98 € ) et le montant des intérêts contractuels à échoir calculés sur le fondement d'un taux de 3,90 % outre l'indemnité contractuelle ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance attaquée qui faisait courir sur la somme totale à échoir de 2 414 484,60 € - qui comprend le capital à échoir et les intérêts à échoir - de nouveaux intérêts (arrêt, p. 5 et 6) ;
1°) ALORS QUE l'impossibilité de connaître, au jour de la déclaration de créance, le montant des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, qui ne pourra être connu qu'au jour de l'arrêt du cours des intérêts, fait obstacle à la possibilité pour le juge-commissaire de liquider la créance correspondante lors de sa décision d'admission ; qu'en ce cas, le juge-commissaire peut seulement admettre le montant des échéances impayées avant l'ouverture de la procédure collective ainsi que celui du capital restant à échoir, en précisant les modalités de calcul des intérêts restant à courir au taux contractuel sans pouvoir immédiatement en fixer le montant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fixé la créance d'intérêts à échoir de la Société Générale, au titre du prêt n°[...], à la somme de 352.838,62 € ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que, s'agissant d'intérêts dont le cours n'avait pas été arrêté, il n'était pas possible d'en connaître le montant au jour de la déclaration, de sorte que le juge-commissaire ne pouvait admettre la créance d'intérêts à échoir qu'en précisant les modalités de calcul de ces intérêts, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce ;
2°) ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHÈSE, à supposer que le juge-commissaire n'ait pas à préciser lui-même, dans sa décision d'admission, les modalités de calcul de la créance d'intérêts à échoir, dès lors que ces modalités ressortent de la déclaration de créance, il doit néanmoins réserver, en ce cas, la possibilité d'une modification ultérieure de ce montant, en fonction d'événements susceptibles d'influer sur le cours des intérêts restant à payer, par exemple en application d'une clause de remboursement anticipé ; qu'en effet, sa décision ne peut avoir autorité de la chose jugée que relativement aux modalités de calcul des intérêts à échoir, et non du montant de ces intérêts tel qu'indiqué dans la déclaration de créance, susceptible de variations ; qu'en se bornant à fixer la créance au titre des intérêts à échoir de la Société Générale à la somme 352.838,62 €, sans réserver la possibilité d'une modification ultérieure de ce montant, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce.