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30/03/2017 | FRANCE | N°16/02402

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 30 mars 2017, 16/02402


JN/CD



Numéro 17/01410





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 30/03/2017









Dossier : 16/02402





Nature affaire :



Demandes relatives à un bail rural















Affaire :



[F] [E]



C/



[Y] [W],



[B] [R]







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 Mars 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







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APRES DÉBATS



à l'a...

JN/CD

Numéro 17/01410

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 30/03/2017

Dossier : 16/02402

Nature affaire :

Demandes relatives à un bail rural

Affaire :

[F] [E]

C/

[Y] [W],

[B] [R]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 Mars 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 01 Février 2017, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame NICOLAS, Conseiller

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [F] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Madame [K] [H], juriste FDSEA 64, munie d'un pouvoir régulier

INTIMÉS :

Madame [Y] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparante, assistée de Maître FERNANDEZ, avocat au barreau de BAYONNE

Monsieur [B] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non comparant, non représenté

sur appel de la décision

en date du 10 JUIN 2016

rendue par le TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE BAYONNE

RG numéro : 51-15-000001

FAITS ET PROCÉDURE

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2015, M. [F] [E] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Bayonne, d'une demande visant, à :

- lui reconnaître la qualité de fermier sur 12 parcelles cadastrées section A commune de [Localité 1], numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], appartenant en indivision à M. [B] [R], et à sa nièce, Mme [Y] [R] épouse [Y],

- voir cesser, au visa de l'article 1719 - 3ème du code civil, les troubles causés à sa jouissance par l'un des bailleurs (Mme [R] épouse [Y]).

La tentative de conciliation n'a pas abouti.

Par jugement du 10 juin 2016, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bayonne, a :

- rejeté l'intégralité des demandes de M. [F] [E], et l'a condamné à payer à Mme [R] épouse [Y], la somme de 400 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.

Cette décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée dont M. [F] [E] a accusé réception le 11 juin 2016.

Par lettre recommandée adressée au greffe de la cour le 4 juillet 2016, M. [F] [E] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par avis des 8 et 13 juillet 2016, contenant notamment le calendrier de procédure, les parties et leurs conseils respectifs ont été convoqués à l'audience du 1er février 2017.

Par un courrier du 27 octobre 2016, M. [B] [R] a demandé à être excusé de son absence à l'audience de plaidoirie, en raison de son grand âge, de ses problèmes de santé, et du fait qu'il ne se considérait pas directement concerné par le litige, faute d'avoir été consulté par sa nièce au sujet des actions qui ont abouti au différend.

Par des conclusions visées par le greffe le 7 septembre 2016, et le 25 janvier 2017, auxquelles il est expressément renvoyé, et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, M. [F] [E], appelant, conclut à la réformation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande :

- le débouté de l'intégralité des demandes adverses,

- la reconnaissance de son profit, d'un bail rural soumis au statut de fermage, sur les 12 parcelles litigieuses déjà citées,

- d'ordonner à Mme [R] épouse [Y] de cesser les troubles portés à sa jouissance, et de lui laisser la pleine et entière jouissance des biens affermés,

- de condamner Mme [R] épouse [Y] à :

- la remise en état de prairie de la portion des parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 13], plantées en arbres fruitiers, et la réimplantation des clôtures enlevées sur les parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], sous peine d'astreinte provisoire de 100 € par jour de retard jusqu'à complète et totale réalisation des travaux,

- régler seule les frais occasionnés par la remise en état de prairie des parcelles louées, et la réimplantation des clôtures qu'elle a enlevées,

- lui payer la somme de 30'232,22 €, à titre de dommages et intérêts, pour inexécution de son obligation de jouissance paisible, réparation du préjudice subi,

- lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- supporter les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

- il exploite les parcelles litigieuses depuis plus de 20 ans, contre paiement annuel de la somme de 4 880 €, répartie par parts égales entre les deux indivisaires, précisant que Mme [R] épouse [Y] n'est devenue propriétaire indivis, que par acte de donation-partage du 31 décembre 2011,

- Mme [R] épouse [Y] apporte des troubles à sa jouissance paisible, qui sont les suivants :

le 19 mai 2014, les terres qu'il exploite ont été labourées par un tiers,

le 20 mai 2014, il a dû interdire l'accès d'une des parcelles affermées, à un tracteur de la Cuma de [Localité 2], cette dernière ayant été mandatée par Mme [R] épouse [Y],

le 10 septembre 2014, il a constaté une nouvelle fois une intrusion sur d'autres parcelles louées, et constaté également l'enlèvement d'une repousse de foin.

Il critique le premier juge, estimant que :

- le fait qu'il n'ait pas déclaré exploiter les parcelles en litige en fermage, n'a aucune incidence sur la caractérisation de l'existence ou de l'absence d'un bail rural, cette déclaration à la MSA procédant d'un acte unilatéral dépourvu de signification (cassation troisième civile, 5 mars 1970, confirmée depuis lors, notamment cour d'appel Toulouse, 5 janvier 2012),

- le bail verbal dont il se prévaut, est expressément indiqué, dans l'acte de donation-partage, page 15, (sa pièce numéro 17) par lequel Mme [R] épouse [Y] est devenue propriétaire indivise des parcelles litigieuses, le notaire rédacteur de l'acte, l'ayant suite à cet acte, et en sa qualité de locataire desdites parcelles, informé du changement de propriétaire intervenu,

- il démontre, s'il en était encore besoin, notamment par la production de nombreuses attestations, l'existence d'un bail rural, tel que défini par l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, étant précisé qu'il déclare avoir la qualité d'exploitant agricole et exploiter et réaliser sur les parcelles litigieuses, une activité agricole, au sens de l'article L. 311-1 du même code, puisqu'il y procède à une exploitation fourragère des parcelles, et intervient donc sur un cycle biologique végétal et/ou animal, telle que ce texte définit l'activité agricole,

- si par extraordinaire, la position adverse était retenue, selon laquelle il n'aurait bénéficié que de vente d'herbe, il en sollicite la requalification en bail à ferme, invoquant l'article L. 411-1 alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime, qui soumet à une présomption de bail rural les contrats de vente d'herbe lorsqu'il appartient à l'acquéreur de procéder à la récolte, de même qu'une jurisprudence constante selon laquelle, un exploitant qui a bénéficié de vente d'herbe durant plusieurs années et de façon ininterrompue, est reconnu titulaire d'un bail à ferme (cassation civile troisième, 24 mai 2000),

- si avant 2001, les parties s'étaient mises d'accord pour que les propriétaires fassent l'avance des achats d'engrais, avec remboursement ultérieur de ces achats par le fermier (sa pièce n° 14), cette pratique n'a plus cours depuis 2001, l'appelant expliquant qu'il amende les terres avec le fumier produit sur son exploitation, et les factures produites par l'intimée, sont relatives à un autre fermage et un autre fermier, et donc inopérantes,

- que faute pour les parcelles de supporter des bâtiments, il n'a contracté aucune assurance,

- que les bailleurs ne lui ont jamais réclamé le paiement d'une part des taxes foncières et taxes pour frais de chambre d'agriculture,

- que s'il est gérant de la SARL [E], et que les chèques en règlement des fermages, ont été émis par cette société, il n'en demeure pas moins qu'il n'a ni abandonné, ni cédé son bail à cette société, qu'il est resté fermier en personne, et a assuré personnellement l'exploitation des parcelles litigieuses, en qualité d'exploitant agricole, ainsi que cela est mentionné sur l'attestation d'affiliation éditée par la Mutualité Sociale Agricole (sa pièce n° 7), ce que l'intimée sait parfaitement, puisqu'elle lui a toujours adressé ses courriers en son nom personnel, et non en sa qualité de gérant de la SARL,

- le préjudice qu'il subit, par le fait que l'intimée a prélevé plusieurs récoltes de foin sur la superficie totale des parcelles louées de l'ordre de 15 ha 45 ares, s'évalue, pour les années 2014 à 2016, à une somme de 30'232,22 €, selon ses calculs en page 15 de ses conclusions.

Par ses conclusions visées par le greffe les 8 novembre 2016, et 30 janvier 2017, auxquelles il est expressément renvoyé, et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Mme [R] épouse [Y], intimée, formant appel incident, conclut à la confirmation du jugement querellé, au rejet de l'intégralité des demandes adverses, originelles ou complémentaires, et y ajoutant, sollicite la condamnation de l'appelant à lui payer 25'000 € de dommages et intérêts pour préjudice subi (procédure abusive et préjudice moral), outre 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Elle soutient que l'appelant, homme d'affaires avisé, cherchant à battre monnaie, et convoitant les terres qu'elle a choisies d'exploiter, dans la tradition familiale, par reprise de l'exploitation agricole de ses parents et grands-parents, s'il peut prétendre à juste titre avoir bénéficié de pacages, c'est-à-dire de ventes d'herbe, opérations isolées, où le propriétaire agit comme producteur vendeur, ne peut nullement prétendre à l'existence d'un bail rural sur les parcelles litigieuses, alors même que :

- lors de la saisine du tribunal paritaire des baux, il n'a pas été sollicité la reconnaissance d'un bail rural verbal soumis au statut du fermage,

- à l'origine, et même si cette demande a été abandonnée, il n'a pas hésité à prétendre à l'existence d'un tel bail, s'agissant de la parcelle (A [Cadastre 14]) où est située la maison familiale, ce qui caractérise encore une fois sa tentative de spoliation dans un contexte d'extrême faiblesse de l'indivision jusque-là représentée par des personnes âgées, à la santé problématique, et en état de faiblesse,

- les parcelles litigieuses sont situées en zone de montagne, et bénéficient en conséquence d'un statut de baux dérogatoires au bail rural général, et au statut habituel du fermage, étant en outre observé au regard de la MSA, et au sens du bail rural, elles sont inexploitées,

- l'appelant ne remplit pas les conditions pour bénéficier du statut du fermage,

- les règlements effectués, par chèques émanant de la SARL dont il est le gérant, laquelle ne peut revendiquer un fermage, s'agissant d'une société commerciale par nature, sont en outre accompagnés d'une mention manuscrite précisant le terme « pacages » (vente d'herbe),

- il a ainsi toujours agi, en tant que représentant de la SARL commerciale dont il est le gérant, et ne peut prétendre être à titre personnel, titulaire d'un bail rural, fut-il verbal,

- c'est ce qui est repris dans l'acte de donation-partage du 30 décembre 2011, lequel confirme que l'appelant n'a aucune jouissance exclusive des parcelles litigieuses, contrairement à ce qu'il tente de faire croire audacieusement dans ses écritures,

- cette situation est attestée par diverses personnes,

- il n'a jamais revendiqué l'existence d'un bail rural verbal, si ce n'est dans la présente procédure,

- les pièces qu'il produit ne sont pas de nature à établir l'existence d'un tel bail, et n'établissent d'ailleurs pas la preuve de sa qualité d'exploitant agricole, puisqu'il n'exploite pas les terres, et n'a jamais fait paître d'animaux, contrairement à ce qu'il affirme, si bien qu'il ne démontre aucune activité agricole en dehors de la vente d'herbe laquelle intervient avec différents acquéreurs, et ce d'autant, élément essentiel et déterminant, que le locataire d'un bail rural, doit assurer personnellement le règlement du fermage, ce qui n'est nullement le cas d'espèce, dès lors qu'il n'a jamais réglé un seul centime à titre personnel, qui ne démontre nullement détenir une autorisation administrative d'exploiter avec nécessité de préciser les parcelles concernées, leur superficie et leur destination,

- ses demandes indemnitaires ont varié de 14'616 € à 30'232 €,

- ses demandes, formées seulement à l'encontre d'un des co-indivisaires, sont irrecevables,

- l'appelant s'est permis de pénétrer sur les terres de l'exploitation sans autorisation, et d'emporter l'herbe sans régler un seul centime à l'indivision, causant ainsi un préjudice non seulement moral mais également financier, qui mérite réparation.

SUR QUOI LA COUR

Sur l'irrecevabilité des demandes

Mme [R] épouse [Y], intimée, soulève l'irrecevabilité des demandes adverses, au motif, dénué de tout visa textuel, de ce qu'elles seraient formées seulement contre elle alors que les biens seraient indivis.

Il s'agit d'une fin de non-recevoir, et non d'une exception de procédure, si bien que l'article 123 du code de procédure civile permet aux parties de la proposer en tout état de cause, et qu'elle n'a pas à être soulevée in limine litis.

Elle n'est cependant pas fondée, dès lors que tous co-indivisaires sont dans la cause, nonobstant le fait que l'un d'entre-eux n'ait pas constitué avocat, et que les demandes de réparation formées exclusivement contre Mme [R] épouse [Y], se fondent sur ses seuls agissements personnels, comme l'autorise l'article 815-13 du code civil.

La fin de non-recevoir n'est pas fondée et sera écartée.

Sur la preuve du bail rural revendiqué par l'appelant

En application des articles L. 411-1, premier et dernier alinéas, du code rural et de la pêche maritime :

'- toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre (relatif au statut de fermage et du métayage des baux ruraux), sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2. Cette disposition est d'ordre public,

- la preuve peut en être apportée par tous moyens'.

L'appelant, qui se prévaut d'un bail rural, en l'absence de tout contrat écrit, entend en rapporter la preuve, par différents éléments qui feront l'objet de l'analyse qui va suivre.

1- Sur la reconnaissance du bail à ferme revendiqué, dans l'acte notarié de donation-partage du 31 décembre 2011 :

Il est constant que les parcelles litigieuses, sont la propriété indivise des deux intimés, dont Mme [R] épouse [Y], laquelle tient ses droits de l'acte de donation-partage rappelé ci-dessus.

L'appelant soutient que les mentions portées à cet acte, en page 15, démontreraient l'existence du bail rural, si bien que le notaire rédacteur de l'acte, aurait, par un courrier du 3 janvier 2012, porté à sa connaissance le changement de propriétaire intervenu, en faisant expressément état de sa qualité de locataire.

L'existence et la substance de ce courrier ne sont pas contestées, puisque démontrées par la pièce n° 6 produite par l'appelant, ce qui est inopérant dès lors qu'il n'est nullement soutenu que ce courrier vaudrait preuve de l'existence du bail rural revendiqué.

Cependant, contrairement à ce que soutenu par l'appelant et conformément aux contestations de l'intimée, cet acte de donation-partage du 31 décembre 2011, ne suffit pas à faire la preuve du bail à ferme revendiqué.

En effet, il se contente d'indiquer que des parcelles dépendant d'une propriété (Chela), à [Localité 1], sont exploitées par 3 fermiers, nommément désignés parmi lesquels est cité M. [F] [E], au titre d'un bail verbal tacitement reconduit, sans préciser l'assiette ou les assiettes du ou des baux respectifs, si bien que cet acte n'établit nullement que M. [F] [E] serait seul locataire d'une ou plusieurs des parcelles litigieuses, étant en outre observé que le montant du ou des loyers n'est pas davantage prévu dans l'acte, et qu'enfin, s'agissant de parcelles indivises, l'un des co-indivisaires (M.  [B] [R]) n'était pas partie à l'acte de donation-partage invoqué.

Il s'en déduit que c'est à tort et en vain que l'appelant soutient que cet acte suffirait à lui voir reconnaître la qualité de preneur qu'il revendique.

2- Sur la réunion des conditions de l'existence d'un bail rural :

Il est constant, au visa des dispositions de l'article L. 411-1 alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime, que 'l'existence d'un bail rural est caractérisée par la réunion des conditions suivantes :

- une mise à disposition à titre onéreux,

- d'un immeuble à usage agricole,

- aux fins qu'il y soit exercé une activité agricole définie par l'article L. 311-1 du même code'.

Par ailleurs, l'alinéa 2 de ce même texte, déclare le statut du fermage applicable 'à toute cession exclusive des fruits de l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir'.

Au cas particulier, l'appelant, qui justifie de son affiliation auprès de la MSA, en qualité de chef d'exploitation à titre principal, depuis plus de 10 ans au 26 mai 2015, par les 12 attestations qu'il produit (ses pièces numérotées 13 et 15, attestation de M. [N] [E], M. [F] [X], Mme [G] [A], M. [R] [N], M. [Q] [K], M. [I] [U], M. [A] [P], M. [J] [N], M. [W] [G], M. [M] [G], M. [U] [K], M. [C] [D]), établit qu'il exploite depuis plusieurs décennies une partie de la propriété Chela, située à [Localité 1], et il n'est pas contesté que cette exploitation porte sur les parcelles litigieuses, à l'exception de la parcelle cadastrée [Cadastre 15], dont la mise à disposition était contestée, et qui ne fait plus partie des actuelles demandes de l'appelant.

En effet, il ressort de ces attestations émanant de propriétaires, exploitants ou habitants voisins des lieux litigieux, que depuis de longues années, ou « au moins depuis les années 1990 », il exploite les prairies de la ferme Chela, où il fait chaque année la récolte des foins, la pâture, l'apport de fumier, le passage de giro broyeur, l'entretien des clôtures, certains des attestants indiquant en outre lui avoir apporté leur aide, régulièrement ou occasionnellement, dans les tâches agricoles relatives à ces parcelles'

Les éléments du dossier démontrent que les parcelles litigieuses sont à usage de pâturage, et contrairement à ce que soutient l'intimée, sans produire aucun élément dans le sens de ses seules allégations, il n'est pas permis de les exclure du domaine d'application de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, au motif qu'elles se situeraient sur une commune classée en zone de montagne.

Certes, il est démontré que la commune d'[Localité 1] est située en zone de montagne.

Cependant, les dispositions combinées des articles L. 481-1 et L. 113-2 du même code, permettent la conclusion de contrats de bail dans le cadre du statut des baux commerciaux, pour les terres situées dans les régions définies en application de l'article L. 113-2, au titre desquelles sont visés les pâturages dans les communes classées en zone de montagne.

Enfin, au vu des pièces produites par l'appelant, l'intimée ne conteste pas les règlements invoqués, et récapitulés par l'appelant (sa pièce n° 2), pour les années 2009 à 2013 inclus, faisant seulement valoir les éléments suivants :

- l'absence de règlement à compter de l'année 2014,

- le fait que les documents émanant de l'appelant lui-même, portent la mention manuscrite selon laquelle ces paiements correspondent à des « pacages », correspondant à la contrepartie d'une vente d'herbe, et nullement à des « fermages », contrepartie de la mise à disposition exclusive des parcelles litigieuses,

- le fait que les règlements effectués par chèques, émanent non pas de l'appelant, personne physique, mais de la SARL [E], dont il est constant que l'épouse de l'appelant est la gérante.

Ces contestations, sont inopérantes, dès lors que :

- le paiement par une personne qui n'y est pas tenue, est permis, ainsi que le prévoient tant l'ancien article 1236 du code civil, que les dispositions de l'article 1342-1 du code civil, créé par l'ordonnance du 10 février 2016 n° 2016-131, sans préjudice des comptes à faire entre l'appelant, et le tiers payeur ;

- l'absence de règlement à compter de l'année 2014, ne suffit pas à contredire les éléments apportés par l'appelant, au soutien de la démonstration de l'existence d'un bail verbal, puisqu'en effet, il est justifié que c'est à compter de l'année 2014, et par des courriers recommandés avec accusé de réception, que l'appelant a reproché à Mme [R] épouse [Y], d'avoir fait intervenir sur des parcelles louées, des tiers, pour procéder à des labours (lettre recommandée avec avis de réception du 21 mai 2014), ou à des regains (lettre recommandée avec avis de réception du 10 septembre 2014), et en tous cas le priver de la jouissance exclusive de certaines parcelles, si bien que les agissements de l'intimée, au demeurant non contestés, sont à l'origine, pour l'année 2014, de l'interruption des paiements annuels effectués de façon continue depuis plus de cinq ans par l'appelant, bien que l'intimée n'est pas de bonne foi, lorsqu'elle s'en prévaut pour soutenir à l'absence de paiement ;

- en tout état de cause, l'emploi par le payeur, alternativement, des termes 'pacages' ou 'loyers', sur les talons des chèques de règlement, n'est pas significatif et ne lie ni la cour, ni les parties, quant à la qualification juridique de l'opération.

Il sera en outre observé que, quand bien même les règlements correspondraient au prix de vente d'herbe, comme le soutient l'intimée, l'appelant pourrait se prévaloir de l'application du statut des baux ruraux, en application des dispositions de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, selon lesquelles est soumis au statut des baux ruraux, toute cession exclusive des fruits de l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir.

Car, même à qualifier les relations des parties de « vente d'herbe », l'intimée échoue à démontrer que ces ventes seraient purement accidentelles ou demeurées isolées, puisque au contraire, les éléments du dossier démontrent qu'elles se renouvelaient d'année en année, entre les mêmes parties, s'agissant des mêmes parcelles, depuis l'année 2009, et qu'elles n'ont été interrompues que du fait des agissements de Mme [R] épouse [Y], immédiatement contestés par M. [F] [E].

En outre, il n'est pas permis, de retenir que les quatre attestations produites, par l'intimée, seraient de nature à remettre en cause les faits tels qu'ils viennent d'être reconnus pour établis, faute d'être suffisamment précises, datées, ou de se rapporter à des dates utiles à la solution du présent litige, dès lors que :

- Mme [Z], se contente d'indiquer qu'à l'été 2015, elle n'a pu constater la présence d'animaux sur les parcelles, car les champs étaient vides,

- M. [O] [V], atteste le 12 octobre 2015, de l'état de grand abandon et de l'absence de quelques activités agricoles ou pastorales que ce soit, sur la propriété de l'intimée,

- Mme [O] [O] atteste de la stricte exactitude de « toutes les attestations jointes » (sic),

- Mme [R], (mère de l'intimée), produit une attestation sur l'honneur, non conforme aux règles légales, sujette à réserves en raison des liens de parenté la liant à l'une des parties, étant en outre observé qu'elle réitère la position de l'intimée, quitte à contenir des contrevérités, notamment quant au contenu de l'acte de donation-partage du 31 décembre 2011.

De même, c'est en vain que l'intimée soutient qu'elle démontrerait, par la production de diverses factures, avoir toujours réglé les engrais, les assurances, et taxes, relatives aux parcelles litigieuses, alors que si des factures sont produites, il n'est pas permis de les rattacher aux postes invoqués et aux parcelles litigieuses.

Il sera enfin rappelé que le statut du fermage est applicable même si le preneur n'exerce pas une activité agricole à titre exclusif ou à titre principal, si bien que les développements de l'intimée, sur les multiples activités exercées par l'appelant, ne sont pas davantage opérantes.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments, sans qu'il soit besoin de plus ample exposé, qu'il est démontré que les parcelles litigieuses, sont des pâturages à destination agricole, sur lesquelles M. [F] [E] exerce au titre d'une jouissance exclusive, une activité agricole depuis de nombreuses années, contre une rétribution qu'il déclare verser depuis l'origine, laquelle est démontrée depuis l'année 2009, si bien qu'il revendique à juste titre, la reconnaissance d'un bail rural, sur les parcelles litigieuses.

Il sera enfin observé que cette analyse est approuvée par le second indivisaire, s'agissant de l'intimé non comparant, lequel, dans des courriers des 9 juin et 19 octobre 2015, reconnaissait l'existence d'un tel bail, considérait ne pas être directement concerné par le litige, faute d'avoir été consulté par sa nièce au sujet des « actions qui ont mené au litige », et réitérait la confirmation de l'existence du bail verbal revendiqué, précisant que ce bail concernait « les parcelles agricoles situées au sud de la départementale 918, excepté la parcelle [Cadastre 14] » (pièces n° 12 de l'appelant).

Le premier juge sera infirmé.

Sur la demande d'indemnisation de pertes d'exploitation

L'appelant soutient et démontre sans être sérieusement contredit, qu'il ne lui a pas été permis, depuis 2014, de jouir de certaines des parcelles litigieuses.

Cependant, à compter de l'année 2014, et en raison des intrusions reprochées à Mme [R] épouse [Y], il s'est lui-même dispensé de payer tout ou partie de la contrepartie financière de la mise à disposition des terres, et en outre, il ne précise pas à suffisance, ni la consistance du trouble, ni sa durée, si bien qu'en l'état, aucun préjudice n'est démontré, et sa demande indemnitaire sera rejetée.

Sur la demande de remise en état

Faute pour le constat d'huissier dressé le 8 septembre 2015, d'indiquer la parcelle concernée par les travaux de plantations de cerisiers, de démontage de clôtures anciennes et installation de nouvelle clôture, il n'est pas permis de rattacher ces faits, aux parcelles litigieuses, si bien que la demande de remise en état n'est pas à suffisance fondée et sera rejetée.

En revanche, il sera rappelé au bailleur, en tant que de besoin, qu'il entre dans ses obligations légales d'assurer à son preneur, une jouissance paisible.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par l'intimée

La présente décision, qui reconnaît l'existence d'un bail rural, rend infondées les prétentions de l'intimée, relatives à l'abus adverse de procédure et au préjudice moral qui en serait résulté.

Ces demandes, infondées, seront rejetées.

La situation respective des parties, justifie qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la cause.

Au vu des éléments de la cause, il est justifié que chacune des parties conserve la charge des dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Bayonne, en date du 10 juin 2016,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par Mme [R] épouse [Y], et déclare recevables les demandes de M. [F] [E],

Reconnaît à M. [F] [E], la qualité de fermier sur 12 parcelles cadastrées section A commune de [Localité 1], numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], appartenant en indivision à M. [B] [R] et à sa nièce, Mme [Y] [R] épouse [Y],

Déboute M. [F] [E] de ses demandes de remise en état, et paiement de dommages et intérêts,

Déboute Mme [Y] [R] épouse [Y] de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à la cause,

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés tant en première instance qu'en procédure d'appel.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/02402
Date de la décision : 30/03/2017

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°16/02402 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-30;16.02402 ?
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