LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué(Aix-en-Provence, 17 février 2017), qu'engagée à effet du 3 janvier 2000 en qualité de secrétaire-aide comptable, par la société Atsi Formation, Mme Y... a été licenciée pour faute le 16 avril 2013 ; que contestant cette mesure, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande indemnitaire à ce titre, alors, selon le moyen, que :
1°/ l'insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée ou abstention volontaire du salarié, ne constitue pas une faute ; qu'en se fondant, pour dire le licenciement pour faute de la salariée justifié, sur des retards dans le traitement administratif des dossiers et sur deux erreurs dans la réalisation de cartes Caces, quand de tels griefs, dont elle n'a pas constaté qu'ils procédaient de la mauvaise volonté délibérée de la salariée, relevait de l'insuffisance professionnelle et non de la faute, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1331-1 du code du travail ;
2°/ l'insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée ou abstention volontaire du salarié, ne constitue pas une faute ; qu'en retenant, pour dire le licenciement pour faute justifié, que la salariée avait été alertée sur les retards dans l'expédition des cartes de stage et avait fait l'objet d'un rappel à l'ordre en novembre 2011 quant au respect des procédures de délivrance de cartes, quand de tels motifs sont impropres à caractériser la mauvaise volonté délibérée de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1331-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait procédé avec retard au traitement des certificats de stage et cartes, alors qu'elle avait été alertée à deux reprises sur ce point, qu'elle avait précédemment fait l'objet d'un rappel à l'ordre en novembre 2011 quant au respect des procédures de délivrance et qu'elle avait délivré à deux reprises des certificats de capacité erronés, a fait ressortir que ces manquements procédaient d'une mauvaise volonté délibérée et revêtaient un caractère fautif ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir la société condamnée à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir du chef de dispositif de l'arrêt l' ayant débouté de sa demande tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif de l'arrêt l'ayant déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société à lui verser des dommages-intérêts pour préjudice moral distinct résultant des circonstances de la rupture de son contrat de travail, et ce, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°/ que même s'il est justifié par une cause réelle et sérieuse, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation ; qu'en s'abstenant de vérifier, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de la salariée, si le licenciement prononcé par la société dont son mari, avec lequel elle est en instance de divorce, est le directeur, n'avait pas été entouré de circonstances vexatoires de nature à lui causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu 1231-1 depuis l'entrée en vigueur le 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu que la salariée ayant fait valoir, au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, que le licenciement était fondé sur des motifs fallacieux et motivé par des circonstances étrangères à son travail, la cour d'appel a, en écartant l'existence d'un détournement de la procédure de licenciement, procédé à la recherche qui lui était demandée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Leduc et Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme I... Y... de sa demande tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à voir la société ATSI Formation condamner à lui verser une indemnité à ce titre ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L.1232-1 du Code du travail, tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que selon l'article L.1235-1 du même Code, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que si le juge doit donner aux faits invoqués leur véritable qualification, celle que l'employeur donne au licenciement s'impose à lui, soit en l'espèce un licenciement disciplinaire : « nous avons décidé de vous licencier pour faute » ; qu'il est constant que la non-exécution d'une de ses obligations par le salarié est constitutive d'une faute légère, sérieuse, grave ou lourde, selon la nature du manquement et les circonstances ; qu'alors que l'employeur a eu connaissance des faits invoqués dans la lettre de licenciement, dans laquelle il n'est pas exigé qu'ils soient datés dès lors qu'ils sont suffisamment précis, en mars et début avril 2013, le moyen tiré de la prescription des faits fautifs, au demeurant non articulé par la salariée, s'avère inopérant ; que Mme Y..., qui ne conteste pas la définition de ses fonctions telles que rappelée dans la lettre de licenciement, fait valoir essentiellement qu'il n'est pas établi que les faits allégués lui soient imputables et que le réel motif du licenciement réside dans la procédure de divorce en cours avec M. Gilles Y..., « directeur systèmes » de l'ATSI ; que sur le premier grief, la société appelante produit le courriel que Mme Valérie Z..., responsable d'agence, a reçu, le 28 mars 2013, de M. Christian A..., directeur grands comptes, où celui-ci lui fait part du fort mécontentement du client Prezioso sur les prestations administratives de son service, lequel se plaint notamment d'avoir depuis quelques temps des délais inadmissibles dans la restitution de certificats de stages et cartes et dont les réclamations téléphoniques sont restées sans effet ; que Mme I... Y... ne conteste pas les retards dans les expéditions des cartes de stage, ni le fait d'avoir été alertée sur ce point tant par Mme Z..., que par M. B..., mais affirme que ces retards résultent de la pénurie de cartes, depuis dix jours, selon ses termes de l'entretien préalable du 10 avril 2013 ; que cependant, il est relevé que la plainte du client Prezioso date du 28 mars 2013 et fait état de retards « depuis quelques temps » de sorte que la pénurie de cartes, qui n'est d'ailleurs pas avérée, ne peut être la cause du retard dans le traitement administratif des dossiers ; que sur les deuxième et troisième griefs, la société ATSI Formation verse aux débats : -le courriel que Mme C..., gestionnaire formation de la société ID Logistics France lui a adressé le 28 mars 2013 où elle lui fait part de l'erreur commise dans le caces délivré à M. D... en précisant qu'il a passé le Caces 1 alors que sur la carte il est noté Caces 3, - le test caces effectué par M. D... qui est intitulé « test caces Pratique catégorie 1 » ainsi que la fiche de synthèse où il est indiqué que M. D... a réussi le caces catégorie 1 ; - le courriel reçu de Mme E..., directrice de la société Qsemploi qui l'avise, le 5 avril 2013, de la « grave erreur qui a été commise », M. F... ayant reçu un caces daté du 15 février 2013 alors même qu'il avait échoué ; - le test effectué par M. F..., la fiche de synthèse où il est indiqué qu'il a échoué ainsi que la fiche de compte rendu d'échec rédigée par M. G..., testeur le 15 février 2013 ; que sur l'imputation de ces griefs à Mme I... Y... , l'employeur soutient qu'elle était la seule en charge de la facturation ; qu'il verse aux débats l'organigramme de la société ATSI Formation ainsi que son manuel qualité, établi le 22 mars 2007, lequel définit ainsi l'emploi de secrétaire-aide comptable de Mme I... Y... : « Elle est investie de l'autorité nécessaire pour assurer les fonctions suivantes : gérer et contrôler les dossiers de fin de stage, établir et expédier les cartes de formation, préparer les dossiers de facturation », définition d'ailleurs reprise dans la lettre de licenciement ; que Mme I... Y... fait observer qu'elle n'était pas la seule à adresser les attestations en cause, sans cependant préciser quelle serait cette personne, et ajoute que son travail était systématiquement contrôlé par sa supérieure hiérarchique Mme Valérie Z... ; que sur ce dernier point, elle ne peut valablement se retrancher derrière le visa de sa hiérarchie alors que la délivrance des cartes de formation après contrôle des dossiers de fin de stage relevait pleinement de ses fonctions ; que sur l'organigramme et le registre du personnel, il n'apparaît pas d'autre personne ayant la fonction de secrétaire aide comptable, hormis une salariée, dont le contrat a pris fin le 13 juillet 2012 ; qu'en l'état de ces pièces, ces griefs sont établis, étant observé qu'ils étaient de nature à avoir de graves conséquences pour la société, pouvant aller jusqu'au retrait de sa certification ; que quant au dernier grief reproché à Mme I... Y... , aucune pièce ne vient à son soutien ; que la salariée fait valoir par ailleurs que le véritable motif de licenciement est lié à sa vie privée et s'inscrit dans le cadre d'une séparation conflictuelle avec son époux qui a été le directeur de la société ATSI Formation ; que certes, les pièces du dossier confirment l'existence d'une procédure de divorce introduite en juin 2010 par M. Gilles Y..., dont l'issue n'est pas précisée à la Cour ; que cependant, alors que les fautes sont établies, que la salarié avait fait l'objet d'un rappel à l'ordre en novembre 2011 quant au respect des procédures de délivrance des cartes, Mme Y... ne démontre pas que c'est par suite d'un détournement de la procédure de licenciement engagée le 2 avril 2013 qu'elle a été licenciée ; qu'enfin, Mme I... Y... considère que l'employeur a commis une erreur en qualifiant de fautes des faits qui relèvent selon elle de l'insuffisance professionnelle et affirme que le licenciement est, par conséquent, nécessairement privé de cause réelle et sérieuse ; que dès lors que les faits commis par la salariée sont établis et révélateurs de fautes dans l'exécution de ses tâches, ainsi que démontré plus haut et non d'insuffisance professionnelle, laquelle s'entend d'incompétence ou manque d'efficacité, c'est à juste titre que l'employeur, qui a respecté la procédure disciplinaire, s'est placé sur ce terrain ; que par conséquent, Mme I... Y... sera déboutée de sa demande de dommage et intérêts pour licenciement abusif ;
1) ALORS QUE l'insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée ou abstention volontaire du salarié, ne constitue pas une faute ; qu'en se fondant, pour dire le licenciement pour faute de Mme Y... justifié, sur des retards de la salariée dans le traitement administratif des dossiers et sur deux erreurs dans la réalisation de cartes CACES, quand de tels griefs, dont elle n'a pas constaté qu'ils procédaient de la mauvaise volonté délibérée de la salariée, relevait de l'insuffisance professionnelle et non de la faute, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L.1331-1 du Code du travail;
2) ALORS QU'en toute hypothèse, l'insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée ou abstention volontaire du salarié, ne constitue pas une faute ; qu'en retenant, pour dire le licenciement pour faute de Mme Y... justifié, que la salariée avait été alertée sur les retards dans l'expédition des cartes de stage et avait fait l'objet d'un rappel à l'ordre en novembre 2011 quant au respect des procédures de délivrance de cartes, quand de tels motifs sont impropres à caractériser la mauvaise volonté délibérée de la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L.1331-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme I... Y... de sa demande tendant à voir la société ATSI Formation condamner à lui verser une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;
AUX MOTIFS QUE la Cour jugeant par le présent arrêt que le licenciement de Mme I... Y... repose sur une cause réelle et sérieuse, la demande au titre du préjudice moral sera rejetée ;
1) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de dispositif de l'arrêt ayant débouté Mme Y... de sa demande tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse entrainera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ayant débouté Mme Y... de sa demande tendant à voir condamner la société ATSI Formation à lui verser des dommages et intérêts pour préjudice moral distinct résultant des circonstances de la rupture de son contrat de travail, et ce, par application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
2) ALORS QU'en toute hypothèse, même s'il est justifié par une cause réelle et sérieuse, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation ; qu'en s'abstenant de vérifier, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de Mme Y... (page 15), si le licenciement prononcé par la société ATSI dont son mari, avec lequel elle est en instance de divorce, est le directeur, n'avait pas été entouré de circonstances vexatoires de nature à lui causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, devenu 1231-1 depuis l'entrée en vigueur le 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016.