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24/10/2018 | FRANCE | N°17-14919

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 octobre 2018, 17-14919


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Mme X... a été engagée le 10 avril 2007 par la société Beltone audiologie France aux droits de laquelle se trouve la société GN Hearing (la société) en qualité de secrétaire ; qu'après avoir saisi la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a été licenciée pour motif économique le 30 novembre 2012 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécia

lement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Mme X... a été engagée le 10 avril 2007 par la société Beltone audiologie France aux droits de laquelle se trouve la société GN Hearing (la société) en qualité de secrétaire ; qu'après avoir saisi la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a été licenciée pour motif économique le 30 novembre 2012 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé et débouter la salariée de ses demandes indemnitaires, l'arrêt retient que la société rapporte la preuve que la réorganisation de l'entreprise, par le biais du déménagement dans des locaux plus adaptés à l'évolution de son activité, est nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et qu'il existe donc un motif économique à la proposition de modification du contrat de travail de la salariée qu'elle a refusée ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'appartenance de la société au groupe GN Store, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si la réorganisation de la société était justifiée par l'existence de difficultés économiques ou d'une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes tendant à dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en paiement de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt rendu le 17 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société GN Hearing aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Liliane X... de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, et de l'avoir, en conséquence, déboutée de ses demandes indemnitaires afférentes,

Aux motifs que Madame Liliane X... sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail au motif que son poste aurait été peu à peu modifié, suite à la mise en place d'une nouvelle direction, et qu'à partir de janvier 2012, nombre de ces responsabilités lui auraient été retirées comme la participation à la vie du système qualité, la gestion de l'ensemble du secrétariat de BELTONE AUDIOLOGIE, le secrétariat particulier du responsable de l'entité (elle aurait été remplacée à cette tâche par Madame B...), la gestion logistique des réunions clients et équipe de vente, le suivi des plannings de congés, le suivi des ventes au personnel, les activités de formation...) ; qu'elle aurait été mise à l'écart des circuits d'informations et les tâches subalternes qui lui restent confiées ne l'occuperaient plus que 2 ou 3 heures par jour ; que la SAS GN HEARING fait valoir que les responsabilités de la salariée n'ont pas été modifiées, mais qu'une partie conséquente du temps de travail de la salariée étant, comme elle l'explique elle-même, consacré à la préparation, à assurer la logistique et le suivi des réunions organisées par le directeur général, le changement de pratique, lié à l'arrivée en janvier 2012 d'un nouveau directeur, Monsieur C..., qui n'organise plus de manière systématique et régulière ces réunions, entraîne de ce fait pour Madame Liliane X... un allégement conséquent de ses tâches ; que par contre, il lui a été confié des missions complémentaires, comme l'organisation des réunions avec le Comité d'Entreprise et le CHSCT (envoi des convocations, recueil des questions..) et les contacts avec le médecin du travail et l'inspection du travail pour leur participation à cette dernière instance ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que, durant l'année 2012, plusieurs membres de la direction ont quitté leur poste (Monsieur D..., Madame E..., et Monsieur F...), soit 3 personnes sur 5, pour n'être remplacés qu'en 2013, ce qui a nécessairement entrainé pour la salariée, eu égard aux fonctions qu'elle exerçait auprès de ceux-ci, une baisse sensible de son activité, sans pour autant que la nature de ses tâches, telles qu'elles figurent dans la fiche de poste n'en soit modifiée ; qu'ainsi, elle est toujours chargée de planifier et d'organiser les réunions de Monsieur C..., comme elle le faisait pour son prédécesseur, elle avait, de même, la charge de rédiger et signer au nom et pour le compte du directeur certains courriels adressés aux clients ; que l'attestation de Madame Sylvie B..., assistante commerciale, vient par ailleurs confirmer qu'elle n'a pas été chargée des attributions de l'assistante de direction, contrairement à ce que soutient, la salariée, et que : « l'arrivée de Mr. C... en 2012 ne m'a apporté aucune changement dans mes attributions » ; qu'il ressort par ailleurs de l'agenda produit par Madame Liliane X... qu'elle a eu la charge d'organiser les réunions mensuelles du Comité d'Entreprise et la réunion du CHSCT ; qu'elle ne produit aucune pièce concernant les autres fonctions qui, d'après elle, lui auraient été retirées ; que la cour considère, au regard de ce qui précède, que la salariée ne rapporte pas la preuve que ses attributions auraient été modifiées, et que l'employeur aurait, de ce fait manqué gravement à ses obligations, rendant impossible le maintien du contrat de travail. Madame Liliane X... sera déboutée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de toutes celles qui y sont liées ;

Alors, de première part, que la salariée, engagée en qualité d'assistante de direction, ayant le statut cadre, énonçait qu'elle s'était vue imposer un appauvrissement de ses missions et de ses responsabilités, son poste ayant été vidé de sa substance ; qu'elle produisait aux débats sa fiche de poste, d'où il ressortait qu'elle devait participer à la vie du système qualité ISO, gérer l'ensemble du secrétariat de BELTONE AUDIOLOGIE et le secrétariat particulier du responsable de l'entité, l'accueil téléphonique, l'envoi et le suivi d'email audiologie, le classement et la circulation des documents, la gestion de la logistique, la gestion des déplacements, le suivi des plannings de congés, RTT et présence, la commande de documents publicitaires, de fournitures de bureau et consommables, le suivi des ventes au personnel, la formation du personnel intérimaire, précisant qu'avec la pratique s'était ajoutés le travail régulier avec le comité de direction, la collaboration directe avec le directeur général, ainsi que l'information sur les projets en cours et la participation (conclusions d'appel, p. 5 et 6) ; qu'elle exposait que ses tâches se résumaient, depuis le changement de direction de la société en 2012, à l'ouverture du courrier, l'envoi des convocations aux réunions des institutions du personnel, l'accueil au standard, et à la commande de sandwiches ; qu'il s'en déduisait une modification de son contrat de travail imposée par l'employeur ; qu'en énonçant que la salariée ne rapportait pas la preuve que ses attributions auraient été modifiées, sans même répondre aux conclusions détaillées de la salariée qui établissait la liste des tâches supprimées et produisait les documents afférents, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, de deuxième part, que pour décider qu'aucune modification de poste n'était démontrée, la Cour d'appel s'est bornée à relever que durant l'année 2012, plusieurs membres de la direction avaient quitté leur poste, soit trois personnes sur cinq, ce qui avait nécessairement entraîné pour la salariée, eu égard aux fonctions qu'elle exerçait auprès de ceux-ci, une baisse sensible de son activité, sans pour autant que la nature de ses tâches, telles qu'elles figurent dans la fiche de poste, n'en soit modifiée ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il se déduisait de ses propres constatations qu'était établie une baisse conséquente de l'activité de la salariée, constitutive d'une modification de son contrat de travail, la Cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 1231-1 du Code du travail ;

Alors, de troisième part, qu'en énonçant que la salariée avait connu une baisse sensible de son activité lors du départ de plusieurs membres de la direction durant l'année 2012, mais qu'elle avait eu la charge d'organiser les réunions mensuelles du comité d'entreprise et la réunion du CHSCT, pour décider que la salariée ne rapportait pas la preuve que ses attributions avaient été modifiées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Liliane X... de sa demande tendant à voir dire son licenciement pour motif économique dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de l'avoir, en conséquence, déboutée de ses demandes indemnitaires sur ce fondement,

Aux motifs que aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologique ; qu'en l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement que dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise, nécessaire selon l'employeur, à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, dans un secteur particulièrement concurrentiel, un déménagement de la société a été programmé ; que la SAS GN HEARING produit le projet de licenciement collectif remis au Comité d'Entreprise le 21 septembre 2012, reprenant la situation économique de la société et indiquant que si les réorganisations déjà opérées depuis 2009 donnent des résultats encourageants, le risque d'une OPA par un concurrent n'est pas écarté, alors que la société a perdu des parts de marché en 2011 à hauteur de 7 %, dans la distribution des indépendants et qu'il reste « impératif d'atteindre un taux de résultat compétitif, seule garantie de ne pas être menacés et absorbés par la concurrence » ; que c'est dans ce contexte que la SAS GN HEARING a décidé de déménager dans des locaux plus fonctionnels, dotés de salles de réunions, d'un show-room et d'une cabine audiométrique dans une zone proche d'un aéroport, plus facile d'accès pour ses clients, afin de mettre ses équipements au même niveau que ceux de ses concurrents, comme le démontre le descriptif des nouveaux locaux produit par la société ; qu'il est, en outre, versé aux débats, l'avis favorable à ce projet du Comité d'Entreprise et du CHSCT ainsi que les décisions de l'inspectrice du travail ayant validé le licenciement pour motif économique de deux salariés protégés qui ont refusé la poursuite de leur contrat de travail sur le nouveau site ; que la SAS GN HEARING rapporte la preuve que la réorganisation de l'entreprise, par le biais du déménagement dans des locaux plus adaptés à l'évolution de son activité, est nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et qu'il existe donc un motif économique à la proposition de modification du contrat de travail de Madame Liliane X..., modification refusée par celle-ci dans son courrier du 10 septembre 2012 ; Sur l'obligation de reclassement : Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en l'espèce, l'employeur a par courriel du 24 octobre 2012 effectué des recherches de postes dans les deux sociétés du groupe (GN OTOMETRICS, située à Massy et GN NETCOM, à Trappes) ayant leur activité en France, la salariée ayant fait part, par écrit, de son refus d'exercer à l'étranger ; qu'il a été proposé deux postes à la salariée : par courrier du 6 novembre 2012, celui d'assistante de direction, qu'elle occupe, à exercer dans les nouveaux locaux à Rungis, et par courrier du 19 novembre 2012, un poste de Sédentaire commerciale ; que Madame Liliane X... a refusé ces deux propositions ; qu'il convient dès lors de considérer que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement et que le licenciement de Madame Liliane X... est fondé ; qu'en conséquence, celle-ci sera déboutée de sa demande de requalification du licenciement et de toutes celles qui y sont liées ;

Alors qu'il résulte de l'article L. 1233-3 du Code du travail que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a retenu que la société rapportait la preuve que la réorganisation de l'entreprise, par le biais du déménagement dans des locaux plus adaptés à l'évolution de son activité, était nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et qu'il existait donc un motif économique à la proposition de modification du contrat de travail de Madame Liliane X..., modification refusée par celle-ci dans son courrier du 10 septembre 2012 ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher l'existence, au niveau du secteur d'activité du groupe auquel la société appartenait, de difficultés économiques ou d'une menace pesant sur la compétitivité de ce secteur, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-14919
Date de la décision : 24/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 oct. 2018, pourvoi n°17-14919


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14919
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