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17/10/2018 | FRANCE | N°17-15302

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 octobre 2018, 17-15302


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2016), que par un arrêt devenu irrévocable du 20 décembre 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé au passif de la société en nom collectif Prestige rénovation, en liquidation judiciaire, dont M. Y... était associé, une créance de la société Isotec Invest et rejeté la demande en paiement dirigée par cette société contre M. Y... ; que par deux jugements du 14 avril et du

11 octobre 2013, un tribunal a ouvert le redressement judiciaire puis prononcé ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2016), que par un arrêt devenu irrévocable du 20 décembre 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé au passif de la société en nom collectif Prestige rénovation, en liquidation judiciaire, dont M. Y... était associé, une créance de la société Isotec Invest et rejeté la demande en paiement dirigée par cette société contre M. Y... ; que par deux jugements du 14 avril et du 11 octobre 2013, un tribunal a ouvert le redressement judiciaire puis prononcé la liquidation judiciaire de M. Y..., Mme C... étant désignée liquidateur ; que la société Isotec Invest a déclaré sa créance qui a été contestée ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'admettre la créance alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité s'attachant à une précédente décision, quels qu'en soient les mérites, qui a rejeté la demande en paiement formée par un créancier contre son débiteur s'oppose à l'admission ultérieure de la créance qui fondait cette demande au passif de la procédure collective du même débiteur, pris en la même qualité ; que par son arrêt du 20 décembre 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait, à tort ou à raison, définitivement rejeté au fond la demande en paiement formée par la société Isotec Invest en tant qu'elle était dirigée contre M. Y..., pris en sa qualité d'associé de la société en nom collectif Prestige rénovation et tenu comme tel indéfiniment et solidairement des dettes sociales en vertu de l'article L. 221-1 du code de commerce ; qu'en jugeant néanmoins que l'autorité de la chose jugée s'attachant à ce précédent arrêt ne faisait pas obstacle à l'admission de la créance litigieuse, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

2°/ que si l'autorité de la chose jugée ne peut être utilement opposée lorsque des événements postérieurs à la décision dont l'autorité est invoquée sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice, il résulte de l'arrêt du 20 décembre 2012, qui avait notamment fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SNC Prestige rénovation la créance de la société Isotec Invest, que cette entité était alors déjà en liquidation judiciaire ; que la cour d'appel ne pouvait donc tirer prétexte de cette même procédure collective pour tenter de justifier l'admission de la créance litigieuse en dépit de l'autorité s'attachant à cette précédente décision ; que la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

Mais attendu que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'ayant relevé que le montant de la créance dont l'admission était demandée par la société Isotec Invest au passif de M. Y... correspondait au montant de la créance de cette société à l'égard de la SNC Prestige rénovation tel que fixé par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et admis à la liquidation de celle-ci par une ordonnance du 23 avril 2015, et que M. Y..., en sa qualité d'associé de la SNC Prestige rénovation, était indéfiniment et solidairement responsable des dettes de cette dernière conformément aux dispositions de l'article L. 221-1 du code de commerce, l'arrêt retient que la société Isotec Invest dispose contre M. Y... d'une créance certaine, liquide et exigible, peu important que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en- Provence ait, à l'époque, rejeté les demandes de la société Isotec Invest contre M. Y... pour la raison qu'au moment où cet arrêt a été rendu, les conditions procédurales relatives à la mise en oeuvre de l'action subsidiaire contre les associés en nom n'étaient pas réunies, en l'absence de titre contre la société ; que la cour d'appel en a exactement déduit que, nonobstant la précédente décision de rejet de la demande de condamnation dirigée par la société Isotec Invest contre M. Y..., la créance devait être admise au passif de ce dernier ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, et sur le second moyen, pris en sa première branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir révoqué l'ordonnance de clôture, reçu Me Z..., agissant ès qualités, en son intervention et admis la créance déclarée par la société Isotec Invest au passif de la liquidation judiciaire de M. Jean-Charles Y... à concurrence de la somme de 442.550,43 € à titre chirographaire ;

AUX MOTIFS QUE par conclusions du 27 juillet 2016, la Sas Isotec Invest sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture ; qu'elle indique qu'elle a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde et que Me Pierre Z..., désigné mandataire judiciaire, doit intervenir volontairement à la procédure ; que par conclusions du même jour, Me Pierre Z..., ès qualités de mandataire à la sauvegarde de la société Isotec Invest, demande à la cour de lui donner acte de son intervention volontaire aux débats et de ce qu'il s'associe à l'argumentation de la société ; qu'il convient de révoquer l'ordonnance de clôture, aucune des parties n'y étant opposée, et de recevoir l'intervention de Me Pierre Z..., ès qualités de mandataire judiciaire de la société Isotec Invest ;

1/ ALORS QUE lorsque le juge révoque l'ordonnance de clôture, cette décision doit intervenir avant la clôture des débats ou sinon s'accompagner d'une réouverture de ceux-ci ; qu'en révoquant l'ordonnance de clôture et en statuant immédiatement au fond par la même décision, la cour d'appel a violé les articles 16 et 784 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE, même à défaut d'opposition des parties, seule l'existence d'une cause grave révélée postérieurement à l'ordonnance de clôture peut justifier sa révocation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser en quoi le placement sous sauvegarde de la société Isotec Invest était constitutif d'une cause grave, ni préciser la date à laquelle cette procédure avait été ouverte, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 784 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir admis la créance déclarée par la société Isotec Invest au passif de la liquidation judiciaire de M. Jean-Charles Y... à concurrence de la somme de 442.550,43 € à titre chirographaire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE dans le litige opposant les époux Y..., la société Isotec Invest et la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Prestige Rénovation dont les époux Y... étaient associés en nom, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, dans un arrêt du 20 décembre 2012, confirmé un jugement du tribunal de commerce de Tarascon en ce qu'il a condamné Prestige Rénovation et les époux Y... au paiement de diverses sommes en faveur de la SAS Isotec Invest, débouté cette dernière de ses demandes dirigées contre les époux Y... au motif qu'elle ne justifiait pas avoir été, avant le jugement du tribunal de commerce de Tarascon, titulaire d'une créance à son égard, ce droit lui ayant été reconnu par l'effet dudit jugement et leur avoir régulièrement délivré la mise en demeure par acte extrajudiciaire prévu à l'article L. 221-1 du code de commerce ; qu'elle a en outre fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SNC Prestige Rénovation la créance de la société Isotec Invest pour un montant total de 442.550,43 € ; que Me C... et M. Y... soutiennent que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix est définitif et a rejeté la demande de condamnation formée contre les époux Y... en qualité d'associés de la société Prestige Rénovation de sorte que le juge-commissaire a fait une analyse inexacte dudit arrêt, en admettant la créance de la société au passif de la liquidation de M. Y..., la société Isotec Invest n'ayant par ailleurs entrepris depuis l'arrêt aucune action à son encontre en sa qualité d'associé de la SNC Prestige Rénovation ; que le montant de la créance dont l'admission est sollicitée au passif de la liquidation de M. Y... par la société Isotec Invest n'est contesté ni par ce dernier, ni par Me C..., et correspond au montant de la créance de la société Isotec Invest à l'égard de la société Prestige Rénovation tel que fixé par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix et admis à la liquidation de cette dernière par ordonnance du 23 avril 2015 ; qu'en l'espèce, c'est à bon droit que le juge-commissaire a considéré que, dès lors que la cour d'appel d'Aix a fixé au passif de la liquidation de la Snc Prestige Rénovation la créance de la société Isotec Invest, et que M. Y..., en sa qualité d'associé de la société Prestige Rénovation, est indéfiniment et solidairement responsable des dettes sociales de cette dernière conformément aux dispositions de l'article L. 221-1 du code de commerce, la société Isotec Invest dispose de ce chef, à l'encontre de M. Y..., une créance certaine, liquide et exigible, peu important que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ait débouté la société Isotec Invest de son action à l'encontre des époux Y... pour la raison que, au moment où l'arrêt a été rendu, les conditions relatives à la mise en oeuvre de ladite action n'étaient pas réunies ; que par ailleurs, compte tenu de la liquidation de la Snc Prestige Rénovation, la délivrance d'une mise en demeure par acte extrajudiciaire préalable aux poursuites contre un associé est inutile puisque la déclaration de créance effectuée par la créancière au passif de ladite Snc vaut mise en demeure ; que l'ordonnance sera en conséquence entièrement confirmée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' il résulte des dispositions combinées des articles L. 624-2 et L. 631-18 du code de commerce qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours soit que la contestation ne relève pas de sa compétence ; que la procédure de vérification et d'admission des créances ne tend qu'à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance ; qu'il résulte des pièces produites et des débats que par arrêt du 20 décembre 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la Snc Prestige Rénovation la créance de la Sas Isotec Invest à la somme de 442.422,94 € toutes causes confondues, outre les dépens d'un montant de 127,49 € ; que la Sas Isotec Invest a déclaré cette créance au passif de M. Jean-Charles Y... en sa qualité d'associé de la Snc Prestige Rénovation ; que la Sas Isotec Invest a également déclaré cette créance au passif de Mme Martine B... épouse Y... en sa même qualité d'associé de la SNC Prestige Rénovation ; que la Sas Isotec Invest sollicite donc aujourd'hui son admission à concurrence de sa déclaration, soit 442.550,43 € ; que le liquidateur judiciaire indique que « la cour d'appel d'Aix-en-Provence a débouté la société Isotec Invest des demandes contre les époux Y... », de sorte qu'elle ne dispose d'aucun titre de condamnation à l'encontre du débiteur ; que cependant, c'est à juste titre que, conformément aux dispositions des articles L. 624-2 et L. 631-18 du code de commerce rappelées ci-dessus, la Sas Isotec Invest fait valoir qu'il appartient au juge-commissaire de se prononcer sur l'existence, le montant et la nature de la créance litigieuse, nonobstant l'absence de titre la constatant ; qu'en l'espèce, la question n'est pas de savoir si la Sas Isotec Invest détient un titre de condamnation à l'égard de M. Jean-Charles Y..., ou si elle n'en détient pas, mais de savoir si la demanderesse peut faire valoir une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre du débiteur ; qu'or, il est établi que dans son arrêt du 20 décembre 2012, désormais définitif, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la Snc Prestige Rénovation la créance de la Sas Isotec Invest à hauteur d'un montant de 442.550,43 € ; qu'il est encore certain que M. Jean-Charles Y..., en sa qualité d'associé de la Snc Prestige Rénovation est indéfiniment et solidairement responsable des dettes sociales de cette dernière, conformément aux dispositions de l'article L. 221-1 du code de commerce ; qu'en conséquence, il s'avère que la créance de la Sas Isotec Invest à l'égard de M. Jean-Charles Y... s'élève à la somme de 442.550,43 €, peu important que la cour d'appel d'Aix-en-Provence ait débouté la Sas Isotec Invest de son action à l'égard des époux Y..., puisque la créance ici fixée à la procédure de liquidation judiciaire du débiteur n'émane pas d'un titre de condamnation directe à son égard, mais de sa qualité d'associé en nom collectif de la Snc Prestige Rénovation ; qu'il convient en conséquence d'admettre la créance déclarée par la Sas Isotec Invest au passif de la liquidation judiciaire de M. Jean-Charles Y... à concurrence de la somme de 442.550,43 € à titre chirographaire ;

1/ ALORS QUE, par son arrêt du 20 décembre 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait confirmé le jugement qui lui était déféré « sauf en ses dispositions ayant condamné la SNC Prestige Rénovation et les époux Y... au paiement de diverses sommes en faveur de la SAS Isotec Invest » ; qu'en retenant au contraire que « la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, dans son arrêt du 20 décembre 2012, confirmé un jugement du tribunal de commerce de Tarascon en ce qu'il a condamné Prestige Rénovation et les époux Y... au paiement de diverses sommes en faveur de la Sas Isotec Invest », la cour d'appel a dénaturé ledit arrêt, en violation de l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

2/ ALORS QUE l'autorité s'attachant à une précédente décision, quels qu'en soient les mérites, qui a rejeté la demande en paiement formée par un créancier contre son débiteur s'oppose à l'admission ultérieure de la créance qui fondait cette demande au passif de la procédure collective du même débiteur, pris en la même qualité ; que par son arrêt du 20 décembre 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait, à tort ou à raison, définitivement rejeté au fond la demande en paiement formée par la société Isotec Invest en tant qu'elle était dirigée contre M. Jean-Charles Y..., pris en sa qualité d'associé de la société en nom collectif Prestige Rénovation et tenu comme tel indéfiniment et solidairement des dettes sociales en vertu de l'article L. 221-1 du code de commerce ; qu'en jugeant néanmoins que l'autorité de la chose jugée s'attachant à ce précédent arrêt ne faisait pas obstacle à l'admission de la créance litigieuse, la cour a de nouveau violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

3/ ALORS QUE si l'autorité de la chose jugée ne peut être utilement opposée lorsque des événements postérieurs à la décision dont l'autorité est invoquée sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice, il résulte de l'arrêt du 20 décembre 2012, qui avait notamment fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SNC Prestige Rénovation la créance de la société Isotec Invest, que cette entité était alors déjà en liquidation judiciaire ; que la cour d'appel ne pouvait donc tirer prétexte de cette même procédure collective pour tenter de justifier l'admission de la créance litigieuse en dépit de l'autorité s'attachant à cette précédente décision ; qu'à cet égard encore, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-15302
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 oct. 2018, pourvoi n°17-15302


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15302
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