LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé du centre hospitalier Les Murets, a été victime le 4 août 2005 d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que pour limiter à une certaine somme l'indemnisation de M. X... au titre de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation, l'arrêt retient que si ce chef de préjudice n'a pas à être réduit en cas de recours à un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatif des dépenses effectives, il doit néanmoins être tenu compte de l'absence de déclaration de cette aide familiale aux organismes sociaux et l'indemnité doit se calculer en coût horaire hors cotisations sociales ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le montant de l'indemnité allouée au titre de l' assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, à la condition que ces préjudices ne soient pas couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... au titre du préjudice résultant de l'absence de prise en charge de son prêt immobilier, l'arrêt énonce que si par sa décision du 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel a apporté une réserve quant à la limitation des droits à indemnisation posée par l'article L. 452-3 du code de sécurité sociale pour les victimes d'accident du travail, rien n'a été prévu pour les assurances de prêt immobilier, celles-ci ne rentrant pas non plus dans le cadre du Titre IV du code de sécurité sociale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... demandait réparation du préjudice résultant du refus d'assurance pour le prêt immobilier qu'il entendait souscrire, lequel n'est pas couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à 18 481,50 euros, l'indemnité allouée à M. X... au titre de la tierce personne temporaire, et l'a déboute de sa demande au titre du préjudice résultant de l'absence de prise en charge de son prêt immobilier, l'arrêt rendu le 1er juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour y être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le centre hospitalier Les Murets aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du centre Hospitalier Les Murets et le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande au titre du préjudice résultant de l'absence de prise en charge de son prêt immobilier et d'avoir fixé le préjudice personnel subi par M. X... à la somme de 18.481,50 euros, seulement, au titre de la tierce personne temporaire ;
AUX MOTIFS QU'au titre de l'indemnisation d'une tierce-personne, M. X... sollicite la somme de 41.100 €, la caisse s'en rapporte, la société quant à elle, s'y oppose, faute de justificatifs ; que si ce chef de préjudice n'a pas à être réduit en cas de recours à un membre de la famille, ni subordonnée à la production de justificatifs de dépenses effectives, il doit néanmoins être tenu compte de l'absence de déclaration de cette aide familiale aux organismes sociaux et l'indemnité doit se calculer en coût horaire hors cotisations sociales ; qu'il ressort du rapport d'expertise que l'expert a considéré comme justifiée l'assistance d'une aide humaine de 1 h 30 par jour pendant le port du corset jusqu'en mai 2006, puis en 2012 ; que de ce même rapport, il ressort que le port du corset s'est fait par intermittence, soit du 4 août 2005 au 31 mai 2006 et du 2 janvier 2012 au 1 janvier 2015, correspondant à la rechute de la lombosciatique ; que compte tenu des constatations de l'expert, une injonction de production des prescriptions sur ce point n'est pas nécessaire ; qu'à défaut de facture, cela justifie l'allocation d'une indemnité de (9 € de coût horaire hors cotisations) x (1 h 30 par jour) x 1 369 jours soit 18 481,50 € ; que M. X... sollicite réparation du préjudice résultant de l'absence de prise en charge de son prêt immobilier, expliquant qu'avant l'accident, il avait fait réaliser un devis d'assurance pour son prêt immobilier de 340 000 €, mais que compte tenu de cet accident, les garanties ITT / IPT / IPP ont été exclues pour toutes les affections disco-vertébrales, et il ne pourra en bénéficier en cas d'aggravation de son état. La caisse et le centre hospitalier s'y opposent au motif que le préjudice n'est pas certain et qu'il n'est pas couvert par le livre IV du code de sécurité sociale ; que si par sa décision du 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel a apporté une réserve quant à la limitation des droits à indemnisation posée par l'article L.452-3 du code de sécurité sociale pour les victimes d'accident du travail, il n'a cependant pas posé de principe de réparation intégrale et rien n'a été prévu pour les assurances de prêt immobilier ; que celles-ci ne rentrent pas non plus dans le cadre du Titre IV du code de sécurité sociale, de sorte que cette demande sera rejetée ;
1°) ALORS QUE le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives; qu'en l'espèce, pour limiter l'indemnisation due à M. X... au titre de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation, la cour d'appel a retenu qu'elle devait tenir compte du recours à un membre de la famille, et que l'indemnité devait se calculer avec un coût horaire hors cotisations sociales de 9 euros (arrêt, p. 3 dernier §) ; qu'en statuant ainsi, tandis que le montant d'une indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance bénévole par un membre de la famille, la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ensemble le principe de la réparation intégrale ;
2° ALORS QUE les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, ne font pas obstacle à ce qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, et indépendamment de la majoration de rente servie à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, celle-ci puisse demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation, non seulement des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé, mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; que le préjudice résultant de l'absence de prise en charge par une assurance d'un prêt immobilier n'est pas au nombre des dommages couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande formulée par M. X... de réparation du préjudice résultant de l'absence de prise en charge de son prêt immobilier, la cour d'appel a retenu que le Conseil constitutionnel n'avait pas énoncé le principe de la réparation intégrale et que rien n'avait été prévu pour les assurances de prêt immobilier ; qu'en statuant ainsi, tandis que le préjudice résultant de l'absence de prise en charge par une assurance d'un prêt immobilier n'était pas au nombre des dommages couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, de sorte que son indemnisation pouvait être demandée, la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ensemble le principe de la réparation intégrale.