LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 avril 2017), que la direction des services partagés (DSP) de la société Electricité de France (EDF), envisageant une nouvelle cartographie de ses sites d'implantation, a les 24 et 26 mai 2016 engagé une procédure d'information consultation des deux comités d'établissement ainsi que des vingt-six comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) implantés en son sein relative à un « projet de schéma directeur des implantations des entités de la DSP » ; que le 24 juin 2016, estimant ne pas disposer des informations suffisantes pour rendre un avis motivé, les deux comités d'établissement et dix-sept CHSCT ont saisi le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés ; que huit autres CHSCT sont intervenus volontairement à l'instance ;
Attendu que la société EDF fait grief à l'arrêt de déclarer les CHSCT recevables en leur intervention volontaire et en leur action jointe à celle des comités d'établissement de la DSP et de lui ordonner de remettre aux CHSCT un certain nombre de documents, alors, selon le moyen, que l'article L. 2323-4 du code du travail dispose, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, applicable en la cause, que les membres élus du comité d'entreprise peuvent, s'ils estiment ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants ; que lors même que consulté parallèlement au comité d'entreprise, son avis devrait être préalablement communiqué à celui-ci, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne tient d'aucune disposition la possibilité de saisir le président du tribunal de grande instance en la forme des référés aux mêmes fins, ni d'intervenir, dans son intérêt propre, dans l'instance ouverte par la demande du comité d'entreprise ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors juger recevable l'action ou l'intervention des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, tendant à voir enjoindre la société EDF de leur transmettre tels éléments, sans violer l'article L. 2323-4 du code du travail ;
Mais attendu que le CHSCT, qui dans le cadre d'une procédure d'information consultation doit rendre son avis au comité d'établissement, a qualité pour agir devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés aux fins de communication par l'employeur d'éléments d'information supplémentaires ;
Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que les deux comités d'établissement avaient sollicité le concours des CHSCT sur le volet conditions de travail et impact sur la santé du schéma directeur d'implantation des deux entités de la DSP, et demandé la transmission de leur avis, en a exactement déduit que l'action et l'intervention volontaire des différents CHSCT étaient recevables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société EDF SA aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société EDF SA à payer la somme globale de 1 000 euros aux deux comités d'établissement Direction des services partagés tertiaire et DSP-informatique et télécommunication de la société EDF SA ;
Vu l'article L. 4614-13 du code du travail condamne la société EDF SA à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 500 euros TTC ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société EDF SA.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise, notamment en ce qu'elle avait déclaré les CHSCT recevables en leur intervention volontaire et en leur action jointe à celle des comités d'établissement de la DSP et d'avoir ordonné à la société EDF de remettre sous astreinte aux CHSCT de la DSP IT, de la DSP tertiaire un certain nombre de documents, de l'avoir condamnée à prendre les honoraires du CHSCT de la DSP IT et de la DSP tertiaire à hauteur de 5 000 euros au titre de la première instance et 3 645 euros TTC au titre de l'appel et d'avoir débouté la société EDF de sa demande tendant à voir dire que le délai de consultation des CHSCT était expiré ;
Aux motifs propres que la société EDF se prévaut de l'article L.2323-4 alinéa 2 du code du travail pour soutenir que la saisine du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés est exclusivement réservée au comité d'entreprise et que dès lors les CHSCT sont irrecevables en leur action ; que les CHSCT répliquent qu'ils apportent leur concours aux deux comités d'établissement qui les ont sollicités, qu'ils doivent rendre leur avis préalablement à celui des CE, qu'il y a donc une articulation certaine dans les deux consultations, que dès lors les demandes d'informations sont connexes ; qu'ils considèrent dès lors qu'étant parties à l'action initiée par les comités d'établissement, tant les CHSCT qui se sont joints à l'assignation initiale que ceux qui sont intervenus volontairement par conclusions dans l'instance devant le premier juge sont recevables en leur action ; que l'article L.2323-4 du code du travail dispose que "pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur ou, le cas échéant, mises à disposition dans les conditions prévues à l'article L. 2323-9, et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations ; que les membres élus du comité peuvent, s'ils estiment ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants ; que le juge statue dans un délai de huit jours ; que cette saisine n'a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis ; que toutefois, en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du comité d'entreprise, le juge peut décider la prolongation du délai prévu à l'article L.2323-3 ; que cet article ne vise certes que la saisine par le comité d'entreprise du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour obtenir la communication des éléments manquants ; que néanmoins, les deux comités d'établissement DSP Tertiaire et DSP IT ont, compte tenu des impacts sur l'organisation et les conditions de travail de l'établissement du schéma directeur d'implantation des entités DSP IT et DSP Tertiaire qui leur était présenté par EDF, voté une résolution respectivement les 24 et 26 mai 2016 par laquelle ils ont sollicité le concours des CHSCT sur le volet condition de travail et impact sur la santé du dossier soumis par la direction et ont demandé à cette dernière de lui transmettre les avis des CHSCT ainsi que les documents transmis à ceux-ci pour leur permettre d'émettre leur avis ; que cette résolution s'inscrit dans le cadre du concours que le CHSCT peut apporter au CE pour les matières relevant de sa compétence en application de l'article L.2323-46 alinéa 2 du code du travail, étant précisé que ses avis sont alors transmis au CE ; que cette corrélation entre les deux instances est d'ailleurs renforcée par l'article L.4618-1 alinéa 2 du code du travail issu de la loi du 17 août 2015 et l'article R.4614-5-3 issu du décret du 29 juin 2016 qui, en prévoyant la date auquel l'avis du CHSCT doit être transmis pour que le CE puisse rendre son avis, attribue un ordre dans l'émission des avis et dès lors dans les consultations des instances représentatives du personnel ; qu'en l'occurrence, il n'est pas discuté que le projet de schéma directeur d'implantation des entités des deux DSP entre dans le champ de compétence des deux instances que sont le CE et le CHSCT, et que l'employeur doit donner au CHSCT les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; qu'il existe dès lors une interdépendance certaine tant dans le processus de consultation des deux entités que dans la délivrance des informations nécessaires à la mise en oeuvre de ce processus de consultation, même s'il ne s'agit pas nécessairement des mêmes données qui sont à fournir par la direction ; qu'il en résulte que la demande d'informations faite par les CHSCT présente un caractère de connexité avec la demande d'informations supplémentaires que le CE peut demander dans le cadre de l'article L.2323-4 du code du travail, si ce dernier estime ne pas disposer d'éléments suffisants ; qu'il s'ensuit qu'il convient de confirmer la décision du premier juge, qui a déclaré recevables tant les dix-sept CHSCT en leur saisine initiale que les huit autres visés en tête de l'ordonnance en leur intervention volontaire ; que sur la demande de communication de documents [
], si le périmètre du schéma directeur de la société EDF se trouve réduit devant la cour, les projets d'implantation de la DSP IT et de la DSP Tertiaire, tels qu'ils sont actuellement présentés par la société EDF pour avis, ont pour objet la réduction du nombre d'implantations sur le territoire comprenant soit un regroupement des sites en Ile de France soit des implantations de sites cibles à l'échéance de 2020 ; que dès lors, dans ce contexte les CE et les CHSCT sont fondés à obtenir les informations suffisantes aux fins de leur permettre d'analyser et de donner un avis éclairé sur les projets qui leur sont présentés, et la décision du premier juge qui a ordonné la production d'un certain nombre de documents sous astreinte sera confirmée dans son principe ; [...] qu'en ce qui concerne l'information des CHSCT, ceux-ci font remarquer, à juste titre, que la société EDF a évoqué les impacts quantitatifs sur l'emploi mais n'a pas donné d'information sur le contenu de l'activité des salariés concernés ; que s'agissant des informations portant sur l'identification des impacts à caractère collectif sur les salariés, il n'est pas justifié par la société EDF de son caractère irréalisable alors, que comme le soulignent les CHSCT, elle parvient à proposer une évaluation des gains de productivité attendus de cette nouvelle organisation ; qu'il convient dès lors d'ordonner à la société EDF la production de ces deux informations utiles à l'accomplissement par les CHSCT de leur mission, dans les conditions mentionnées dans le dispositif de la décision ; que sur le délai de consultation des CHSCT, la société EDF soutient que ce délai est expiré car il n'a pas été prorogé, ce que contestent les CHSCT ; que le premier juge a prorogé, en application de l'article L. 2323-4 du code du travail, le délai de consultation des CE pour une durée de trois mois à compter de la réception complète des informations complémentaires dont la communication est ordonnée ; qu'il s'ensuit que la prorogation du délai des CE bénéficie nécessairement aux CHSCT et que toute demande tendant à voir dire que le délai de ces derniers est expiré sera dès lors rejetée ;
Et aux motifs, le cas échéant repris des premiers juges, que dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, dite « loi de sécurisation de l'emploi », l'article L.2323-3 du code du travail, qui stipule que le comité d'entreprise doit disposer d'un « délai suffisant » dans le cadre de ses attributions consultatives, enserre la procédure de consultation de l'instance (comité d'entreprise ou comité d'établissement) dans un délai fixé d'un commun accord entre l'employeur et la majorité des membres des titulaires du comité, soit conformément aux prescriptions d'un décret en Conseil d'État, intervenu le 27 décembre 2013 ; qu'en vertu de ces dispositions, si le comité n'a pas rendu son avis à l'expiration du délai ainsi fixé, il est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif sur le projet qui lui était soumis ; qu'il est également prévu que le délai doit permettre au comité d'entreprise ou au comité d'établissement d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l'information et de la consultation du ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'à défaut d'accord, selon l'article R.2323-1 du code du travail, le délai dont dispose le comité d'entreprise ou le comité d'établissement est fixé à un mois, ce délai étant porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert et à trois mois en cas de saisine d'un ou plusieurs CHSCT, voire quatre mois lorsqu'une instance de coordination des CHSCT est mise en place ; que par ailleurs, l'article L.2323-4 du code du travail a été complété pour préciser que si les membres élus du comité estiment ne pas disposer d'éléments suffisants, ils pourront saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin d'obtenir la communication par l'employeur des éléments manquants, sans que cette saisine prolonge le délai imparti au comité pour donner son avis ; que toutefois, en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du comité d'entreprise ou du comité d'établissement, le juge peut décider la prolongation du délai fixé par l'accord ou par le décret ; qu'en l'espèce, la société EDF soulève l'irrecevabilité des demandes formulées par les CHSCT au motif que ces derniers ne disposent pas de la qualité à agir sur le fondement de l'article L.2323-4 susvisé ; que s'il est exact qu'aux termes des dispositions précitées, seuls les avis du comité d'entreprise et du comité d'établissement (CE) ont la faculté de saisir le président du tribunal statuant en la forme des référés pour obtenir la communication par l'employeur d'informations complémentaires et, le cas échéant, la prolongation du délai qui lui est imparti pour rendre son avis, il apparaît toutefois que le législateur a également prévu que le délai imparti au CE devait permettre au CHSCT, le cas échéant, d'être informé et consulté, le règlement portant ce délai à trois mois en cas de saisine du ou des CHSCT ; qu'en application de l'article L.4618-1 alinéa 2 du code du travail, issu de la loi dite « Rebsamen », le décret n° 2016-868 du 29 juin 2016, applicable depuis le 1er juillet 2016, fixe pour principe, en l'absence d'accord et en cas de double consultation CE/CHSCT, que le CHSCT rend son avis au plus tard sept jours avant l'expiration du délai de consultation du CE (article R.4614-5-3 nouveau du code du travail) ; qu'il ressort de l'ensemble des dispositions précitées qu'il existe une corrélation étroite entre les délais dont disposent d'une part les CHSCT et ceux dont disposent d'autre part les comités d'établissement, ces derniers en pouvant émettre leur avis avant d'avoir recueilli l'avis des CHSCT, ce qui implique que si les CHSCT ne disposent pas des informations suffisantes pour émettre leur avis, les CE seront dans la même impossibilité ; que compte tenu de l'interdépendance des procédures d'information-consultation des instances représentatives du personnel et de la connexité des demandes de communication d'informations complémentaires qui sont formulées dans le présent litige, il y a lieu de déclarer les CHSCT recevables à agir, aux côtés des comités d'établissement, devant la juridiction statuant en la forme des référés pour demander des informations complémentaires en vue de leur information complète ; que par ce conséquent, les huit CHSCT désignés à l'en-tête de l'ordonnance seront déclarés recevables en leur intervention volontaire ;
Alors que l'article L.2323-4 du code du travail dispose, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, applicable en la cause, que les membres élus du comité d'entreprise peuvent, s'ils estiment ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants ; que lors même que consulté parallèlement au comité d'entreprise, son avis devrait être préalablement communiqué à celui-ci, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne tient d'aucune disposition la possibilité de saisir le président du tribunal de grande instance en la forme des référés aux mêmes fins, ni d'intervenir, dans son intérêt propre, dans l'instance ouverte par la demande du comité d'entreprise ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors juger recevable l'action ou l'intervention des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, tendant à voir enjoindre la société EDF de leur transmettre tels éléments, sans violer l'article L. 2323-4 du code du travail.