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03/10/2018 | FRANCE | N°17-14170

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 octobre 2018, 17-14170


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 5 janvier 2017), que M. Y..., engagé le 21 juin 1994 par la société Habitat Sud-Atlantic-Office public de l'habitation, selon contrat à durée déterminée puis indéterminée ultérieurement transféré à l'Office public de l'habitat de Bayonne (l'employeur), exerçait en dernier lieu la fonction de chef d'agence Adour Côte basque ; qu'il a bénéficié à compter du 6 mars 2012 de la protection de six mois prévue pour les salariés candidats aux

fonctions de représentant au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de tr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 5 janvier 2017), que M. Y..., engagé le 21 juin 1994 par la société Habitat Sud-Atlantic-Office public de l'habitation, selon contrat à durée déterminée puis indéterminée ultérieurement transféré à l'Office public de l'habitat de Bayonne (l'employeur), exerçait en dernier lieu la fonction de chef d'agence Adour Côte basque ; qu'il a bénéficié à compter du 6 mars 2012 de la protection de six mois prévue pour les salariés candidats aux fonctions de représentant au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 3 mai 2012 ; qu'il a été dispensé d'activité à compter de cette date et s'est vu notifier une rétrogradation, qu'il a refusée ; qu'il a été convoqué à un nouvel entretien préalable à un licenciement le 15 juin 2012 ; que l'inspecteur du travail, saisi le 19 juillet 2012, a refusé d'accorder son autorisation le 9 août 2012 et que le salarié a été placé en congés payés et RTT jusqu'au 7 septembre 2012 ; qu'il a été convoqué à cette date à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied conservatoire ; qu'il a été licencié pour faute grave le 21 septembre 2012 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié et de le condamner à payer à ce dernier diverses sommes alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur est en droit de licencier un ancien salarié protégé sans l'autorisation de l'inspecteur du travail pour des faits commis au cours de la période de protection, lorsqu'il n'a eu connaissance de ces faits qu'après l'expiration de cette période ; qu'en jugeant que les griefs qui n'ont pas été évoqués par l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement soumise à autorisation ne peuvent plus l'être après expiration de la période de protection, sans constater que l'employeur avait une connaissance exacte de ces faits avant l'expiration de cette période, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-10 et L. 2411-13 du code du travail ;

2°/ que le délai de prescription des faits fautifs, fixé par l'article L. 1332-4 du code du travail, ne court qu'à compter du jour où les faits commis par le salarié ont été portés à la connaissance de l'employeur ; qu'en affirmant que les griefs relatifs aux graves dysfonctionnements du service dont M. Y... avait la charge étaient prescrits, sans constater que l'employeur avait eu une connaissance exacte de ces faits plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

3°/ que la saisine de l'inspecteur du travail est sans objet, lorsque l'inspecteur du travail n'est pas compétent pour y répondre au moment de statuer ; que devant la cour d'appel, l'employeur a fait valoir que du fait de la durée de la procédure disciplinaire, impliquant la consultation d'une commission de discipline et du comité d'entreprise, l'inspecteur du travail n'aurait pu se prononcer sur licenciement avant l'expiration de la période de protection, de sorte que l'absence de saisine de l'inspecteur du travail était incidence sur les droits du salarié et ne pouvait caractériser un détournement de la procédure de protection ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a encore violé les articles L. 2411-10 et L. 2411-13 du code du travail ;

Mais attendu qu'est irrégulier le licenciement du salarié au terme de son mandat prononcé en raison de faits commis pendant la période de protection et qui auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail ;

Et attendu que la cour d'appel a retenu, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen, que l'employeur fondait le licenciement, postérieur à l'expiration de la période de protection, sur des griefs dont il reconnaissait, pour certains, en avoir été informé pendant la période de protection ;

Que le moyen, qui manque en fait en sa première branche et est inopérant en sa deuxième branche n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'établissement Habitat Sud-Atlantic-Office public de l'habitat de Bayonne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour l'établissement Habitat Sud-Atlantic-Office public de l'habitat de Bayonne

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. Y... était sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir condamné la société Habitat Sud Atlantic à lui payer diverses sommes à titre de salaire pendant la période de mise à pied, d'indemnité de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE si une fois la période de protection expirée, l'employeur retrouve la possibilité de licencier le salarié dans les conditions de droit commun, c'est à la condition qu'il n'ait pas contourné le statut protecteur du salarié en laissant volontairement passer la période de protection ; pour ce motif, le salarié ne peut pas être licencié pour des faits commis lors de la période de protection qui auraient dû être soumis à l'appréciation de l'inspecteur du travail ; en outre, les faits déjà invoqués par l'employeur devant l'inspecteur du travail et qui ont donné lieu à un refus d'autorisation de licencier ne peuvent pas être invoqués comme motif de rupture après l'expiration de la période de protection du salarié ; ainsi en est-il des faits reprochés à M. Y... dans la lettre de licenciement relatifs au « non traitement de l'agression de Mme B..., personnel d'immeuble en janvier 2012 », et à « la diffusion à vos équipes de documents confidentiels dans le cadre du groupe du travail "adapter notre présence sur le terrain" en mars 2012 » qui avaient été expressément évoqués au soutien de la demande d'autorisation de licencier présentée à l'inspecteur du travail et que celui-ci avait considéré comme insuffisants pour justifier un licenciement ; au demeurant, lors de la mise en oeuvre de la dernière procédure de licenciement, le 7 septembre 2012, ces faits fautifs étaient prescrits ; le salarié n'ayant plus occupé son poste de travail à compter du 3 mai 2012, les "décisions stratégiques telles que la saisie informatique des états des lieux" et les "les dispositions relatives à l'organisation de l'entreprise" telles que "la classification des emplois adoptée par accord collectif en 2011" qui "n'était pas appliquée à l'agence Adour côte basque" sont également des motifs que l'employeur a reconnu avoir découverts "depuis votre dispense d'activité" et à la faveur de "l'intérim sur votre poste" sans démontrer, ni même soutenir qu'il n'en était pas informé au moment de la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire ayant abouti au refus d'autorisation de licencier et alors que deux mois d'intérim s'étaient déjà écoulés à cette date ; ces griefs qui n'ont pas été évoqués par l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement soumise à autorisation, ne peuvent dès lors plus l'être après expiration de la période de protection et étaient en tout état de cause prescrits le 7 septembre 2012 ; s'agissant en dernier lieu des faits du 14 juillet 2012, il est établi que les 14 et 16 juillet 2012, M. Y... a adressé à M. C..., qui l'avait assisté dans le cadre de la procédure disciplinaire- et à M. D... et Mme E... des sms de réprobations et menaces en relation avec le vote présumé de ces membres du comité d'entreprise en faveur de son licenciement pour faute grave ; ces trois salariés ont immédiatement informé l'employeur de ces messages ; la société Habitat sud atlantic en était en conséquence nécessairement informée lorsqu'elle a saisi la direccte le 19 juillet 2016, ce que l'intimée ne conteste pas ; elle soutient cependant qu'elle ne pouvait faire figurer ce motif de licenciement dans sa demande à l'inspection du travail sans devoir reprendre la procédure de consultation tant de la commission de discipline que du comité d'entreprise, ce qui, au regard des délais applicables et de la période d'été aurait nécessairement conduit au-delà de la période de protection ; l'argument tiré de la longueur des délais est cependant discutable au regard de leur abrègement en cas de mise à pied du salarié protégé ; il sera relevé que la société Habitat sud Atlantic a immédiatement mis à pied M. Y... dès la période de protection expirée, ce qu'elle aurait dû faire dès le mois de juillet 2012 puisque la situation était strictement identique ; de plus, et dans la mesure où il n'appartient pas à l'employeur de juger de la compétence de l'inspecteur du travail pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de l'employeur, ce moyen est dépourvu de pertinence et ne pouvait en tout état de cause valider la décision de l'employeur de ne pas soumettre à l'appréciation de l'inspecteur du travail des faits commis pendant la période de protection ; il sera enfin observé qu'une nouvelle convocation de la commission de discipline et du comité d'entreprise préalable à la saisine de l'inspecteur du travail ne pouvait avoir aucune incidence sur l'avis de ces instances, et sur les droits du salarié protégé, puisque tant la commission que le comité d'entreprise s'étaient déjà prononcés en faveur du licenciement pour faute grave ; il en découle ou bien que l'employeur ne considérait pas les faits litigieux des 14 et 16 juillet comme suffisamment graves pour être soumis à l'inspecteur du travail et dans ce cas, ce motif ne pouvait être invoqué comme un grief justifiant un licenciement pour faute grave après expiration de la période de protection ; ou bien que l'employeur a sciemment omis de mentionner ce grief dans sa demande d'autorisation pour pouvoir l'invoquer dès l'expiration de la période de protection, ce qui caractérise un détournement de procédure ; en l'occurrence, cette seconde explication est confortée par les faits suivants, -les sms adressé aux membres du comité d'entreprise et de la commission de discipline constituent le principal motif du licenciement dans la lettre du 21 septembre 2012, -l'employeur s'est employé par tous moyens à empêcher M. Y... de reprendre son poste de travail à compter du 3 mai 2012, -la dernière procédure a été mise en oeuvre le jour même de son retour dans l'entreprise le 7 septembre où il s'est vu à la fois convoqué à un entretien préalable et mis à pied ;

1. ALORS QUE l'employeur est en droit de licencier un ancien salarié protégé sans l'autorisation de l'inspecteur du travail pour des faits commis au cours de la période de protection, lorsqu'il n'a eu connaissance de ces faits qu'après l'expiration de cette période ; qu'en jugeant que les griefs qui n'ont pas été évoqués par l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement soumise à autorisation ne peuvent plus l'être après expiration de la période de protection, sans constater que l'employeur avait une connaissance exacte de ces faits avant l'expiration de cette période, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-10 et L. 2411-13 du code du travail ;

2. ALORS QUE le délai de prescription des faits fautifs, fixé par l'article L. 1332-4 du code du travail, ne court qu'à compter du jour où les faits commis par le salarié ont été portés à la connaissance de l'employeur ;
qu'en affirmant que les griefs relatifs aux graves dysfonctionnements du service dont M. Y... avait la charge étaient prescrits, sans constater que l'employeur avait eu une connaissance exacte de ces faits plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

3. ALORS QUE la saisine de l'inspecteur du travail est sans objet, lorsque l'inspecteur du travail n'est pas compétent pour y répondre au moment de statuer ; que devant la cour d'appel, l'employeur a fait valoir que du fait de la durée de la procédure disciplinaire, impliquant la consultation d'une commission de discipline et du comité d'entreprise, l'inspecteur du travail n'aurait pu se prononcer sur licenciement avant l'expiration de la période de protection, de sorte que l'absence de saisine de l'inspecteur du travail était incidence sur les droits du salarié et ne pouvait caractériser un détournement de la procédure de protection ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a encore violé les L. 2411-10 et L. 2411-13 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-14170
Date de la décision : 03/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 05 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 oct. 2018, pourvoi n°17-14170


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14170
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