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20/09/2018 | FRANCE | N°17-14414

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 septembre 2018, 17-14414


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2323-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, que la direction de l'établissement de Maisons-Alfort de la société Sanofi Winthrop industrie (la société) a dénoncé, le 27 mars 2014, le protocole d'accord qu'elle avait signé le 21 décembre 2006 avec cinq organisations syndicales représentatives, auquel avait été ajouté un avenant le 7 juillet 2008, po

ur compléter les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles, notamment l'ac...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2323-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, que la direction de l'établissement de Maisons-Alfort de la société Sanofi Winthrop industrie (la société) a dénoncé, le 27 mars 2014, le protocole d'accord qu'elle avait signé le 21 décembre 2006 avec cinq organisations syndicales représentatives, auquel avait été ajouté un avenant le 7 juillet 2008, pour compléter les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles, notamment l'accord de groupe du 14 avril 2005, relatives au droit syndical applicable dans l'entreprise et touchant notamment à l'augmentation des heures de délégation, à la tenue des réunions d'information du personnel, à la diffusion des tracts et aux moyens mis à la disposition des syndicats ; que cet accord et son avenant du 7 juillet 2008 sont parvenus à leur terme, le 15 juin 2015, sans qu'aucun accord d'adaptation n'ait pu être négocié avec les syndicats représentatifs ; que le comité d'établissement de la société a saisi la juridiction des référés d'une contestation de la dénonciation de l'accord de 2006 ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à référé et débouter le comité d'établissement de sa demande de voir juger que la dénonciation de l'accord du 21 décembre 2006 et de son avenant du 7 juillet 2008 était sans effet et que ces accords demeuraient applicables jusqu'à leur dénonciation régulière et de sa demande de mise en place sous astreinte d'une procédure d'information-consultation, l'arrêt retient que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que l'accord de 2006, qui portait, comme l'accord de droit syndical groupe du 14 avril 2005 définissant les moyens donnés aux représentants du personnel élus ou mandatés pour remplir leur mission - ce dernier accord rappellerait-il justement que la bonne marche économique du groupe et une politique sociale de qualité sont indissociables - sur le statut des représentants du personnel et non sur celui de l'ensemble des salariés, ne rentrait pas dans le champ des « questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise » énumérées par l'article L. 2323-6 du code du travail ; que, dès lors, la dénonciation de l'accord de 2005 et de son avenant de 2008 ne devant pas faire l'objet d'une information-consultation du comité d'établissement, l'existence d'un trouble manifestement illicite n'était pas démontrée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la dénonciation d'un accord collectif disposant en matière de moyens mis à disposition des organisations syndicales de l'entreprise et de leurs représentants, ainsi qu'en matière de communication syndicale, relève des questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise au sens de l'article L. 2323-6 du code du travail, alors applicable, ce dont elle aurait dû déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Sanofi Winthrop industrie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sanofi Winthrop industrie et la condamne à payer au comité d'établissement Sanofi SWI la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le comité d'établissement Sanofi SWI

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit qu'il n'y avait pas lieu à référé, et d'avoir en conséquence débouté le comité d'entreprise de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE de sa demande de voir juger que la dénonciation de l'accord du 21 décembre 2006 et son avenant du 7 juillet 2008 était sans effet et que ces accords demeuraient applicables jusqu'à leur dénonciation régulière, et de l'avoir également débouté de sa demande de mise en place sous astreinte d'une procédure d'information-consultation,

Aux motifs propres que la direction de l'établissement de Maisons-Alfort de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE a informé les organisations syndicales par courrier du 27 mars 2014 de la dénonciation de l'accord du 21 décembre 2006 complété par un avenant du 7 juillet 2008 qu'elle avait passé avec cinq organisations syndicales représentatives pour compléter les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles, notamment l'accord de groupe du 14 avril 2005, relatives au droit syndical applicable dans l'entreprise et touchant notamment à l'augmentation des heures de délégations à la tenue des réunions d'information du personnel, à la diffusion des tracts et aux moyens mis à la disposition des syndicats ; que cet accord et son avenant du 7 juillet 2008 étant parvenu à son terme, le 15 juin 2015, sans qu'aucun accord d'adaptation n'ait pu être négocié avec les syndicats représentatifs, l'employeur a notifié une retenue sur salaire au secrétaire et au trésorier du comité d'entreprise par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2015 ; que lors de sa réunion du 20 octobre 2015, le Comité d'entreprise a mandaté son secrétaire pour assigner l'employeur devant le juge des référés en contestation de la dénonciation de l'accord de 2006 ; que sur l'absence d'urgence une nouvelle fois soulevée par l'employeur, que le juge des référés a justement répliqué que, s'il ne pouvait ordonner des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend qu'en cas d'urgence - laquelle n'est pas caractérisée en l'espèce -, aucune condition d'urgence n'était requise par l'article 809 du code de procédure civile pour lui permettre, même en présence d'une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposaient, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que sur le trouble manifestement illicite que constituerait, selon le comité d'entreprise, l'absence d'information et consultation préalable à la décision de dénonciation de l'accord collectif de 2006, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que cet accord qui portait, comme l'accord de droit syndical groupe du 14 avril 2005 définissant les moyens donnés aux représentants du personnel élus ou mandatés pour remplir leur mission - ce dernier accord rappellerait-il justement que la bonne marche économique du groupe et une politique sociale de qualité sont indissociables - sur le statut des représentants du personnel et non sur celui de l'ensemble des salariés, ne rentrait pas dans le champ des « questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise » énumérées par l'article L. 2323-6 du code du travail ; que dès lors, la dénonciation de l'accord de 2005 et de son avenant de 2008 ne devant pas faire l'objet d'une information-consultation du comité d'établissement, l'existence d'un trouble manifestement illicite n'était pas démontré ;

Et aux motifs réputés adoptés que le 21 décembre 2006, la direction de l'établissement de Maisons-Alfort de la société SWI et les cinq organisations syndicales représentatives ont signé un protocole d'accord visant à compléter les dispositions applicables relatives au droit syndical issues de la loi, des règlements en vigueur et des accords collectifs déjà applicables en réglant plus particulièrement, par l'augmentation des heures de délégation, les questions relatives aux réunions d'information du personnel, à la diffusion de tracts, aux moyens mis à la disposition des organisations syndicales, aux crédits d'heures accordés aux représentants du personnel ; que cet accord, et son avenant, a été dénoncé par l'employeur le 27 mars 2014 ; qu'il est arrivé à son terme le 15 juin 2015 sans qu'aucun accord d'adaptation n'ait été signé ; que la régularité de sa dénonciation n'est pas, en elle-même, discutée ; que le salaire de certains membres du comité d'établissement ayant fait l'objet d'une retenue rétroactive, cette institution a, lors de sa réunion du 29 octobre 2015, mandaté son secrétaire afin d'introduire la présente instance, au visa des articles 808 et 809 du code de procédure civile ; que pour s'opposer à la demande, l'employeur soutient, en premier lieu, que le comité d'établissement ne caractérise pas l'urgence nécessaire à l'intervention du juge des référés ; que cependant, l'article 808 et l'article 809 du Code de procédure civile ne sont pas exclusifs l'un de l'autre de sorte qu'ils peuvent fonder la demande de façon alternative ou cumulative ; qu'en application de l'article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la preuve de l'urgence n'est pas une condition requise à l'application de ce texte qui peut intervenir même en présence d'une contestation sérieuse ; que dès lors, le moyen soulevé en défense tiré de l'absence d'urgence est inopérant ; qu'il appartient en revanche à la partie qui demande la prescription, en référé, de mesures conservatoires ou de remise en état, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, d'établir l'imminence d'un dommage ou l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'à l'appui de sa demande, le comité d'établissement soutient que l'employeur aurait dû, préalablement à sa décision de dénoncer l'accord du 21 décembre 2006, procéder à la consultation/information du comité d'établissement prévue à l'article L. 2323-2 du code du travail ; qu'il précise que cet accord entre dans le périmètre des attributions du comité d'établissement défini par l'article L.2323-6 du même code ; que cet article L. 2323-6 dispose que : « Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle » ; que le comité d'établissement soutient que, dans son accord du 14 avril 2005, dont les accords dénoncés ne sont que l'adaptation au niveau de l'établissement de SWI, le Groupe SANOFI a expressément reconnu que le temps consacré à la mission des représentants syndicaux doit être considéré comme une activité de service au regard de l'entreprise et de ses salariés, contribuant à la bonne marche économique et sociale de celle-ci ; qu'il en déduit que toute dénonciation d'un accord portant sur le temps de délégation entre dans le périmètre des décisions pour lesquelles le comité d'établissement doit être informé/consulté ; qu'il précise que toute modification des heures de délégation des représentants du personnel a des effets sur le temps et les conditions de travail des dits représentants qui sont des salariés de l'entreprise ; que cependant, il n'est pas contesté que l'accord dénoncé ne porte pas sur le statut de l'ensemble des salariés mais uniquement sur celui des représentants du personnel, qui est distinct, ce que ne méconnaît pas l'accord du 14 avril 2015 lorsqu'il relève que le temps consacré à l'exercice du droit syndical contribue à la bonne marche économique et sociale de l'entreprise ; que dès lors, il n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 2323-6 précité et sa dénonciation ne devait pas faire l'objet d'une information/consultation du comité d'établissement ; que le comité d'établissement n'établit donc pas l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'absence d'information/ consultation et il n'y a lieu à référé ;

Alors, de première part, qu'il résulte des articles L. 2323-1, L. 2323-2 et L. 2323-6 du Code du travail que le comité d'entreprise doit être consulté sur la dénonciation par le chef d'entreprise d'un accord d'entreprise qui intéresse l'organisation, la gestion ou la marche de l'entreprise ; qu'à défaut, la dénonciation demeure sans effet jusqu'à l'accomplissement de cette formalité ; que la Cour d'appel a constaté que l'accord collectif de 2006 portait « sur le statut des représentants du personnel, comme celui du 14 avril 2005 définissant les moyens donnés aux représentants du personnel élus ou mandatés pour remplir leur mission », et « non sur le statut de l'ensemble des salariés » ; qu'elle en a déduit que cet accord n'entrait pas dans le champ des « questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise » énumérées par l'article L. 2323-6 du Code du travail, de sorte que la dénonciation de l'accord litigieux et de son avenant ne devait pas faire l'objet d'une information-consultation du Comité d'établissement ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'accord litigieux et son avenant portaient sur les moyens accordés aux représentants du personnel pour exercer leur mission intéressant l'ensemble des salariés de l'entreprise, ce dont il résultait que le comité d'entreprise avait vocation à être informé et consulté préalablement à leur dénonciation par l'employeur, la Cour d'appel s'est prononcée par de motifs inopérants, violant les articles L. 2323-1, L. 2323-2 et L. 2323-6 du Code du travail ;

Alors, de seconde part, qu'il résulte des articles L. 2323-1, L. 2323-2 et L. 2323-6 du Code du travail que le comité d'entreprise doit être consulté sur la dénonciation par le chef d'entreprise d'un accord d'entreprise qui intéresse l'organisation, la gestion ou la marche de l'entreprise ; qu'à défaut, la dénonciation demeure sans effet jusqu'à l'accomplissement de cette formalité ; que la Cour d'appel a constaté que l'accord collectif de 2006 portait sur le statut des représentants du personnel, comme celui du 14 avril 2005 – « ce dernier accord rappelant à juste titre que la bonne marche économique du groupe et une politique sociale de qualité sont indissociables » ; qu'elle en a déduit néanmoins que cet accord ne rentrait pas dans le champ des « questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise » énumérées par l'article L. 2323-6 du Code du travail et a décidé en conséquence que la dénonciation de l'accord litigieux et de son avenant ne devait pas faire l'objet d'une information-consultation du Comité d'établissement ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'accord litigieux avait trait à la politique sociale de l'entreprise, indissociable de la bonne marche économique de celle-ci, ce dont il résultait que le Comité d'entreprise avait vocation à être informé et consulté préalablement à leur dénonciation par l'employeur, la Cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et violé derechef les articles L. 2323-1, L. 2323-2 et L. 2323-6 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-14414
Date de la décision : 20/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 sep. 2018, pourvoi n°17-14414


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14414
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