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19/09/2018 | FRANCE | N°17-24087

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 septembre 2018, 17-24087


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... ; que des difficultés sont survenues pour le partage de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour fixer la valeur de la licence de taxi de M. X...

à la somme de 160 000 euros, l'arrêt retient que M. X... produit une lettre du 4 février 2016 a...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... ; que des difficultés sont survenues pour le partage de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour fixer la valeur de la licence de taxi de M. X... à la somme de 160 000 euros, l'arrêt retient que M. X... produit une lettre du 4 février 2016 adressée par le syndicat de défense des conducteurs de taxis parisiens indiquant un prix de cession fin janvier 2016 de cet ordre ;

Qu'en statuant ainsi, sans examiner une autre lettre du même syndicat du 10 octobre de la même année, plus proche du partage, faisant état d'une perte de valeur de la licence de taxi parisien, désormais estimée à 120 000 euros, alors que le juge doit se prononcer au vu de l'ensemble des pièces produites, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la valeur de la licence de taxi de M. X... à la somme de 160 000 euros, l'arrêt rendu le 20 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la loi française applicable, d'avoir dit par conséquent que le régime matrimonial des époux, mariés le 23 juillet 1979 à [...] en Tunisie, sans contrat de mariage préalable, est le régime légal français de la communauté de biens réduite aux acquêts, d'avoir en conséquences débouté Monsieur C... X... de ses demandes de créance à l'encontre de son épouse au titre de l'apport personnel effectué lors de l'acquisition du bien d'Argenteuil et au titre du remboursement anticipé du prêt immobilier au cours de l'année 2000 et dit que la licence de taxi de Monsieur C... X... doit figurer à l'actif de la communauté ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. C... X... soutient que le régime matrimonial des ex-époux est celui de la séparation des biens en vigueur au temps du mariage, il souligne que les ex-époux ont tous les deux la nationalité tunisienne même si Mme D... Y... est également titulaire de la nationalité française, il déclare que les époux ont vécu en Tunisie à [...] pendant les deux mois qui ont suivi leur mariage et que Mme D... Y... n'est venue en France qu'à compter de février 1980 par le biais du regroupement familial ; que Mme D... Y... expose que le régime matrimonial des ex-époux est celui de la communauté réduite aux acquêts, elle affirme qu'en l'absence de volonté exprimée par les époux au moment du mariage, il convient de rechercher le lieu d'établissement de leur premier domicile et qu'en l'espèce il s'agit de la France, elle précise que les époux n'ont jamais eu l'intention de s'installer en Tunisie puisque l'objectif pour M. C... X... qui travaillait en France depuis 1972 était d'obtenir un regroupement familial pour faire venir sa femme dans ce pays, que Mme D... Y... ajoute qu'elle a obtenu un visa touristique durant trois mois après le mariage, que le couple a fait une demande de regroupement familial et qu'elle a obtenu son titre de séjour le 03 février 1980 ; que les époux s'étant mariés avant le 1er septembre 1992, les règles de conflit de lois sont celles du droit commun avant la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux ; qu'il est constant que la règle de conflit antérieure soumet le régime matrimonial des époux mariés sans contrat, comme Mme D... Y... et M. C... X..., à la loi d'autonomie, que les juges du fond doivent rechercher le statut que les époux ont eu l'intention d'adopter eu égard aux circonstances et notamment, compte tenu de la présomption simple résultant de la fixation de leur domicile conjugal qui peut être détruite par tout autre élément de preuve pertinent, que le lieu où les époux ont entendu localiser leurs intérêts pécuniaires, doit s'apprécier d'après les circonstances concomitantes ou postérieures au mariage ; qu'en l'espèce, la copie intégrale de l'acte de mariage versée par Mme D... Y... ne comporte pas le choix du régime matrimonial des époux, mais y figure la mention suivante "le régime des biens est non mentionné", qu'ainsi, le silence gardé sur le choix de leur régime matrimonial au moment de leur mariage, ne caractérise pas une volonté expresse des époux d'adopter le régime légal tunisien ou français ;
que dès lors, il convient de rechercher la volonté des parties au moment du mariage pour déterminer la loi applicable au régime matrimonial, l'utilisation de faits postérieurs au mariage devant servir à déterminer la volonté des époux au moment du mariage ; que le titre de séjour de Mme D... Y... mentionne une date d'entrée en France au mois de février 1980. M. C... X... déclare que le couple s'est installé en Tunisie pendant les deux mois qui ont suivi leur mariage, qu'outre qu'il n'en rapporte pas la preuve, il convient de constater qu'il s'agit d'une durée très courte et que lui-même avant le mariage, ainsi que l'affirme son ex-épouse, et très rapidement après, résidait de façon stable en France, faute de quoi son épouse n'aurait pu obtenir un titre de séjour sur le fondement du regroupement familial ; que Mme D... Y... produit un certificat médical du docteur A... du centre hospitalier V. Dupouy à Argenteuil qui atteste qu'elle a été hospitalisée dans cet hôpital du 26 septembre 1979 au 03 octobre 1979. Ainsi, Mme D... Y... a, très peu de temps après le mariage, été hospitalisée en France, où résidait de façon stable son époux ; que par ailleurs, il ressort de l'acte d'achat du bien immobilier situé à Argenteuil en date du 30 juin 1997 que les époux ont déclaré s'agissant de leur régime matrimonial "premier domicile conjugal : la France" ; qu'enfin, Mme D... Y... affirme que les six enfants du couple sont nés en France, sans être contredite par son ex-époux sur ce point ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les ex-époux ont établi très rapidement après leur mariage leurs intérêts patrimoniaux et familiaux principaux en France : domicile stable, naissance de leurs enfants, acquisition d'un bien immobilier et qu'ils se sont maintenus de façon stable dans ce pays sur le long terme. Ils ont ainsi entendu soumettre leur régime matrimonial au régime légal français de la communauté réduite aux acquêts ; que dès lors, il convient de confirmer la décision déférée de ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la loi applicable : pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992, date d'entrée en vigueur de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, la jurisprudence recherche la volonté présumée des époux en la fondant principalement sur la fixation du premier domicile matrimonial ou en procédant à une recherche du véritable centre des intérêts pécuniaires des époux s'il est établi que celui-ci ne concorde pas avec le lieu du premier domicile ; que dans le cas présent, il apparaît que les époux se sont mariés en Tunisie le 23 juillet 1979, sont tous deux de nationalité tunisienne, et disposent d'un domicile situé à [...] en Tunisie, que Madame D... Y... épouse B... a déclaré comme étant le domicile conjugal des époux dans le cadre des démarches effectuées auprès des autorités judiciaires tunisiennes pour obtenir l'évaluation judiciaire des biens situés en Tunisie ; que Madame Y... épouse B... démontre cependant qu'elle était en France entre le 26 septembre 1979 et le 3 octobre 1979 pour une hospitalisation, vraisemblablement après avoir rejoint son époux qui travaillait et vivait déjà en France avant le mariage, ce que Monsieur C... X... ne conteste pas ; qu'elle a obtenu son titre de séjour au mois de février 1980, ce qui démontre que les démarches du regroupement familial ont été engagées dès le mariage des époux ; que les époux ont par la suite toujours été domiciliés en France, où ils résident encore, où leurs enfants sont nés, et où ils ont travaillé et acquitté leurs impôts depuis 1980, qu'il n'y a donc pas eu de domicile conjugal en Tunisie, la maison située à [...] et propriété de Monsieur C... X... correspondant à un lieu de villégiature, et les époux ont eu une résidence séparée (Madame D... Y... épouse B... en Tunisie et Monsieur C... X... en France où il travaillait et résidait déjà) jusqu'à ce que Madame D... Y... épouse B... puisse légalement rejoindre son mari sur le territoire français, que ce dernier n'a manifestement quitté que momentanément pour l'épouser dans leur village d'origine ; qu'il en résulte que dès le mariage, et même s'il n'est pas contesté que le statut personnel des époux tunisien prévoit l'application par défaut du régime matrimonial de la séparation de biens (la possibilité d'adopter le régime de la communauté de biens faisant l'objet d'un chapitre spécial du code du statut personnel), les époux n'ont jamais eu l'intention de s'établir en Tunisie pour y vivre et y travailler mais ont au contraire effectué dès le mariage les démarches nécessaires pour établir leur vie conjugale et familiale, ainsi que leurs intérêts pécuniaires sur le territoire français ; que cette volonté résulte également du titre de propriété du domicile conjugal d'Argenteuil du 30 juin 1997 dans lequel les époux ont déclaré au Notaire que leur premier domicile conjugal était situé sur le territoire français, que le Notaire a ainsi ajouté cette précision afin qu'il ressorte de l'acte de vente la nature des droits de chacun des époux sur le bien acheté, que si le bien avait été acquis en indivision le Notaire aurait ainsi vraisemblablement précisé la valeur de leur quote part indivise, que par conséquent il sera jugé que les époux sont soumis au régime légal français de la communauté de biens réduite aux acquêts ;

ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que M. X... faisait valoir, en s'appuyant notamment sur une fiche du site internet de la diplomatie française, que la Convention franco-tunisienne du 18 mars 1982 prévoit que le régime de la séparation de biens doit trouver à s'appliquer aux couples tunisiens, mariés en Tunisie avant son entrée en vigueur, et ce même à l'égard des tribunaux français ; que dès lors en s'abstenant de répondre, même brièvement aux conclusions de M. X... relatives à la portée de la Convention du 18 mars 1982 sur le régime matrimonial applicable, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la valeur de la licence de taxi de M. C... X... à la somme de 160 000 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur la licence de taxi de M. C... X... : M. C... X... soutient qu'étant marié sous le régime de la séparation de biens, la licence de taxi dont il est titulaire lui appartient en propre pour l'avoir acquise seul et payés seul avec des deniers propres, qu'il affirme en avoir acquitté le prix grâce à des indemnités de licenciement perçues à l'époque où il était technicien salarié à hauteur de 55 000 euros et d'un crédit qu'il a financé seul ; qu'à titre subsidiaire, il expose que le prix des licences de taxi a fortement diminué ces dernières années au vu de la concurrence des nouveaux moyens de transport et qu'il se situe désormais à un montant de 120 000 euros ; que Mme D... Y... déclare que la valeur d'une licence de taxi dépend de la communauté de biens et sollicite la confirmation du jugement entrepris quant au montant fixé [
] ; que s'agissant de la valeur de la licence de taxi, M. C... X... produit un courrier qui lui a été adressé par le syndicat de défense des conducteurs de taxi parisien le 04 février 2016 mentionnant que faisant suite à sa demande de renseignements actuels du prix de transfert pour une autorisation de stationnement de taxi parisien, ils l'informent que les cessions signées fin janvier 2016 sont de l'ordre de 160 000 euros ; que Mme D... Y... produit un article extrait d'un blog nommé "ofce" publié le 21 octobre 2013 mentionnant qu'une licence de taxi peut se vendre pour la somme de 230 000 euros à Paris, qu'elle communique également l'extrait d'un site de petites annonces de vente de taxis dans le Val d'Oise comportant neuf annonces dont l'une propose un prix de vente de 230 000 euros, une autre de 50 000 euros, les sept autres ne mentionnant pas de prix ; qu'il convient de constater que l'article du blog produit par l'ex-épouse est ancien tandis que le site d'annonce propose des prix très variés, chacun de vendeurs appréciant différemment la situation liée à sa licence ; que dès lors que M. C... X..., ne produit pas d'élément sur sa situation personnelle en tant que chauffeur de taxi, il ne permet pas à la cour d'apprécier si la valeur inférieure qu'il propose par rapport à l'attestation qu'il communique est justifiée ; que cette dernière ayant été établie par un syndicat de professionnels dans le domaine par rapport à une moyenne de prix de cessions constatés, elle sera retenue ; que la décision déférée sera infirmée sur ce point et la valeur de la licence fixée à la somme de 160 000 euros ;

1°) ALORS QU'en cas de divorce, si la consistance des éléments de la communauté à liquider se détermine au jour où le jugement de divorce prend effet dans les rapports patrimoniaux entre les époux, leur valeur doit être fixée au jour le plus proche du partage, compte tenu des modifications apportées à l'état de ces biens pendant la durée de l'indivision postcommunautaire ; que dès lors en fixant la valeur de la licence de taxi de M. X... à 160 000 € au regard du courrier du syndicat de défense des conducteurs de taxis parisiens du 4 février 2016, sans vérifier, comme cela lui était pourtant demandé preuve à l'appui, si en octobre 2016, date plus proche du partage, ce même syndicat n'avait pas estimé les tarifs à la valeur de 120 000 €, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 829 et 1476 du Code civil ;

2°) ALORS QUE les juges sont tenus d'analyser les documents soumis à leur examen ; que dès lors en fixant la valeur de la licence de taxi de M. X... à 160 000 € au regard du seul courrier du syndicat de défense des conducteurs de taxis parisiens du 4 février 2016, sans examiner, même brièvement, le courrier de ce même syndicat en date du 10 octobre 2016 (pièce n°12 ; production n°8) et évaluant les tarifs des licences de taxis à une date proche du partage, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-24087
Date de la décision : 19/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 sep. 2018, pourvoi n°17-24087


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.24087
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