LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu que, la société civile immobilière Emmavena (la SCI), propriétaire d'un terrain situé à [...] , ayant notifié à la commune une déclaration d'intention d'aliéner, l'établissement public foncier de l'Ain (l'EPF), délégataire du droit de préemption urbain, a exercé ce droit et a, faute d'accord, saisi le juge de l'expropriation du département de l'Ain en fixation du prix d'acquisition ;
Attendu que l'EPF fait grief à l'arrêt de fixer ce prix à une certaine somme ;
Mais attendu qu'ayant, après avoir écarté la méthode d'évaluation par la récupération foncière en constatant que les bâtiments qui recouvraient la quasi-totalité de la surface de la parcelle n'étaient ni insalubres, ni dénués de valeur, souverainement choisi la méthode par comparaison en prenant en considération, parmi les éléments proposés par les parties, les cessions portant sur des immeubles bâtis à usage mixte destinés à être démolis puis reconstruits, qui lui sont apparues les mieux appropriées, et relevé que les frais de dépollution devaient être supportés par le dernier exploitant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision en fixant souverainement, sans se contredire, la valeur de la parcelle en tenant compte de sa situation privilégiée et de son fort potentiel de constructibillité ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'établissement public foncier de l'Ain aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'établissement public foncier de l'Ain et le condamne à payer à la société civile immobilière Emmavena la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour l'établissement public foncier de l'Ain
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué,
D'AVOIR fixé le prix de la parcelle cadastrée section [...] située [...] et place [...] , sur la commune d'[...] , appartenant à la SCI Emmavena, à la somme de la somme de 373 939,92 euros ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte des dispositions de l'article L.213-4 du code de l'urbanisme qu'à défaut d'accord amiable, le prix d'acquisition est fixé en matière de préemption selon les règles applicables en matière d'expropriation ; qu'il résulte encore de la combinaison des articles L.213-4 a) du code de l'urbanisme et L.13-15 du code de l'expropriation que la date de référence est celle à laquelle le plan local d'urbanisme a été rendu opposable aux tiers soit en l'espèce le 27 mars 2012 ; que la parcelle dont s'agit, cadastrée section [...] , d'une superficie de 807 m² située en zone UA, destinée à être urbanisée en compatibilité avec les orientations particulières d'aménagement du PLU de la commune d'[...] , est composée d'un bâtiment à usage de garage, d'une dépendance attenante et d'une maison d'habitation comprenant deux étages vides de toute occupation et un rez-de-chaussée occupé par les locaux commerciaux du garage automobile le tout situé [...] et place [...] ; que la méthode d'évaluation par récupération foncière paraît avoir été écartée à bon droit par le premier juge, comme contraire aux dispositions de l'article L.13-14 du code de l'expropriation, dans la mesure où le tènement dont s'agit ne pouvait être considéré comme terrain à bâtir dès lors qu'à la date du transport sur les lieux il était construit sur la quasi-totalité de sa surface et que les bâtiments en cause, bien qu'en mauvais état d'entretien, n'étaient ni insalubres ni dénués de valeur, une partie étant louée à usage de garage ; que pour les mêmes motifs la méthode d'évaluation dite du terrain encombré sera également écartée ; qu'il convient donc d'évaluer le bien en cause par comparaison avec les ventes intervenues ; qu'à cet égard c'est avec pertinence que le premier juge a retenu les cinq termes de comparaison produits par le Commissaire du gouvernement permettant de déterminer un prix moyen de 259 €/m² avant de porter ce prix à la somme de 310 €/m² compte tenu de la situation privilégiée, incontestée, de l'ensemble immobilier en cause, situé sur l'avenue principale de la commune d'[...] à proximité de places de parking, des commerces et non loin de la gare ; que toutefois il doit être également tenu compte de l'occupation commerciale dudit tènement sur une surface de 655 m², ainsi qu'il résulte du rapport, non contesté sur ce point, du cabinet Boulez et associes, justifiant une moins-value habituelle de 30% de la valeur du prix ;
compte tenu d'une surface de 152 m² au prix de 310 €/m² et d'une surface restante de 655 m² au prix de 217 €/m² il convient donc de retenir une somme de 189.255 € ; qu'il est patent par ailleurs que le tènement en cause possède un fort potentiel de constructibilité évalué par la commune d'[...] , dans le cadre du programme de construction envisagé pour l'aménagement de la parcelle en cause, à 3.371 m² de surface de plancher ; que sous déduction des 807 m² déjà valorisés il convient donc de retenir un potentiel de constructible de 2.564 m² au prix moyen de 72,03 € selon l'évaluation pertinente du Commissaire du gouvernement ;
de ce chef il devra donc être retenu une plus-value de 184.684,92 € ; que les frais de dépollution devant être supportés par le dernier exploitant, il convient, dans ces conditions, de fixer le prix, en valeur occupée, du tènement dont s'agit, à la somme de 373.939,92 € » ;
1°) ALORS QUE suivant la méthode d'évaluation dite de « récupération foncière » le terrain est évalué comme un terrain à bâtir et la valeur de l'ensemble est calculée par déduction du coût de destruction des bâtiments, cette méthode supposant que le terrain soit rendu nu et libre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la méthode de récupération foncière avait été écartée à bon droit par le premier juge, comme étant contraire aux dispositions de l'article L.13-14 du code de l'expropriation, dans la mesure où le tènement litigieux ne pouvait être considéré comme un terrain à bâtir puisqu'à la date du transport des lieux, il était construit sur la quasi totalité de sa surface et que les bâtiments en cause, bien qu'en mauvais état d'entretien, n'étaient ni insalubres, ni dénués de valeur, une partie étant louée à usage de garage ; que cependant, pour évaluer le prix devant être réglée par l'Etablissement foncier de l'Ain, la cour d'appel a, d'une part, estimé que le premier juge avait à bon droit retenu les termes de comparaison produits par le Commissaire du gouvernement aboutissant à un prix moyen de 259 €/m², à porter à 310 €/m² compte tenu de la situation privilégiée de l'ensemble immobilier, ces termes de comparaison étant relatifs à des cessions d'immeubles bâtis à usage mixte, destinés à être démolis puis reconstruits, et d'autre part, a considéré qu'il y avait lieu d'ajouter au montant de 189 255 euros ainsi calculé, une indemnité de 184 684,92 euros représentant les droits à construire au vu du fort potentiel de constructibilité du tènement, de 3.371 m², auquel il y avait lieu de déduire les 807 m² déjà valorisés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a valorisé le tènement litigieux non en fonction de la valeur vénale existante, mais au regard de sa récupération foncière, impliquant la démolition et la reconstruction du terrain, a entaché sa décision d'une contradiction manifeste, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS en toute hypothèse QUE la cour d'appel qui a opté pour une méthode de calcul fondée sur la démolition pour reconstruire, devait s'expliquer sur le coût de démolition et de désamiantage dont l'Etablissement foncier de l'Ain demandait la déduction du prix à acquitter, et dont la SCI Emmavena, même si elle contestait les évaluations invoquées par l'Etablissement foncier de l'Ain, admettait qu'il lui incombait (mémoire de la SCI Emmavena p. 17, 18), qu'elle a privé sa décision de base légale au regard des articles L.213-4 du code de l'urbanisme et L.13-13 et suivants du code de l'expropriation.