LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 mai 2017), que Mme X... a été placée sous tutelle par jugement du 14 décembre 2015 ; que par ordonnance du 1er juin 2016, le juge des tutelles a autorisé son tuteur à rechercher un accueil en établissement adapté à sa pathologie et, en cas de place disponible, à organiser son accueil dans les plus brefs délais ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur la troisième branche du moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'autoriser son tuteur à rechercher et organiser son accueil en établissement adapté à sa pathologie, alors, selon le moyen, que le maintien du cadre de vie usuel constitué par le domicile du majeur protégé constitue une priorité consacrée par le législateur qui ne peut céder qu'en cas d'inadaptation de ce lieu de vie à des impératifs d'ordre médical ou liés à l'état de santé du majeur protégé ou d'ordre financier ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que Mme X... était abstinente au jour où les juges se sont prononcés ; qu'en justifiant la mesure litigieuse au seul motif « qu'un retour à domicile mettrait immédiatement Mme X... en danger » et « la conduirait rapidement à une nouvelle hospitalisation », la cour d'appel, qui s'est fondée sur de simples conjectures, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 459-2 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que Mme X... a été hospitalisée à de multiples reprises dans un établissement public de santé mentale, la dernière fois le 15 août 2015 pour des troubles hallucinatoires et une banalisation de son intempérance, et que sa sortie, différée à de nombreuses reprises en raison de l'absence de projet compatible avec son état de santé, n'a pu intervenir que dix-sept mois plus tard, l'arrêt relève que l'expertise médicale judiciaire, qui décrit de multiples hospitalisations de l'intéressée à la demande d'un tiers, en raison d'un état confusionnel avec délire de persécution provoqué par une consommation excessive d'alcool, des troubles de la mémoire et des symptômes d'un syndrome de Korsakoff, conclut à la nécessité d'un accueil en établissement, compte tenu d'un risque de rechute quasi inéluctable en cas de retour à domicile, susceptible d'aggraver le pronostic vital de la majeure protégée ; qu'il ajoute que, si, depuis son entrée en EHPAD, Mme X... est abstinente, elle reste dans le déni complet de toutes les difficultés qu'elle a rencontrées ; que, dès lors, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé qu'un retour à domicile mettrait Mme X... en danger, de sorte que la prolongation de son séjour dans une structure spécialisée s'imposait ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me B..., avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue le 1er juin 2016 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Saint-Omer ayant autorisé M. Philippe Z..., mandataire judiciaire à l'EPSM Val-de-Lys Artois, en qualité de tuteur de Mme Josiane X..., veuve Y..., à rechercher au plus vite un accueil en établissement adapté à la pathologie de la majeure protégée et, en cas de place disponible, à organiser son accueil dans les plus brefs délais ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 459-2 du code civil prévoit que la personne protégée choisit son lieu de vie et qu'en cas de difficulté, le juge statue ; en l'espèce, tout en reconnaissant qu'elle se trouve bien à l'EHPAD d'Aire sur la Lys, Mme X... maintient son souhait de rentrer à son domicile ; Mme X... a été hospitalisée à de multiples reprises à l'établissement public de santé mentale de Saint-Venant ; la dernière hospitalisation date du 15 août 2015 ; elle présentait des troubles hallucinatoires à l'entrée et une banalisation de ses troubles de santé liés à l'alcool ; l'hospitalisation a été prolongée à plusieurs reprises en raison de l'absence de projet de sortie compatible avec son état de santé et n'a pu être levée, après plus de 17 mois, qu'en raison d'un accueil possible afin d'éviter le retour solitaire à domicile et avec un soutien médical important ; Mme X... a souligné devant le juge des libertés et de la détention sa grande souffrance à être hospitalisée ; l'expertise confiée par le juge des tutelles au docteur C..., médecin inscrit sur la liste du procureur de la République, décrit de multiples hospitalisations à la demande d'un tiers, motivées par un alcoolisation massive de Mme X... ayant entraîné un état confusionnel avec délire de persécution, des troubles de la mémoire, et précise retrouver les symptômes d'un syndrome de Korsakoff ainsi qu'un déni des difficultés rencontrées au domicile ; il souligne un risque de rechute quasi inéluctable en cas de retour à domicile, qui aggraverait notablement le pronostic vital de Mme X... ; il conclut à la nécessité d'un accueil en établissement ; depuis son entrée en EHPAD, Mme X... est abstinente et elle reçoit toutes les semaines la visite de son fils Nicolas, alors que ce dernier n'était venu la voir à l'établissement public de santé mentale qu'à une seule reprise, ce dont elle se plaignait lors de son hospitalisation ; elle exprime sa satisfaction liée à cette reprise de contract, et décrit des conditions de vie plutôt agréables, ainsi qu'une bonne intégration au sein de l'EHPAD, confirmée par Mme D... et M. Z... ; si elle exprime vigoureusement le souhait d'un retour à domicile, elle est dans le déni complet de toutes les difficultés qu'elle y a rencontrées, pourtant objectivées par les photographies versées aux débats, les certificats médicaux et les rapports de situation de son tuteur ; ses uniques affirmations, aux termes desquelles elle a compris qu'elle devait rester abstinente, n'apparaissent pas réalistes au regard des nombreuses tentatives infructueuses et des éléments susvisés ; au regard de l'ensemble de ces éléments, un retour à domicile mettrait immédiatement Mme X... en danger, la conduirait rapidement à une nouvelle hospitalisation, ce qu'elle ne souhaite pas, et mettrait à mal tout ce qu'elle a réussi à reconstruire avec l'aide des professionnels et de son fils Nicolas (arrêt attaqué p. 3) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' il résulte de l'ensemble des pièces versées au dossier que lorsque Mme Josiane X..., veuve Y..., est à domicile et s'alcoolise, cette dernière néglige de se nourrir ainsi que son hygiène corporelle et celle de son domicile ; que surtout, il est fréquent que la majeure s'absente de son domicile et déambule dans la rue, parfois de nuit, sans en avoir pleinement conscience ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de constater qu'en raison de l'état de santé de Mme Josianne X..., veuve Y..., et de son anosognosie, la prise en charge et l'aide dont elle bénéficiait à domicile avant son hospitalisation ont atteint leurs limites ; qu'un retour à domicile de la majeure n'apparaît pas un projet viable dès lors qu'il présente désormais des risques conséquents pour sa santé et son intégrité physique, ce dont l'intéressée n'a manifestement aucunement conscience (ordonnance p. 2) ;
ALORS, d'une part, QUE si, dans le cadre du contentieux des tutelles, le ministère public peut formuler un avis écrit, c'est à la condition qu'il soit constaté que les parties à l'instance ont eu connaissance de cet avis avant l'audience et qu'elles ont pu ainsi en débattre utilement ; que la régularité de la procédure postule que l'on puisse constater que cette formalité a été respectée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que "le ministère public a requis la confirmation de la décision par écrit du 14 février 2017, dont il a été donné connaissance aux parties lors des débats", et, d'autre part, que le ministère public n'avait pas comparu à l'audience des débats ; qu'en considérant que la procédure était régulière, tout en constatant ainsi que le ministère public, non comparant à l'audience des débats, avait émis un avis écrit le 14 février 2017 qui n'avait été révélé aux parties que le 30 mars 2017, jour de l'audience, ce dont il résultait nécessairement que les parties n'avaient pas été en mesure de débattre utilement de cet avis avec le ministère public, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, d'autre part, QUE l'exigence selon laquelle toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement, implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'il en résulte que le majeur à l'égard duquel une mesure de protection judiciaire est envisagée doit être avisé de la possibilité de consulter le dossier afin d'être mis à même de discuter les pièces présentées au juge ; qu'en se déterminant au vu des pièces figurant au dossier de la procédure, sans qu'il résulte des énonciations de son arrêt que Mme X..., qui n'était pas assistée d'un avocat lors de l'audience, avait été avisée de la possibilité de consulter ce dossier, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 16 et 1222-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, enfin, QUE le maintien du cadre de vie usuel constitué par le domicile du majeur protégé constitue une priorité consacrée par le législateur qui ne peut céder qu'en cas d'inadaptation de ce lieu de vie à des impératifs d'ordre médical ou liés à l'état de santé du majeur protégé ou d'ordre financier ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que Mme X... était abstinente au jour où les juges se sont prononcés ; qu'en justifiant la mesure litigieuse au seul motif "qu'un retour à domicile mettrait immédiatement Mme X... en danger" et "la conduirait rapidement à une nouvelle hospitalisation" (arrêt attaqué, p. 3 al. 7), la cour d'appel, qui s'est fondée sur de simples conjectures, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 459-2 du code civil.