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12/07/2018 | FRANCE | N°17-22908

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 juillet 2018, 17-22908


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 161-17, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, applicable au litige, et R. 112-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... (l'assuré) a sollicité le 21 octobre 2011, auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (la Caisse), le bénéfice d'une retraite progressive ; que la Caisse lui ayant opposé un refus au motif qu'i

l produisait une attestation de son employeur mentionnant une activité exprimée ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 161-17, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, applicable au litige, et R. 112-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... (l'assuré) a sollicité le 21 octobre 2011, auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (la Caisse), le bénéfice d'une retraite progressive ; que la Caisse lui ayant opposé un refus au motif qu'il produisait une attestation de son employeur mentionnant une activité exprimée en jours et non en heures, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale et a formé, à titre subsidiaire, une demande de dommages-intérêts ;

Attendu que pour condamner la Caisse à payer à M. Y..., dont elle a rejeté le recours, une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant du manquement de la Caisse à son obligation d'information, et une indemnité au titre de ses frais irrépétibles, l'arrêt retient essentiellement que ni le formulaire CERFA rempli par l'assuré, ni le document d'information de quatre pages intitulé « demande de retraite progressive » ne mentionnent que le dispositif de retraite progressive exclut les salariés en convention de forfait en jours ; que la Caisse a eu connaissance, dès la mise en place de la loi de janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, de ce que la convention de forfait en jours était incompatible avec le dispositif de retraite progressive ; qu'or, dans sa rédaction de juillet 2010, la notice d'information proposée par la Caisse aux assurés, sous le titre générique: « Nous sommes là pour vous aider », ne mentionne pas cette restriction fondamentale pour les salariés relevant d'une convention de forfait en jours que la Caisse applique toutefois strictement ; qu'il en est de même pour le document CERFA de demande de bénéfice de retraite progressive ; que le manquement de la Caisse à son obligation d'information constitutif d'une faute civile, est à l'origine pour M. Y... d'un préjudice consistant à avoir espéré, durant plusieurs mois, bénéficier du régime de la retraite progressive auquel en définitive, il ne pouvait prétendre ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les modèles des formulaires CERFA « demande de retraite progressive », accompagné de sa notice explicative, et « retraite progressive - attestation employeur » sont fixés par arrêté du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité en date du 28 juin 2007, de sorte que la Caisse, qui n'intervient pas dans leur rédaction ne peut être tenue pour responsable de l'absence ou de l'insuffisance des informations qu'ils contiennent, d'autre part, que l'obligation d'information pesant sur la Caisse en application de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, qui ne portait pas, à la date des faits litigieux, sur le dispositif de retraite progressive, ne peut être étendue au-delà des prévisions de ce texte et que celle générale découlant de l'article R. 112-2 impose seulement à la Caisse de répondre aux demandes qui lui sont soumises, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la Caisse nationale d'assurance vieillesse à payer à M. Y... les sommes de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant du manquement de la Caisse à son obligation d'information, et de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 8 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. Y... de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la CNAV à payer à M. Y... les sommes de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant du manquement de la caisse à son obligation d'information, et à 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

AUX MOTIFS QUE sur la demande de dommage et intérêts ; qu'à titre subsidiaire, M. Y... soulève la faute de la caisse, pour manquement à son devoir d'information et sollicite la réparation du préjudice en résultant, puisqu'il a subi une perte de revenu de 20.000 euros dont il détaille le calcul dans une pièce produite sous le numéro 3 ; que la caisse a conclu au rejet de l'intégralité des demandes de M. Y... ; que l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur du 19 mai 2011 au 1er janvier 2012, met à la charge de la caisse de retraite une obligation générale d'information des assurés sur leurs droits ; que la cour constate, au (vu) des documents produits aux débats par la caisse, que ni le formulaire CERFA portant la référence S 5131c - 0712010 rempli par M. Y..., ni le document d'information de quatre pages intitulé "Demande de retraite progressive", également sous la référence S 5131 c - 07/2010, ne mentionnent que le dispositif de retraite progressive exclut les salariés en convention de forfait en jours ; que toutefois, la caisse expose que le dispositif de la retraite progressive a été mis en oeuvre par une loi du 5 janvier 1988 qui offre la possibilité aux personnes qui le désirent, d'exercer une activité réduite tout en bénéficiant d'une part de leur pension de retraite ; que cette loi a été modifiée par une loi du 21 août 2003 ; que l'assuré doit justifier, notamment, exercer une activité salariée à temps partiel et justifier d'une durée de travail inférieure d'au moins 20 % à la durée légale ou conventionnelle du travail applicable à l'entreprise ou à la profession ; que la durée du travail est obligatoirement exprimée en heures réparties sur la semaine ou le mois ; que la caisse précise que cette obligation est rappelée par l'article R. 351-41 du code de la sécurité sociale confirmée par la lettre ministérielle du 22 juin 1988 (paragraphe 12) et la circulaire CNAV 2006/66 du 2 novembre 2006; qu'en outre, la circulaire ministérielle DRT/2007 du 6 décembre 2000 relative à l'application de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail précise que les règles applicables en matière de travail à temps partiel supposaient que soient précisées contractuellement la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, et les modalités selon lesquelles les horaires de travail sont communiquées par écrit au salarié ; qu'or, l'emploi d'un cadre en convention individuelle de forfait en jours suppose que la durée du temps de travail, et donc les horaires de ce salarié ne puissent être prédéterminées du fait du degré d'autonomie dont il bénéficie ; que la logique du forfait jour repose, de plus, sur l'absence de comptabilisation en heures et sur le décompte en jours de la durée du travail. ; que la caisse produit aux débats cette circulaire ministérielle émanant du ministère du travail diffusée le 6 décembre 2000 ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments, que la caisse a eu connaissance, dès la mise en place de la loi de janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, de ce que la convention de forfait en jours était incompatible avec le dispositif de retraite progressive ; qu'or, dans sa rédaction de juillet 2010, la notice d'information proposée par la caisse d'assurance retraite aux assurés, sous le titre générique: "Nous sommes là pour vous aider" , ne mentionne pas cette restriction fondamentale pour les salariés relevant d'une convention de forfait en jours que toutefois la caisse applique strictement ; qu'il en est de même pour le document CERFA de demande de bénéfice de retraite progressive ; que l'ancienneté de ce dispositif et de la règle mise en oeuvre depuis la loi de janvier 2000, aurait dû conduire la caisse à informer les salariés de l'exclusion de certains d'entre eux ; qu'à cet égard, la mention pré-imprimée du temps de travail exprimé "en heures" sur le document complémentaire à remplir par l'employeur ainsi que la mention en lettres dans une police très inférieure au reste du texte : "Important: le temps de travail partiel au sens de l'article L. 212-2 du code du travail s'exprime obligatoirement en heures et par référence, soit à la durée légale du travail, soit à la durée conventionnelle pour la branche, "entreprise ou t'établissement'": sont insuffisantes pour répondre au devoir d'information de l'assuré, laquelle qui doit être claire et explicite ; que M. Y... aurait dû, à la simple lecture du document qu'il a rempli et de la notice d'information correspondante, comprendre que, titulaire d'une convention à temps partiel exprimée en jours et non en heures, il ne pouvait bénéficier du dispositif de la retraite progressive ; que M. Y... soutient que ce défaut d'information est à l'origine d'un préjudice financier puisqu'il a obtenu la modification de son contrat de travail, avec un salaire inférieur correspondant au temps de travail réduit, et a également de ce fait perdu des cotisations et des points pour le calcul de ses droits à la retraite ; qu'il produit aux débats, à l'appui de ses dires, un document comparatif établi par ses soins sur une page, qui comprend uniquement des chiffrés et aucune explication correspondante ; que M. Y... a été informé par la caisse du rejet de sa demande par lettre du 3 janvier 2012 ; il ne justifie pas avoir sollicité de son employeur, dès cette date, ou dans les jours ou semaines qui ont suivis, une modification de son contrat de travail pour un retour au statut antérieur à plein temps ; qu'or, cette faculté lui est ouverte par l'article 6 de l'avenant à son contrat de travail ainsi rédigé: ... " Le présent avenant a une durée déterminée de 1 an. A l'expiration de cette période, Monsieur Gilles Y... reprendra son activité à plein temps. Dans le cas où Monsieur Gilles Y... souhaiterait renouveler ce dispositif de "temps partiel Senior", Monsieur Gilles Y... devra adresser sa demande au service du personnel dans les trois mois précédant la fin de cet avenant, soit au plus tard le 30 septembre 2012. Il est rappelé que le renouvellement est soumis à validation préalable de la hiérarchie et n'est passible que dans la limite de deux renouvellements et d'une durée totale maximale de 3 ans." ...que dès lors, en tout état de cause, il ne justifie pas d'un préjudice financier durant trois années ; que par ailleurs, l'article 4 de l'avenant intitulé "Cotisations retraites" stipule: ... " Pendant la durée du présent avenant, l'assiette des cotisations vieillesse du régime général de sécurité sociale et des régimes complémentaires de retraite est maintenue à hauteur du salaire correspondant à l'activité exercée à plein temps. La société prendra en charge le supplément de cotisations salariales induit par le calcul des cotisations d'assurance vieillesse sur la rémunération à temps plein." ... ; qu'il se déduit de ces dispositions, que contrairement aux affirmations soutenues par M. Y..., l'avenant n'a pas eu pour conséquence de réduire la consistance de ses droits à la retraite par l'effet d'une diminution des cotisations qu'il n'aurait pas versées au titre du temps partiel puisqu'elles ont été prises en charge par son employeur ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, que le manquement de la caisse à son obligation d'information constitutif d'une faute civile, est à l'origine pour M. Y... d'un préjudice consistant à avoir espéré, durant plusieurs mois, bénéficier du régime de la retraite progressive auquel en définitive, il ne pouvait prétendre ; que ce préjudice sera réparé par l'octroi d'une indemnité d'un montant de 500 euros ; que la caisse nationale d'assurance vieillesse est condamnée au paiement de cette somme, outre la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile exposés par M. Y... en première instance et en cause d'appel.

1° - ALORS QUE c'est le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité qui fixe, par arrêté, les modèles de formulaire Cerfa de la « demande de retraite progressive », sa notice explicative, et les modèles de formulaire Cerfa de « retraite progressive-attestation employeur » devant être joint à la demande; que la CNAV, qui n'intervient pas dans la rédaction de ces formulaires, ne peut être tenue pour responsable de l'absence ou de l'insuffisance des informations qu'ils contiennent; qu'en tirant de ce que ni le formulaire Cerfa de « demande de retraite progressive », ni sa notice d'information, ni le formulaire d'attestation de l'employeur ne mentionnait explicitement que le dispositif de retraite progressive excluait les salariés en convention de forfait jours, la conclusion que la CNAV aurait ainsi manqué à son obligation d'information, la cour d'appel a violé les articles L. 161-17 dans sa rédaction issue de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 et R. 351-10 du code de la sécurité sociale, l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'arrêté du 28 juin 2007 fixant les modèles des formulaires « demande de retraite progressive » et « retraite progressive-attestation d'employeur ».

2° - ALORS QUE l'obligation d'information pesant sur la caisse en application de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale ne saurait être étendue au-delà des prévisions de cet article ; qu'à la date de la demande de retraite progressive formée par M. Y... le 18 octobre 2011, aucune disposition légale ou réglementaire n'obligeait la caisse à l'informer sur le dispositif de retraite progressive, et en particulier sur le fait qu'il ne pouvait en bénéficier en étant titulaire d'une convention de forfait en jours ; qu'en jugeant que la CNAV aurait manqué à son obligation générale d'information prévue à l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale faute d'avoir informé l'assuré de ce que le dispositif de retraite progressive excluait les salariés en convention de forfait jours, la cour d'appel a violé l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011, l'article D. 161-2-1-7 dans sa version issue du décret n°2006-709 du 19 juin 2006 et l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

3° - ALORS QUE ne manque pas à son obligation d'information et ne cause aucun préjudice la caisse qui répond seulement par la négative à la demande de retraite progressive à laquelle l'assuré ne peut prétendre; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que M. Y... avait adressé un formulaire de demande de retraite progressive, réceptionné par la caisse le 21 octobre 2011, et que la caisse l'avait informé du rejet de sa demande par lettre du 3 janvier 2012 ; qu'en jugeant que la caisse aurait manqué à son obligation d'information, à l'origine d'un préjudice consistant pour M. Y... à avoir espéré, pendant plusieurs mois, bénéficier du régime de la retraite progressive auquel en définitive il ne pouvait prétendre, la cour d'appel qui n'a caractérisé ni un manquement de la caisse à son obligation d'information, ni un préjudice en résultant par l'assuré, a violé l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011, l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale et l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-22908
Date de la décision : 12/07/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 jui. 2018, pourvoi n°17-22908


Composition du Tribunal
Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22908
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