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12/07/2018 | FRANCE | N°17-16539

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 juillet 2018, 17-16539


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 162-1-14, devenu L. 114-17-1, et L. 323-6 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable au litige ;

Attendu que si, selon le second de ces textes, les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale contrôlent, en cas de recours contre les décisions relatives à la restitution des indemnités journalières qu'il prévoit, l'adéquati

on de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 162-1-14, devenu L. 114-17-1, et L. 323-6 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable au litige ;

Attendu que si, selon le second de ces textes, les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale contrôlent, en cas de recours contre les décisions relatives à la restitution des indemnités journalières qu'il prévoit, l'adéquation de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré, ces dispositions ne confèrent pas à la restitution de l'indu le caractère d'une sanction à caractère de punition et ne font pas obstacle, dès lors, à l'application de la pénalité financière prévue par le premier ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. Y... a perçu des indemnités journalières pour un arrêt de travail du 11 mars au 24 mars 2013 ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain (la caisse) a sollicité de ce dernier la restitution de ces prestations et a prononcé à son encontre une pénalité pour l'exercice non autorisé d'une activité rémunérée ; qu'après avoir restitué à la caisse le montant des indemnités journalières versées par celle-ci, M. Y..., contestant la pénalité qui lui avait été notifiée, a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour dire que la caisse ne pouvait infliger à M. Y... la pénalité prévue par l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale en cas d'activité non autorisée ayant donné lieu à rémunération, le jugement retient essentiellement qu'elle ne peut être cumulée avec la restitution, par l'assuré, des indemnités journalières perçues qui constitue une sanction à caractère de punition prononcée au regard des mêmes faits ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il était saisi d'une demande de remise de la pénalité infligée à l'assuré et qu'il constatait que ce dernier avait remboursé les prestations indûment perçues, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu, entre les parties, le 9 janvier 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir reçu M. Michel Y... en son recours, d'avoir dit qu'aucune pénalité financière ne peut être appliquée par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine à l'encontre de M. Michel Y... concernant l'infraction qu'il a commise pendant la période comprise entre le 11 mars 2013 et le 15 avril 2013 au cours de laquelle un repos lui a été prescrit, à savoir l'exercice d'une activité professionnelle non autorisée et rémunérée et d'avoir débouté la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 400 euros au titre de la sanction financière qu'elle a appliquée à l'encontre de M. Michel Y... suivant notification du 4 mars 2015 ;

AUX MOTIFS QUE, « selon l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige tel que modifiée en dernier lieu par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, « le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire : 4° De s'abstenir de toute activité non autorisée. En cas d'inobservation de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes. En outre, si l'activité mentionnée au 4° a donné lieu à rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L. 162-1-14. En cas de recours formé contre les décisions de la caisse, les juridictions visées à l'article L. 142-2 contrôlent l'adéquation du montant de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré ». Contrairement à ce que soutient la caisse dans sa note en délibéré, l'inobservation de ses obligations par le bénéficiaire d'indemnités journalières, qui se trouve donc obligé à les restituer, ressort non pas du champ d'application de l'article 1376 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2006-131 du 1er octobre 2016, c'est-à-dire de l'exercice d'une action de la Caisse en répétition de l'indu, mais de la seule application des dispositions susvisées. A la date à laquelle la caisse a apprécié le droit au service de l'indemnité journalière au bénéfice de son assuré, celui-ci justifiait bien d'une prescription de repos de sorte que leur règlement n'était pas indu. Ce n'est en effet qu'en raison du manquement aux interdictions qui lui sont faites conformément à ce texte, aux termes duquel figure l'interdiction d'exercer une activité non autorisée par le médecin prescripteur, que la caisse est fondée à solliciter qu'il lui restitue les indemnités journalières qu'il a perçues. Par ailleurs, il résulte de ces mêmes dispositions qu'il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale d'apprécier l'adéquation de la sanction à la gravité de l'infraction commise, conformément aux dispositions de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont il convient de faire application dès lors que les mesures prises par la caisse en application des dispositions du droit interne (suspension ou suppression du droit aux indemnités journalières) constitue une sanction ayant le caractère d'une punition. Consécutivement, la possibilité prévue par ce même texte, en cas d'exercice d'une activité non autorisée donnant lieu à rémunération pendant la période de repos, de prononcer une sanction financière telle que prévue à l'article L. 162-1-14 du même code, au regard des mêmes faits et alors que l'assuré a déjà été sanctionné par la décision de la caisse de lui supprimer le bénéfice des indemnités journalières qu'il doit lui restituer, heurte le principe selon lequel nul ne peut être puni deux fois pour une même infraction, tel qu'il est notamment consacré par les dispositions de l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont il constant que l'application n'est pas limitée à la sphère pénale stricto sensu par la Cour de Strasbourg. La caisse n'est pas bien fondée à opposer que la France a émis une réserve d'interprétation lors de la signature dudit protocole, en restreignant l'application de celui-ci aux « infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale », compte tenu de ce qui vient d'être dit s'agissant de la nature de sanction que revêt la décision de suppression des indemnités journalières de la Caisse et dont elle peut cumulativement faire application avec une autre sanction, de type financière. De surcroît, la validité de ladite réserve d'interprétation peut légitimement être interrogée au regard d'une part de l'article 57 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et d'autre part de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. En application de l'article 57 de la convention, pour être valable, une réserve doit en effet répondre à une série de conditions, aux termes desquelles figure le fait qu'elle doit porter sur des lois déterminées, en vigueur à l'époque de la ratification, qu'elle ne doit pas revêtir un caractère général et qu'elle doit comporter un bref exposé de la loi visée. Tel n'est pas le cas de la réserve émise par l'Etat français lors de la ratification dudit protocole, dont la généralité peut même conduire à s'interroger sur la garantie qu'il entend effectivement offrir à ses ressortissants en application de ces dispositions conventionnelles. La Cour de Strasbourg a ainsi expressément invalidé, dans son arrêt du 4 mars 2014, « Grande Stevens et autres », rendu contre l'Italie, la réserve émise par le gouvernement italien à l'occasion de la ratification dudit protocole et rédigée dans des termes quasi identiques à ceux de la réserve qui a été souscrite par le gouvernement français. En tout état de cause, l'article L. 323-6 dernier alinéa impose au juge de contrôler l'adéquation du montant de la sanction prononcée par la Caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré. Ces dispositions, auxquelles se réfère également la Caisse dans sa note en délibéré, obligent le tribunal à effectuer un contrôle de proportionnalité entre la sanction appliquée par la Caisse et la gravité de l'infraction commise par l'assuré. Il ne peut qu'être à cet égard rappelé que le principe de proportionnalité des délits et des peines est garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, de sorte qu'il a valeur constitutionnelle. Il découle nécessairement de ce principe celui selon lequel nul ne peut être puni deux fois pour une même infraction, ce qui conduit à inscrire dans la norme constitutionnelle la règle non bis in idem. De l'ensemble, il résulte donc que ce n'est sans heurter ce principe, conventionnellement garanti, que la Caisse pouvait faire application à l'encontre de M. Michel Y... d'une pénalité financière d'un montant de 400 euros alors qu'elle avait déjà pris à son égard, pour les mêmes faits constitutifs d'une même infraction, une sanction consistant en la restitution des indemnités journalières qu'il avait perçues. En conséquence, il y a lieu de dire que ne peut pas être appliquée à son égard de sanction financière en exécution de l'article L. 142-16-1 du code de la sécurité sociale, nonobstant ce que prescrit l'article L. 323-6 du même code. La Caisse sera donc déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 400 euros.

1°) ALORS QUE le remboursement des indemnités journalières imposé à un salarié en arrêt maladie qui exerce néanmoins une activité rémunérée, n'est pas une sanction mais la répétition de l'indu, la condition du paiement de l'indemnité journalier (la perte de revenus par suite de l'arrêt de travail) étant défaillie ; que l'obligation de remboursement des indemnités journaliers qui n'est pas constitutive d'une sanction peut donc se cumuler avec la pénalité financière infligée à tout salarié qui fraude aux droits de la sécurité sociale en travaillant contre rémunération pendant une période d'arrêt de travail indemnisée ; qu'en affirmant le contraire au nom du principe « non bis in idem », le tribunal des affaires de Sécurité Sociale a violé les articles L. 323-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale et 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE l'interdiction d'une double condamnation en raison de mêmes faits, prévue par l'article 4 du protocole n° 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ne trouve à s'appliquer, selon la réserve émise par la France, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale ; que cette réserve n'est pas remise en cause par la Cour européenne des droits de l'homme y compris en sa jurisprudence la plus récente ; qu'en retenant que la validité de ladite réserve d'interprétation peut légitimement être interrogée au regard de la jurisprudence de cette Cour, le tribunal a violé l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) ALORS de même QUE le principe de proportionnalité interdit seulement, en lien avec le principe ne bis in idem, que le montant global des sanctions éventuellement prononcées dépasse le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; qu'il implique également une appréciation de la proportionnalité de la répétition de l'indu et de la pénalité financière en fonction de l'attitude de l'assuré social ; qu'il n'interdit pas le cumul de sanctions complémentaires et de nature différente, telle la restitution à l'organisme social de ce qu'il a indument servi et le paiement d'une pénalité financière pour non respect de ses obligations par l'assuré social ; qu'en considérant que le principe de proportionnalité des délits et des peines interdit à un organisme de sécurité sociale de réclamer tout à la fois la restitution des indemnités versées et le paiement d'une pénalité financière, le tribunal, qui s'est ainsi mépris sur la portée de l'exigence de proportionnalité, a violé par fausse application l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, ensemble l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4°) ALORS qu'est parfaitement proportionnée à la faute de l'assuré social et au but de protection du budget de la Sécurité Sociale une pénalité financière de 400 euros (inférieure aux indemnités fraudées de 577.40 euros) pour avoir travaillé contre une rémunération non déclarée pendant un arrêt de travail indemnisé ; qu'en affirmant le contraire le tribunal a méconnu le principe de proportionnalité et l'article L. 162.1-14 du code de la Sécurité Sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-16539
Date de la décision : 12/07/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Maladie - Indemnités journalières - Infraction au règlement des malades - Restitution - Nature juridique - Sanction (non)

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Maladie - Indemnités journalières - Infraction au règlement des malades - Restitution - Sanction financière - Possibilité de cumul SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Maladie - Indemnité journalière - Sanction prononcée par tout organisme social - Montant - Appréciation - Pouvoir des juridictions contentieuses

Si, selon l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale contrôlent, en cas de recours contre les décisions relatives à la restitution des indemnités journalières qu'il prévoit, l'adéquation de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré, ces dispositions ne confèrent pas à la restitution de l'indu le caractère d'une sanction à caractère de punition et ne font pas obstacle, dès lors, à l'application de la pénalité financière prévue par l'article L. 162-1-14, devenu L. 114-17-1 du même code. Viole dès lors ces textes, la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale qui retient qu'une telle pénalité ne peut faire l'objet d'un cumul, en application du principe ne bis in idem, avec la demande de restitution d'indemnités journalières indûment versées


Références :

article L. 162-1-14, devenu article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale

article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010.

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre, 09 janvier 2017

A rapprocher :Avis de la 2e Civ., 7 février 2018, pourvoi n° 17-70038, Bull. 2018, Avis, n° 1.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 jui. 2018, pourvoi n°17-16539, Bull. civ.Bull. 2018, II, n° 157
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, II, n° 157

Composition du Tribunal
Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16539
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