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28/06/2018 | FRANCE | N°17-10169

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 juin 2018, 17-10169


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 7 novembre 2016), que M. X... a été engagé en qualité de responsable distribution à compter du 26 février 2004 par la société Bouygues Telecom Caraïbe aux droits de laquelle se trouve la société Digicel ; que son contrat de travail comportait une clause d'exclusivité ; qu'à compter du 1er septembre 2005, il a été nommé directeur commercial, responsable de l'agence Guadeloupe ; qu'il a été licencié le 3 août 2007 et a saisi la

juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé du licenciement et solliciter...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 7 novembre 2016), que M. X... a été engagé en qualité de responsable distribution à compter du 26 février 2004 par la société Bouygues Telecom Caraïbe aux droits de laquelle se trouve la société Digicel ; que son contrat de travail comportait une clause d'exclusivité ; qu'à compter du 1er septembre 2005, il a été nommé directeur commercial, responsable de l'agence Guadeloupe ; qu'il a été licencié le 3 août 2007 et a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé du licenciement et solliciter le paiement de diverses sommes ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 13 du contrat de travail liant les parties, M. X... s'interdisait d'exercer toute activité professionnelle extérieure sans avoir recueilli à cet effet l'accord écrit et préalable de sa hiérarchie ; qu'en considérant, pour retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, que M. X... avait manqué à cette obligation, sans avoir caractérisé l'existence d'une activité professionnelle extérieure, qui ne pouvait pas se déduire de la seule circonstance que le salarié détenait la majorité des parts sociales d'une société qui, au travers d'une autre, était un prestataire de la société Digicel et qu'il avait oeuvré pour que les commandes de la société Digicel soient dirigées vers cette société prestataire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 1232-1 du code du travail ;

2°/ que ne constitue pas un manquement à l'obligation de loyauté qui pèse sur lui le fait pour un salarié de détenir une participation dans le capital d'une société prestataire de la société par laquelle il est employé sans en informer son employeur ; qu'en imputant à faute au salarié de ne pas avoir informé son employeur de ce qu'il détenait la majorité du capital d'une société prestataire, par l'intermédiaire d'une société tierce, de la société Digicel, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, L. 1222-1 et L. 1232-1 du code du travail ;

3°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en relevant à la charge du salarié, pour retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, les faits d'avoir orienté des commandes de prestations de service vers l'entreprise dans laquelle il détenait une participation et de n'avoir procédé à aucun appel d'offres visant à comparer les prix des différents prestataires, qui n'étaient pas invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé, s'en tenant aux termes de la lettre de licenciement, que le salarié était, par l'intermédiaire d'une société tierce qu'il détenait à 90%, porteur de parts majoritaire d'une société prestataire de celle de son employeur, ce dont il n'avait pas informé ce dernier, et qu'il avait oeuvré à un accord avec le responsable de la communication afin qu'il dirige ses commandes vers cette société prestataire, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la société Digicel la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. X... de l'ensemble de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE, dans sa lettre de licenciement du 3 août 2007, la société Digicel expose les motifs de sa décision de la façon suivante : « Aujourd'hui, vous occupez la fonction de directeur commercial, membre du Comité de direction. A ce titre, vous êtes responsable notamment de : - la définition et de l'atteinte des objectifs commerciaux grand public et entreprise, - la définition et la mise en oeuvre de tous les moyens pour atteindre ces objectifs, - l'encadrement de votre équipe, - la définition, la mise en place et le suivi de la stratégie commerciale et notamment les relations avec nos distributeurs. Vous occupez donc un poste stratégique au sein de la société qui nécessite une grande loyauté professionnelle. Ainsi, vous vous êtes engagé contractuellement à consacrer votre activité professionnelle à l'entreprise au sein de laquelle vous exercez vos fonctions. Or, nous avons appris récemment que vous étiez associé majoritaire à 90 % d'une société familiale dont le gérant est une personne portant le même nom que vous, et qui détient elle-même la majorité au sein d'une société qui a été l'un de nos principaux prestataires. Cette situation n'est pas seulement pas déontologique mais en outre, démontre que vous avez failli à vos obligations contractuelles stipulées notamment à l'article 13 de votre contrat de travail du 10 mars 2004, ainsi qu'à votre obligation de loyauté professionnelle et de bonne foi en omettant d'avoir requis notre autorisation, voire même de nous en avoir informés, Compte tenu du poste stratégique que vous occupez au sein de la Société, nous sommes particulièrement choqués de cette situation, d'autant que cette dernière a été dévoilée par l'une de vos associés qui s'est plainte de votre comportement particulièrement déloyale à son égard. Nous comprenons mieux maintenant le désintérêt que vous manifestez de plus en plus fréquemment dans l'exercice de vos fonctions, et notamment en ce qui concerne le suivi logistique, l'animation du réseau de distribution (définition d'une stratégie, contrôle des points de vente), le management de votre équipe et le reporting groupe, cherchant à nous en imputer la responsabilité alors que vous disposez de tous les moyens et outils pour mener à bien vos différentes missions. Ces différents éléments nous conduisent à nous séparer de vous
. » ; que les termes de cette lettre de licenciement font ressortir qu'il est reproché à M. X... non pas « avoir créé une société concurrente ou exercé une activité concurrentielle pour son propre compte, mais d'avoir eu un comportement déloyal en ayant des intérêts personnels dans une société prestataire de la société Digicel ; que, certes, dans la lettre de licenciement il n'est pas mentionné le nom de la société en cause dans laquelle M. X... aurait des intérêts, mais il y est indiqué de façon suffisamment explicite les manquements reprochés au directeur commercial, en premier lieu, en matière de déontologie, ensuite au regard des dispositions du contrat de travail et, enfin, au regard de l'obligation de loyauté professionnelle et de bonne foi ; qu'en effet, l'employeur relève dans la lettre de licenciement que le comportement de M. X..., non seulement n'est pas déontologique mais en outre démontre que celui-ci a failli à ses obligations contractuelles stipulées à l'article 13 de son contrat de travail ; que l'article 13 dudit contrat comprend une clause d'exclusivité, selon laquelle le salarié, sauf accord de la direction générale, ne doit exercer aucune activité professionnelle extérieure ; que ces dispositions sont accompagnées d'une clause de confidentialité selon laquelle le salarié doit observer une confidentialité absolue en ce qui concerne les affaires de la société et ce aussi bien pendant la durée de son contrat qu'après l'expiration de celui-ci ; qu'il y est précisé que cette obligation de réserve inclut, sans limitation, toutes informations d'ordre technique, commercial, stratégique ou financier, ainsi que toutes informations relatives à la clientèle et aux fournisseurs ; (
) que les pièces versées au débat montrent que M. X... était porteur de parts à hauteur de 90 % dans une Sarl Kawan, un proche parent étant porteur des 10 % des parts restantes ; que cette société Kawan, est elle-même porteuse de parts majoritaire dans une Sarl Blue Event qui a pour objet social, notamment la mise à disposition de personnel dans le cadre de promotion de ventes et d'animations commerciales, la création d'événements d'entreprises, et le marketing direct, comprenant les relations avec la presse et les relations publiques ; qu'iI ressort des courriers versés au débat que la très grande majorité des clients de la société Blue Event sont Bouygues Télécom Caraïbe/Digicel comme le confirme l'extrait du grand livre des comptes de la société Blue Event ; que par ailleurs, il ressort des mêmes courriers que M. X..., de conserve avec M. Ludovic A... qui gère la société Tintamarre, entreprise de publicité et de communication, a obtenu un accord avec le responsable de la communication de la société Digicel, M. Gerald B..., pour diriger ses commandes en faveur de Blue Event et Tintamarre, étant relevé que M. A... a cédé en 2006, la totalité de ses parts dans Blue Event, à la société Kawan de M. X... ; qu'il apparaît ainsi un conflit d'intérêt évident entre la société Digicel et son directeur commercial, M. X..., lequel est membre du comité de direction de la société, l'employeur expliquant que non seulement il n'a pas été informé de la prise de participation de son directeur dans une société prestataire, mais il n'a été procédé à aucun appel d'offres visant à comparer les prix de différents prestataires ; qu'il résulte de ces constatations que les manquements de M. X... aux dispositions de l'article 13 de son contrat de travail, en développant une activité parallèle au sein de la société Kawan, et de ses manquements à l'obligation de loyauté envers son employeur et d'exécution de bonne foi de son contrat de travail, justifient le licenciement prononcé à son égard ;

ALORS, 1°), QU'aux termes de l'article 13 du contrat de travail liant les parties, M. X... s'interdisait d'exercer toute activité professionnelle extérieure sans avoir recueilli à cet effet l'accord écrit et préalable de sa hiérarchie ; qu'en considérant, pour retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, que M. X... avait manqué à cette obligation, sans avoir caractérisé l'existence d'une activité professionnelle extérieure, qui ne pouvait pas se déduire de la seule circonstance que le salarié détenait la majorité des parts sociales d'une société qui, au travers d'une autre, était un prestataire de la société Digicel et qu'il avait oeuvré pour que les commandes de la société Digicel soient dirigées vers cette société prestataire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 1232-1 du code du travail ;

ALORS, 2°), QUE ne constitue pas un manquement à l'obligation de loyauté qui pèse sur lui le fait pour un salarié de détenir une participation dans le capital d'une société prestataire de la société par laquelle il est employé sans en informer son employeur ; qu'en imputant à faute au salarié de ne pas avoir informé son employeur de ce qu'il détenait la majorité du capital d'une société prestataire, par l'intermédiaire d'une société tierce, de la société Digicel, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, L. 1222-1 et L. 1232-1 du code du travail ;

ALORS, 3°), QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en relevant à la charge du salarié, pour retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, les faits d'avoir orienté des commandes de prestations de service vers l'entreprise dans laquelle il détenait une participation et de n'avoir procédé à aucun appel d'offres visant à comparer les prix des différents prestataires, qui n'étaient pas invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-10169
Date de la décision : 28/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 07 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 jui. 2018, pourvoi n°17-10169


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10169
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